14 - Mangemorts
"Et même si j'ai plein de doutes,
Au fond j'ai qu'une seule certitude;
Ma vie je ne la vois pas sans toi."
Dans les longs couloirs du château de Poudlard, de grands pas précipités résonnèrent entre les vieux murs de la bâtisse. Narcissa savait que de l'autre côté, il y avait foule et pour cause : les résultats des ASPICS avaient enfin été affichés. Mais elle savait déjà qu'elle finirait première, ou deuxième si le fils Malefoy ne l'avait pas surpassé. À cette pensée, un léger sourire se dessina sur ses lèvres écarlates.
– Narcissa ! Entendit-elle crier dans son dos.
Avec lassitude, et en poussant un long soupir d'exaspération, l'intéressée fit volte-face et se retint de grimacer à la vue de Augustus Rookwood et Corban Yaxley qui la rattrapaient en courant.
– Qu'est-ce que vous faites là ? Grommela-t-elle, agacée.
– Et toi ? Répliqua Corban une fois arrivé à sa hauteur, le souffle court.
Il fut rapidement rejoint par son ami qui commençait à avoir très chaud.
– J'ai un livre de potion à récupérer, répondit-elle du tac au tac.
Les deux Serpentards se regardèrent mutuellement avec un froncement de sourcil puis reportèrent leur attention sur la jeune Black qui souhaitait plus que tout les voir partir.
– Les cachots sont de l'autre côté du château, sauf si le monde s'est décidé de tourner à l'envers.
– Oui, c'est ça, grimaça-t-elle. Allez donc voir vos résultats, je vous rejoindrai plus tard.
– On les connaît déjà nos résultats, rétorqua-t-il, un sourire naissant sur les lèvres.
– Super, et bien allez donc préparer la fête dans la Salle commune.
– Et on connaît aussi les tiens, termina Augustus, retenant de son mieux son fou rire. J'ai hâte de voir ta tête lorsque tu liras le classement.
Narcissa fronça les sourcils, mais avant qu'elle n'ait pu leur demander quoi que ce soit, Lucius apparut au détour du couloir et s'approcha si près de Narcissa que les deux compagnons crurent halluciner.
– Euh... commença Corban, on a loupé un truc ou...
– On pensait que vos résultats pouvaient vous intéresser à tous les deux, dit Rookwood, toujours pas remis de sa surprise.
– On allait y aller, assura Narcissa à présent aussi joviale qu'un papillon virevoltant dans le ciel.
– Et ton livre de...
Elle lui jeta un regard noir avant d'attraper la main de Lucius et l'entraîner à sa suite dans les couloirs de l'école. Yaxley et Rookwood les suivirent, ne sachant plus quoi penser de la relation des fiancés.
Ils arrivèrent devant les panneaux d'affichage. La place commençait déjà à se vider : il ne restait qu'un petit groupe de filles Serdaigle et deux Gryffondors qui leur jetèrent au passage un regard dédaigneux. Mais tout ce qui intéressait Narcissa à ce moment précis était les résultats de ses ASPICS : les dires de ses amis l'avaient quelque peu inquiétée. Elle lâcha la main de Lucius et se dirigea à grande vitesse vers les feuilles accrochées. Et alors que ses yeux se posèrent dessus, elle crut sentir sa mâchoire tomber.
En premier, elle ne vit ni son nom, ni celui de son fiancé, ni même celui d'un quelconque Serdaigle trop intelligent pour se permettre de laisser la victoire à un Serpentard. Non, à la première place, il y avait le nom d'Evan Rosier.
En deuxième, celui de Lucius Abraxas Malefoy.
Et enfin en troisième, celui de Narcissa Lucretia Black.
– Ils ont dû se tromper, murmura-t-elle, les yeux exorbités par ce qu'elle venait de découvrir. Mon cousin ne peut pas être premier de la promotion.
Lucius, à ses côtés, afficha une mine dégoûtée.
– J'aurais pu être premier. Je ne savais pas qu'Evan accordait de l'importance à ses études.
– Le problème est qu'il n'en a toujours eu rien à faire...
Elle s'arrêta net de parler lorsqu'elle vit Corban et Augustus se plier de rire, dans un coin du couloir. Narcissa s'approcha d'eux d'un air furieux :
– Où est-ce qu'il est ? Où est Rosier ?
– Déjà en train de... de fêter sa victoire... répondit Corban entre deux hoquets de rire, séchant une larme qui venait de couler.
D'un pas des plus enragés, elle descendit les sombres escaliers des cachots où elle put déjà entendre les exclamations joviales des élèves de dernière année. Elle savait qu'Evan n'avait rien fait durant des mois. Toutes les semaines, il ramenait une nouvelle fille dans sa chambre, même si cela était bien sûr interdit. Il avait refusé l'aide de Bellatrix pour les sortilèges et sa propre aide pour les potions. Elle ne l'avait jamais vu une seule fois ouvrir ses livres, et elle se doutait même qu'il les eût ouverts un jour. Non, Narcissa était certaine qu'Evan n'avait pas reçu la première place pour ses connaissances. Il ne restait qu'une seule solution envisageable, mais elle voulait l'entendre dire de sa propre bouche.
