chapitre 19
| 24 octobre 2005
☆
Bien que très enthousiaste de revoir Baji après leur dernière altercation catastrophique, Noa grimaça en arrivant à son niveau - ou plutôt à celui des quelques filles du Shirohebi qui l'entouraient malgré son agacement visible. Mécontente, elle les dépassa jusqu'à pouvoir leur faire face aux côtés de l'adolescent dont l'une des mains trouva instinctivement son poignet. Ce n'étaient que des adolescentes, pas les plus effrayantes qu'Asuga devait avoir sous la main mais leur présence la rendit presque aussi nerveuse que celle des membres du Valhalla qu'elle avait croisés la veille.
— Tiens, le petit bébé est là, ricana l'une d'elles. Stresse pas, on voulait juste voir la moto.
— Petit bébé ? releva Noa avec confusion. Vous devez avoir un an de plus que moi, maximum...
— Mais regarde-nous et regarde-toi. Tu vois la différence, non ?
— C'est encore plus frappant quand t'es à côté de lui, renchérit une autre en désignant Baji du regard. T'es un p'tit bébé.
Elle tenta bien de les contredire, et ne trouva pas les mots pour le faire. Ce n'était que la vérité. Noa faisait tâche au milieu des plus forts, des débrouillards, des charismatiques. Ces filles ne possédaient bien sûr pas un quart de la prestance d'Asuga, mais si elles avaient voulu lui faire du mal ici et maintenant, elle n'aurait pas été capable de les en empêcher. Et peut-être... Peut-être que si Noa avait été un peu plus comme elles, comme Daitan, elle aurait pu se revendiquer membre du Toman depuis longtemps déjà.
— C'est pas parce qu'elle ressemble pas à une brute comme vous que c'est un bébé, intervint Baji. Vous êtes bizarres.
D'une légère pression sur son poignet, il la tira hors de ses doutes sans le savoir et lui fit comprendre qu'il était temps de partir. Trop étonnées par sa réplique pour continuer à les embêter, les délinquantes reculèrent sans causer plus de soucis et observèrent celle qu'elles pensaient trop peureuse et trop naïve pour se faire une place dans ce milieu monter à l'arrière de la moto comme si elle l'avait fait toute sa vie. À bien y réfléchir, elle était peut-être trop à l'aise avec des gens comme eux pour n'être qu'une petite fille perdue.
— J'ai pas de casque, ça ira ? Y'a pas le choix de toute façon.
— Où est-ce qu'on va ? s'enquit Noa après avoir acquiescé.
— J'te ramène juste chez toi, répondit Baji.
Les mains serrées sur son blouson blanc tandis qu'il démarrait sans un regard de plus pour le Shirohebi, elle pinça les lèvres. Des années qu'ils se connaissaient et elle ne l'avait jamais connu si distant, et elle craignait que la situation ne lui échappe. Tout ce que Noa savait, c'était que Kisaki devait être arrêté, que Baji tenait à s'en occuper seul pour ne pas causer de problèmes au Toman, et qu'il était hors de question qu'elle le laisse faire. Mikey, Daitan, Draken et tous les autres se devaient de veiller sur le gang avant tout et avaient déjà assez à gérer, mais Noa, elle, n'avait aucune excuse pour abandonner Baji à son propre sort. Alors il pouvait bien se montrer aussi fermé qu'il le voulait, elle ne faillirait pas à sa mission. Elle serait là jusqu'à la fin.
Un juron échappa à l'adolescente lorsqu'elle reconnut la rue qu'elle habitait et que l'existence de ses parents lui revint en tête. Non pas qu'ils devaient mourir d'inquiétude ou se soucier d'elle plus que d'habitude, mais l'accord tacite entre eux avait toujours été de prévenir avant de sortir, quelque soit la durée ou la raison de la sortie. C'était une question de praticité, selon eux. Pour savoir combien d'assiettes mettre à table, et pour être certains de ne pas avoir à appeler la police. Ils avaient commencé à se montrer si désintéressés par tout ce qui la concernait en apprenant qu'elle passait plus de temps avec un groupe de délinquants qu'avec les filles de son âge. C'était comme s'ils avaient toujours su qu'elle finirait par plonger aussi et ne voyaient donc pas de raison de s'attacher à elle.
Malgré le fait que Baji avait clairement dit qu'il ne faisait que la ramener, Noa refusa de descendre du véhicule lorsqu'il abaissa la béquille pour l'inciter à le faire. Elle garda ses bras autour de lui comme s'il risquait de la pousser lui-même, mais il se contenta de lâcher un soupir agacé.
