chapitre 15
| 15 août 2017
☆
Dans la planque située en plein centre de Kabukichō et occupée par autant de substances illicites que de femmes, on entendit un amas de cartes s'écraser sur une table basse et un soupir plus qu'agacé traverser la pièce. Le léger rire amusé qui suivit cette démonstration de mécontentement ne fit qu'accentuer un peu plus la mauvaise humeur de la perdante.
— Encore une défaite, chou. Je vais finir par choisir une nouvelle numéro deux pour m'épauler.
Daitan secoua la tête avec ironie, l'esprit déjà loin de la partie de cartes qui venait de se jouer. Autour d'elle, la musique, les voix multiples et l'ambiance générale commençaient à devenir trop alors, après avoir fini son énième verre de la soirée, elle s'appliqua à dresser sur la table une belle ligne de cette poudre blanche qui lui sauvait la vie autant qu'elle la détruisait, tout cela sous le regard de sa collègue habituée. Parée d'une veste en fourrure aussi rose que ses cheveux et de la bague bien trop chère pour être estimée qui trônait toujours à son annulaire gauche, cette dernière remit en place ses iconiques lunettes de soleil en forme de cœurs sur son nez tandis que Daitan daignait enfin lui répondre.
— Ferme ta gueule, Haitani. Ça me fait chier autant que toi de l'admettre, mais tu pourrais pas te passer de moi.
— J'aurais du mal à trouver une femme aussi compétente pour me succéder au commandement du Shirohebi, c'est pas faux. Mais bon, tu ne me sers plus à rien si tu ne fais qu'empiler les dettes et te droguer à longueur de journées.
Trop occupée à renifler sa préparation, Daitan ignora cette remarque de toute manière trop nonchalante pour attendre une réelle réponse. Elle se laissa ensuite retomber jusqu'à entrer en contact avec le dossier du canapé et attendit patiemment que les effets désirés fassent leur apparition, la tête renversée vers l'arrière et un sourire satisfait un instant inscrit sur le visage. Tandis qu'on lui servait un nouveau verre d'alcool, Asuga leva les yeux au ciel et entreprit de s'allumer une cigarette tout en surveillant l'heure.
— Ils devraient pas tarder, fit-elle remarquer.
Ce fût au tour de Daitan de lever les yeux au ciel, parce qu'elle savait qui étaient « ils » et qu'elle n'aimait jamais les croiser, encore moins si Asuga était dans les parages. Tant pis, elle irait trouver un autre endroit où passer le reste de la soirée. C'était toujours plus souhaitable que de la passer en compagnie des deux dirigeants de Roppongi et de la leader trop excentrique du célèbre Shirohebi. Cette dernière, impatiente, chargea quelques unes de ses subordonnées de nettoyer un peu avant qu'ils arrivent. Daitan les écouta d'une oreille, le regard rivé à la télévision qui se trouvait à l'autre bout de la pièce. Le son ne lui parvenait pas mais les images et grands titres parlaient d'eux-mêmes.
Un homicide survenu quatre jours plus tôt dans la capitale japonaise avait fait un mort. Une morte. Même positivement stimulée par la cocaïne, Daitan sentit son cœur se serrer en lisant le nom de la victime. Hinata Tachibana. Le portrait diffusé était bien le sien, elle n'avait pas changé depuis le collège. Ses cheveux étaient seulement plus long et son visage plus mature. Elle était devenue professeure d'école, paraissait-il.
— Tu la connaissais ? s'enquit Asuga.
— Vite fait. C'était la copine d'un pote de Manjiro.
C'était pathétique de refuser de l'appeler Mikey, Daitan le savait, mais ce pseudonyme lui rappelait trop son adolescence, ses pertes et ses échecs. Elle n'avait plus rien à voir avec lui et ne voulait pas se souvenir de la personne qu'il avait été avant que tout parte en vrille.
— Ah, le Toman, c'est plus ce que c'était... pas vrai la Tornade ?
— Cheffe du Shirohebi ou pas, j'vais te coller mon poing dans la gueule si tu continues à m'appeler comme ça.
— Qui va mettre son poing dans la magnifique gueule de la cheffe du Shirohebi ?
