Lord Voldemort
« Donnez moi un rêve où vivre parce que la réalité est en train de me tuer.»
Jim Morrison
- Narcissa ?
Elle ne répondit pas. Assise devant son miroir, elle observa son tout nouveau reflet. Elle reposa sa baguette sur la coiffeuse et lissa de ses doigts ses mèches blondes devenues noires.
- Narcissa.
La voix de Lucius s'était faite plus posée, autoritaire. Après tout, il n'avait qu'à pousser la porte pour entrer. Elle n'avait pas fermé sa porte à clef ; elle ne s'enfermait jamais elle-même. Qui savait, un jour les portes s'arrêteraient de s'ouvrir.
- Entre.
Un grincement signa l'entrée de son mari. Les portes grinçaient toujours ici. C'était comme si elle pleuraient sans cesse de douleur. Lorsque ses yeux se posèrent sur sa chevelure assombrie, un voile de tristesse envahissant son regard fut la seule réaction qu'elle obtint. Lentement, il referma la porte et s'approcha de sa femme, saisissant délicatement avec sa main ses longs cheveux blonds. Il sembla regretter la couleur d'origine de certaines mèches, mais cette nouveauté ravit une partie de lui qu'il tenta d'ignorer.
- Pourquoi as-tu fais ça ?
- Pour inaugurer l'entrée d'un cauchemars.
Il se pinça les lèvres puis la fixa à travers le reflet. Il aimait la regarder, en silence, admirer sa beauté qui lui appartenait. Il ne s'était pas lassé après tout ce temps ; Narcissa était le genre de femme qui possédait toujours des coins inexplorés.
- Ne dit pas ça.
- Tu sais ce qui va se passer après, n'est-ce pas ? Le Seigneur des Ténèbres va agir exactement comme dans notre jeunesse, il va nous traîner dans les ténèbres comme il avait prévu de faire, il va...
- Il nous demande.
- Quoi ?
Narcissa se retourna d'un coup sec et, cette fois-ci, du lever la tête pour planter son regard sombre dans les yeux gris de Lucius. Ce dernier en profita pour placer un doigt sous son menton et le relever plus encore, juste pour le plaisir d'admirer sa gorge dénudée et ses lèvres légèrement entrouvertes. Sans pouvoir s'en empêcher, il se mit à sourire.
- Il va peut-être nous couvrir d'honneur, Cissy. Ou bien nous offrir de plus grandes opportunités que Fudge n'a su le faire en toute une vie.
- Tu crois ?
Elle paraissait si innocente et inoffensive en cet instant que Lucius était prêt à donner toutes ses richesses pour que ce moment dure éternellement. Ses lèvres tremblèrent légèrement et lui donnèrent envie d'y déposer un baiser ; mais le temps pressait.
Il retira son doigt et gagna de nouveau la porte en un soupir.
- Je t'attends en bas.
Lorsqu'il fut parti, Narcissa se retrouva seule face à ses pensées. Pourquoi couvrir Lucius d'honneur si ce-dernier l'avait renié lors de sa disparition ? Et surtout, pourquoi elle ? Qu'avait elle à faire là-dedans ? Elle laissa toutes ses questions sans réponse de côté, s'habilla et revêtit sa cape émeraude que Lucius lui avait offert pour son anniversaire. Elle recouvrit sa chevelure de sa large capuche et s'observa une dernière fois dans le miroir. Parfois, elle regrettait sa jeunesse d'antan, lorsqu'elle possédait encore une peau laisse et laiteuse. Non pas qu'à présent elle se trouvait moche ou vieille, mais plutôt qu'elle voyait dans la naissance de ses première rides le regret de ne pas avoir prit le temps de vivre. Le regret d'avoir passé sa vie entière à regretter, justement.
Narcissa poussa un soupir d'exaspération, sortit de la pièce et descendit les escaliers. Lucius l'attendait déjà, sa canne ornée d'un serpent dans sa main. Elle enfila ses gants en cuir et jeta un coup d'œil vers la porte du salon. Drago y observait le feu d'un air pensif, semblant oublier que le monde tournait aujourd'hui. Autrefois, elle avait été dans la même position, à s'apitoyer sur son sort et répéter en boucle les mots d'une lettre décisive. Ce fameux jour où sa vie entière avait basculé.
Une main se glissa dans le bas de son dos et la fit sursauter.
- On doit y aller, justifia-t-il. Le Seigneur des Ténèbres n'aime pas attendre.