— Pourquoi t'es venu me chercher ? J'aurais pu rentrer seule, si c'est que ça.
— Tu comptais faire tout ce chemin à pieds alors que tu le connais même pas ?
— J'aurais pu demander à Asuga de m'aider, mentit Noa. En tout cas, je comprends pas ce qui t'a poussé à vouloir me ramener en personne alors que je suis censée être le cadet de tes soucis.
— Bah tant pis si tu comprends pas. Tu descends ou faut dérouler le tapis rouge ?
— Viens avec moi, alors.
— Hein ?
— Je veux qu'on parle, insista-t-elle. Tu peux passer par derrière, je te rejoindrai dans ma chambre une fois que j'aurai lâché une excuse bidon à mes parents pour mon absence.
— Attends, t'es pas du tout rentrée chez toi entre hier et aujourd'hui ? releva Baji, tournant enfin la tête sur le côté pour la regarder. T'as passé la nuit où ?
— Dans la planque du Shirohebi. Ils voulaient pas que je parte avant d'avoir vu Asuga mais elle était pas là. Bref, tu viens alors ?
Sans se défaire de son mécontentement bien visible, il marmonna une vague réponse positive. Noa esquissa un sourire satisfait en relâchant enfin sa prise sur lui, puis exigea qu'il descende en premier pour être certaine qu'il ne partirait pas dès qu'elle aurait les deux pieds à terre. Son manque de confiance - pourtant légitime - le vexa presque. Baji fit donc ce qu'elle voulait et, par pur réflexe, tendit une main vers elle pour l'aider à descendre. Il ne réalisa son geste que lorsqu'elle la saisit, les joues aussi roses que s'ils commençaient tout juste à sortir ensemble. Pour dissimuler sa gêne, elle s'éclaircit la voix en laissant retomber sa main et désigna nerveusement l'arrière de sa maison du bout du doigt.
— Passe par là, il y a juste un muret et t'as qu'à m'attendre devant la fenêtre pendant que je parle à mes parents. J'en ai pour deux minutes.
— Je vais pas rester longtemps, je te préviens, lança-t-il tout en suivant ses directives. Grouille-toi.
Agacée par son impatience et le ton rude auquel elle avait le droit depuis leur dernier échange, Noa leva les yeux au ciel dès qu'il eut le dos tourné.
Pour éviter de converser trop longuement avec ses parents, l'excuse fut toute trouvée. Ils détestaient déjà Daitan, dire qu'elle avait passé toute la nuit à traîner avec elle n'aurait aucune conséquence et ne les surprendrait même pas. Daitan ne lui en voudrait pas non plus puisqu'elles n'étaient de toute manière plus en contact, peut-être même plus amies... Cette idée la fit grimacer. La connaissant, sa meilleure amie avait dû la chercher ces derniers jours avant de céder à la déception et de se reposer sur l'espoir que Baji n'irait pas jusqu'à causer volontairement des ennuis à Noa. Elle l'avait déçue, aucun doute là-dessus. Elle avait déçu son amie la plus chère, celle qu'elle admirait et celle qui avait toujours veillé sur elle.
Elle lut le même constat dans les yeux de Baji en refermant la porte de sa chambre derrière elle, ou du moins mêlé à toute cette méfiance qui, elle le savait, n'était dirigée que vers Asuga et le Shirohebi. Il avait l'air d'osciller entre la priorité de s'assurer qu'elle n'avait vraiment rien et l'urgence de la questionner sur ses agissements plus qu'irréfléchis. Ces deux options agacèrent Noa.
— C'est pas d'Asuga dont j'ai le plus peur dans vos délires de gangs, tu sais ? lança-t-elle. Tu te méfies d'elle comme si les gars passaient pas leur temps à violer et agresser les copines et les sœurs de ceux qui leur plaisent pas trop. Elle est spéciale, d'accord... mais de ce que j'ai compris, elle cherche plutôt à protéger les délinquantes qu'à les menacer.
— Et t'es une délinquante, toi ? C'est ça que tu cherches à accomplir ?
— Non, toi, qu'est-ce que tu cherches à accomplir ? répliqua Noa, les joues rosies par la colère. C'est à moi de poser des questions, là. Je te dois clairement rien après ce que tu m'as balancé la dernière fois.