Daitan serra les dents rien qu'en entendant cette voix qu'elle avait toujours trouvé agaçante. Elle n'eut pas besoin de se tourner vers Asuga pour savoir que son regard venait de s'illuminer comme celui d'un enfant découvrant ses cadeaux de Noël. Il fallait toujours qu'ils soient trop niais. Daitan ne supportait même plus de voir leurs alliances respectives briller au moindre geste de main. Peut-être était-elle devenue allergique à l'amour en renonçant à la seule personne dont son cœur avait bien voulu.
— C'est quand même pas toi, Daitan ? railla Ran.
— Et plutôt deux fois qu'une, marmonna la concernée tandis qu'il se faisait une joie de saluer sa femme en bonne et dûe forme sans se soucier du regard des autres. Bon allez, j'me tire.
— Vraiment ? fit Rindo. On dirait presque que c'est personnel, là.
— Ça l'est, duh. Si jamais tu veux me casser un truc c'est le bon moment, je sentirai rien.
— Eh, non, j'ai besoin d'elle en un seul morceau, intervint Asuga.
— Dommage. Bref, j'suis pas assez sobre pour ça et je compte pas l'être aujourd'hui alors amusez-vous bien. Trop de Haitani au même endroit, se justifia-t-elle avec humour. Bye.
Avant de contourner les deux qu'elle évitait comme la peste, Daitan s'empara d'une bouteille à peine entamée posée là. Consciente que l'insolence de la criminelle était exacerbée par la substance qu'elle venait de consommer, Asuga l'observa tapoter l'épaule de Rindo avec ironie lorsqu'elle le dépassa et s'amusa de la confusion que ce geste créa chez ce dernier. Dans son état normal, Daitan les évitait en silence et s'arrangeait pour ne même pas avoir à les regarder, alors ce changement d'attitude avait de quoi le perturber.
— Reviens en vie, chou. Pas envie de chercher quelqu'un pour te remplacer, sourit la leader.
— J'y penserai.
Sa bouteille distraitement maintenue par le goulot dans une main et son téléphone dans l'autre, Daitan quitta le bâtiment par derrière et eut un rictus dégouté face à son écran ouvert sur les actualités. Asuga avait eu raison de prononcer ces mots à propos du Toman, car c'était bien lui qui se cachait derrière la mort d'Hina et que, de son temps, jamais il n'aurait été désigné comme une organisation criminelle. Près de douze ans s'étaient écoulés depuis la révélation des capacités de Takemichi. De toute évidence, Daitan n'avait fait qu'empirer son propre futur en croyant pouvoir garder Noa près d'elle. Au moins Noa, s'était-elle dit. Peut-être pas le Toman, ni le garçon qu'elle aimait, mais au moins Noa. C'était ainsi qu'elle avait causé la perte de sa meilleure amie, et la sienne au passage. Pendant des années, Daitan avait au moins espéré que Takemichi avait pu parvenir à ses fins, que les changements qu'il avait opérés sur le passé avaient sauvé Hina. Ç'avait été son lot de consolation, et le Toman venait de lui arracher cela aussi.
L'espace d'un instant, elle se dit qu'elle aurait sûrement dû faire plus pour Hina aussi. Les Grands de ce qu'il restait du Tokyo Manjikai se trouvaient dans la liste de ses contacts, après tout ; sa position dans le Shirohebi l'y obligeait. Peut-être aurait-elle pu essayer plus fort au lieu de s'effrondrer ainsi, de tomber dans un nombre incalculable de vices qui la détruiraient précocement. La pensée l'effleura avant d'être chassée par une autre, son cerveau étant trop stimulé - intoxiqué - pour s'attarder sur une même idée trop longtemps, puis Daitan avala une longue gorgée d'alcool. Elle fit défiler l'article jusqu'à apercevoir les uniques clichés que la presse possédait de Mikey, ceux qu'on retrouvait à chaque fois que le Toman était considéré comme suspect d'une affaire et que les journalistes ressentaient à nouveau le besoin de se plaindre de l'impossibilité de le trouver.
