La Plus Belle Musique du Monde
Avant de commencer
Bonjour bonsoir à tous, bienvenue dans une nouvelle histoire. (Oui, c'est la phrase d'intro de Linksthesun, me jugez pas)
Je pensais que, avant de commencer votre lecture, qu'il faille que je vous explique deux trois choses concernant cette histoire.
Avant tout, il faut savoir que cette idée m'est venue d'une vidéo sur Youtube (c'est fou tout ce qu'on peut trouver là-dessus). Pour être plus précise, cette vidéo est un mashup entre plusieurs morceaux de musique classique et honnêtement, je trouve que le résultat est assez joli.
Veuillez en juger par vous même. (Bon, la vidéo dure un peu moins de 6 minutes, mais ça vaut le détour. D'ailleurs il se peut que vous entendiez des musiques qui vous seront familières...) Mais dans le cas où vous avez vraiment la flemme de tout écouter, mettez au moins à partir de 4:10, vous verrez pourquoi pendant l'histoire.
https://youtu.be/7OYkWSW7u4k
Pendant que j'écoutais ce mix de musique (et aussi en scrollant dans les commentaires comme toute personne qui se respecte), je me suis posé cette question: et si tous ces compositeurs étaient amenés à se rencontrer, que se passerait-il?
Eh bien, j'espère que cette histoire répondra à cette question.
Autre chose aussi. Dans cette vidéo, nous entendons toute une flopée de musiques composées par plusieurs musiciens, trente musiciens pour être précise. (Eh oui, j'ai compté) Vous imaginez que c'est impossible de caser autant de personnages, certains voleraient la vedette à d'autres et il serait difficile de décrire chacun leur caractère et que cela se reflète dans l'histoire.
De ce fait, j'ai essayé de garder les plus connus d'entre eux qui figureront parmi les personnages principaux. Les autres figureront en tant que personnages secondaires.
Sur ce, que le bazar musical commence.
***
En ce temps enneigé, nombreux sont ceux qui marchent rapidement dans l'espoir de rentrer chez eux pour se réchauffer.
D'autres en revanche préfèrent trouver un peu de chaleur à l'intérieur du fameux café qui fait fureur parmi les bourgeois de la ville de Vienne, en Autriche. Ce café, qui porte le nom modeste de "Chez Karl", abrite également des personnes n'ayant pas un rang particulièrement élevé, ou encore des gens de condition modeste.
C'est au fond de la pièce qu'a décidé de s'installer Joseph Haydn, autour d'une grande table qu'il a réservée à l'avance pour lui et les nombreux autres musiciens qu'il a conviés pour une occasion assez particulière. Il a en effet eu l'idée de composer, pour les fêtes de Noël, une musique où se mêlera une grande quantité de styles musicaux, dans lesquels chaque musicien aura le loisir d'exprimer son talent ainsi que sa vision du monde.
Avec cela, il espère que cette œuvre permettra à la postérité de voir la diversité de leurs dons musicaux.
Alors que le vieil homme se délecte de son chocolat chaud mousseux à la cannelle, un éternuement se fait entendre juste à côté de lui, le faisant sursauter. Il se rappelle alors que son premier invité, Frédéric Chopin, le premier à avoir répondu à son invitation, tombe souvent malade. Et il doit admettre que cet hiver est beaucoup plus froid que d'ordinaire.
Le jeune homme resserre son manteau autour de lui, comme s'il cherchait à disparaître à cause du bruit qu'il vient de causer. Haydn, dans son immense générosité, lui donne un mouchoir brodé de dentelle.
-Je vous remercie, murmure le jeune Chopin en s'essuyant discrètement le nez.
Il demande ensuite:
-Savez-vous si les autres vont venir?
-Je ne saurais dire, mon jeune ami. Ils sont tous très occupés, en ce moment.
-Vous avez invité combien de musiciens en tout?
Haydn prend quelques secondes pour se souvenir du nom de tous les musiciens à qui il a envoyé une lettre d'invitation.
-S'ils viennent tous, nous serons une trentaine.
A l'entente de ce chiffre, le jeune Chopin manque de s'étouffer avec son café viennois. Pardon? Autant de personnes? Avec sa timidité maladive? Haydn est donc tombé sur la tête?
-Vous voulez ma mort, ma parole!, s'exclame-t-il malgré lui.
