6 - La lettre de Andromeda
« Faut-il donc toujours se blesser pour arriver à se comprendre ? »
Le dîner fut servi bien assez tôt. Des elfes de maison traversaient le manoir de par en par, divers plats dans leurs petites mains. Autour de la longue table, dans la vaste salle à manger, étaient installés les trois sœurs et leurs parents. Des rôtis et des pommes de terre grillés reposaient devant eux et plusieurs chandelles aux pieds noblement ouvragés illuminaient la table. Leurs ombres étaient projetées contre les tapisseries vertes et argent, aux couleurs de la maison qui avait accueilli tous les membres de la famille Black depuis des décennies : Serpentard.
– Alors, Andromeda, comment se passe ton travail au Ministère ? Demanda Cygnus en enfourchant un morceau de dinde dans sa bouche.
– À merveille, Père. Lewis m'aide beaucoup, il me ménage pour que je ne sois pas trop débordée.
Bellatrix, qui s'était totalement désintéressée des discussions plates de sa famille, releva vivement la tête et fronça les sourcils.
– Je croyais que Lewis travaillait au département des Mystères ?
Andromeda perdit ses couleurs et Narcissa aurait juré avoir vu sa main trembler.
– Euh, et bien... Il m'aide aussi aux Affaires étrangères...
Le regard de Bellatrix se fit plus soutenu et sembla transpercer sa sœur cadette. Pendant quelques minutes qui semblèrent une éternité, un silence de plomb se posa dans la pièce et Narcissa put même s'entendre respirer. Le temps s'arrêta, la vie se figea autour d'Andromeda au teint livide et à la brune aux yeux transperçant. Soudain, Druella écarquilla les yeux d'horreur – ou de stupéfaction, Narcissa ne sut le dire – et cria :
– Bellatrix ! Arrête tout de suite !
Le temps reprit, la vie souffla de nouveau. L'aînée siffla tel un serpent en colère tandis qu'Andromeda, saisissant ce qui venait de se passer, s'écria :
– Tu as voulu entrer dans mon esprit ? Sale garce !
Alors que Cygnus voulut réprimander Andromeda d'un tel vocabulaire outrageant, Bellatrix le coupa en s'adressant à sa sœur d'une voix venimeuse :
– Pourquoi as-tu si peur que je sache ce qu'il y a dans ta petite tête ? Tu as quelque chose à cacher peut-être ?
Le visage de la benjamine s'empourpra :
– Ce ne sont pas tes affaires.
Alors que la brune s'apprêtait à siffler de nouveau, Cygnus imposa le silence d'un poing frappé sur la table. Les deux sœurs obéirent à contrecœur, mais, placées l'une en face de l'autre, elles continuaient de se lancer des regards assassins, se déclarant mutuellement une guerre silencieuse. Narcissa tenta de trouver une explication à ce qui venait de se passer, mais n'en trouva aucune. Quelque chose clochait, cela elle ne pouvait en douter et Bellatrix avait aussi compris : mais le quoi, c'était ce qui leur échappait à toutes les deux. Cela ne sembla pas préoccuper leurs parents puisque Cygnus demanda comme si rien de s'était passé :
– Et toi, Narcissa ? Cette dernière année à Poudlard ? Comment va Yaxley ? Cela fait longtemps que nous n'avons pas eu de ses nouvelles.
– Oh, répondit-elle en haussant les épaules, toujours aussi idiot mais tout de même agréable. Il va très bien.
– J'en suis fort heureux, déclara Cygnus en s'essuyant noblement les lèvres avec sa serviette en soie.
Le reste du repas fut animé par Narcissa et ses parents, délaissés par Bellatrix et Andromeda qui se combattaient férocement du regard. Druella la consulta alors sur la robe de bal qu'elle voulait porter pour le soir de Noël chez les Malefoy mais insista pour la couleur : elle voulait du vert, afin d'annoncer à tout le monde la nouvelle des fiançailles entre sa fille cadette et l'héritier Malefoy. Narcissa céda. Pour se remonter le moral, elle se convainquit qu'elle porterait ce soir-là les couleurs de la maison Serpentard.
Le repas terminé, Cygnus et Druella décidèrent de se balader dans les jardins, profitant ainsi d'une nuit d'hiver étoilée. Bellatrix disparut subitement dans le salon et Andromeda s'évapora on ne sait où. Pesant le pour et le contre, Narcissa décida de suivre sa sœur aînée dans la grande pièce. Elle espérait juste qu'elle ne déchaînerait pas sa colère sur elle. Heureusement, Bellatrix ne dit rien lorsque Narcissa s'assit sur le fauteuil d'en face. Elle se contenta d'observer les flammes danser face à elle, avachie au plus profond du siège comme si elle voulait s'y engouffrer pour ne jamais reapparaître.
– Andry cache quelque chose, prononça-t-elle subitement, voulant certainement partager ses inquiétudes avec sa sœur et ne pas se sentir seule à soupçonner quelque chose.
Narcissa pensait la même chose, mais opta pour une question qui la mènerait vers une possible information supplémentaire :
– Pourquoi dis-tu cela ?
– Parce que j'ai moi-même soumis Lewis à l'Imperium, lâcha-t-elle, le visage grave.
