5 - Retrouvailles
« Chaque parole a une conséquence. Chaque silence aussi. »
Jean-Paul Sartre
Durant les semaines qui suivirent, Narcissa évita au maximum tous les membres du groupe de Lucius, préférant se cacher derrière les derniers rayons de bibliothèque afin d'étudier pour les examens à venir tout en s'assurant de ne pas être vue. Elle n'avait pas osé, non plus, rendre visite à Aurbun, se reposant à l'infirmerie depuis plusieurs semaines, de peur de croiser Yaxley, Rookwood ou Avery, et parce qu'elle était aussi en colère contre lui.
Mais Narcissa n'était pas dupe. Evan, qu'elle savait fortement attaché à Lucius, aurait très bien pu rendre service à ce dernier pour accabler Aurbun et ainsi l'écarter définitivement de la Serpentard. Mais elle se souvenait aussi de la proposition bien trop vite déclarée d'Aurbun. Elle ne savait plus qui croire, ni que faire et ses sœurs n'étaient plus là pour la conseiller. Bellatrix aurait sûrement plaisanté en lui disant d'embrasser Avery pour compléter le triangle amoureux et semer encore plus le désordre, mais Andromeda aurait été plus sage. Narcissa avait bien pensé à lui envoyer une lettre, mais elle la savait bien trop occupée au Ministère. Elle ne voulait pas la déranger.
Pour poursuivre avec les ennuis, Slughorn avait commencé à mener sa petite enquête sur le sortilège Doloris dont avait été victime Aurbun, mais personne n'avait dénoncé Lucius. Plus par crainte que par empathie, songea Narcissa. Même les premières années témoin de la scène s'étaient tues, terrifiées par les menaces d'Avery et Yaxley. Wilkes, quant à lui, n'avait rien avoué non plus, même lorsque Slughorn l'avait questionné quelques minutes après son réveil. En un sens, Narcissa se sentait soulagée : si elle en voulait à Lucius d'avoir été si violent, son regard abattu après lui avoir fait du mal continuait de lui fendre le cœur.
Les dernières semaines de décembre, avant les vacances, passèrent donc à la vitesse de l'éclair. Absorbé dans les études, le temps filait rapidement, ce qui ne déplut pas à la jeune femme. Ses camarades de dortoir lui portaient à chaque fois le repas donné dans la Grande Salle, et elle ne sortait que pour se rendre en cours et répondre aux lettres incessantes de sa mère et de quelques-uns de ses cousins. Regulus par-dessus tout, qui éprouvait ces temps-ci la nécessité de parler à quelqu'un, surtout après la fuite scandaleuse de son unique frère, Sirius.
Le jour du départ pour les vacances arriva très vite. Pour lui épargner la compagnie du groupe Serpentard et ne pas voir ses efforts réduits à néant par un seul trajet en train, un groupe de filles Serdaigles accepta de l'accueillir dans leur compartiment. Elle les écouta parler durant tout le trajet, ignorant le flot de pensées qui la torturait. Arrivée à la gare king' s Cross, elle aperçut Andromeda qui l'attendait patiemment sur le quai, ses longs cheveux châtains recouverts d'un béret noir. Lorsque leurs regards se croisèrent, des sourires illuminèrent le visage de chacune. Narcissa se dirigea en direction de sa sœur et l'enlaça. C'était la première année qu'elles étaient séparées autant de temps.
– Tu fais partie des Serdaigles maintenant ? Plaisanta Andromeda en se détachant, ayant remarqué que sa sœur était sortie du wagon des bleus et bronze.
– C'est une longue histoire, soupira Narcissa.
À peine eut-elle prononcé ces mots que des exclamations fusèrent dans son dos. Narcissa grimaça tandis qu'Andromeda salua ses anciens camarades de la main, les yeux plissés par un chaleureux sourire. Avant qu'elle ne se sente obligée de quitter la gare seule, elle ordonna sèchement :
– On peut y aller maintenant ?
Andromeda ne fit aucun effort pour cacher sa stupéfaction, mais ne répliqua pas, presque amusée de la situation. Elles transplantèrent jusqu'au Manoir, une demeure plus grande que le square Grimmaud, réservé pour les vacances en famille.
– Bella arrive aujourd'hui, déclara Andromeda sans joie, son sourire étant retombé aussitôt.
Contrairement à la benjamine, Narcissa se réjouit immédiatement. Même si son aîné avait la fâcheuse tendance à la traiter comme une enfant de six ans, elle restait d'agréable compagnie. Bellatrix se moquait éperdument de tout, ricanant dans les situations les plus graves, mais c'était justement cette légèreté et cette folie démesurée que Narcissa admirait. Néanmoins, dans sa famille, c'était la seule.
– Evan m'a écrit, annonça-t-elle en s'engageant sur le chemin de gravier qui menait au Manoir.
La joie qu'avait ressentie Narcissa quelques instants plus tôt s'évanouit aussitôt. Elle laissa parler sa sœur même si elle prévoyait déjà le pire.