Narcissa abandonna l'agréable vision de son fils et se tourna vers son mari.
- Où est Bellatrix ?
- Dans la bibliothèque, soupira-t-il, visiblement pressé.
- Tu ne crains pas de laisser Drago seul avec elle ?
- Narcissa, Bellatrix n'est pas un monstre.
Elle reporta son regard sur l'héritier de la famille qui ne semblait toujours pas avoir reprit conscience du monde extérieur et prononça dans un murmure quasi imperceptible :
- Non. Pas encore.
***
Le manoir des Rosier était abandonné depuis plus de quinze ans déjà. La bâtisse, à la mort du dernier héritier, Evan Rosier, était passée entre les mains de Druella Black, mais celle-ci ne s'en était jamais occupée et le couple ne l'avait nullement mentionné dans leur testament. Le domaine semblait avoir été totalement oublié, et plusieurs parties commençaient à tomber en ruine. Malgré tout, Narcissa ne nota pas grande différence entre l'ambiance que dégageait le manoir maintenant et celle qu'il émanait quinze ans auparavant.
L'allée principale était parsemée de mauvaises herbes et les plantes grimpantes commençaient à recouvrir les façades. Quelques fenêtres étaient brisées, une partie du toit menaçait de s'écrouler. Malgré cette vieillesse déjà fortement engagée, le bâtiment dégageait une sorte de puissance qui se faisait respecter. Lorsque le couple Malefoy passèrent les grandes portes déjà entrouvertes, Narcissa aperçut le rosier immortel fané depuis de longues années : voilà tout ce qui restait d'une des plus anciennes familles de sang-pur. Cette plante, emblème de la maison, devait rester entretenue jusqu'à ce que la famille s'éteigne. Il avait été plein de vie, autrefois, si grand que Narcissa n'en voyait pas le bout. Bien des choses avaient changé depuis.
À l'intérieur, plusieurs Mangemorts avaient déjà commencé à former un cercle humain. Des murmures et des chuchotements parcouraient les fidèles accompagné d'un sentiment de méfiance et de tension. Leur entrée resta indifférente pour tous. Narcissa reconnut entre autre les frères Lestrange, marqués par les années passées loin de la société. Yaxley et Rookwood qui, eux, n'avaient pas changé d'allure et d'autres d'une génération antérieure à elle et Lucius : Dolohov, Travers et d'autres dont leurs noms s'étaient effacés de sa mémoire. Narcissa était sa seule femme dans le groupe, et elle se sentait déjà mal à l'aise. Lucius, percevant l'anxiété de sa femme, enroula sa main dans la sienne et la serra contre lui. Il se demandait encore pourquoi le Seigneur des Ténèbres avait intégré Narcissa à leur réunion, et cela commençait à l'inquiéter.
Quelques minutes plus tard, un froid immense s'installa dans la pièce. Une sorte de brouillard s'immisça entre chacun et les chuchotements cessèrent. Narcissa se tin en halène, à la fois terrifiée et curieuse de voir enfin l'homme à la naissance de tous ses problèmes. Lucius, à ses côtés, tentait de garder son sang-froid, mais sa main crispée à la sienne dévoilait son état d'âme. Tous, ici, tremblaient de peur.
Elle entendit des pas et se sentit vidée. Vidée d'émotions, de peur, de joie. Le temps resta suspendu lorsque, pour la première fois, elle vit des yeux de serpents se planter dans son regard. Narcissa étouffa son cri avec sa main gantée et sentit son souffle accélérer. Elle voulait sortir de cet endroit, tout de suite.
Le Seigneur des Ténèbres finit par émerger lentement du brouillard, dévoilant sa peau verdâtre et écaillée recouverte de pans de tissus noirs. Mais ce qui la choqua le plus, c'était son nez. Ou plutôt là où devait se situer son nez. Cet homme n'avait rien d'un homme. C'était une créature des ténèbres, diabolique et mauvaise. Alors que tout le monde avait baissé la tête par respect pour leur Maître, Narcissa fut la seule à le fixer encore avec des yeux exorbités.
- Bonjour Narcissa, dit-il d'une voix flottante et désagréable.
Elle en eut les frissons. Elle ne sentait même plus sa main tant elle la serrait dans celle de son mari, et restait pétrifiée par l'apparition de ce monstre inhumain.
