17 - Drago

«Je n'ai pas pleuré, aucune larme. Pourtant, à l'intérieur, j'ai été noyée.» 
Rebecca Donovan

Lorsque la porte d'entrée retentit, ce fut comme si on l'avait aspergée d'eau glacée. C'était la première fois depuis des semaines qu'elle entendait ce bruit. La première fois que l'espoir de le revoir s'animait réellement. Elle courut presque jusqu'au long hall d'entrée, et lorsqu'elle aperçut sa chevelure blonde platine, son cœur se mit à cogner fort dans sa poitrine. Mais avant que la joie ne puisse la faire sourire, ce fut la colère qui, pour la première fois depuis sa disparition, s'empara de son esprit.

– Lucius Malefoy ! s'exclama-t-elle, et son cri se répercuta entre les murs gris de son manoir.

Celui-ci releva la tête et une lumière éclaira son visage lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de sa jeune épouse. Mais son sourire retomba aussitôt lorsque les événements passés lui revinrent. Si elle était furieuse maintenant, alors elle n'imaginait pas ce qui se passerait une fois la triste nouvelle annoncée.

Elle s'approcha d'un pas furieux et plaqua ses mains contre son torse, les larmes de haine et d'amour se mêlant sur ses joues pâles.

– Comment as-tu pu m'abandonner ainsi ! Je te déteste, je te déteste !

Elle voulut le frapper encore et encore, lui hurler toutes les injures du monde, mais il lui attrapa les poignets et l'attira contre lui, sans lui laisser le temps de protester. Submergée par les émotions, elle se laissa faire, jusqu'à s'agripper à lui comme un rocher en pleine mer.

– Je t'ai attendu si longtemps... sanglota-t-elle.

– Mais je suis là. Je serai toujours là.

Il lui caressa tendrement les cheveux, regoûtant de nouveau au parfum délicat de Narcissa. Cela lui avait tellement manqué. Tout lui avait manqué chez elle. Alors qu'ils combattaient les plus féroces Aurors, elle avait toujours été là, dans l'ombre de son esprit, à lui sourire amoureusement. Son seul souhait durant ces semaines de cavale avait été de la revoir, et quand Evan lui avant annoncé la nouvelle... Evan.

Inspirant profondément, il se détacha, gardant une main sur le vendre de sa femme. Son regard se fit sombre, inquiétant Narcissa sur ce qu'il avait à dire.

– Cissy, je suis désolé, si désolé...

– Qu'est-ce qui s'est passé ? S'enquit-elle, la panique lui comprimant brusquement la poitrine.

– Evan et Aurbun sont... enfin, ils sont... morts.

Le sol s'effondra. Les murs également, le manoir entier. Tout son monde s'écroula.

Elle ouvrit la bouche pour laisser échapper un cri, mais rien ne vint. Quelque chose lui obstruait la gorge, une douleur terrible, une peine écrasante. Elle sentit ses genoux s'écraser contre le sol de marbre froid. Elle sentit son cœur se déchirer, hurler au désespoir. Elle voulait que tout cela cesse. Qu'elle se réveille de ce cauchemars affreux. La voix de Lucius résonna loin, si loin. Elle ne pouvait plus rien entendre. Elle ne voulait plus rien entendre.

Des bras l'enveloppèrent et l'attirèrent dans les profondeurs des ténèbres, la glissant hors de cette réalité douloureuse.

Narcissa avait mal.

Si mal.

*****

– Arrête de boire, lui ordonna Lucius d'une voix sèche, lui arrachant de force le verre de vin d'entre ses mains.

Elle aurait voulu répliquer, mais aucun son ne voulait sortir. Elle se sentait vide. Affreusement vide.

Elle se souvenait des farces d'Evan, de son rire si cristallin. Il avait été comme un frère pour elle. Il avait passé presque toute son enfance au Square Grimmaud, fuyant l'ambiance glaciale et strice de son propre manoir pour prendre plaisir à écouter les disputes d'Andromeda et Bellatrix, ainsi que les cris enfantins de Sirius. Ils avaient tellement ris ensemble. Ils avaient presque tout fait ensemble. Même maison à Poudlard, même promotion, même classe. Evan avait fuit sa famille pour elle, et il reposait à présent tristement avec eux, dans le caveaux familial des Rosier. Narcissa aurait pu rire d'ironie si cela ne lui faisait pas aussi mal.

Elle préférait ne pas penser à Aurbun Wilkes. Elle se disait qu'il était parti se refaire une nouvelle vie, fondé sa famille comme il aspirait à le faire depuis si longtemps. Elle aimait se réconforter dans ce mensonge, cela lui faisait moins mal. Même si au fond d'elle, la douleur était toujours là.

– Narcissa !

Elle sursauta. Le visage de Lucius était contracté, visiblement en colère.

– Ça fait trois fois que j'essaie de te ramener parmi les vivants !

– Désolée, murmura-t-elle sans grande conviction.