Le vieil homme se met à rire doucement.
-Mais non, voyons. Je doute qu'ils puissent tous venir, mais je suis sûr que vous allez tous bien vous entendre.
Du moins, il l'espère. Il sait que Chopin est quelqu'un d'assez discret et peu sûr de lui. Avec cela en tête, il a conscience que le jeune homme aura du mal à interagir avec d'autres musiciens avec une personnalité plus affirmée.
A ce moment précis, un éclat de rire tonitruant se fait entendre dans tout le café. Tout le monde se tourne vers la provenance de ce bruit, tandis que le brave Haydn se met à sourire. Une seule personne à sa connaissance rit de cette façon.
-Bon, t'as fini de faire le zouave?, lance une voix agacée. On n'a pas que ça à faire, je te rappelle.
Cette fois, Haydn retient difficilement un rire amusé. Une seule personne à sa connaissance prend la mouche aussi facilement.
-Euh, monsieur Haydn?, demande timidement Chopin.
-Je vous en prie, mon jeune ami. Appelez-moi Joseph, répond chaleureusement le vieil homme.
-Oui, euh... Joseph? Vous... vous savez qui vient d'entrer?
-Oh oui, je ne les connais que trop bien. Il s'agit de...
Il n'a pas le temps d'achever sa phrase car les deux nouveaux individus arrivent près d'eux. Celui qui arrive en tête a un immense sourire sur le visage. A peine pose-t-il les yeux sur Haydn qu'il s'exclame:
-Papa Haydn, mon ami!!!
Là-dessus, il se rue dans ses bras, sous le regard presque inquiet de Chopin. S'il s'était attendu à une telle tornade... Il tourne le regard en direction du deuxième arrivant qui se contente de croiser les bras avec une expression tellement sérieuse que l'on aurait dit qu'il assiste à un enterrement. A moins que cela ne soit son expression naturelle.
-Mon cher Wolfgang!, dit Haydn en regardant de près le jeune homme qu'il vient de prendre dans ses bras. Je suis heureux que vous ayez répondu à mon invitation.
-Vous savez que je ne peux rien vous refuser, mon cher papa. Et puis, j'étais assez curieux de rencontrer d'autres musiciens qui, j'en suis sûr, doivent être talentueux. Enfin, pas plus talentueux que moi j'espère, parce que tout le monde sait que je suis le meilleur de tous.
-Dis donc, t'as pas trop l'impression que tes chevilles ont pris du volume?, rétorque le musicien qui a accompagné le dénommé Wolfgang.
-Roh, c'est bon Ludwig! On peut plus plaisanter? Sérieusement, papa Haydn, depuis qu'on s'est croisés sur le chemin de l'aller, il n'a pas arrêté de tirer la tronche.
-C'est surtout toi qui n'arrêtais pas de faire le pitre devant tout le monde, oui!
-Gneugneugneugneugneugneu....., se moque Wolfgang alors qu'Haydn lève les yeux au ciel devant autant de puérilité.
Ludwig décide d'ignorer la provocation de son camarade de voyage et s'avance vers Haydn pour lui serrer la main en guise de salutation.
-Personne n'est encore arrivé?, demande Wolfgang en ne voyant pas que le petit Chopin se tient à quelques centimètres d'eux. Il faut dire que ce dernier a pour habitude de rester discret.
-Euh, si. Il y a moi, murmure-t-il en levant doucement la main.
Wolfgang s'en va lui serrer la main avec énergie.
-Ooooh, coucou bonhomme! Comment tu vas? Je me présente: Joannes Chrysostomus Wolfgangus Theophilus Mozart, au choix. Mais je préfère qu'on m'appelle Wolfgang.
-Euh, enchanté? Moi c'est Frédéric Chopin...
-Bon Ludwig! Tu viens te présenter devant ce gamin ou je le fais à ta place? Faut dire que t'as pas l'air très sociable, donc...
-C'est gentil mais je suis un grand garçon, je peux me débrouiller tout seul. Donc maintenant t'es gentil, tu dégages de là, merci.
Mozart se décale pour laisser Ludwig serrer la main de jeune Chopin à son tour.
-Ludwig van Beethoven, enchanté.
Sur ce, il s'assied à côté de lui. Mozart ne tarde pas à le rejoindre.