Elle sut à son silence et son inhabituelle expression très sérieuse que Baji était conscient de la cruauté dont il avait fait preuve. Alors qu'elle ne le quitta pas du regard, ses iris foncées à lui glissèrent vers les quelques photos accrochées à un pan de mur près du lit de l'adolescente. Daitan y apparaissait beaucoup, enfant ou bien à son âge actuel. Le Toman était omniprésent et le sourire de Noa était toujours grand lorsqu'on la trouvait à leurs côtés. Il se vit lui, aussi, et eut du mal à se reconnaître dans cet air... gentil et étrangement docile qu'il affichait sur l'un des clichés, alors assis sur l'une des marches du sanctuaire Musashi et la tête de Noa posée sur son épaule. Si c'était à cela qu'il ressemblait dès qu'elle était dans les parages, il comprenait finalement les moqueries de ses amis. Même Draken dissimulait mieux ses sentiments.
— Je te parlerai pas de ce que je fais dans le Valhalla ou de mon rapport au Toman parce que ça a rien à voir avec toi, répondit-il avant de reporter son attention sur elle et d'avancer d'un pas dans sa direction. Mais ce que je t'ai dit, c'était parce que je veux que ça...
Noa retint son souffle et fronça les sourcils de confusion lorsqu'il désigna la cicatrice sous sa mâchoire, la même qu'Asuga avait questionnée plus tôt dans la journée.
— ...Ça se reproduise jamais.
— Je comprends pas, avoua-t-elle.
— On se fout de sa gueule, mais c'est Draken qui a tout compris. T'es comme Emma, t'as rien à faire au milieu de tout ça, t'es trop bien pour ça. Cet incident y a un an a prouvé qu'il suffisait que des gars louches comprennent que t'étais amie avec le Toman pour vouloir te mêler au truc, alors imagine en tant que copine d'un capitaine de division. Je me mets dans la merde, là, et ça devrait pas être ton problème à toi. C'est tout. Je m'étais déjà juré que ça arriverait pas une deuxième fois, je fais que remplir cette promesse même si tu dois m'en vouloir à mort pour ça.
Les yeux écarquillés, la petite brune dut retenir un rire nerveux. Le voir aligner tant de mots après s'être montré si distant la prit au dépourvu, d'autant plus des mots si dénués de sens. Ce ne fut pourtant pas ces derniers qu'elle releva en premier, toujours en quête d'une seule et même réponse qui lui permettrait d'aborder la suite des événements bien plus calmement.
— Donc, ce que t'as dit la dernière fois... Tu le pensais pas ?
— Bah non, souffla-t-il avec frustration. Mis à part quand je t'ai dit de rester avec le Toman au lieu de me suivre.
Trop pressée de le contredire sur tous les points, Noa passa ses deux mains sur son visage comme pour faire passer le soulagement de savoir qu'elle était loin de ne représenter pour lui qu'une « simple copine » et garder la tête froide.
— Mais tu te rends compte de ce que tu dis ? râla-t-elle. J'ai jamais vu quelqu'un d'aussi loyal que toi et pourtant, t'arrives pas à comprendre la loyauté des autres.
— J'ai du mal à comprendre pourquoi tu resterais loyale envers quelqu'un qui te dit ne pas vouloir ça, ouais, répliqua Baji.
— Ça va au-delà de ça, imbécile. Vous avez jamais voulu de moi dans le Toman mais t'as vu les photos, tu sais ce que le gang représente pour moi. Les membres, mais aussi le symbole. Ce maudit gang a été créé parce que vous vouliez veiller les uns sur les autres, rester soudés, pas vrai ? La mentalité ça a toujours été de ne laisser personne derrière. C'est envers ça que je suis loyale. Je suis peut-être pas un membre officiel mais j'étais là à la création du Toman et c'est hors de question que je le regarde s'auto-detruire comme n'importe quel autre gang avide de succès. Vous êtes plus que ça.
L'air plus tiraillé encore, Baji secoua la tête. Son attention se porta de nouveau vers le mur de photos derrière Noa pour détailler un visage qui n'y figurait qu'une ou deux fois. Une absence que seul le temps justifiait car Noa et lui étaient pourtant proches, à l'époque où il n'était pas condamné à rester confiné entre quatre murs pour repenser ses erreurs. En suivant son regard, l'adolescente comprit ce que Baji avait en tête avant même qu'il ne reprenne la parole.
— Cette mentalité, c'est une des raisons pour lesquelles je fais ça.
— Pour Kazutora, élucida-t-elle avec une légère amertume qu'elle ne sut dissimuler. Qui s'est empressé de rejoindre ceux qui veulent du mal au Toman plutôt que de revenir et s'excuser auprès de Mikey.
