Drago

« ce n'est rien
ce n'est pas grave
ça passera.»

Les pas de Narcissa retentirent dans le couloirs en un son sec et court, se répercutant entre les quatre coins des murs gris. Quelques mètres plus loin, le tapis étouffa ce claquement et la maîtresse de maison passa devant les portes comme un sceptre en quête de vie. Elle ne savait pas pourquoi elle marchait si rapidement pour juste se rendre dans sa chambre ; elle avait tendance ces temps-ci à faire les choses si vites qu'elle ne se rendait même plus compte de ses gestes. Peut-être par peur de ne plus avoir l'occasion de les réaliser.

Elle passa devant la porte de la bibliothèque, premièrement avec un air totalement indifférent, puis passée quelques mètres, s'arrêta brusquement. Elle avait entendu un gémissement. Un gémissement qui venait d'une voix particulière qu'elle connaissait mieux que sa propre voix. Elle revint immédiatement sur ses pas et poussa avec force la porte déjà entrouverte.

Et alors ce qu'elle vit lui coupa le souffle.

Bellatrix pointait sa baguette sur son fils dans son manoir. Une lueur de folie brillant dans ses yeux noirs, elle semblait menacer Drago qui demeurait immobile, assis sur le fauteuil en cuir de son père. La peur et l'effroi saisit immédiatement Narcissa à la gorge et elle se sentit prête à écorcher vivre sa propre sœur si le moindre sortilège avait le malheur de franchir ses lèvres. Avant qu'il n'y ait un drame dans le manoir familial, Drago réagit à temps, tourna la tête vers sa mère et dit :

- Mère, ce n'est pas ce que tu...

Mais Narcissa n'entendait déjà plus que les pulsations de son cœur résonner dans ses tympans.

- Sale garce, je vais te TUER !

Bellatrix, encore surprise de l'entrée subite de sa sœur cadette lâcha sa baguette et leva ses mains en l'air, se préparant silencieusement à recevoir un sortilège en pleine face.

- Non, maman !

Drago l'appelait rarement de cette manière, mais pris par la surprise, il laissa échapper ce mot qui résonna dans l'esprit de Narcissa. Son souffle restait toujours saccadé et sa colère ne s'était en rien estompé, mais elle n'avait plus envie de meurtre, c'était déjà cela.

- Par Merlin, qu'est-ce que c'est que ça ?

- Je lui apprenais l'Occlumencie, articula Bellatrix pour être certaine que sa sœur n'interprète pas ses propos d'une autre manière.

Narcissa regarda tour à tour Bellatrix et Drago, ce-dernier devenu blanc comme un linge. Ses yeux commencèrent à s'assombrir et un autre type de colère s'empara d'elle. Une genre de grande irritation. Ou un sentiment qui permet de refuser toute mauvaise hypothèse.

- L'Occlumencie.

Ce n'était pas une question. Elle le répétait pour vérifier avoir bien compris. Pour ne pas penser qu'elle était en train d'halluciner. Même si au fond, elle espérait être en train de l'être.

- Oui. L'Occlumencie, répéta la Mangemort, un sourcil relevé.

- Et pourquoi faire ?

C'était elle à présent qu'elle fixait, comme si elle attendait sa réponse pour l'envoyer sur l'échafaud. Mais contre toute attente, ce fut Drago qui répondit d'une voix blanche :

- Parce que le Seigneur des Ténèbres me l'a conseillé.

Narcissa prit le temps d'inspirer lentement, doucement pour ne pas être spectatrice de la destruction de son propre monde. Il y avait encore espoir. Si elle intervenait à temps, il y en aurait encore un.

- Tu sors.

Il y eut un silence, un gros doute avant que Bellatrix ne questionne :

- Moi ?

- Non, le chien qui aboie à tes côtés.

Elle fit la moue mais finit par obéir, traînant les pieds jusqu'à la porte et la refermant le plus bruyamment possible.

- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

Drago grimaça à son tour et s'enfonça dans son fauteuil, souhaitant s'y enfoncer au plus profond et disparaître à tout jamais. Il savait que cette idée n'allait pas plaire à sa mère, aussi il avait pris soin de ne pas choisir un endroit qu'elle fréquentait le soir. Malheureusement, elle avait décidé cette-nuit là changer les habitudes.

- C'est... c'est juste un conseil, rien de plus, marmonna-t-il, s'enfonçant plus encore dans le cuir moelleux.

- Parce qu'il te parle ?

Aïe. Il n'avait pas pensé à cela. Comment lui dire qu'il songeait souvent à suivre les pas de son père, et participer aux missions qui lui donnaient tant envie ? Vu comment elle avait observé le Seigneur des Ténèbres quelques jours auparavant, Drago se doutait qu'elle le prendrait bien.

- Je... parfois. Enfin, de rares fois, jamais, enfin si mais pas...

- Drago.

Narcissa s'accroupit face à son fils et prit ses mains entre les siennes. Avec le temps, Drago avait comprit sa technique. L'attendrissement ne fonctionnait plus pour lui. Mais il ne les retira pas, parce que malgré ses idées rebelles d'adolescent, il aimait sentir la douceur de la peau de sa génitrice.

- Il veut que tu fasses partie des siens, n'est-ce pas ?

Ce qu'il aimait également chez elle, c'était qu'elle ne s'embêtait pas à tourner autour du pot. Il hocha la tête, la gorge nouée.

- Mais tu vas refuser, non ?

Il n'eut pas le courage de lui mentir. Pas à elle.

- Avant, Père a...