Il lui fallut une gorgée d'autant plus longue pour supporter la vue de cette photo. Depuis le temps qu'elle travaillait pour Asuga, elle avait bien eu des occasions de le recroiser et savait pertinemment qu'il n'avait plus rien de celui qu'elle avait aimé - voulait encore aimer, peut-être - mais c'était comme se prendre une claque en pleine figure à chaque fois. Ses cheveux blonds étaient plus longs qu'autrefois, plaqués en arrière, et renforçaient l'air sérieux qui ne le quittait jamais. Sur cette fameuse image, on voyait dépasser de son col le dragon tatoué à l'encre noire dans la peau de son cou. Ces détails auraient pu être anodins s'il n'avait pas eu ce regard ; celui d'un leader ayant perdu son chemin et tous ses repères, forcé de diriger au milieu des profiteurs et des véritables criminels.
Sans réfléchir, l'esprit trouble après tant de substances illicites consommées, Daitan se jeta sur sa liste de contacts et glissa jusqu'à trouver un numéro qui ne lui avait jamais servi en des années de travail dans le milieu de la criminalité japonaise. Elle n'y avait jamais lié aucun nom, se refusant à lui accorder le surnom qui l'avait suivi durant son adolescence et trop peinée de l'appeler par son nom complet pour s'infliger ça jusqu'à son propre téléphone. Sans se laisser le temps d'hésiter, elle confirma sa démarche et colla l'écran à son oreille sans savoir à quoi s'attendre. C'était bête. Il n'avait probablement même pas son numéro, elle-même ne l'avait que parce qu'Asuga voulait s'assurer qu'elle pourrait faire son travail à sa place si elle en avait besoin un jour — ça aussi c'était bête, Asuga ne contactait de toute manière jamais Mikey pour faire affaire avec le Toman, ce n'était pas avec lui qu'elle avait conclu un marché douze ans auparavant.
Le temps des quelques sonneries qui parurent affreusement longues à son esprit rendu impatient, Daitan fit les cent pas puis se mit à déambuler dans la rue adjacente sans réel but. Ensuite, les sonneries cessèrent et elle dut regarder l'écran pour avoir la confirmation que quelqu'un avait bien décroché puisqu'aucun mot ne lui fut adressé.
— On joue au roi du silence ou quoi ? lança-t-elle bêtement, presque amusée par sa propre remarque.
Il y eut une poignée de secondes silencieuses supplémentaires et, bien que complètement déchirée, Daitan eut l'impression véridique qu'il avait seulement attendu de savoir à qui il s'adressait.
— Qu'est-ce que tu me veux ? questionna Mikey sans l'ombre d'un quelconque intérêt pour ce qu'elle avait à dire.
— Parler, j'suppose.
— De ?
— Hinata Tachibana. Tu sais, la copine de Takemichi. Takemichou, insista-t-elle puisqu'il ne répondait pas.
— Et ?
Même dans son état, Daitan parvint à se sentir en colère. Elle refusait de croire qu'il était si indifférent, que rien ne pouvait le faire réagir.
— Pourquoi vous avez fait ça ? Elle était innocente. Takemichi est même plus en contact avec qui que ce soit de ce milieu. Alors pourquoi ?
— C'était pas mon initiative et ça me regarde pas, donc j'ai aucune réponse à t'apporter. C'est tout ?
— C'est tout ? ricana-t-elle. Non c'est pas tout, enfoiré. Tu laisses réellement des gars diriger le gang que t'as créé et en faire ce qu'ils veulent comme si t'étais pas le vrai chef ? C'est quoi ce délire ? Évidemment que ça te regarde !
Son mutisme l'agaça au possible. Sans prendre la peine de s'éloigner du micro, Daitan ingurgita toujours un peu plus d'alcool et ne ressentit bientôt plus que sa colère et sa peine. C'était un cauchemar. Sa vie était un cauchemar. Avait-elle vraiment son amour de jeunesse au téléphone ? Elle aurait juré que même sa voix ne lui ressemblait plus.
— Je veux juste savoir pourquoi elle est morte.
— Et je t'ai dit que j'en savais rien. Tu devrais raccrocher.
— Pourquoi ?
— Tu le regretteras quand tu seras sobre, je dis ça pour toi. Dans tous les cas, si t'as autre chose à dire, j'aimerais bien ne pas avoir à t'entendre de bourrer la gueule.
— Ah ? le provoqua-t-elle ouvertement avant de répéter son action avec insolence. Pourquoi ? Avec un peu de chance, je serai même plus jamais sobre !
La plaisanterie ne fit rire qu'elle.
— P'tain, j'ai mal au crâne.
— Tu sais au moins où t'es ?
— Pourquoi j'saurais pas ?