-Bon!, s'exclame-t-il en frappant des mains, au grand désespoir de Beethoven qui soupire devant tant de bruit. On fait quoi? On attend les autres?
-Tu voulais faire quoi d'autre, abruti?, répond Beethoven.
Ce à quoi Mozart riposte en lui tirant la langue. Chopin passe la paume de sa main sur son front. Ce sera donc comme cela pendant tout le rendez-vous? Et ils ne sont que deux à les avoir rejoint, Haydn et lui...
C'est alors que deux autres hommes font leur entrée au café. Malgré le monde qui s'y trouve, les quatre autres musiciens parviennent à les distinguer. L'un d'eux porte des lunettes et l'autre a une pile de livres sous le bras.
-Ah, en voilà d'autres, déclare Haydn.
-C'est qui?, demande Beethoven.
-Schumann et Schubert, les deux "Choux", répond Mozart. Schubert, c'est celui qui a ces trucs bizarres sur le nez, et Schumann, c'est l'autre, avec ses livres.
-Pour ta culture, ces trucs bizarres, comme tu dis, ça s'appelle des lunettes.
-Oh, arrête de me prendre le chou. T'as compris? Les deux "Choux", tu me prends le chou... HAHAHAHAHAHAHAHAHA!!!
Les deux compères s'avancent vers la table des musiciens, là où Mozart vient d'éclater d'un rire qui s'approche dangereusement de celui de la démence, tout en discutant. Une fois arrivés, Schubert, le musicien qui porte des lunettes, prend la parole.
-Bien le bonjour, messieurs. Je me présente: Franz Schubert, et mon compagnon ici présent se nomme Robert Schumann. C'est pour nous un véritable honneur que d'être conviés à...
-Tout le plaisir est pour nous, l'interrompt Haydn qui sait que, quand Schubert prend la parole, il n'y a plus moyen d'en placer une. Je vous en prie messieurs, prenez donc place.
Schubert jette un coup d'œil à côté de lui et remarque que son camarade a les yeux plongés dans un de ses nombreux livres. Il lui donne un coup de coude dans les côtes.
-Plaît-il?, demande Schumann en sortant de sa lecture.
-As-tu entendu ce que ce brave homme nous a dit? Je suppose que non, puisque tu n'as, encore une fois, pas pu t'empêcher de recommencer à lire. C'est vraiment plus fort que toi, mon pauvre Robert. Si tu prêtais plus attention à ce que les autres disent... Eh! Tu pourrais au moins m'écouter quand je te parle! Où vas-tu?
-Inviter un orang-outan à m'accorder une danse sur un air de valse, pourquoi?, rétorque Schumann en prenant place à table.
-Évidemment, pour faire de l'esprit, tu es toujours partant. Toutefois...
-Il peut pas la mettre en veilleuse, celui-là?!, s'exclame Beethoven avec impatience. Ça fait même pas une minute qu'il est là qu'il me fatigue avec ses longs palabres.
-Il a l'air gentil, pourtant..., murmure le petit Chopin avant d'être interrompu par Mozart qui ne l'a visiblement pas entendu parler.
-De toute façon t'aimes jamais quand les gens parlent beaucoup!
-Tu sais que tu me cours sur le haricot, toi?
-Non! Je te prends le chou, t'as oublié?
Dans leur moment de conversation plutôt agité, aucun d'entre eux n'a vu qu'un serveur est passé à leur table. Mais heureusement, ce brave Haydn a pris les choses en main en tant qu'aîné responsable en commandant davantage de chocolat chaud et de café viennois, avec en plus des massepains et des macarons de différentes saveurs.
Quelques minutes plus tard, deux nouveaux musiciens font leur entrée au café. En entendant le bruit qui provient du fond de la salle, ils devinent sans peine que c'est là où ils doivent se rendre.
-Eh bien mon cher Antonio, dit l'un des deux hommes à son camarade. Ça promet d'être animé.
L'autre musicien essaie tant bien que mal de cacher sa chevelure rousse sous sa perruque.
-Je ne vous le fais pas dire, mon cher Jean-Sébastien. J'espère seulement qu'ils ne vont pas remarquer mes cheveux.
-Oh, soyez tranquille. Ils ne remarqueront rien.
-Dieu vous entende, mon ami.