Narcissa comprit soudain la réaction de sa sœur quelques heures auparavant. Si Lewis travaillait au département des mystères, alors il était logique que Voldemort veuille recueillir des informations par le biais de l'Imperium. Ce qui voulait dire que même s'il l'avait voulu... Lewis n'aurait jamais pu aider Andromeda aux Affaires étrangères.
– Peut-être racontait-elle ce qui c'était passé il y a quelques mois ?
Mais cela ne tenait pas debout. Brusquement, comme si elle venait de réaliser ce qu'elle était en train de faire, Bellatrix fixa intensément la cadette, un regard presque mauvais dans ses sombres iris.
– Tu sais bien trop de choses à présent.
– Je ne suis plus une gamine.
– Peu importe. Tu ne fais pas partie des nôtres, tu n'as pas à savoir tout ça.
S'apercevant que sa sœur commençait à s'agacer, Narcissa préféra ne pas insister. Elles demeurèrent un long moment dans un silence lourd et tendu avant que Bellatrix ne brise cet instant de solitude :
– Je sais ce que tu ressens. Pour Lucius.
Narcissa soupira avec lassitude. Elle savait que Bellatrix faisait son possible pour la soutenir, mais elle-même n'était pas un exemple à suivre. Elle l'écouta tout de même, plus par respect que par volonté. Bellatrix reprit :
– Tu sais, moi-même je n'étais pas enchantée à l'idée d'un mariage avec Rodolphus Lestrange. J'étais en colère, mais par-dessus tout, je voulais être libre, pas une femme enchaînée aux volontés de son mari. Mais j'ai obéi, pour notre famille et notre maison. J'ai fait ce que l'on m'a dit de faire, et une fois le calme revenu, j'ai pris la liberté que j'aspirais tant à avoir. Les obstacles que m'ont imposés nos parents ne m'ont pas empêché d'être ce que je voulais, et il en sera de même pour toi.
Narcissa secoua la tête, laissant ses yeux briller de douleur.
– Tu ne comprends pas, Bella. Je n'aspire pas aux mêmes choses que toi. Tout ce que je veux, c'est... (sa voix trembla et une larme coula) c'est un mari aimant et... et être heureuse...
Un sanglot la secoua, mais elle le réfuta avec une certaine maîtrise. Elle ne se sentait pas d'humeur à subir la pitié de sa sœur. D'un geste sec de la main, elle essuya sa joue de ces larmes qu'elle ne voulait point.
– Ce n'est pas Wilkes qui te fournira cet amour, Cissy, déclara fermement Bellatrix. Wilkes n'a d'amour que pour lui-même et une pitié à en faire trembler les Détraqueurs. Son nom s'est perdu dans l'histoire, et il espère faire parler de lui en t'épousant.
– Parce que tu crois que Lucius a d'aussi bonnes intentions ? Protesta Narcissa, agacée des paroles répétées de ses proches.
– Je ne dis pas que Lucius est mieux, ou qu'il est pire, mais tu le connais mieux que personne et en t'engageant dans cette union, tu n'auras pas de risque de te faire avoir. Il est comme toi, il n'a pas le choix, mais lui au moins y met de l'effort et la volonté. Il pourrait te rendre heureuse à sa manière. Plus que ne saurait le faire Wilkes. N'est-ce pas toi qui...
Elle fut coupée par un bruit sec qui se répéta plusieurs fois. Derrière la fenêtre de cristal, une chouette hulotte becquait le verre, une lettre coincée entre ses pattes. Alors que Bellatrix s'apprêtait à se lever pour récupérer le dû, Andromeda entra soudainement et se précipita vers la fenêtre pour s'emparer de la lettre.
– De qui est-ce ? Demanda méchamment la sœur aînée.
Andromeda lui jeta un regard assassin.
– Mêle-toi de tes affaires !
– Je réitère ma question, siffla Bellatrix.
Alors que la benjamine s'apprêtait à fuir, la porte se ferma dans un claquement sec, par la simple volonté d'esprit de la brune. Andromeda supplia Narcissa de l'aider, mais celle-ci baissa les yeux, ne souhaitant pas décevoir Bellatrix en se montant contre elle.
– Donne-moi cette lettre ! Ordonna cette dernière.
– Non !
Bellatrix s'était levée et fit un geste pour s'emparer de ce qu'elle demandait, mais Andromeda l'écarta d'un geste paniqué. Tout en elle trahissait une inquiétude démesurée.
– Laisse-moi Bella !
– Pas tant que tu ne m'auras pas dit de qui vient cette lettre !
Encore une fois, elle essaya de se saisir de l'objet convoité, mais Andromeda était bien trop rapide. Bellatrix se faisait grande et menaçante, mais cela ne l'intimida pas. Se sentant piégée et voyant que toutes ses chances de sortir d'ici avec la lettre étaient vaines, Andromeda sortit sa baguette. Bellatrix, se maudissant de ne pas y avoir pensé plus tôt, fit de même, se préparant à l'attaque, mais alors qu'elle s'apprêtait à recevoir un sort, la lettre brûla instantanément.
Alors les cendres virevoltèrent dans l'air comme de tristes flocons de neige victime d'une tragédie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top