— Tu l'as dit toi-même, fit-il avec sérieux. On laisse personne derrière, même s'ils sont sévèrement perdus. Mikey peut s'en sortir sans moi, il a du monde. Kazutora a plus personne à part moi. Je le laisse pas derrière, c'est mort.
Sans réfléchir et avec toute l'inquiétude que son corps fatigué pouvait bien contenir, Noa vint enrouler ses bras autour de lui. Il n'existait que très peu de sujets tabous au sein du groupe d'amis de qui découlait la création du Toman, mais la mort de Shinichiro en était un. Baji avait obtenu le pardon de Mikey et depuis, on n'en parlait plus. La question de savoir ce qu'il se passerait à la libération de Kazutora n'avait jamais été posée mais Noa - et d'autres, sûrement - avait supposé qu'il viendrait trouver le Toman, présenter ses excuses et réintégrer le gang. Pourquoi cet idiot s'était-il engagé avec le Valhalla ? Et si Kisaki avait conscience de cette faille qui trônait entre les fondateurs, il s'en servirait forcément. À cette pensée, Noa serra Baji un peu plus fort contre elle comme pour lui dire qu'elle comprenait ses tourments et qu'elle était désolée, mais pas désolée de refuser de l'abandonner. Un soupir d'aise et de soulagement lui échappa lorsque les mains du délinquant trouvèrent respectivement son dos et l'arrière de sa tête. Lui aussi était désolé, mais pas désolé d'avoir voulu faire passer sa sécurité à elle avant le reste.
— Cette Asuga, reprit-il sans prendre la peine de la lâcher, elle est réglo ? Tu lui fais confiance ?
— Ben... Je la connais pas très bien mais je crois que j'ai fait bonne impression. Elle me fera pas de mal, en tout cas. Elle sait la vérité sur le Valhalla et elle fera rien pour nous empêcher de la faire éclater.
— D'accord.
Comprenant qu'il n'avait d'autre choix que d'accepter la situation, Baji se contenta de rendre à Noa son étreinte avec la même vigueur et ferma un instant les yeux. Il n'était sûrement plus à cela près. Si les choses tournaient vraiment mal au moment venu, il était certain que Daitan ne laisserait rien lui arriver. Et, bien qu'il était dur de l'admettre, la protection d'Asuga lui serait sûrement précieuse. Quoiqu'il advienne, il pouvait céder et accepter de ne pas pouvoir l'empêcher de se trouver près de lui. La blâmer aurait été hypocrite ; il n'avait jamais souhaité se tenir loin d'elle non plus.
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— Tu crois qu'il reculera ? Kazutora, je veux dire. Ça devrait lui faire quelque chose de tous nous revoir, non ?
Affalé sur son lit et la tête confortablement posée sur le ventre de Daitan dont il sentait le regard scruter ses réactions, Mikey ne prit pas la peine de relever les yeux pour lui répondre, ni même d'avoir l'air de s'en soucier. Le moment était bien trop calme et tendre pour repenser à la mort précoce de Shinichiro et à cet ancien ami qui refusait de le respecter. Il espérait plutôt trouver une solution quant à ceux qui lui importaient vraiment dans la sagesse de Daitan.
— Il a même pas essayé de se faire pardonner. On peut rien pour lui. Mon seul souci là-dedans c'est Baji.
— Il est pas réellement contre le Toman, s'empressa-t-elle d'affirmer. Il veut juste... veiller sur Kazutora, je suppose. On reste ses amis d'enfance et il reste l'un des fondateurs du Toman. Je peux pas croire qu'ils nous feraient vraiment du mal.
— Mais il préfère « veiller sur Kazutora » que nous soutenir alors que c'est lui qui a merdé et lui qui revient nous attaquer.
Daitan ne sut comment répondre. Mikey était un bon leader, bienveillant avec ceux qui le méritaient mais intolérant à la trahison. Ce devait être une qualité, quelque part, mais rayer de sa vie et punir un ami ne relevait pas de la même force d'esprit. Au-delà de la perte d'un capitaine de division essentiel à l'équilibre du gang, il avait été blessé de voir partir si soudainement l'un de ses proches, à qui il avait tout pardonné malgré ses propres souffrances. Il ne comprenait pas, était jaloux et plein de rancœur, Daitan le savait mieux que personne. Ils avaient tous les deux grandi avec Baji à leurs côtés, toutes ses fautes les plus graves avaient été effacées pour le bien de cette amitié qui devait représenter plus que ce qu'elle semblait être aujourd'hui. Et en guise de réponse, il choisissait le camp adverse à la moindre occasion.