En arrivant près d'eux, seul Joseph Haydn les remarque. Ce dernier fait aussitôt un signe de la main aux autres musiciens pour attirer leur attention, et, comme par miracle, tous arrêtent de parler. Comme quoi, cela peut toujours servir d'être le plus âgé. Tout le monde vous respecte.
-Messieurs, je vous présente Jean-Sébastien Bach et Antonio Vivaldi.
Les deux nouveaux musiciens les saluent tous d'un mouvement de la main avant de s'installer à leur côté, tandis que les autres musiciens reprennent leur discussion. Aussitôt, le petit Chopin se tourne vers Bach.
-Monsieur, je voulais juste vous dire que... je suis un très grand admirateur de vos œuvres.
-Vraiment?, répond l'autre homme, sincèrement surpris. Vous me flattez, jeune homme.
-Voyons, Jean-Sébastien, vous êtes par trop modeste, intervient Vivaldi. Bien que cela vous honore, j'ai l'impression que vous vous dénigrez vous-même.
-Oh allons, je sais bien qu'il y en a qui sont plus doués que moi.
-Comme moi par exemple!, lance Mozart l'air crâneur.
-Voyons mon cher ami, rétorque Schubert. Vous devriez savoir que la première qualité que l'on attend d'un artiste, c'est l'humilité. Par ailleurs, cette qualité ne concerne pas uniquement les artistes, bien entendu, mais l'ensemble de l'humanité. Car personne n'est parfait, tout simplement. Mais cela ne veut point dire qu'il faut se dénigrer. En effet, le déni peut engendrer de gros manques de confiance en soi. Ça me rappelle d'ailleurs que j'ai un ami qui...
A bout de patience, Beethoven se saisit d'un des livres de Schumann qu'il enfourne sans façon dans la bouche de Schubert, qui est à présent dans l'incapacité de prononcer le moindre mot tant sa bouche est remplie.
-Gnmngmmnfmffmfn......, tente-t-il de dire.
-Je vous remercie, mon brave, lance Schumann, les yeux toujours plongés dans son livre, à l'intention de Beethoven. Il y a longtemps que je rêve de faire ça.
-Le temps qu'il digère tout ça, on sera tranquilles pendant un moment.
-Excusez-moi?, demande un nouveau venu. Est-ce bien ici qu'a lieu la fameuse réunion des grands musiciens?
Tous se tournent pour faire face à cette fois non pas deux, mais six hommes. Les nouveaux venus sont en pleine conversation les uns avec les autres, créant ainsi un joyeux tintamarre au beau milieu du café qui était déjà bruyant. Celui qui vient de parler semble être plus âgé que ses compères avec sa barbe blanchissante et ses vêtements noirs.
-Je me nomme Piotr Ilitch Tchaïkovski, et voici ceux avec qui j'ai pu faire le chemin jusqu'ici.
Les cinq autres hommes sont si impliqués dans leur échange qu'ils ne remarquent même pas la présence des autres musiciens qui, eux, les fixent comme s'ils sont devenus l'objet d'une nouvelle distraction. En réalité, ils sont assez curieux de voir combien de temps ces nouveaux venus continueront de parler jusqu'à ce qu'ils se rendent compte qu'ils sont observés.
Pourtant, leur débat passionné commence à les intéresser de plus en plus. Chacun se vante d'avoir composé la plus belle musique qui soit.
-Puisque je vous dis, messieurs, que le canon dont je suis l'auteur vaut mieux que n'importe quelle œuvre ayant existé, s'exclame l'un d'entre eux.
-Lui, c'est Johann Pachelbel, murmure Tchaïkovski aux musiciens assis à table.
Ces derniers hochent vigoureusement la tête, comme absorbés par le spectacle qui se déroule sous leurs yeux. Enfin, sauf Schubert qui tente de retirer l'ouvrage que Beethoven lui a fourré dans la bouche. Heureusement, se dit-il, que le ridicule ne tue pas... Même Schumann semble avoir délaissé ses livres au profit de la conversation qui se déroule en face de lui.
-Eh bien laissez-moi vous dire, mon cher monsieur, que mes Arabesques battent votre canon à plate couture, rétorque un autre musicien.
-Voici Claude Debussy, continue Tchaïkovski en prenant plusieurs macarons dans sa main.
-Vous savez quoi? Je suis sur le point de composer une musique qui va vous laisser bouche bée. Elle aura pour titre La Chevauchée des Walkyries, et elle fera un carton, lance un autre.
