La marque des Ténèbres
" J'ai tendance à aimer tout ce qui me détruit."
Drago sortit du train plus pâle que jamais, son regard parcourant la foule avec un sentiment de crainte. Lorsqu'il la vit, aucun sourire égailla son visage. Il eut juste un grand soulagement qui lui rendit quelques années de bonheur. Narcissa avait recouvert son visage d'un filet noir accroché à son chapeau de la même couleur. De loin, elle ressemblait à une veuve en deuil ; mais après tout, elle ressentait les mêmes sentiments, alors quelle différence ? Lorsqu'il s'approcha, elle lui lança un regard qui signifiait qu'il valait mieux ne pas trop tarder. Il comprit.
Ensemble, ils traversèrent la foule d'un pas rapide, plus rapide que n'importe quel sorcier présent dans la gare ce jour-là. Narcisssa priait intérieurement pour gagner le plus rapidement possible la sortie et fuir ce lieu publique qui semblait la menacer. Pourtant, lorsque l'air printanier caressa son visage et que ses yeux se posèrent sur la foule de journalistes prêts à leur sauter dessus, elle comprit que c'était trop tard.
- Comment réagissez-vous face à la capture de votre mari ?
- Saviez-vous quelque chose des activités secrètes de Monsieur Malefoy ?
- Comment gérez-vous le fait d'avoir une sœur et un époux mangemorts ?
Narcissa garda le silence. Son visage se ferma et resta impassible, tandis que de l'intérieur, elle sentait son cœur se déchirer, petit à petit. Un flash l'aveugla. Une larme coula. Il ne fallait pas qu'elle leur réponde. Cela leur offrirait trop de plaisir. À ses côtés, Drago se rendit compte de l'immense désespoir de sa mère et décida de réagir. Il lui prit la main et se jeta dans la mêlée hurlante de questions ; car l'issue était de l'autre côté. Narcissa se sentit prise au piège, assaillie de toute part, plongeant directement dans les enfers. Elle étouffait.
- Vous sentez-vous triste de la disparition de Monsieur Malefoy ?
- Vous étiez-vous marié par obligation ou par amour ?
- Comptez-vous suivre les mêmes pas que lui ?
Narcissa voulut hurler, hurler de la laisser en paix une bonne fois pour toute, hurler de cesser de poser toutes ces questions absurdes. Mais elle n'en avait pas la force. Elle se sentait tirée par la main de son fils, bousculée par tant de corps, tant de voix, de questions. Elle étouffait.
- Mère !
Narcissa devenait sourde. Les voix étaient lointaines, bien trop lointaines. Tout était flou. Son regard se figea, sa lèvre trembla. Lucius l'observait, caché derrière cette mêlée d'assaillants. Son regard gris semblait rigoler ; il lui souriait. Elle manqua de respirer. Elle devenait folle. Ou bien s'était-il échappé ? Il l'attendrait peut-être dans le manoir, ou elle l'attendrait elle et il reviendrait. Il l'embrasserait. Et tout redeviendrait comme avant.
- Lucius... murmura-t-elle, les joues trempées.
Au milieu d'une cohue gigantesque, Narcissa s'était immobilisée. Drago avait beau la tirer par la main, elle restait statique, les yeux écarquillés, le maquillage dégoulinant. Elle se sentait prête à défaillir. Elle allait défaillir. Une emprise autour de son bras la ramena à la réalité et la tira vers la sortie de cet enfer. C'était une fille qu'elle ne connaissait pas, rousse aux yeux noirs, aussi elle commença à se débattre mais si faiblement que ce fut vain. Elle se retourna une dernière fois et chercha Lucius des yeux, désespérée. Mais il n'y avait plus personne Il avait disparu. Où c'était juste elle qui se l'était imaginé.
Elle ne remarqua pas le silence qui était revenu autour d'elle. Ni la lumière du soleil qui s'était caché derrière les toits des maisons Dans la mince ruelle des Embrumes, personne ne vit la jeune rousse se transformer en Bellatrix Lestrange. Celle-ci grimaça si affreusement que la reconnaître aurait été un miracle. Elle la gifla. Narcissa tituba un instant puis s'appuya sur Drago qui la rattrapa.
- Ne la touche pas ! La défendit-il, rouge de colère.
- Crois-moi, c'est la seule manière de la ramener parmi nous.
Narcissa sentait encore la douleur du coup chauffer sur sa peau mais émergea de son hallucination éphémère. Lucius ne rentrerait pas pour l'embrasser. Tout ne redeviendrait pas comme avant. La vie était à présent qu'une souffrance perpétuelle.
- Il faut qu'on rentre maintenant, annonça l'aînée d'un ton autoritaire. Le Maître nous demande.