Elle aurait voulu dire à Mikey que rien de tout cela n'était vrai, que Baji mettait encore bel et bien le Toman devant tout le reste, mais c'était impossible. Il ne lui restait plus qu'à espérer que Baji parvienne à ses fins, arrête Kisaki et puisse revenir sans plus de problèmes. Kazutora restait un mystère, par contre. Les mains toujours occupées à jouer distraitement avec les cheveux couleur or étalés sous ses yeux, Daitan laissa un soupir fatigué lui échapper.
— Shinichiro aurait su quoi faire, reprit-il d'un ton si calme qu'il aurait été facile d'oublier tous les regrets et l'amertume que cette simple réplique renfermait.
— Peut-être, mais t'es pas lui. Il aurait eu de bons conseils à te donner, c'est sûr, mais en définitive, c'est toujours toi qui décides. Et puis, je crois que tu sais très bien ce qu'il aurait dit.
Tout en y réfléchissant, Mikey attrapa sa main gauche pour la démêler de ses mèches blondes et triturer ses bagues à la place. Parmi les neuf bijoux qui décoraient ses mains en permanence, sept lui avaient été offerts par ses amis proches. Une manière originale de tous les garder près d'elle comme les joyaux qu'ils étaient. Mikey occupait son majeur gauche depuis des années ; à l'époque avec une bague fantaisie qu'il lui avait donnée lorsqu'ils étaient enfants, puis il l'avait remplacée par un bijou un peu plus sérieux - dans la limite du raisonnable - qui avait la forme et la couleur d'une akaichurippu.
— Et Noa ? fit-il en posant les yeux sur le seul doigt nu de l'adolescente. T'en penses quoi ?
— Je comprends pourquoi elle a suivi Baji, répondit Daitan à contrecœur. On a toujours dit qu'on laissait personne derrière et ils ont un lien spécial, elle peut pas le laisser se perdre et se mettre dans la merde tout seul. Si c'était toi, je... Enfin, c'est pas pareil, s'interrompit-elle en secouant la tête.
— Pourquoi ?
— Pourquoi quoi ?
— Pourquoi c'est pas pareil ?
— Ben... Je sais pas, confia-t-elle avec confusion. C'est pareil, tu crois ?
— À peu près. Je sais que tu me ramènerais aussi si je me perdais.
Daitan dut retenir le rire nerveux et ironique qui menaça de lui échapper. Il n'avait conscience ni du danger ambulant qu'il était, ni du fait qu'il était tellement impossible de le ramener une fois perdu qu'elle en était réduite à tenter de changer le passé pour qu'il ne se perde jamais.
— Tu me laisserais faire ?
— Probablement pas, sourit Mikey sans aucune joie. Mais tu le ferais quand même.
Dans un geste exprimant un constat que personne n'aurait su mettre sous forme de mots, il retira deux bagues de la main de Daitan. La sienne, et celle d'Emma - l'unique bijou doré qu'elle acceptait de porter, détonnant au milieu de la masse argentée. Il les enleva une par une, puis les inversa et plaça ainsi la tulipe à son annulaire avant de la tapoter deux fois comme pour indiquer son immobilité, son caractère éternel. Une manière tacite de dire que se perdre en chemin ne l'empêcherait pas de trouver la ligne d'arrivée tant qu'elle ne bougeait pas. Ce fut peut-être la première fois que Daitan ressentit une pointe d'espoir pour son avenir depuis les révélations de Takemichi.
Apaisé par cette conclusion, il ferma les yeux en reposant la main de la brune sur le côté de son visage pour s'en servir comme d'un oreiller. Daitan continua de le toiser en silence, le bout de ses doigts contre son cou où elle pouvait percevoir le rythme paisible de son pouls et sa main libre posée sur le haut de son crâne, enterrée sous la masse de cheveux blonds. Difficile de croire qu'elle avait sous les yeux la personne qui ruinerait sa vie un jour ou l'autre.
— Tu peux continuer à m'admirer mais me réveille pas avant le 30 octobre, j'ai la flemme d'exister jusque-là.
Un sourire amusé étira les lèvres de Daitan tandis qu'elle reposait sa tête contre le mur. En abaissant les paupières à son tour, elle se dit qu'elle pouvait bien s'octroyer un instant sans penser au futur, ni à Noa et encore moins au danger du Shirohebi.
— Ouais, pareil.
Le Halloween Sanglant arriverait bien assez tôt.
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。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆
daitan et mikey sont trop pips, hâte de les briser
(je disais ça dans la nda d'origine... c'est réel)
- daeremagon
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