-Lui, c'est Richard Wagner, ajoute encore Tchaïkovski en mâchant ses macarons.
-Eh bien moi, je pense que ce débat est complètement stupide, que vous y perdez votre temps et qu'on s'en bat les palmiers, parole de Félix Mendelssohn!, se révolte un autre.
C'est alors que le dernier musicien à ne pas encore avoir été présenté se détache de son groupe. Là, il s'approche de la table autour de laquelle sont assis les autres musiciens et s'exclame joyeusement:
-Eh, Chopino! Comment ça va?
-Salut Franz, répond Chopin avec un sourire.
Cette fois, tous les regards se tournent vers le jeune timide, y compris ceux qui sont en train de débattre. Face à toute cette attention, le petit Chopin rougit jusqu'à la racine des cheveux. S'il pouvait disparaître dans la seconde, il l'aurait sûrement fait.
-Attends, vous vous connaissez déjà, vous deux?, s'exclame Mozart, incrédule.
-Euh, oui... nous sommes bons amis, en fait..., bégaie Chopin.
-Attendez une seconde, il y a deux Franz, alors!, constate Bach. Ce jeune homme, ainsi que celui avec ce drôle d'objet sur le nez.
Beethoven souffle avec exaspération. Quelle bande d'ignorants! Ils ne connaissent donc pas le concept des lunettes de vue? Schubert, l'un des deux Franz, continue d'essayer de faire fonctionner sa pauvre mâchoire.
Voyant la détresse dans laquelle se trouve son ami, le deuxième Franz vole à sa rescousse.
-Ah, parce qu'il y a déjà un Franz? Eh bien, cela ne pose aucun problème. Vous n'aurez qu'à m'appeler par mon nom de famille, Liszt.
-Mon Dieu, ça commence à faire beaucoup de noms, se désole Vivaldi en se massant les tempes.
-Puisque les présentations sont faites, je vous invite à prendre place avec nous, chers messieurs, intervient Joseph Haydn. Nous n'allons pas tarder à commencer.
Les six nouveaux musiciens s'installent tandis que de nouvelles discussions s'entament entre tous ces hommes, chacun en fonction de leur personnalité et affinité. Bientôt, le café se vide petit à petit, laissant ainsi les quatorze musiciens, seuls autour de leur table, qui discutent tout en se régalant de petits gâteaux accompagnés de chocolat et de café viennois.
C'est dans cette joyeuse ambiance qu'un autre musicien très connu fait son entrée. Ce musicien en a inspiré beaucoup d'autres, dont même certains présents dans ce café. À sa simple vue, toutes les conversations s'arrêtent et tous les yeux se fixent vers lui.
-Bien le bonjour messieurs!, salue le musicien tandis que les quatorze autres le regardent bouche bée.
Ils auraient presque juré entendre sa plus célèbre composition, Messiah, avec les chœurs qui chantent "Hallelujah", alors qu'il s'assied près d'eux. Aucun regard ne se détache ne lui, si bien que le musicien finit par demander:
-Eh bien! Vous n'avez pas de langue?
Schubert semble sortir de sa rêverie pour répondre:
-Euh si. Je parle allemand...
Personne ne relève la maladresse, excepté le nouveau venu qui pose la paume de sa main sur son front avec consternation. Le vieil Haydn prend donc la parole:
-Comme vous l'avez sûrement compris, messieurs, cet homme qui nous fait l'honneur de se joindre à nous se nomme Georg Friedrich Haendel.
Tous hochent lentement la tête, tout en continuant de fixer le musicien qu'ils admirent tant. Ce dernier se racle la gorge, mal à l'aise.
-Pouvons-nous commencer? Cela commence à devenir extrêmement gênant.
Alors que les autres acquiescent, un événement étrange se produit. Un nuage de fumée commence à prendre forme, sous les yeux estomaqués de nos quinze musiciens. Bientôt, une forme humaine apparaît, et tous parviennent à distinguer les traits d'un homme habillé élégamment et portant des lunettes. Un silence suit son arrivée.
-Bonjour?, fait le nouveau venu d'une voix incertaine.
Les autres musiciens le fixent avec une peur évidente dans leurs yeux. Seul Haydn a l'air surpris.
-C'est un fantôme!, glapit Liszt.