- Ton père a fait des erreurs dans sa vie, de nombreuses, le coupa-t-elle d'une voix qui semblait plus sévère. Tu n'es pas obligé de faire les mêmes que lui, ni de suivre ses pas, tu peux...

- Et si j'ai envie ? De suivre ses pas ? Je ne te comprends pas, Mère. L'idéologie du Seigneur des Ténèbres est la même que celle que vous prônez. Son plan est de...

- Tuer tout ce qui se met en travers de son chemin et gouverner sur le monde entier. Il veut faire de toi un assassin. Son pion dans une ascension qu'il aspire depuis des années.

- Non. C'est faux.

Comment lui faire comprendre que ce n'était qu'un monstre assoiffé de pouvoir ? Qu'il n'y gagnerait rien à s'engager dans une guerre qu'il ne comprenait même pas ? Ses mains resserrèrent celles de son fils. Il fallait qu'il décèle la vérité dans sa voix. Il fallait que le cauchemars prenne fin.

- Drago, s'il te plaît, essaie de comprendre...

- Je comprends tout, Mère, dit-il d'une voix venimeuse. Je ne suis pas idiot. Quand je serai prêt, je m'engagerai.

Narcissa avait retenu le plus longtemps possible la destruction de ses espoirs. Mais c'était devenu trop tard.

Tout s'était déjà écroulé.

***

- Lucius, tu vas convaincre ton fils de laisser tomber cette idée idiote et de lui faire oublier cette foutue guerre dans laquelle il veut s'engager. Peu importe la méthode que tu emploies. Pourvu que ce soit efficace.

La porte de la chambre parentale claqua d'un coup sec et Narcissa resta immobile devant, en attendant une réaction de son mari.

- Pardon ?

Lucius releva son nez de son grimoire choisi pour attendre son arrivée et fronça les sourcils. Il ne bougea pas d'un pouce de son fauteuil.

- Drago pense s'engager dans les rangs du Seigneur des Ténèbres. Enlève-lui cette idée de la tête. Il t'écoutera peut-être, toi.

- Pourquoi veux-tu que je fasse cela ?

Voilà. Une autre bataille s'engageait, et la lumière commençait à perdre son éclat avec lenteur.

- Parce que c'est ce qu'un père fait lorsque son fils s'apprête à sauter d'une haut d'une falaise. Lui éviter la mort.

Dans un soupir exaspéré, Lucius referma son livre d'un geste sec et concentra toute son attention sur sa femme qui commençait à perdre pied.

- J'ai rejoint les rangs du Maître à seize ans, est-ce que je suis mort ?

Elle avança d'un pas, se voulant menaçante. Elle n'allait pas pouvoir retenir sa colère encore longtemps.

- Tu veux que l'on prenne l'exemple d'Aurbun ? Ou d'Evan ? Pire ! Regulus.

- Ce sont des exceptions.

- Quand elles sont trois, ce n'en sont plus.

Lucius se leva, une expression légèrement lassée. Il savait que Drago voulait s'engager après de Voldemort, même s'il ne lui en avait jamais parlé. Il le voyait dans son regard si admiratif envers le Maître. Il le voyait dans sa soif de lui ressembler et être digne de l'héritage Malefoy. Et au fond, qu'il y avait-il de mal ? Le Seigneur des Ténèbres, même en colère, n'enverrait jamais l'héritier d'une des plus grandes dynasties sang-pur à la mort. Il n'y avait donc rien à craindre.

Lentement, il s'approcha de Narcissa et essuya une larme qui venait de couler sur sa joue. Il ne l'avait pas vu pleurer depuis longtemps.

Mais, de rage, elle chassa sa main avec véhémence.

- N'essaie pas de m'attendrir, Lucius. Tu m'avais promit que le cauchemar n'irait pas plus loin.

- La volonté de Drago ne dépend pas de moi, grimaça-t-il, visiblement vexé.

- Mais elle peut être influencée ! Tu le sais, et tu ne fais rien pour l'en empêcher ! Tout ce qui t'importe, c'est l'image qu'il donnera lorsqu'il qui se soumettra à Lui ; tu te fiches bien de savoir ce qu'il ressent !

- C'est lui qui le veut ! Et ne me...

- Mais ce n'est qu'un enfant ! Cria-t-elle, la voix défaillante. Il ne voit que le bon côté, mais lorsqu'il s'engagera, ce sera trop tard !

- Il a quinze ans, Narcissa. Il est capable de réfléchir et faire son propre choix.

- Non, il...

- Je t'ai laissé faire, toutes ces années, s'énerva-t-il. Je n'ai rien dit lorsque tu le couvais comme un oiseau tombé du nid, rien dit lorsque tu prenais les décisions à sa place, parce que tu avais peur qu'il fasse un faux pas. Mais c'est fini, maintenant. Laisse-le grandir, laisse-le s'aventurer dans ses propres chemins et il apprendra de ses erreurs, comme toi et moi l'avons fait. Il est intelligent, il comprendra tout seul.

À présent, les larmes coulaient d'elle-même, un mélange de rage, de douleur et de tristesse se déversant sur sa peau pâle. Tout se retournait contre elle. Son principal appui, son rocher dans la tempête disparaissait lentement sous ses yeux. Et malgré tout l'amour qu'elle lui portait et qu'elle lui porterait toujours, elle le détestait. Pour l'abandonner, comme tous les autres étaient en train de le faire.

- Au fond, tu as beau détester ton père, vouloir encore salir son image alors qu'il repose six pieds sous terre, tu es comme lui. Exactement comme lui.

Avant qu'il ne put répliquer avec colère, piqué par sa réplique, Narcissa disparut derrière la porte aussi légèrement qu'une volute de fumée.

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