13 - Prouve-moi que tu m'aimes
https://youtu.be/1Mxn2HawwF4
«Je t'aime, parce que tout l'univers a conspiré pour me faire venir jusqu'à toi.»
Paulo Coelho
Lorsque Narcissa s'assit au cours du repas à côté de Lucius, d'un air relativement serein, les discussions qui couraient entre les membres de la bande Serpentard cessèrent immédiatement. Lucius faillit bien s'étouffer avec son morceau de pomme de terre, mais heureusement, le verre d'eau le sauva. Corban, remis de sa surprise, ironisa :
– Tiens, Narcissa. Tu te rappelles encore de l'emplacement de la Grande Salle, quelle surprise.
À côté, Rookwood pouffa et Evan sourit, presque gentiment.
– Rassure-toi, je ne suis pas venue ici pour t'entendre dire des idioties.
– Pour quoi, alors ?
– Toujours aussi fouineur à ce que je vois.
Son visage blêmit en l'espace de seulement quelques secondes lorsqu'il comprit l'objet de son allusion. Narcissa n'avait jamais oublié ses aveux au sujet de la lettre adressée à Lucius qu'il n'aurait jamais dû lire. À présent, elle possédait une arme qu'elle n'hésiterait pas à utiliser. Un sourire vainqueur décora ses lèvres.
– Pourquoi dis-tu cela ? Interrogea Lucius, qui faisait comme si sa présence ne le perturbait pas.
– Une chose entre lui et moi, répondit-elle, ne détachant pas son regard de celui de Yaxley.
Rookwood avait du mal à retenir son fou rire, entraînant dans son euphorie Evan qui était malgré tout aussi perdu que Lucius. Plus loin, Avery et Rogue étaient plongés en pleine discussion si bien qu'ils ne firent pas attention aux jeux que se prêtaient leurs amis.
Narcissa, cependant, ne se décida pas à cracher le morceau, jugeant qu'il était préférable de garder cela pour un moment plus opportun. Elle se tourna vers Lucius et avança ses lèvres délicates du lobe de son oreille. Un chuchotement retentit doucement, inaudible pour tous les autres élèves de la table exceptés les fiancés. Lorsqu'elle se retira, il la dévisagea longuement puis finit par hocher la tête et se lever, la main de Narcissa dans la sienne. Ils laissèrent le groupe Serpentard perplexe et ahuri par cette scène qui leur semblait irréelle, puis sortirent ensemble de la Grande Salle.
Ils traversèrent la moitié de Poudlard main dans la main, Lucius n'osant rien faire de plus pour ne pas vexer sa bien-aimée. Elle l'emmena dehors, le plus loin possible du château, dans un endroit dont il ne soupçonnait même pas l'existence. Arrivé au milieu d'un terrain plat, coupé du reste de l'école par de petits arbustes, Narcissa se tourna vers Lucius, agrippant ses mains comme un rocher dans une mer agitée.
– Nous allons transplaner, avertit-elle.
– Narcissa, c'est impossible, Dumbledore a...
– Cet endroit n'est pas atteint par les sorts antitransplanages. Il est trop éloigné pour cela. Fais-moi confiance.
Sans lui laisser le temps de répliquer, ils disparurent subitement du décor.
**************
L'air saturé d'humidité fit grimacer Narcissa lorsqu'ils atterrirent sur la pierre dure et froide de la falaise. Devant eux, lové dans le creux des montagnes, le grand lac d'Aliana s'étalait sur des kilomètres, créant ainsi une énorme étendue d'eau plate, aux couleurs sombres et inquiétantes. Sous le ciel gris et gorgé de pluie, il semblait menaçant, prêt à avaler quiconque se jetterait dedans. Derrière eux, la forêt humide s'imposait, chantant sous le vent glacial qui battait les branches des arbres à un rythme inlassable. Rien ne donnait envie d'y entrer ; l'aura que dégageait cet endroit semblait dangereuse. Mais Narcissa savait que ce lieu était son dernier espoir. Elle avait besoin d'être sûre, avec l'aide de la magie ou non.
– Narcissa, ça rime à quoi tout ça ? Hurla Lucius, tentant de surpasser de sa voix la force du vent.
Il ne lâchait pas sa main, ayant trop peur de la voir disparaître à jamais dans ce lieu qui ne lui inspirait pas du tout confiance.
– Je sais ce que je fais, répondit-elle doucement, le forçant avec le plus de tendresse possible à retirer sa main agrippée à la sienne.
Les larmes commençaient à perler sous ses pupilles noires et son cœur battait trop vite, bien trop vite. Mais elle ne s'était jamais sentie aussi sûre d'elle qu'aujourd'hui. Après cela, tout redeviendrait clair. Après cela, elle n'aurait plus à douter de rien. Peu importe ce que le lac lui réserverait. Mais la panique animait d'ores et déjà les yeux gris de l'héritier Malefoy.
– Narcissa, je connais cet endroit et...
– Alors, raconte l'histoire.
La jeune Black commençait déjà à reculer vers la pointe de la falaise, de grosses larmes roulant à présent sur ses joues. Lucius était pétrifié. Il n'osait plus prononcer un seul son, étouffé par le vent qui balayait avec force ses cheveux sur le côté. Il n'osait pas croire qu'elle l'avait emmené ici, il se demanda un moment si elle mesurait le danger. Il en conclut qu'elle était folle. Définitivement folle.
– Si tu ne veux pas, reprit-elle, alors je vais le faire pour toi. Il y a longtemps vivait une sorcière du nom d'Aliana, une si jolie femme qu'un jeune sorcier vivant près de sa demeure en tomba amoureux.