Aussitôt, c'est la panique. Toute la tablée à l'exception d'Haydn se met à pousser des cris d'effroi.
-On va tous mourir!, lance Mozart en cognant ses poings sur la table.
-Non! Je suis bien trop jeune pour cela!, se plaint Tchaïkovski, la bouche pleine de macarons.
-Un fan... un fan... un fan-fan... un fan-fan..., bégaie Vivaldi avant de s'évanouir dans les bras de Bach.
-Oh non! Antonio! Réveillez-vous, je vous en prie!, supplie ce dernier.
-Ah bah bravo! Vous l'avez tué!, lance un Wagner révolté à l'intention du "fantôme".
-Malheureux, ne parlez pas à un fantôme! Voulez-vous notre mort à tous?, s'exclame Debussy.
-Au point où on en est, qu'est-ce que cela peut faire?, se désole Pachelbel.
-Seigneur, dîtes-moi ce que je fais ici..., murmure Haendel avec consternation.
-Si je dois mourir, ce sera avec un livre entre mes mains, dit Schumann en replongeant dans sa lecture malgré la peur qu'il ressent.
Finalement, Haydn se met debout et lève les mains en signe d'apaisement.
-Calmez-vous, messieurs. Cet homme fait également partie de nos invités.
-Vous avez invité un fantôme?!, s'écrie Liszt.
Haydn soupire. Est-il donc la seule personne à peu près sensée à cette table?
-Il vaudrait mieux que vous vous présentiez, mon jeune ami, dit-il au nouveau venu.
Ce dernier prend une inspiration sous les yeux inquiets des autres musiciens et se lance:
-Je me nomme John Williams et je viens du vingtième siècle. Je ne vais pas pouvoir rester longtemps avec vous parce que j'ai une musique à composer d'urgence.
-Et... quelle est donc cette musique?, demande Mendelssohn dont la peur s'évapore petit à petit.
John Williams jette rapidement un coup d'œil sur sa montre avant d'expliquer:
-Je ne peux pas vous en dire plus, mais il s'agit d'un thème musical pour accompagner l'antagoniste de l'histoire. Et en l'occurrence, il s'agit d'un seigneur Sith qui a choisi le Côté Obscur de la Force aux côtés de l'Empire galactique. Par conséquent, le héros de l'histoire, un jeune fermier apprenti Jedi, accompagné de ses amis, une princesse, un contrebandier, un gros ours et deux robots, doit tout faire pour arrêter la menace qui plane sur toute la galaxie aux côtés de leurs amis rebelles.
Un nouveau nuage de fumée apparaît autour du musicien, l'interrompant dans son discours.
-Ah, je crois que le devoir me rappelle à l'ordre. Je suis dans le regret de devoir vous quitter, chers messieurs. Je vous souhaite bonne chance pour ce que vous entreprenez de faire, et que la Force soit avec vous!
C'est avec cette dernière phrase que John Williams disparaît. Quelques instants après, la fumée s'évapore à son tour, tandis qu'une partition apparaît avant de retomber doucement sur le sol, là où se trouvait le musicien venu du vingtième siècle. Les quinze autres musiciens ont les yeux fixés sur la partition, comme s'ils craignaient qu'elle explose.
-Est-ce que... est-ce qu'il est parti?, murmure Chopin qui s'est caché derrière la chaise de Beethoven, lequel demande à son tour:
-Quelqu'un a compris ce qui s'est passé?
-Quelqu'un a compris ce qu'il a raconté?, ajoute Schumann.
-C'était... étrange. Très étrange, commente Debussy, l'esprit très perturbé par la scène à laquelle ils viennent tous d'assister.
Tous, excepté Haydn, ont l'air complètement secoués. Mais parmi eux, seul Wagner se lève en direction de la partition gisant au sol. Il la ramasse avec une grande prudence avant de l'examiner de plus près. Au fur et à mesure qu'il lit, son visage semble s'éclaircir, comme s'il venait d'avoir une révélation.
-Mais cette partition... cette musique... quelle idée de génie! Un thème musical qui caractérise un personnage, une situation ou une humeur... Oui, vraiment, c'est une idée de génie. Voilà qui serait parfait pour ma Chevauchée des Walkyries.
Haydn se racle la gorge.
-Eh bien, si vous voulez bien nous montrer cette fameuse partition...
