• ͜͡➸༘𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐔𝐍

        EN GÉNÉRAL, quand quelqu'un meurt, on essaie de l'oublier avec l'alcool et des soirées. vous m'croyez si j'vous dis que c'est pas l'cas de tout l'monde ? évidemment, les victimes de la défunte ne seront pas d'humeur à la pleurer, et opteront plus pour la fêter en se saoulant sur sa tombe.

nous, on voulait la pleurer, mais au lieu d'ça nous voilà au bureau des flics. putain. c'est un merdier pas possible, ici. ils parlent dans tous les sens, les dossiers en cours en vrac sur leur bureau - et ça s'dit policier. mon cul, ouais. de toute façon, ils s'en foutent d'elle. pour eux, ce n'était qu'une suicidaire.

« vous savez, la seule chose qu'on peut faire de cette histoire, c'est un rapport de la morgue, nous dit le policier pour la enième fois depuis qu'on est là.

dites-moi, comment je fais pour garder mon calme après toutes ces fois où on est venu ici depuis sa mort ? franchement, même moi je ne sais pas. le pire, je crois, c'est qu'eurydice a perdu le sien...

tu vas nous pondre ton putain de dossier, espèce d'abruti, ou j'te jure que plus jamais tu ne porteras ce costume, hurle à présent notre amie.

j'vous assure, elle est pas du genre hystérique. c'est même celle qui casse moins les couilles, dans cette bande de détraqués dont je fais moi-même partie. seulement voilà, si eurydice pouvait participer à toutes les causes, mademoiselle le ferait volontiers. vous voyez cette fille dans les manifestations, qui hurle contre l'injustice du monde ? cette fille-là, c'est miss sinclair. même si on est un peu tous comme ça, dans la bande. la preuve ici-même, dans ce commissariat. nous voilà à rugir contre ces foutus flics, intérieurement ou directement de l'extérieur, comme la jeune femme aux cheveux teints de rose à mes côtés.

cette chevelure en bataille, s'agitant quand la tête de mon amie bougeait brusquement, lui donnait l'air d'avoir dormi que peu de temps – et c'était le cas. tout sur ce dernier montrait la rage qu'elle avait tenté de refouler jusqu'ici. seulement le manque de fatigue avait fini par la rendre à bout de nerfs, et eurydice avait cette fâcheuse tendance à se laisser envahir par ses émotions. une vraie poissons, comme devait sans doute penser la blonde à ma gauche. pourtant, aucun de nous ne tenta de la calmer, parce que tout ce qu'exprimait la jeune femme était ce qu'on rêvait d'exprimer aussi. et c'était ça, la véritable amitié.

oui, l'amitié. celle qui est si intense, si importante, que lorsqu'une des personne part, la douleur est insoutenable. trop vive. et alors on a l'impression que la plaie ne se refermera jamais, jusqu'à ce qu'on se rappelle qu'il y a d'autres amis faisant le même deuil. on survivra ça ensemble. c'est ce qu'on s'est toujours dit.

écoute-moi bien, gamine, finit par souffler un des policier, me faisant revenir à la réalité. visiblement, eurydice l'a mit à bout – c'est l'une de ses spécialités. ton amie a mit fin à ses jours. c'est dur à entendre, je sais, mais c'est ainsi, et ni toi ni ta rébellion ne la referont revenir, lui dit-il.

le corps de la jeune femme qui s'était penché avait reculé d'un seul coup, comme si les mots du trentenaire avaient eu le même impact qu'une balle – et ça l'était. ça faisait même encore plus mal, pour être franc. alors, comme pour rechercher du réconfort, elle tourna la tête vers moi, et je pus sentir mon cœur se laissa tomber pour casser. le dessous de ses yeux était souillé par le mascara qui avait coulé, ses paupières semblaient sautiller et sa joie quotidienne avait totalement déserté. nous étions donc tous au bout, alors ? jusqu'ici je semblais le nier, mais quand je le vis sur le visage de mon amie, la réalité me rattrapa pour me plaquer au sol.

————

il puait de la gueule de toute façon, lâcha soudainement eden, nous faisant sourire au moins un peu.

c'était toujours agréable, de sentir mes lèvres s'étirer pour exprimer ma joie. j'avais l'impression que celle-ci avait complètement disparu à la minute où j'ai appris la nouvelle. pourtant, au fond de moi, je sentais qu'il ne fallait pas la laisser filer, cette bonne humeur. autrement on perdrait tous pieds, pas vrai ? et ça, je crois que la société ne le permettrait pas. vous savez bien que madame n'est pas fan du changement de ses idéologies. à cette pensée, je soupire et apporte la cigarette à mes lèvres. le froid de novembre peut bien me congeler sur place, la fumée de cigarette me réchauffera un peu. la définition même de l'auto-destruction, n'est-elle pas ?

cette visite au poste n'avait avancé à rien, et nous pensions tous toujours la même chose : elle n'aurait jamais fait ça. visiblement, les flics pensaient le contraire, mais la plupart du temps leurs enquêtes ne sont pas vraiment mélioratives, alors... autant faire le boulot nous-mêmes. je crois bien que nous avons pensé à la même chose, puisque nous nous sommes tous regardé en silence, un sourire frêle aux lèvres. après cet échange muet, nous décidâmes de rentrer chacun chez soi. huit heures de sommeil étaient plus que nécessaires, vu notre gueule.

ce moment au commissariat n'avait pas été productif, mais j'eus le sentiment d'avoir tout de même été nourri de quelque chose. sûrement du savoir que je n'étais pas seul et de l'amour de mes amis. même si une manquerait éternellement à l'appel, nous resterons là les uns pour les autres. c'est tout ce qu'elle aurait voulu.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top