— Je t'entends marcher.
— Qu'est-ce que ça peut te faire ?
— Je dis ça pour toi.
Et il n'avait pas tort ; elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait mais n'était pas assez concentrée pour y prêter attention. Depuis quand la bouteille était-elle si peu remplie ? Les effets stimulants de la cocaïne semblaient avoir déjà anormalement disparu et sa vue se troublait peu à peu. Était-il censé faire si froid en août ? Épuisée, Daitan s'arrêta pour s'adosser à un mur aléatoire et ferma les yeux une seconde. À l'autre bout du fil, son interlocuteur ne disait plus rien et écoutait le souffle irrégulier de la criminelle en silence. À la peine et la colère venait de s'ajouter la peur ; une peur d'enfant perdue qui ne sait plus quoi faire, qui manque d'un guide, celle d'une adulte qui a raté sa vie. Quand les souffles devinrent presque des sanglots, ses derniers murs s'effondrèrent et Daitan prononça désespérément le nom de celui qui l'avait autrefois guidée et qu'elle avait été incapable de guider à son tour.
— Mikey.
Le silence devint une réaction en lui-même car elle fut certaine qu'il n'était pas complètement indifférent à sa détresse.
— Je veux juste savoir... pourquoi elle est morte? supplia-t-elle.
— Hinata ?
Désorientée et en proie à une telle souffrance qu'elle aurait été incapable de mettre des mots dessus, Daitan secoua la tête. Bien sûr que la mort d'Hina ne la mettait pas dans cet état, tous deux le savaient. Bêtement, elle détesta Mikey de la mettre face à cette vérité qu'elle fuyait depuis trop longtemps comme elle le détestait d'être devenu ce qu'il était, de ne pas l'avoir retenue, de ne pas avoir continué à la guider. Elle passait bien trop de temps à se maudire pour tout ça, pourquoi continuait-il à se comporter ainsi au lieu de se haïr ? Son indifférence la frustrait, et sur le coup, elle souhaita qu'il souffre au moins autant qu'elle pour leurs vies gâchées et leur incapacité à s'oublier malgré tout le mal qu'ils se faisaient de par leur simple existence.
— J'te hais tellement, si tu savais...
— Donc tu sais pas où t'es. On est en bon termes avec le Shirohebi, tu sais que je peux pas te laisser crever sans rien faire, pas vrai ?
— J'en ai rien à foutre...
Ce fut au moment où elle serra les dents que ces dernières se mirent à claquer. Pâle et frigorifiée, Daitan se laissa glisser le long du mur jusqu'à s'asseoir à même le sol. À cette heure-ci, il n'y avait pas grand monde dans les rues et ceux qui y étaient ne faisaient que des aller-retour entre la planque de leur gang et le bar le plus proche, personne ne prêtait attention à elle. Les derniers mots de Mikey se répétèrent dans sa tête et elle gloussa comme pour se moquer, comme fière de se sentir à deux pas de la mort. Asuga n'aurait qu'à trouver quelqu'un d'autre à tourmenter et Mikey ne méritait que de s'en vouloir jusqu'à la fin de ses jours ; du moins, c'est ce que son esprit presque éteint lui disait.
— T'avais raison, je vais raccrocher.
— J'espère pour le Shirohebi qu'Asuga me tiendra pas pour responsable de ta mort.
— Ce serait véridique, pourtant, lança-t-elle sans réfléchir. Mais t'auras qu'à dire... que c'était pas ton initiative et que ça te regardait pas.
— Si tu veux une guerre, suffit de le dire.
— Je veux rien du tout à part dormir, là... Je voulais même pas de cette vie... Pourquoi tu me parles de guerre ?
— T'as fait le choix de partir.
Elle était gelée, maintenant, et luttait contre son envie de fermer les yeux uniquement par refus catégorique de s'éteindre sur un tel reproche. De l'autre côté, Mikey était tout autant tenté de raccrocher mais n'aimait pas non plus l'idée qu'elle arrête de parler pour toujours.
— J'avais déjà plus ni le Toman, ni toi. Il me restait que Noa... J'ai tenté de me raccrocher à mon dernier espoir et ça a loupé... c'est ce que tu veux entendre ? souffla-t-elle de sa voix devenue tremblotante en raison de ce froid intérieur qui s'emparait d'elle. J'ai perdu le Toman quand cet enfoiré a poussé les fondateurs à s'entretuer... et toi, t'as arrêté d'être toi au même moment. J'ai juste essayé de survivre.