Si ça ne tenait qu'à elle, elle serait restée blottie sous ses couvertures jusqu'à être anesthésiée de toute peine, se coupant de sa sombre réalité et de la guerre qui faisait rage au dehors, une guerre qui lui avait arraché un cousin et un ami. Mais Lucius n'était pas de cet avis, et luttait chaque matin pour la faire sortir du lit. Il usait parfois de force pour la faire manger, lui rappellant qu'elle portait en elle leur futur enfant. Il surveillait de près les boutilles de vins, quand il ne la surveillait pas elle. IL avait même arrêté de travailler au Ministère, le temps qu'elle reprenne conscience du monde extérieure, ce qui lui avait valu les foudres du Maître. Mais il savait qu'il serait capable des pires folies pour elle. Il espérait juste que cette mini-dépression passe rapidement.

– Je n'ai pas eu de nouvelles de Regulus depuis longtemps, déclara-t-elle, les yeux divaguant dans le vide.

Il soupira longuement. Il espérait vraiment que cette mini-dépression passe rapidement.

– Je te l'ai déjà dit trois fois. Regulus a disparu. On pense qu'il est mort.

Une ombre passa sur son visage.

– Ah oui. C'est vrai.

Il ne s'était pas permis de lui annoncer la mort de sa tante. Walburga fut si dévastée de la disparition de son dernier fils qu'elle accusa le Seigneur des Ténèbres de le lui avoir pris. Elle tenta de le défier, mais sans surprise, elle perdit. Bellatrix avait esquissé une légère grimace lorsque le corps de Walburga Black avait atterri sans vie à ses pieds, mais n'avait fait aucun commentaire. Lucius craignait que ce ne soit la goutte de trop pour Narcissa. Même s'il savait qu'elle n'entretenait aucune relation étroite avec sa tante, Walburga avait été celle qui prenait toutes les décisions pour la famille Black. Elle avait été le pilier de tous ses membres, et sa mort signifiait le désordre dans la hiérarchie des Black, et la fin d'une longue lignée avec la disparition des derniers héritiers. Il ne voulait pas qu'elle s'inquiète pour tout ça. L'annonce pouvait attendre le temps qu'elle se remette.

Il sentait qu'elle l'avait déjà quitté et parti loin dans ses pensées obscures. Aussi Lucius changea de place et s'installa à ses côtés. Il encadra de ses mains son visage et ses yeux papillonnèrent un instant, signe qu'elle revenait avec lui.

– Narcissa, ça ne peut plus durer. Il faut que tu fasses ton deuil. Que tu les laisses partir.

Mais elle revoyait encore Evan et son sourire moqueur posé éternellement sur ses lèvres. Elle ne pouvait pas croire qu'il avait quitté ce monde. Elle avait si mal...

– Narcissa, reste avec moi, s'il te plaît. Ni Evan, ni Aurbun n'auraient voulus te voir dans cet état. Et pense au bébé, il faut que tu sois en forme pour lui, tu comprends ?

Elle hocha la tête, plusieurs larmes dévalant ses joues creuses.

– Aurbun est parti refaire sa vie, corrigea-t-elle. Il n'est pas mort.

Lucius ferma les yeux, la douleur de l'entendre dire cela lui pinçant le cœur. Mieux valait la laisser croire à ce doux mensonge qu'elle s'était crée. Il ne lui resterait qu'une mort à accepter. Cela était cruel, mais ç'aurait l'avantage de ne pas faire empirer son état.

– Oui, tu as raison.

Ces mots lui brûlèrent la langue, mais il n'avait pas le choix. Il l'attira contre lui, et elle le laissa faire, trop faible pour répliquer. Ils restèrent longtemps ainsi, enlacés sur le sofa de velours vert.

Ce jour-là, Narcissa accepta. Elle laissa partir Evan librement, ferma les yeux puis les rouvrit, pour retourner non sans douleur à la réalité dont elle faisait partie.

****

Les mois passèrent. Narcissa apprit la mort de Walburga, mais bien trop obnibulée par son ventre grossissant, elle ne s'y attarda pas. Lucius s'absentait souvent, mais tentait de trouver le plus de temps à consacrer à sa femme. Il avait essayé de lui proposer différents noms pour son futur fils, mais Narcissa les réfutait tous, déclarant qu'elle avait déjà décidé le prénom et qu'elle ne changerait pas d'avis. Pour le torturer plus encore, elle ne lui annoncerait qu'à la naissance. Lucius avait fini par abandonner devant le caractère borné de sa femme.

Juin arriva rapidement, et le cinquième jour du mois, les cris de Narcissa retentirent entre les murs gris du manoir. Au bout de quelques heures d'attente, Lucius put enfin entendre les pleurs enfantins. À cet instant, il sentit son cœur gonfler de joie et courut presque dans la pièce où Bellatrix demeurait aux côté de Narcissa, un regard étrange dirigé vers l'amas de linge que tenait Narcissa entre ses bras. Lucius la trouva sublime, malgré ses mèches blondes collées à son front par la sueur.

Il avança et s'assit à ses côtés. Son monde s'arrêta de tourner lorsque ses yeux se posèrent sur l'enfant qui dormait paisiblement. Sa petite main potelée entourait le doigt de sa mère, qui n'arrêtait pas de sourire. Lui-même sentit une telle joie l'encombrer qu'il sourit de même, peut-être un peu bêtement, mais peu lui importait.

–Quel est le nom que tu lui as choisi ? demanda-t-il enfin, désireux de savoir ce que Narcissa lui cachait depuis si longtemps.

– Drago, sourit-elle, une larme brillant dans le coin de son œil. Drago Malefoy. 

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