9 - Sang-de-Bourbe
«Je me suis effondrée en secret.
Sans être vue.»
Les fiançailles avaient été annoncés avec joie parmi la communauté Sang-Pur. Druella était au bord de l'hystérie, et ne cessait de répéter qu'elle était fière de sa fille cadette. Même la tante Walburga était venue la féliciter, ce qui la changeait grandement des sermons et des reproches.
Après cela, Narcissa s'était enfermée dans sa chambre pour ne reapparaître seulement qu'au dîner. La joie de Druella était vite retombée et un froid immense s'était installé au Square Grimmaud. Bellatrix était venue plusieurs fois leur rendre visite, mais Narcissa s'était contenté de la saluer brièvement avant de remonter dans sa chambre. Après trois visites consécutives sans même entendre la voix de sa sœur cadette, l'aînée n'y tint plus et entra en trombe dans la chambre de Narcissa sa même frapper.
– Tu m'expliques ce qui se passe ? Demanda-t-elle, furieuse, les mains sur les hanches.
Narcissa, assise sur la large bordure de la fenêtre, tourna la tête, lassée des entrées subites de sa sœur.
– Laisse-moi, ordonna-t-elle, sans grande conviction.
Comme elle s'y attendait, Bellatrix ne bougea pas d'un pouce, ses yeux lui jetant des éclairs.
–C'est quoi le problème ?
– Rien.
– Menteuse, siffla-t-elle.
Elle s'approcha plus près et prononça :
– Regarde-moi. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que tout va bien.
Mais Narcissa en fut incapable. Bellatrix soupira de frustration puis s'assit sur le lit, tapotant la place vide à ses côtés. Devant le refus apparant de la cadette, elle gronda :
– Tu viens de suite ou je te tire par les cheveux jusqu'ici.
– Tu n'oseras pas.
– Ne me tente pas.
Narcissa grimaça, ne souhaitant pas se voir arracher une poignée de cheveux par sa sœur. Elle s'exécuta à contrecœur, s'installant à côté de Bellatrix dans un soupir audible. Sans lui laisser le choix, elle lui intima de se laisser tomber sur le lit, comme elle le faisait depuis son plus jeune âge. Au moment où Narcissa posa sa tête sur les cuisses de la jeune femme, cette dernière s'empara délicatement de sa chevelure et se mit à les lui caresser, ce qui apaisa Narcissa.
– Dis-moi ce qui te rend triste, Cissy.
La Serpentard, ainsi recroquevillée dans les bras de sa sœur, sentit ses yeux la brûler. Elle lutta pour se retenir, mais plusieurs larmes dévalèrent sa joue malgré sa retenue. Bellatrix ne fit aucun commentaire, se contentant de les essuyer avec ses pouces.
– Je suis perdue, Bella, renifla-t-elle. Je ne sais plus quoi penser, que faire...
Bellatrix pinça ses lèvres, n'étant pas très experte pour réconforter quelqu'un, mais fit l'effort pour la cadette.
– Perdue entre quoi et quoi ? Demanda-t-elle, glissant ses longs doigts dans sa chevelure blonde.
– Comment sait-on que l'on est amoureux de quelqu'un ?
Encore une fois, Bellatrix se trouva embarrassée. Elle-même n'était jamais vraiment tombée amoureuse ; ces questions lui étaient donc étrangères.
– Je pense que mère saura mieux te répondre.
– Mère ne pense qu'au mariage, elle ne m'écoutera pas...
– Que s'est-il réellement passé, Cissy ? S'impatienta l'aînée.
– Il... commença-t-elle, mais un sanglot l'étouffa.
Bellatrix continua de lui caresser tendrement les cheveux, l'encourageant silencieusement de continuer. Elle reprit :
– Il s'apprêtait à m'embrasser puis... puis il s'est détourné et m'a mis la bague au doigt sans même me faire une demande, sans...
Elle pleura de nouveau. Bellatrix était prête à bondir sur ses pieds pour pendre Malefoy la tête en bas et l'écorcher vif, mais elle doutait que cela plaise à sa sœur. Elle se contenta de rester à sa place, une énorme grimace lui tordant le visage. Narcissa ne se rendait compte de rien, secouée de lourds sanglots.
– Tu devrais lui écrire, déclara soudainement Bellatrix.
– Quoi ? S'exclama-t-elle entre deux reniflements.
– Demande-lui des explications. Traite-le d'abruti et d'idiot, profite avant que tu ne sois mariée.
– Bella...
– Fais ce que je te dis, crache-lui tout ce que tu as sur le cœur et tu verras que tu te sentiras beaucoup mieux.
Narcissa se releva, relativement calmée et se mit à la dévisager. Son nez ainsi que ses joues étaient rouges et gonflés, ses cheveux d'habitude noués dans d'élégantes coiffures étaient relâchés, en partie coiffés par les longs doigts de Bellatrix.
– C'est un peu plus compliqué que ça, murmura-t-elle, comme si elle n'était pas certaine de ce qu'elle disait.
– Il n'y a rien de compliqué, répondit l'aînée en haussant les épaules. Il t'a fait du mal, alors fais-le lui savoir.
– Tu ne comprends pas...