Lorsqu'elle arriva dans la Salle commune, des cris de joie l'accueillirent. Même en étant troisième, elle avait tout de même droit à son heure de gloire. Mais elle repoussa ce moment pour plus tard et se dirigea directement vers son cousin euphorique. Dès qu'il la vit, un grand sourire se dessina sur ses lèvres rouges et il lui remit de force un verre de champagne entre les mains, sans même attendre son accord.
– Pas trop déçue ?
– C'est ça, prend-moi pour une idiote, grimaça-t-elle.
– Tu es jalouse parce que tu n'as pas su atteindre la première place comme ta sœur, s'esclaffa-t-il. De toute façon, tu n'aurais jamais pu parce que Lucius était devant toi.
– De seulement quelques points de différence ! S'agaça-t-elle. Mais toi ! Tu as presque fait un sans-faute !
– Ça s'appelle le perfectionnisme, cousine, fit-il en vidant sa flûte d'un trait.
– Laisse-moi rire. Tu ne sais même pas quand a été signé le Pacte magique.
– Moi non, mais ma plume oui...
– J'en étais sûre, souffla-t-elle. Une plume à réponses intégrées. Tu sais que c'est interdit, n'est-ce pas ?
– L'interdit est le plus fabuleux à entreprendre.
– Comment te l'es-tu procuré ?
– Disons que Rabastan m'a bien aidé.
– Sale tricheur, va.
– Je fais honneur à mon nom, que crois-tu.
Cela l'aurait bien fait rire si elle ne tenait pas autant à sa fierté. Aussi, elle se contenta de le fixer de son regard dédaigneux ce qui sembla l'amuser grandement. Lucius ne mit pas longtemps avant de les rejoindre, d'un air un peu plus détendu.
– Tu joues ta vie en volant ma place, Rosier.
– Ma vie n'a aucune importance. Elle appartient au Maître, à présent.
Narcissa écarquilla les yeux, Lucius serra la mâchoire. Un grand sourire décora les lèvres du jeune homme.
– J'ai reçu ma marque, il y a peu. Je suis officiellement un Mangemort, comme vous tous à...
– Tais-toi, siffla l'héritier Malefoy, le visage contracté. Tu es un idiot de scander ton statut avec autant d'oreilles indiscrètes aux alentours.
Le visage d'Evan était devenu cramoisi, et il s'apprêtait à répliquer une quelconque remarque acerbe quand l'arrivée de Yaxley, Rookwood et Avery le coupa dans son élan.
– De quoi vous parlez ? S'enquérit ce dernier innocemment.
– De quelque chose dont on ferait mieux de discuter plus loin, répondit Narcissa, avec un sourire en coin.
Elle savait qu'en ce moment même, l'agilité dont elle faisait preuve pour cacher leur secret rendrait fier Lucius. Elle voulait lui montrer qu'elle était prête à devenir femme de Mangemort, et qu'elle ferait tout pour protéger ses véritables intentions de regards trop curieux. Elle se surprit à penser cela ; quelques jours auparavant, elle doutait encore de l'avenir qu'il aurait à lui offrir, du rôle qu'il lui donnerait dans sa vie si elle refusait de se donner à lui. À présent, c'était comme si le lac lui avait aspiré toutes ses craintes, ses doutes, ou ses pensées contradictoires. Narcissa se dévouerait à Lucius, elle s'était promis de le soutenir jusqu'au bout et de se rendre utile à ses côtés. Mais surtout, elle l'aimait : il n'y avait rien d'aussi translucide que cette pensée. Toute cette amitié qu'ils avaient nourrie durant leurs jeunes années avait grandi pour les sceller d'un amour sincère et pur. Le lac avait été la clef pour mettre à jour cette vérité.
Le petit groupe se réfugia ainsi dans un coin de la salle, isolé de la foule verte et argent qui devenait de plus en plus euphorique au fur et à mesure que l'alcool s'évaporait.
– Le Maître m'a posé la marque, déclara fièrement Rosier, une fois certain que personne ne les avait suivis.
– Félicitations, sourit orgueilleusement Avery.
Rookwood et Yaxley firent de même, sincèrement heureux de voir leur ami rejoindre leur rang. Lucius demeurait muet, le visage grave.
– Et Severus ? Demanda Narcissa qui avait remarqué que le jeune Serpentard passait le plus clair de son temps avec ses aînés.
– Il est jeune, répondit Augustus, mais ça ne saurait tarder.
– Mais c'est un Sang-Mêlé non ?
– Il est très doué en potions, et le Maître a besoin de ses talents pour de futurs projets.
– Oh.