***
Sous l'insistance de Bellatrix, le Seigneur des Ténèbres retarda de quelques jours la réunion pour laisser le temps à Narcissa de se remettre. Elle songea qu'il aurait pu la faire sans elle, mais se sentit trop fatiguée pour chercher la raison véritable de cette question. Drago passa le plus clair de son temps avec elle, à lui parler de Poudlard et ses aventures avec son groupe d'amis. Narcissa l'écoutait en souriant et oubliait durant quelques heures toutes ses pensées sombres qui frappaient sans cesse à la porte de son esprit. Lorsqu'elle le voyait assis devant le bureau de son père, à se saisir d'objets qui n'étaient pas les siens et les inspecter minutieusement tout en parlant, elle ne ressentait non pas de la tristesse ou du chagrin, mais une plénitude qui la rendait presque heureuse. Tout ce qui importait était que ce monstre sans foi ni âme ne touche pas à son fils. Il lui avait peut-être pris Lucius, mais pas Drago. Jamais.
Le Seigneur des Ténèbres les réunit une semaine plus tard, dans la salle habituelle. Le nombre de places vides dans le cercle humain formé par les fidèles coupa le souffle à l'ancienne Black. Presque tous avaient été faits prisonniers après la bataille du département des Mystères. Dolohov, Avery, Rookwood et six autres étaient absents. Elle maudit Yaxley de s'être échappé et remarqua la présence des frères Lestrange qu'elle pensait disparus. Drago prit la place de Lucius, à la droite de sa mère, beaucoup plus pâle que quelques heures auparavant. Ils restèrent debout, raides comme des piliers de pierre. Narcissa se demanda pourquoi la table avait été enlevée - sans son autorisation de plus est - mais l'entrée du mage noir la coupa dans toute réflexion. Elle évita de le regarder trop longtemps mais nota qu'une ambiance particulièrement froide s'était posée dans la salle.
- Je préfère ne pas m'exprimer sur ce qui s'est passé au Ministère, siffla-t-il d'une voix pleine de reproche.
Bellatrix trembla et baissa inutilement la tête, ce qui irrita presque sa sœur cadette.
- Lucius m'a particulièrement déçu. C'était lui qui devait gérer la mission. Et il a lamentablement échoué devant une bande d'adolescents de cinquième année.
- L'Ordre du Phoenix et ses aurors les ont rapidement rejoint, Maître, rétorqua craintivement Rabastan.
- Je suis las de vos excuses.
Personne n'osa répondre. Rabastan avait de la chance de ne s'être pas fait projeté de l'autre côté de la pièce. Le Seigneur des Ténèbres tourna son regard plein de sous-entendus vers le plus jeune du cercle.
- Drago. Ici.
Tout devint si lourd. Il y faisait si chaud. Narcissa essaya de comprendre ce qui se passait, aussi elle questionna son fils en silence. Son regard le trahit. Il savait ce qui allait se passer. Il n'avait rien opposé. Il s'était juste soumis, comme l'avait fait son père vingt ans auparavant. Les mêmes erreurs. Exactement les mêmes.
- Drago, ne me dit pas que...
Il baissa les yeux. Cela suffit à Narcissa pour sentir son cœur craqueler sous sa poitrine. Parfois, elle se demandait pourquoi l'univers entier s'acharnait à lui prendre tout ce qu'elle avait de plus cher, à toujours vouloir empirer les choses de manière à ce qu'il n'y ait plus aucune lumière au fond du tunnel. Juste du noir, toujours plus obscur, toujours plus sombre. Il s'en voulait, cela sautait aux yeux. Il savait qu'elle souffrait déjà et qu'il ne faisait qu'enfoncer le couteau dans la plaie. Mais comment s'opposer au Seigneur des Ténèbres ? Son père l'avait déjà déçu. Il ne voulait pas reproduire la même chose au risque de conduire sa famille à la mort. Il ne voulait pas que, dans un futur proche, l'on compare les Liveness aux Malefoy. Il voyait cela comme un sacrifice. Narcissa, comme la chute de son existence.
Lentement, il s'avança vers le Maître, d'un par chargé de regrets, la tête baissée, presque honteux. Narcissa aurait pu le prendre par la main, le sortir d'ici pour les enfermer tous dans la salle et les tuer d'un seul coup, faisant passer cela pour un tragique accident. Pour qu'ils meurent tous et la laissent en paix. Toute son âme lui hurlait de le faire. Mais son corps restait pétrifié. Elle n'arrivait même plus à respirer. Ni même à penser. Elle était seulement spectatrice de la catastrophe qui se produisait sous ses yeux.
Après tout ce qu'il lui avait pris, après tout ce qu'il lui avait fait, il lui prenait son fils. Son unique fils. Son unique lumière.
Elle fut incapable de détourner les yeux. Incapable de ne pas voir la marque des ténèbres qui se dessinait sur l'avant-bras de Drago. Incapable de s'empêcher d'entendre ses gémissements lorsque le crâne dégueulant le serpent s'implantait dans sa peau. Elle fut incapable de réaliser combien les choses allaient mal, combien elle allait mal.
Et tandis que le Seigneur des Ténèbres acclamait son nouveau fidèle, que les cris jaillissaient autour d'elle, Narcissa se sentit s'effondrer intérieurement.
En silence.
Discrètement.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top