— Et t'abandonnes aujourd'hui ?
— J'ai plus rien à te dire.
Elle raccrocha sans hésiter et juste avant de ressentir l'intense besoin de s'allonger, abandonnant son téléphone sur le goudron et se fichant bien de savoir ce qu'il avait pensé de ses derniers mots. D'un point de vue extérieur, on aurait pu la croire heureuse, avec ce léger sourire plein de soulagement qu'elle esquissa dès qu'elle sentit l'inconscience commencer à l'envelopper pour de bon. C'est ainsi que Daitan frôla la mort pour la énième fois de sa vie, sans l'atteindre.
Coma éthylique. Ce furent les mots qu'on prononça lorsqu'elle se réveilla dans une chambre d'hôpital bien isolée et surveillée par ceux qui ne la ramèneraient définitivement pas à la planque du Shirohebi mais bien droit en prison. C'était la particularité de la vie de Daitan, après tout ; à chaque fois qu'elle se disait qu'elle avait tout raté, elle ratait encore un peu plus. Cette faute-là, cependant, lui fit regretter de ne pas avoir rendu l'âme la nuit précédente. S'ils avaient trouvé son téléphone, Asuga était peut-être compromise, et si elle l'était alors les frères Haitani suivraient. Et Mikey ? Elle ne pouvait pas avoir causé la perte de trois des plus grandes figures de la criminalité japonaise si bêtement.
— Daitan !
La porte venait de s'ouvrir et quelqu'un se ruait vers elle. Il n'avait aucunement changé, mis à part ses cheveux dépourvus de leur fausse couleur blonde, et semblait inquiet. Daitan se fit la réflexion que c'était étrange de s'inquiéter pour quelqu'un qu'on n'a plus vu depuis douze ans et dont on n'a jamais réellement été proche, mais n'en dit rien.
— Salut Takemichou, ironisa-t-elle.
— Comment tu te sens ?
— Physiquement? Nickel puisque je me trouve loin du Shirohebi. J'attends ma cellule avec impatience parce que c'est hors de question qu'on me brise tous les os un par un pour avoir compromis la sécurité de cette garce d'Asuga.
Le brun eut un léger sourire amusé bien qu'il ne connaissait le Shirohebi et sa leader que de noms.
— J'ai entendu ce qui est arrivé à Hina, reprit-elle ensuite. Je suis désolée que ça ait rien changé.
— C'est pas grave, assura Takemichi en vitesse, parce que je vais y retourner. Il fallait juste que je te demande ce que ça a donné pour toi, depuis le temps.
Les yeux écarquillés, Daitan prit une poignée de secondes à recevoir et comprendre l'information. Elle se redressa dans son lit, le visage encore pâle, les lèvres gercées et l'air globalement malade et épuisée. Son visiteur dut se retenir de lui faire remarquer que son crâne rasé et son allure générale lui donnaient déjà l'allure d'une prisonnière.
— Tu y retournes... dans le passé ? Tu... Tu sais comment faire ? Genre... Il y a encore de l'espoir ?
— J'ai juste à serrer la main de Naoto, le frère d'Hina. C'est comme ça que je vais dans le passé et retourne dans le présent. C'est dingue, mais c'est comme ça. Mais Daitan, il faut que je sache ce qu'il s'est passé pour toi pour qu'on puisse l'arranger, d'accord ? Ensemble, on pourra sauver Hina et arranger la situation du Toman et de Noa.
Hésitant entre se pincer et éclater de rire, celle qui avait tout perdu et qui ne croyait plus en rien passa finalement une main fébrile sur son visage. Peut-être pouvait-elle croire à nouveau, alors. Douze ans auparavant, elle n'avait pas pris au sérieux sa propre demande, sa propre supplication de se sauver avant qu'il ne soit trop tard. Elle avait cru ne rien pouvoir faire à part subir et que les horreurs seraient viables, qu'elle n'aurait qu'à veiller un peu plus sur Noa et ne pas se froisser avec Mikey pour changer la donne. Elle s'était même dit que si rien ne changeait, cela ne dépendrait pas d'elle et, pendant des années, Daitan avait regretté cette mentalité et s'était détestée d'avoir autant pris ses propres actes à la légère. D'une nouvelle chance d'arranger son avenir, elle en avait rêvé jour et nuit jusqu'à tuer son esprit à coups d'addictions pour ne plus y penser et tout oublier.