Et pendant que Wagner s'exécute, les autres musiciens sortent une feuille de partition ainsi qu'une plume pour pouvoir noter leurs idées. Tous, sauf Bach qui essaie de calmer un Vivaldi pâle comme un drap suite à son évanouissement.
Le pauvre homme ne cesse de balbutier:
-Un fan... un fan... il y avait un...
A côté de lui, Bach essuie les gouttes de sueur qui coulent du front de son compagnon.
-Là, c'est fini... Le méchant fantôme est parti...
Mais alors que tout semble s'être enfin calmé, les musiciens, à l'exception de Bach et Vivaldi, se mettent à pousser un cri de frayeur.
-Mon Dieu, dit Schumann d'une voix blanche.
-Qu'il y a-t-il?, demande Bach.
Il remarque alors bien trop tard que la perruque de Vivaldi est tombée au sol, laissant voir sa chevelure rousse.
Selon la croyance populaire, une personne possédant des cheveux roux n'aurait pas d'âme et serait, par conséquent, une créature du diable. Et comme la plupart des musiciens ici présents sont assez superstitieux, ils se mettent à fixer le musicien comme s'il avait la peste.
-Cette fois, nous sommes maudits, murmure Tchaïkovski en croquant encore dans un macaron. D'abord un fantôme et maintenant un roux...
Aussitôt, un drôle de mouvement a lieu chez les musiciens. Certains sont saisis par la terreur et le dégoût, tandis que d'autres semblent dépassés par la tournure que prennent les évènements. En arrivant ici, tous ont espéré pouvoir faire part de leurs dons musicaux à d'autres musiciens, et les voilà en train d'enchaîner surprise sur surprise, à tel point qu'à ce moment précis, c'est la confusion la plus totale.
-Je n'aurais jamais dû venir, se lamente Vivaldi pour qui son secret vient d'être révélé.
-Effectivement, vous n'auriez jamais dû venir!, accuse Pachelbel.
-Ne soyez pas stupides, il n'a pas demandé à être roux!, lance Bach.
-S'il savait que l'on réagirait de cette manière, pourquoi est-il venu malgré tout?, lance Debussy.
-Bon, on peut commencer? C'est pas que j'ai autre chose à faire mais ouais, j'ai un chef d'œuvre à réaliser, moi!, s'impatiente Mozart.
-Je suis d'accord avec ce sot d'imbécile, pour une fois, approuve Beethoven.
-Attends, qui est-ce que tu traites de sot d'imbécile, là?!
-Il n'a pas tort, il y a beaucoup de sots d'imbéciles à cette table, dit Schumann en continuant sa lecture.
-Cela est bien vrai, dit Schubert en ajustant ses lunettes, bien que nous soyons tous des êtres humains pourvu d'une certaine intelligence, quelques-uns font souvent preuve d'une petitesse d'esprit qui...
-Excusez-moi mon brave, mais je crois qu'ils parlaient de vous, s'excuse Haendel.
Alors que le musicien à lunettes prend une expression profondément choquée, Wagner commence à son tour à perdre patience:
-Dîtes, si vous comptez continuer ce débat sans queue ni tête, je vais me voir dans l'obligation de quitter cette réunion pour finir ma Chevauchée des Walkyries.
-Eh bien allez-y! On ne vous retiendra pas, lance Liszt
-Voyons Franz, ce n'était pas très gentil, ça..., commence Chopin avant d'être interrompu par Mozart.
-Pas maintenant, gamin. Laisse les grands discuter entre eux.
Le petit Chopin assiste alors avec effarement la dispute qui oppose le reste des musiciens. Seul Haydn a l'air consterné. Chopin sent alors l'indignation pointer en lui. Pour qui se prennent-ils, ces musiciens à l'égo surdimensionné? Ne peuvent-ils pas faire honneur à l'invitation que ce brave vieil homme leur a faite? Au lieu d'échanger calmement sur la partition qu'ils doivent réaliser ensemble, les voilà en train de se disputer pour des choses futiles.
Et en plus de cela, ils osent le traiter comme un gamin... Ah mais quel toupet!
-C'est assez!, lance-t-il en donnant un coup de poing sur la table.
La voix de Chopin s'est élevée au-dessus de celle des autres musiciens, si bien que ces derniers sont obligés de garder le silence face à l'éclat de rage du jeune homme.