- Je crois que nous n'avons jamais eu l'occasion de faire des... présentations, continua-t-il d'une voix presque sifflante. Même si j'ai beaucoup entendu parler de toi, naturellement. Une femme ambitieuse, possédant dans ses veines dus sang des plus pur. Une épouse fidèle, une mère dévoué, quoi de plus parfait ?
Il tenta de sourire, mais le résulta fut plutôt effrayant. Quant à l'intéressée, elle fut incapable de prononcer un seul mot, comme changée en pierre sous le regard de Méduse. Le Seigneur des Ténèbres parut s'en réjouir.
- Lucius ! aboya-t-il.
Ce-dernier releva soudain la tête, attentif aux moindres bruits. Narcissa ne préféra rien penser sur sa manière d'appeler ses fidèles.
- Oui Maître ?
- Tu as une épouse ravissante.
- Ah, je, euh... merci Maître.
Narcissa avait l'impression d'avoir à ses côtés un tout autre homme que celui qu'elle connaissait. Où était passé son port de tête élégant, son regard fier et hautain qu'il avait pour habitude de porter ? Et puis elle ne comprenait pas le sens de tous ces compliments ; même si c'était la première fois qu'elle le rencontrait, elle devinait que cela ne devait pas être dans son habitude.
- Aussi, mon cher ami, reprit-il, avec une famille aussi resplendissante que la tienne, et un patrimoine plus riche que quiconque ici, je suppose que ça ne te dérangera pas élire ton magnifique manoir comme quartier général, n'est-ce pas ?
Narcissa sentit toute couleur se retirer de son visage. Elle papillonna deux ou trois fois des yeux, incapable d'y croire.
Il n'avait pas osé.
Non, ce n'était pas possible.
Pas ça.
- Maître, ce serait un honneur que de...
- Vous êtes un monstre, cracha-t-elle, hors d'elle.
Toutes les têtes se relevèrent et la fixèrent étrangement. À ses côtés, elle sentit Lucius se raidir plus qu'il ne l'était déjà. Une lueur de curiosité anima les yeux du Maître et Narcissa continua, la rage lui griffant les entrailles.
- Savez vous à qui appartenait cette demeure ? À mon cousin, Evan, qui était comme un frère pour moi. Mais il est mort pour vous, et votre foutue guerre que rien ni personne n'a demandé.
- Narcissa ! Chuchota Lucius, mort de peur.
Mais elle continua.
- Et maintenant, après m'avoir arraché un cousin, un ami et une sœur, vous voulez me prendre mon manoir ? Vous voulez posséder ce pour quoi j'ai tout abandonné ? Vous avez beau vous vantez de vos pouvoirs supérieurs aux autres, jamais je ne vous laisserai...
Une main agrippa son bras et l'attira en arrière avant qu'elle n'ait pu dire un mot de plus. Lucius l'entraîna dans un couloir plus éloigné et la gifla, incapable de retenir sa colère qui le consumait de l'intérieur. Narcissa se retint de tomber grâce au mur et appliqua sa main sur sa joue rougie, les larmes perlant dans le coin de ses yeux.
- Tu es plus folle que ta sœur, ma parole ! S'exclama-t-il en maintenant la voix basse. Foutus Black, incapable de rester à leurs places !
- Parce que tu préfères qu'il nous vole notre plus grande fierté ? Riposa-t-elle en se relevant avec rage.
- Tu crois que ça me plaît à moi ?
- Alors pourquoi n'as-tu rien dit ?
- Parce qu'il s'agit du Seigneur des Ténèbres, Narcissa ! Si tu es contre, tu meures ! Tu comprends ça ?
Elle tituba un instant, comme si elle venait de se rendre compte de l'horreur de ses actes. Elle leur avait fait courir un grand danger pour riposter comme elle l'avait fait, mais elle ne supportait pas l'idée de loger un monstre comme Lui. Il ne s'arrêtait pas à une seule aile du manoir, non : il en profiterait pour l'occuper en entier, et transformer leur lieu de vie en cauchemars. Mais avaient-ils vraiment le choix ?
- Je le hais, capitula-t-elle, la voix pleine de haine.
- Je sais.
Le Mangemort posa sa main gantée sur la joue encore rosie de son aimée, un regard emplit de pardon qu'elle accepta.
- Je t'avais dit que les choses allaient empirer, dit-elle le souffle toujours entrecoupé.
- Je ferai en sorte que ça n'aille pas au-delà. Je te le promet.
Quelques minutes plus tard, les Malefoy avaient rendu leur manoir au Seigneur des Ténèbres, la mort dans l'âme.
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