– Je comprends tout à fait, Cissy, s'exclama-t-elle en se levant. Je ne veux plus que tu te laisses faire par qui que ce soit, c'est compris ? Je ne serais pas toujours là pour te consoler dans tes malheurs.
– Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
Une lueur paniquée anima ses prunelles sombres.
– Comment ça ?
– Tu t'en vas ? Demanda-t-elle, la voix déraillant légèrement.
Bellatrix resta bouche bée. Elle n'avait pas du tout l'intention de partir, même si le Maître l'envoyait de plus en plus loin pour des missions, elle revenait toujours rapidement en Angleterre. Seulement, l'état dans lequel se mettait sa plus jeune sœur à l'idée qu'elle parte l'inquiétait grandement.
– Je ne veux pas que tu dépendes de moi, Cissy. Je sais que tu m'aimes, mais s'accrocher trop aux personnes est parfois dangereux.
Les yeux de Narcissa se mirent à briller, et les larmes menacèrent de couler à nouveau. Elle baissa les yeux et détourna la tête, tentant de cacher au mieux cette faiblesse.
– Je ne pars pas, la rassura Bellatrix. Mais un jour viendra où je disparaitrais peut-être. Tout peut arriver, même à moi.
Narcissa hocha la tête, le visage toujours détourné.
– Fais ce que je t'ai dit, pour Lucius. Écris-lui, tu en as besoin et lui aussi. Tu verras que tout s'arrangera. Tout s'arrange toujours, pour toi.
– Pas cette fois, murmura Narcissa.
Mais Bellatrix ne semblait pas avoir entendu.
– Quant à moi, je dois y aller. Je t'attendrais dimanche à dix-huit heures, au manoir Lestrange.
Avec tout ce qui s'était passé entre temps, Narcissa en avait presque oublié les cours de sortilèges Impardonnables. Même si elle ne pensait pas les utiliser sur un humain, ces cours étaient l'occasion pour elle de voir son aînée, et de la rendre fière. Rien ne pouvait lui faire autant plaisir.
– D'accord.
– Au revoir, Cissy.
Bellatrix déposa un baiser sur la joue encore rosie de sa sœur et s'en alla en transplanant.
***
Il fallut plusieurs jours à Narcissa pour penser à ce qu'elle allait pouvoir écrire dans sa lettre. En premier lieu, elle avait hésité à en écrire une, puis elle avait fini par se convaincre que ce n'était peut-être pas une mauvaise idée. La rentrée était dans quelques jours, et elle voulait commencer de bon pied.
Narcissa, un samedi matin, alors que la pluie battait les fenêtres, s'installa devant son secrétaire et s'empara de sa plume. Soudain, elle se rendit compte que son encrier était vide.
Grommelant, elle se leva et sortit de sa chambre, pour se diriger vers celle d'Andromeda. Elle frappa à trois reprises, chaque fois un peu plus fort, mais personne ne vint lui ouvrir. Elle pensa descendre en chercher dans le bureau de son père, mais celui-ci la gronderait certainement de le déranger dans son travail pour une telle futilité, aussi Narcissa préféra braver l'interdit, plutôt que de s'attirer les foudres de son géniteur.
La chambre d'Andromeda était la plus triste, au goût de Narcissa . Si les décorations Serpentard ne manquaient pas sur les murs de sa chambre, ceux de sa sœur en étaient dénudés. À croire que le Choixpeau n'avait pas trouvé de maison pour elle.
Décidant de ne pas s'attarder sur de telles choses, Narcissa se dirigea directement vers le bureau d'Andromeda pour y récupérer le petit flacon d'encre noir posé dessus, lorsqu'un parchemin dissimulé entre deux livres de potions attira son attention.
Elle le tira délicatement de sa cachette et le déplia, beaucoup trop curieuse d'en connaître le contenu.
Chère Andrie,
Désolé, je n'ai pas pu m'empêcher de te parler durant ces vacances. Tu sais comme je t'aime, et que chaque seconde passée loin de toi est un vrai supplice.
Noël chez les Moldus reste magique. Mes parents m'ont acheté des plumes de sorciers ; ils se sont efforcés de se rendre sur le Chemin de la Traverse malgré les mauvais regards qu'on leur jetait. Il n'y avait pas de cadeaux plus grands pour moi.
J'espère que le réveillon c'est bien passé chez toi. Sirius, un élève de quatrième ou cinquième année m'a dit que cela se passerait chez les Malefoy. Il a plaisanté en disant que si on voulait tous les tuer en masse, ce soir-là était parfait. À ce qui paraît, il est ton cousin... Étrange comme garçon.
J'ai si envie de te revoir, je n'ai pas la patience d'attendre que tu reprennes ton « travail ». S'il te plaît, rejoins-moi dans le bois des Cyprès, samedi à onze heures. Tu n'auras qu'à prétendre que le Ministère t'a demandé en urgence.
Tout mon amour pour toi, ma Andrie,
Teddy Tonks.
Tout s'effondra. Tout disparut.
Les murs de la chambre, le lit, le bureau, le manoir, la Grande-Bretagne entière.
Il ne restait que cette lettre, et ce nom de Sang-de-Bourbe écrit dessus.
Son sang ne fit qu'un tour, et elle transplana dans un « crac ! » sonore au Manoir Lestrange.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top