chapitre 1

⠀| 28 juin 2005

- T'es sûre que ça va marcher, au moins ?

Le souffle court, Asuga autorisa son corps à se détendre le temps d'une seconde. Ses yeux bleus fixèrent un instant le ciel malgré sa vue brouillée et sa tête qui tournait, puis elle laissa retomber son menton jusqu'à sentir ses cheveux dégringoler de chaque côté de son visage. Un crachat rougeâtre quitta sa bouche pour aller s'étaler sur le bitume, et ses lèvres abîmées s'étirèrent jusqu'à dévoiler un sourire ensanglanté. Le ricanement saccadé qui lui échappa alors fit reculer les délinquants qui l'entouraient.

Non pas parce qu'ils la craignaient, elle, mais par crainte de se trouver trop près du jeune homme qui s'occupait toujours de lui faire payer son insolence.

- Tu t'inquiètes pour moi, frangin ?

Asuga remarqua les gouttes écarlates qui tâchaient désormais sa chevelure rose lorsque sa tête tourna violemment sur le côté une énième fois. Le poing de Tadashi atteignit son œil droit qui gonflait pourtant déjà de manière anormale à force d'être martyrisé, mais elle ne sentit presque rien. Au fil des minutes que son frère avait passées à la rouer de coups, son visage et son corps semblaient s'être adaptés à la douleur jusqu'à en être pratiquement anesthésiés. Elle ne remarquait même plus le sang qui coulait à flot de son menton fendu pour aller s'écraser sur le sol en laissant parfois quelques traînées sur ses vêtements.

- C'était ton idée, souffla la jeune femme. Si ça marche pas... et que tu te fais laminer... ce sera pas de ma faute.

Les grandes mains de Tadashi vinrent fermement attraper les épaules d'Asuga. Il la secoua comme s'il craignait qu'elle ne s'endorme, puis il sourit, visiblement ravi qu'elle eût atteint un tel niveau de dégâts physiques.

- Ça marchera grâce à toi, affirma-t-il. Parce que tu souhaites le meilleur pour ta famille et pour le Shirohebi, pas vrai petite sœur ?

- Pff, fit-elle avec ironie. Si tu le dis.

Le visage du brun retrouva sa naturelle froideur tandis qu'il s'empressait de faire disparaître son cynisme d'un genou enfoncé dans l'abdomen. Asuga se félicita de ne rien avoir mangé depuis un moment, rassurée de ne pas avoir à rendre son repas devant l'intégralité du gang dirigé par son aîné. Les regards étaient toujours braqués sur elle lorsque Tadashi mit fin à sa torture pour la relâcher avec dédain. Asuga manqua de s'étaler par-terre mais se rattrapa de justesse, la vue si floue qu'elle ne distinguait plus nettement les traits de son bourreau.

- Pour le Shirohebi, prononça Tadashi.

Sans quitter sa sœur des yeux, le leader releva sa manche sur son poignet gauche jusqu'à dévoiler le dessin qui s'y trouvait tatoué à l'encre blanche pour l'éternité. Les acclamations qui suivirent le lever de son poing vers le ciel résonnèrent avec tant d'intensité dans le crâne d'Asuga qu'ils faillirent causer sa perte. Pour le Shirohebi, scandaient-ils sans vouloir comprendre qu'aucune de leurs vies n'avait d'importance pour Tadashi Yano. Elle se redressa avec difficulté, toute trace d'humour ayant quitté son visage pâle, et s'efforça de ne pas avoir l'air trop haineuse par peur d'être retenue ici plus longtemps.

- Tu connais le plan, dit-il avant de lui indiquer de partir d'un seul signe de tête. Trouve-les et fais ton boulot.