Pour la première fois depuis une éternité et alors qu'elle ne s'en croyait plus capable, la femme détruite pleura.
— Noa est morte.
Takemichi ne sut comment réagir à la détresse de son associée, alors il ne dit rien et se contenta de l'observer avec compassion tandis qu'elle poursuivait.
— Tout est parti en vrille à cause de cet enfoiré de Kisaki. Mikey a mal tourné et je me suis dit que c'était le moment où j'étais destinée à les perdre, lui et le Toman, alors... Quand Noa a fui, j'ai fui avec elle en me disant que je pourrai au moins la garder, elle, expliqua-t-elle difficilement. Mais elle est morte, et c'est de ma faute. C'était de ma faute.
Comme elle n'avait jamais prononcé ces mots à voix haute, ils provoquèrent sa perte. Désormais secouée par de véritables et violents sanglots, Daitan ne parvint plus à penser clairement et il fut enfin clair qu'elle ferait un détour en psychiatrie avant la prison. Takemichi n'aurait pas eu de mots pour décrire la peine qu'elle lui inspira. Elle n'avait rien de la forte, protectrice et inspirante Daitan du passé. Cette Daitan était si brisée qu'il n'existait sûrement aucune colle assez efficace pour rassembler tous les morceaux. Malgré son état, il parvint à comprendre que Noa avait perdu la vie dans un règlement de compte provoqué par Daitan et son certain manque de patience. Elle se blâmait depuis des années et Takemichi avait beau être persuadé que ce n'était pas de sa faute, il comprenait ce besoin de trouver un coupable.
— T'as parlé de Kisaki...Draken aussi l'a mentionné. C'est qui, concrètement ? tenta-t-il, conscient qu'il ne leur restait plus beaucoup de temps pour échanger.
— Draken ? répéta la criminelle dans un souffle incrédule, le visage inondé de larmes et les yeux rouges. Tu l'as vu ?
— En prison, oui. Il faut que tu me répondes, s'il-te-plait, je veux vous aider, supplia Takemichi. Il a dit qu'il aurait mieux fait de le tuer quand il le pouvait. Il a mentionné le Shirohebi, aussi. Tu sais au moins des choses là-dessus, pas vrai ?
Malgré les larmes, Daitan laissa un ricanement amer lui échapper. Elle renifla bruyamment avant de poursuivre, le regard perdu dans le vague et l'envie soudaine d'être sous sédatifs.
— Le Shirohebi... C'est le plus gros de mes problèmes. En fuyant avec Noa pour rejoindre ce Sukeban de merde, je croyais qu'on avait trouvé un gang respectable mais... la vérité c'est que Kisaki est derrière celui-là aussi et que ça dérange pas la leader. Et quand ce connard a commencé à diriger le Toman et que le Shirohebi l'a soutenu jusqu'à ce qu'ils deviennent une véritable alliance, j'ai compris... S'il y a bien une chose que tu dois dire à la moi du passé, Takemichou, continua-t-elle en relevant les yeux vers lui, c'est de ne pas approcher le Shirohebi. Par pitié, préviens-moi.
Les infirmières entrèrent presque au même moment et Takemichi fut forcé de s'éloigner. Daitan était peut-être vivante, mais à la regarder ainsi allongée dans son lit d'hôpital à recevoir perfusions et calmants pour tenter de récupérer une santé qu'elle avait passé des années à ruiner d'elle-même, elle lui semblait plus morte que jamais. Ce n'était pas Daitan qui était là, serrant dans sa main son index gauche paré de la bague de Noa. Ce ne pouvait pas être elle.
Alors, tandis que la porte de la chambre se refermait devant lui et que ses mots désespérés résonnaient encore en lui, il sut qu'il l'aiderait autant qu'il le pouvait ; sut qu'il veillerait à ce que la vraie Daitan ne se perde plus jamais de vue.
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。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆
le chap fait 4000 mots tout pile c'est satisfaisant
et il est super fun en + (pas du tout)
mes OCs sont mes souffre douleur pour de vrai
asuga haitani so true par contre
c tout pour moi
- daeremagon
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