-Mais enfin, n'avez-vous pas honte de vous comporter ainsi? Notre ami, monsieur Haydn, nous fait l'honneur de nous convier pour que nous puissions composer une œuvre qui passerait ensuite à la postérité, et regardez-vous! Vous voilà en train de parler de malédiction de cheveux roux, de meilleur compositeur, de chevauchée de vaches qui rient ou je ne sais quoi.
-Un peu de respect, voyons!, s'indigne Wagner. Cela s'appelle La Chevauchée des Walkyries.
-Qu'importe, objecte Chopin. Cessez donc de vous quereller aussi inutilement et mettons nos talents à profit pour composer la plus belle musique que ce monde ait entendue.
A la fin de son petit discours, le jeune musicien sent une bouffée de chaleur l'envahir. Qu'est-ce qui lui a pris de prendre ainsi la parole au milieu d'hommes au tempérament plus affirmé que lui? Personne ne le prendra au sérieux.
La scène qui suit lui prouve alors le contraire.
-Ce garçon a raison, murmure Bach à son comparse Vivaldi qui hoche la tête.
-Quels imbéciles nous sommes, se désole Pachelbel.
-Je me sens vraiment honteux..., dit Wagner.
-Et moi donc, bredouille Schumann.
-Rassurez-vous, vous n'êtes point les seuls à vous sentir ainsi, ajoute Schubert, sans rancune.
-Nous ne sommes que des ingrats, renchérit Beethoven.
-De gros ingrats, surenchérit Mozart.
-De très gros ingrats, surenchérit davantage Liszt.
-Ces macarons sont vraiment délicieux. En voulez-vous?
Cette phrase vient de Tchaïkovski, lequel vient de se rendre compte qu'il a fini presque toutes les pâtisseries présentes à leur table. En entendant cela, tous les compositeurs se tournent vers lui et constatent à quel point leur camarade s'est en effet gaver de pâtisseries.
Un silence suit avant que les quinze musiciens se mettent à rire de bon cœur. Allons, les désagréments qu'ils ont eus ne semblent pas les empêcher de plaisanter entre eux.
Haydn dit alors en désignant Chopin:
-Vous avez entendu ce jeune homme, commençons sans plus tarder.
Et alors que les autres musiciens s'exécutent, Haydn en profite pour offrir un sourire reconnaissant au jeune Chopin. Ce dernier sourit timidement en guise de réponse avant de reprendre sa place.
Pendant les deux heures qui suivent, les quinze musiciens prennent plaisir à composer cette fameuse partition ensemble, découvrant ainsi à quel point chacun d'entre eux est talentueux à sa propre manière. Cette réunion qui a commencé de manière si chaotique se déroule dans les meilleures conditions. Tous les participants s'adonnent à leur tâche à cœur joie, tout en continuant de manger des sucreries de toutes sortes, et en buvant des boissons chaudes.
Durant tout le temps qu'a duré leur collaboration, Haydn ne peut empêcher un sentiment de bien-être de prendre possession de lui. De temps en temps, il s'affaisse sur son siège pour regarder les musiciens qu'il a invités. Tous ces musiciens sont issus d'époques différentes, de courant musical différent et appartiennent à plusieurs générations différentes. Mais en cet instant, cela ne semble avoir aucune importance. Tout ce qui leur importe en ce moment-même, c'est la perspective de composer un chef d'œuvre aux côtés d'autres personnes avec une vision du monde différente.
Le sentiment de paix qui a envahi le vieil homme ne l'a pas quitté de toute la réunion, si bien que lorsque celle-ci a pris fin, il a senti une légère tristesse poindre en lui. Il faut bien croire que même les bonnes choses ont une fin.
Mais Haydn a également eu la bonne surprise de recevoir des retours positifs de la part de ses invités. Tous, y compris Beethoven qui est réputé pour ne pas vraiment apprécier la compagnie des autres, ont passé un excellent moment avec les autres musiciens présents. Et c'est sur cette joyeuse note que la fameuse réunion prend fin.
Et pendant que nos quinze musiciens prennent le chemin en direction de leur domicile respectif, chacun d'entre eux se sent satisfait d'avoir participé à un tel projet, si bien qu'ils espèrent tous avoir la chance de revivre une telle expérience en compagnie de leurs compères au tempérament si différent, mais qui ont pourtant pu apporter leur pierre à l'édifice.
Fin
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