– Il m'a dit que tu avais très bien réussi ton sortilège de l'Imperium, fit-elle avant de lâcher un petit rire nerveux.
– C'est gentil à lui, lâcha Narcissa du tac au tac.
Andromeda s'arrêta et attrapa avec violence le bras de la jeune Black afin de la forcer à la regarder dans les yeux. Dans ses iris marron, une tempête éclata.
– Non, mais tu te rends compte de ce que tu as fait ? Cria-t-elle, le rouge lui montant aux joues. S'il t'avait dénoncé, tu serais passé devant la justice et qui sait ce qui aurait pu t'arriver !
– Je n'ai fait qu'appliquer les leçons de Bella ! Se défendit-elle.
À peine eut-elle prononcé ces mots qu'elle les regretta aussitôt. Elle s'injuria de tous les noms tandis qu'Andromeda adoptait une mine scandalisée.
– Parce qu'elle te l'a enseigné en dépit des protestations de père et mère ?
Narcissa voulut tout à coup s'enterrer six pieds sous terre. Une culpabilité grandissante l'envahit aussitôt. Elle se sentit coupable d'avoir vendu sa sœur pour sa propre défense, car Bellatrix avait mis du temps pour lui apprendre ce sortilège. Cette dernière lui avait néanmoins assuré que cela en valait la peine, Narcissa étant pourvue de très grandes capacités. Elle se souvint de la fierté qu'elle avait ressentie ce jour-là, et la satisfaction d'avoir vu dans les yeux de son aîné l'orgueil qu'elle lui procurait. Elle lui avait, par la suite, promis de lui apprendre les deux autres sortilèges impardonnables cette même année, mais après ce qu'elle venait de lâcher, Narcissa n'était plus sûre de rien. Andromeda n'hésiterait pas à tout rapporter aux parents qui à leur tour l'empêcheraient de voir Bellatrix.
– C'est moi qui ai insisté, mentit-elle.
Il ne fallait pas aggraver le cas de sa sœur. Narcissa subirait peut-être les foudres de la benjamine, mais au moins, elle pourrait continuer de voir sa sœur aînée.
– Tu es folle, conclut Andromeda, les yeux emplis de déception. Aussi folle que Bella. Tu te diriges vers le mauvais chemin, Cissy, et crois-moi, tu finiras un jour par le regretter.
Elle partit sans lui laisser le temps de répliquer.
***
Étendue sur son lit à baldaquin, Narcissa observait pensivement la boule de papier qui prenait lentement feu devant elle. Il s'était déroulé tellement de choses ces derniers mois qu'elle ne savait plus où donner la tête. Elle avait pensé avoir un peu de répit en retournant chez elle, mais visiblement, elle s'était fourvoyée. Elle qui avait pensé qu'Evan laisserait passer son Imperium sous silence, faisait preuve d'un peu de compassion pour sa cousine, elle l'avait sous-estimé. Quelle idiote, songea-t-elle. Les mots « Rosier » et « compassion » étaient antonyme depuis que le premier membre de cette maudite famille était né. Sa mère, Druella, en était la preuve même.
– Père te réclame, lâcha Andromeda en passant indifféremment devant la porte de sa chambre.
Narcissa sursauta. Son cœur s'emballa et la panique la saisit lorsqu'elle s'imagina Andromeda tout leur raconté. Elle se leva d'un coup et l'interpella dans le long couloir qui menait à leurs chambres.
– Andry !
L'interpellée se retourna et lui adressa un regard froid. Elle répondit à sa question informulée :
– Je ne leur ai pas dit. Mais j'aurais pu.
Elle se retourna d'un geste sec et s'engouffra dans sa chambre dans un silence tranchant. Narcissa poussa un soupir de soulagement tout en restant méfiante. Sa sœur possédait à présent une arme contre elle et Bellatrix qu'elle n'hésiterait pas à utiliser pour son propre intérêt. Narcissa descendit en silence, redoutant ce que son père s'apprêtait à lui annoncer. Si Evan avait écrit à Andromeda, il avait sans doute fait de même pour ses parents et l'idée qu'ils sachent ce qu'elle avait fait commença à lui comprimer la poitrine. Mais il n'y avait pas seulement cela : le baiser, Wilkes, la rivalité avec Malefoy, tout cela, Evan savait et ne manquerait pas de le partager. Narcissa le maudit en silence. Voilà ce qui se passait lorsqu'un Rosier faisait partie de la famille. Rien ne restait privé.
Elle poussa la porte de la bibliothèque et eut la surprise de trouver son père assis sur le fauteuil en velours vert, mais également sa mère, aussi droite et stoïque qu'une pierre. La pièce était petite, mais chaleureuse, gardant une tonalité verdâtre tout en donnant une sensation de réconfort près de l'ancienne bibliothèque qui recouvrait un pan de mur entier. La cheminée diffusait une agréable chaleur. Au-dessus, les trois corbeaux des Blacks la dévisageaient, gravés dans la pierre brute. Son père l'invita à s'asseoir sur le canapé qui lui faisait face puis commença :
– Evan nous a écrit.