Le sifflement du vent, accompagné des gouttelettes d'eau provenant du lac semblait vouloir chasser ses paroles, mais elle résista.
– Il ne cessait de lui répétait qu'il l'aimait, tous les jours, toutes les nuits, sans répits. Aliana, qui avait le pouvoir de divination, n'arrivait pourtant pas à savoir s'il était sincère ou s'il prétendait l'aimer pour sa beauté.
– Narcissa, s'il te plaît, tu sais que...
– Alors, elle l'emmena ici même, un jour de tempête. Elle le mit à l'épreuve : elle avait besoin d'être sûre de leur amour véritable avant de s'engager sérieusement. Alors, elle sauta ; mais lui, sachant le danger trop grand pour la suivre, la laissa se noyer dans les eaux tumultueuses du lac.
Lucius devint aussi blanc que sa chemise lorsqu'il comprit où elle voulait en venir. Ce qu'elle comptait faire. Il se rendit alors compte qu'elle était au bord du précipice, sa jupe fouettant ses jambes au rythme de la tempête qui commençait à se lever.
– Si tu doutes de mon amour, fit-il la voix tremblante, je te jure que je saurais te le démontrer autrement que...
– J'ai besoin de savoir, Lucius, pour toi, pour moi, pour tout, expliqua-t-elle, luttant contre le sanglot qui obstruait sa gorge. L'esprit d'Aliana est encore dans ce lac, guidant les âmes perdues vers l'amour... ou la mort.
Lucius ne put retenir les quelques larmes qui embuaient sa vue. Il tendit sa main, comme s'il espérait la retenir d'un simple geste anodin. Mais Narcissa était trop loin. Trop loin pour ne pas risquer d'y tomber et l'entraîner avec elle, trop loin pour pouvoir la mettre en lieu sûr. Il repoussait avec violence l'idée de la voir disparaître en un claquement de doigts. Elle ne pouvait pas sauter. Elle n'allait pas sauter. Il l'en empêcherait par tous les moyens.
– Je suis désolée de t'infliger cela, sanglota-t-elle, mais j'ai besoin de me retrouver. J'ai été perdue trop longtemps, et la magie de ce lac saura m'ouvrir les yeux. Il a toujours su le faire.
– T'ouvrir les yeux ou te tuer ! Hurla-t-il, les yeux injectés de sang. Narcissa, Cissy, revient s'il te plaît... Ne fais pas ça...
– Si le destin était censé nous réunir, alors il le fera aujourd'hui. S'il était censé nous séparer, alors qu'il le fasse...
Le souffle de Lucius se coupa. La vie sembla s'être arrêtée, le temps, suspendu. Même le vent, durant quelques secondes se calma. Relevant ses bras en croix, elle chuchota dans un dernier souffle :
– ... maintenant.
Puis elle tomba. Elle disparut, envolée telle une âme quittant la vie terrestre. Elle accueillit le vide avec bienveillance, ferma les yeux et se laissa aller, tout simplement. Lorsque son corps plongea dans l'eau glacée, elle se surprit à se sentir calme et sereine.
Alors elle entendit cette étrange voix, qui semblait sortir des plus profonds abîmes, flotter jusqu'à ses oreilles et opérer en elle une symbiose parfaite :
Du haut d'un rocher de pierre
Balayée par les vents d'Angleterre
Une âme perdue pleura
Envolée par un tourbillon de regrets amères
Au-dessus du lac ténébreux, Lucius hurla le nom de Narcissa, dans un cri qui lui déchira les poumons. Mais il était trop tard. Elle l'avait déjà quittée, et il avait été trop faible pour l'en empêcher. Ignorant sa peur du vide, il s'avança jusqu'au précipice pour y contempler avec horreur la forme qui semblait s'enfoncer dans les eaux menaçantes.
Il disait l'aimer, il disait vouloir mourir pour elle
Je t'aime, je t'aime, il lui chuchotait,
Mais dans l'ombre de la mort elle-même,
Ses Je t'aime se perdirent dans l'obscurité.
Une fumée noire fusa soudainement dans les vents violents, les ténèbres elles-mêmes plongeant vers la seule lumière qui illuminait les profondeurs aquatiques.
Il lui suffisait d'une main tendue
D'un geste d'amour sincère
Pour être sauvée de l'Inconnue
Et pouvoir enfin respirer l'air
Ses cheveux blonds entouraient son visage endormi, flottant autour d'elle tel la couronne d'une sainte. Dans le calme apaisant du lac, l'Amour prit forme humaine. Alors que l'apesenteur attirait Narcissa vers les noires profondeurs, une main entoura sa taille et décida d'affronter le sort de la Fatalité.
Dans le calme apaisant, fruit d'une mort assoiffée
Le Destin fit son choix, et trancha le passé,
Il affronta les pires démons de la vie
Pour sauver de nouvelles âmes d'un futur indécis
Affrontant les colères de la tempêtes, l'épais tourbillon de fumée noire ressortie du lac agité avec une force que seul l'Amour pouvait donner. Lucius atterrit sur la même falaise où il avait cru voir son existence s'arrêter et déposa Narcissa au sol, les mains tremblantes. Il contempla ses lourdes paupières fermées, son air paisible et endormi et eut peur un moment d'être arrivé trop tard. À cette pensée, ses lèvres vinrent se déposer d'elles-même sur les siennes et alors, une voix douce sortit du lac et chanta ses derniers mots :
Je t'aime, je t'aime, il lui chantait
Mais dans ses yeux gris à lui,
Brillait la sincérité...
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