Asuga ne prit pas la peine d'acquiescer, s'éloignant déjà à reculons de celui qui, d'une certaine manière, l'avait élevée. Quand elle fut assez loin pour être certaine qu'il ne chargerait personne de s'élancer à sa suite, elle tourna les talons et courut vers une destination dont elle ne savait encore rien. Elle était si abîmée et sonnée qu'elle aurait probablement dû s'écrouler après une ou deux minute de course, mais il n'en fut rien. Son corps ne fonctionnait que grâce à l'adrénaline créée par l'appréhension de son propre futur. Asuga était foutue, elle le savait. Elle avançait sur une corde instable située entre un point de départ désastreux et une ligne d'arrivée apocalyptique, mais elle était au moins heureuse de quitter ce qu'elle avait toujours connu. Peut-être resterait-elle donc à jouer les funambules un moment, au risque de perdre l'équilibre et de s'effondrer, seule, un jour prochain.

Elle n'aurait su dire combien de temps elle courut, trop déconnectée de son corps pour avoir conscience des mouvements qu'il exécutait. Tout ce qu'Asuga savait vraiment, c'était qu'elle ne voulait pas être suivie par l'un des sbires de son frère. C'était sa mission, après tout, alors elle devait y aller seule et la gérer selon ses propres termes. Très vite, ses yeux gonflés et son état d'épuisement la privèrent presque entièrement de la vue et, si elle eut d'abord peur en entendant les klaxons des voitures à deux doigts de la percuter, elle se fit ensuite la réflexion que faire le plus de bruit possible sur son chemin n'était pas une mauvaise idée. Alors Asuga accéléra sans même hésiter, bousculant les passants et traversant les routes, s'esclaffant comme si mettre en danger sa vie était le jeu le plus amusant auquel elle eût jamais joué. À vrai dire, elle trouvait sincèrement drôles les plaintes innocentes des civils pour qui le monde de la délinquance n'était qu'une vaste blague.

Eux n'auraient qu'une anecdote étrange à raconter à leur famille en arrivant à la maison - quoique croiser une jeune femme au visage tuméfié et au look décalé ne devait pas être une chose si anormale dans ce coin de Tokyo - tandis qu'Asuga n'avait pas la moindre idée de la manière dont se terminerait sa journée. Peut-être sa vie finirait-elle même par la même occasion.

Bien sûr, une fois dans le district de Roppongi, l'agitation qu'elle semait sur son passage attira l'attention qu'elle cherchait sans le savoir. La délinquante sentit rapidement les regards braqués sur elle à chaque coin de rue, aperçut les silhouettes qui apparaissaient comme pour lui indiquer les chemins à ne pas prendre et la guider jusqu'à la seule destination possible. Ce petit jeu dura de longues minutes qui lui parurent être interminables. À chaque nouvelle rue qu'elle passait, Roppongi semblait plus lugubre. Tandis que le ciel se couvrait toujours un peu plus de rose et d'orange, les simples passants en route pour leur résidence devenaient des jeunes gens vêtus de noir, parfois armés, forcément menaçants.

Quand, enfin, Asuga se retrouva dans un cul-de-sac, elle s'arrêta et força sur tous ses membres pour ne pas s'écrouler sur le champ. À la place, elle ignora sa gorge brûlante, son corps endolori et son visage couvert de sueur, et releva sa manche pour désigner son poignet à tous ceux qui la surveillaient. Ce n'était certainement pas la meilleure première impression mais, fatiguée comme elle l'était, rien d'autre ne lui vint. Alors Asuga fit un tour sur elle-même pour s'assurer que l'ensemble des voyous aperçoive le motif tatoué à l'encre blanche sur sa peau claire.

- Je suis...

Les traits déformés par une grimace de douleur, elle dut s'y prendre à deux fois pour prendre la parole à un volume satisfaisant.

- Je suis Asuga Yano ! Sœur de Tadashi Yano, le chef du Shirohebi qui règne sur Kabukichō !

- Et alors ? lança un jeune homme encapuchonné avec nonchalance.

Tout en baissant son bras et en luttant contre sa perte de connaissance imminente, Asuga déglutit difficilement. Elle ne pouvait pas s'effondrer avant d'avoir assez capté leur attention, ou ils la laisseraient ici à se faire dévorer par les rats. De toute évidence, celui qui venait de s'adresser à elle depuis le muret où il était assis n'envisageait pas une autre option que celle-ci pour elle.

- Il faut que je prévienne ceux qui dirigent Roppongi que mon frère... Mon frère se prépare à leur déclarer la guerre ! parvint-elle à s'exclamer.