Lucius observait Narcissa d'un œil inquiet, s'appliquant à masquer son inquiétude par son expression froide habituelle. Il ne voulait pas voir la seule personne qu'il aimait mourir sous les colères du Seigneur des Ténèbres. Il savait qu'elle voulait faire bonne impression à ses côtés, qu'elle était secrètement fière d'épouser un Mangemort, mais avec sa sœur, ses proches et lui-même, il avait peur qu'elle ne pense à s'engager elle aussi. Malheureusement, Evan décida de formuler cette crainte en une question, ce qui lui donna envie de se jeter sur lui et l'étrangler jusqu'à voir ses yeux sortir de leurs orbites.
– Pourquoi ne nous rejoindrais-tu pas, toi aussi, cousine ?
Premièrement, Narcissa fut surprise de sa requête. Elle ne voyait pas en quoi elle pouvait être utile aux côtés du Mage noir : elle n'était pas très bonne combattante et rechignait à lancer un impardonnable sur un quelconque être vivant. Puis, en réfléchissant bien, elle s'aperçut qu'elle pourrait très bien soustraire des informations ou réaliser une quelconque activité de ce genre. Au fond, elle se demandait si elle le voulait vraiment, mais si cela pouvait rendre fiers sa sœur et Lucius, alors elle n'hésiterait pas une seule seconde.
Mais alors qu'elle s'apprêtait à répondre, la voix tranchante de l'héritier Malefoy lui retira les mots de la bouche :
– Non.
Son regard fixait avec insistance et méchanceté Evan qui se pinça les lèvres, ne s'attendant pas à cette réaction. Mais Narcissa n'était pas décidée à se laisser dicter ses choix, et dans un instant de folie, elle dit :
– Et pourquoi pas ?
Mais elle regretta ces mots à l'instant où elle se rendit compte qu'elle n'avait dit cela que pour le plaisir d'opposer une résistance. Au fond, l'idée même d'être marquée la terrifiait.
Ses mots agirent comme un électrochoc pour le fils Malefoy. Aussitôt, il lui saisit le poignet et la tira loin du groupe, dans une deuxième salle plus petite qui abritait leur propre bibliothèque. À l'instant où il eut refermé la porte, il s'exclama :
– Je t'interdis ne serait-ce que de penser à cela !
Sa remarque la piqua au vif.
– Tu n'as pas d'ordres à me donner, Lucius Malefoy !
Sans qu'elle ne le vit arriver, il s'approcha avec rapidité et finesse pour la plaquer contre le mur sans pour autant lui faire mal.
– C'est beaucoup plus sérieux que tu ne le croies, Cissy. Exposer tes intentions aux personnes comme Evan est dangereux. Il ne manquera pas d'en informer le Maître, et ta liberté s'arrêtera là. Tu comprends ?
De sa position, elle pouvait sentir son souffle chaud lui caresser sa joue, la pression de son corps sur le sien qui lui donnait le tournis. Elle n'avait pas les mots pour définir l'attraction qu'elle ressentait pour cet homme.
– Je... je pensais que tu étais pour, souffla-t-elle, la voix légèrement tremblante.
– Pour ?
Il cracha ce mot comme si c'était la chose qui le dégoûtait le plus au monde. Il s'éloigna d'elle si rapidement que Narcissa regretta ce contact si proche qu'ils avaient eu quelques secondes auparavant.
– Comment peux-tu penser une telle chose, Narcissa !
– Alors pourquoi t'es-tu fait marquer ?
– Pourquoi ? Répéta-t-il avec colère. Parce que mon père est obnubilé par ce mage noir, parce qu'il ne m'a laissé d'autres choix que de poursuivre son chemin ! Ma plus grande peur est de décevoir le Seigneur des Ténèbres, non pas pour mon propre égo, mais parce qu'il serait capable de me tuer si je faisais le moindre faux pas ! Tu comprends maintenant pourquoi ?
Narcissa était devenue blême. Elle venait tout juste de se rendre compte que son choix de le servir était tout autre que celui de Bellatrix. Lucius le servait par obligation et peur. Elle comprenait à présent sa réaction si soudaine qu'il avait eu lorsqu'elle avait sous-entendu qu'être marquée ne la dérangeait pas.
– Je suis désolée, s'excusa-t-elle, la gorge nouée. Je ne savais pas.
Il soupira longuement, le calme recouvrant peu à peu ses esprits.
– Tu ne pouvais pas savoir si personne ne le sait. Mais je ne veux pas que tu vives le même enfer. Je ne me le pardonnerai jamais.
Il s'avachit lamentablement dans un des sofas cuivrés, peu soucieux en cet instant même de son image. Narcissa s'avança à pas timides avant de s'asseoir à ses côtés et enfouir son visage dans le creux de son cou, passant ses frêles bras autour de ses épaules.
– Je suis désolée, répéta-t-elle. Ça n'a jamais été dans mes intentions. Je voulais juste te rendre fier.
Les larmes commençaient déjà à embuer sa vue et elle les réfuta avec difficulté.
– Je sais, Cissy. Je sais.
Il caressa avec tendresse ses longs cheveux blonds, sentant son cœur chavirer douloureusement. Il déposa un baiser sur le sommet de son crâne.
Puis il se promit que jamais, au grand jamais, il ne tenterait d'imaginer sa vie sans elle.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top