Évidemment s'agaça Narcissa. Son hypothèse s'était révélée juste. Mais il ne lui laissa pas le temps de s'exprimer qu'il enchaîna :
– Je me fiche bien de savoir combien de garçons tu traînes à tes pieds.
Sa mère s'apprêta à le contredire, mais il lui intima de se taire d'un simple geste de la main.
– Tu n'es pas encore fiancée donc tu n'as encore aucune fidélité à montrer envers Malefoy. Néanmoins (il insista bien sur ces mots), tu dois tout de même te rapprocher de Lucius, même si tu n'en as pas envie.
À la vue de l'incompréhension apparente de sa fille – et de sa femme – il expliqua :
– Evan nous a rapporté que tu tentais de le repousser, mais que tu laissais les autres t'aborder facilement. Ce n'est pas la réaction que nous attendions de ta part. Je veux que tu te rapproches le plus possible de ton futur mari afin de préparer votre avenir. Je ne vous demande pas d'éprouver des sentiments amoureux l'un envers l'autre, cela se fera avec le temps, mais au moins commencer à converser et passer du temps ensemble pour que votre mariage se passe du mieux possible.
Narcissa garda le silence. Elle se sentait utilisée, manipulée, vue comme un pantin obéissant à chaque fil qui la tirait. Elle détestait cette sensation, mais avait-elle le choix ? Elle était née pour cela.
– Wilkes nous a aussi écrit, prononça avec dégoût sa mère. Il demande ta main.
Narcissa ne fut point surprise. Rien ne pouvait arrêter Aurbun Wilkes, même pas un sortilège Doloris. Elle était néanmoins déçue qu'il ne lui en ait pas parlé avant. Tu n'as fait que l'éviter, aussi. Mais elle se demanda s'il l'aurait fait, au risque de se faire surprendre par Lucius ou un de ses acolytes. Non sûrement pas. Wilkes était doué pour parler, mais pas pour agir.
– Je suppose que vous avez refusé, devina-t-elle.
– Bien sûr ! Approuva sa mère, presque consternée. Le nom Malefoy a bien plus de valeur et de renommée que celui de Wilkes. Ses origines ont beau être pures, les Malefoy sont bien plus riches et dignes de ton nom de naissance.
– Et puis cela vexerait profondément notre vieux Abraxas, compléta son père, non sans un petit sourire aux lèvres. Tu n'avais même pas cinq ans qu'il nous avait déjà proposé son fils.
– En parlant de Abraxas, reprit sa mère, il organise le bal de Noël chez lui, cette année.
Narcissa, cette fois-ci, fut surprise.
– Mais Yaxley m'a dit que Mrs Malefoy venaient de décéder et...
– Abraxas semble s'en ficher éperdument : Eleonore n'était pour lui qu'un outil pour engendrer un héritier, tout le monde le savait, la coupa son père.
– Pauvre femme, soupira Druella. Elle était si gentille. Nous lui avons envoyé nos condoléances, mais je doute qu'il les ait ouverts.
Un claquement de la porte d'entrée les fit tous sursauter. Druella regarda la pendule et déclara avec lassitude :
– En retard, comme toujours.
Mais Narcissa avait déjà sauté sur ses deux pieds pour rejoindre sa sœur. Elle sortit de la bibliothèque sans même en demander la permission.
– Bella ! S'exclama-t-elle en apercevant les épaisses boucles brunes de sa sœur aînée devant la porte d'entrée.
– Ma douce Cissy, l'accueillit-elle en la serrant chaudement dans ses bras.
En se détachant, Narcissa put contempler le visage fatigué de Bellatrix, ses joues qui s'étaient creusées et son teint qui avait pâli. Malgré son expression qui laissait transparaître une certaine préoccupation, une lueur de folie brillait toujours dans ses yeux sombres.
– Je ne suis là que pour la nuit, déclara-t-elle, entre deux coups d'œil à la porte, guettant l'arrivée de ses parents.
La joie de Narcissa retomba aussitôt. Elle savait que sa place était aux côtés de son mari, même si elle ne manifestait aucun sentiment de bienveillance à son égard, mais cela ne l'empêcha pas d'être déçue.
– Tu m'avais promis de m'apprendre le sortilège Doloris, chuchota-t-elle tout en surveillant à son tour la porte avec nervosité.
– Rien ne t'empêche de te rendre chez moi, répondit-elle avec le même volume de son. Rodolphus n'est presque jamais présent. Au fait, enchaîna-t-elle à l'écoute de quelques pas se rapprochant, bravo pour ton Imperium.
Narcissa répondit d'un sourire satisfait au moment où leur mère faisait son entrée.
Elle avait réussi à rendre fière sa sœur aînée, et cela la réjouit plus que tout.
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