Son annonce ne reçut que quelques ricanements amusés. Le visage un instant caché par ses cheveux, Asuga esquissa un mince sourire moqueur. Personne n'avait jamais défié les deux leaders de Roppongi depuis un moment et le dernier qui l'avait fait était devenu la victime d'un fait divers, alors bien sûr, aucun de ces délinquants ne prendrait au sérieux les intentions du Shirohebi. C'était une erreur. Mais de cela, ils auraient bien le temps d'en prendre conscience.

- Et c'est le Shirohebi qui t'a fait ça ?

Un autre adolescent, celui qui avait posé cette question, désigna son visage avec scepticisme. Asuga releva une main tremblante pour toucher ce dernier comme si elle venait de se rappeler son état, récoltant autant de sueur que de sang sur le bout de ses doigts. Cachée derrière tous ces bleus et ces plaies, elle était bel et bien défigurée. Tadashi n'y allait jamais de main morte, pas même lorsqu'il s'agissait de sa sœur et d'une simple couverture pour une mission.

Personne ne vit Asuga presser un peu trop sa propre pommette dans l'unique but de faire monter quelques larmes.

- Oui, souffla-t-elle. C'est mon frère...

- Il frappe les filles, en plus de ça ? cracha l'un des voyous présents. Ça craint, le Shirohebi.

- Qu'ils viennent, si c'est comme ça ! Qu'on montre à ce Yano ce que c'est que de s'attaquer à des gars de son niveau !

Les exclamations approbatives se multiplièrent et elle dut se retenir de sourire à nouveau, amusée par le mépris qu'elle dirigeait vers tous ces idiots. Les monter les uns contre les autres était si simple. Et si être une fille dans un tel univers impliquait posséder le pouvoir de déclencher des conflits entiers en quelques mots discrets, alors Asuga adorait en être une. Elle vivait pour les foules motivées par des objectifs malveillants, qui acclamaient ses idées sans même lui en attribuer le mérite, ou pour observer la stupidité des suiveurs incapables de comprendre que leurs vies ne valaient rien pour ceux qu'ils estimaient. Le principe même des gangs résidait là ; n'importe qui ayant le charisme nécessaire pouvait former une armée, quelques soient ses intentions, et ce concept la fascinait.

Bien que très prise par le rôle qu'elle prenait beaucoup de plaisir à jouer, la délinquante aux cheveux roses vit clairement le premier qui lui avait adressé la parole se tourner vers l'un de ses acolytes et, malgré l'agitation alentours, l'entendit bien prononcer la phrase qu'elle avait rêvé d'entendre.

- Préviens les frères Haitani.

Aussitôt, comme libérée d'un énorme poids et enfin autorisée à ressentir toute la douleur de ses blessures, Asuga tomba à genoux sur le bitume. Ses deux mains plaquées sur le sol, elle profita de sa position pour laisser échapper le ricanement nerveux qui lui démangeait la gorge. Bien sûr, les autres blâmèrent son état désastreux pour ses épaules tremblantes, loin de s'imaginer qu'elle se moquait de leur naïveté. Ce n'était qu'une pauvre fille maltraitée par son aîné avide de pouvoir, après tout, pourquoi aurait-elle ri à la mention des délinquants les plus craints de Roppongi ?

Le temps que quelqu'un arrive à son niveau pour l'aider à se redresser, Asuga avait déjà perdu connaissance.
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jsuis en train de capter que si je reposte toute la fic faut que je refasse mes nda pcq c'est ridicule sinon bref

bienvenue quoiqu'il en soit !!

je profite de cette re-publication pour relire et corriger si je trouve des fautes, c'est pas mal

si des nouveaux lecteurs voient ça n'hésitez pas à donner votre avis du coup !! ça m'intéresse vraiment, en sachant que sur mon ancien compte cette ff était un immense flop peut-être qu'ici il y aura quelques personnes de + ?? l'espoir fait vivre

je fonce pcq j'ai une trentaine d'autres chapitres à remettre en ligne quoi bisous les loulous

- daeremagon

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