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Elle dansait au milieu de la clairière. Elle virevoltait aussi gracieusement que si elle était faite de plumes et non de chair, ses longs cheveux d'ébène flottant autour d'elle, se balançant au rythme de sa chanson, ectoplasme magnifique. Elle était si belle, sa voix si douce et ses yeux bleus si pénétrants que le garçon qui l'épiait crut tout d'abord qu'il s'agissait d'un ange revenu au monde. Elle était envoûtante. Il aurait pu la regarder jusqu'au soir, jusqu'à la nuit, jusqu'à la fin des temps.

Il resserra sa prise aux dessus des branchages qui le dissimulaient, les faisant bruire malgré lui. La jeune fille se redressa brusquement; elle l'avait repéré.
Il crut mourir lorsqu'il croisa son regard saphir.
~
Arwen ouvrit les yeux, réveillée par l'incessante sonnerie de son téléphone. L'idée de le jeter contre le mur traversa son esprit, mais il lui apparut comme évident que casser son iPhone, l'iPhone 15 pro Max, de surcroît, était une bien mauvaise façon de commencer la journée. Avec un soupir, elle se contenta d'éteindre l'alarme. Six heures moins quinze.

Erestor, le majordome, lui avait déjà apporté son petit-déjeuner. Elle retint un nouveau soupir en apercevant l'unique tranche de pain complet et la salade de fruits. Pas de gras, pas de viande, pas de sucre. Son régime commençait à l'agacer sérieusement. Elle savait qu'elle et ses frères devaient faire honneur à la noble famille Peredhel, et ainsi se plier aux exigences attendues. Tout cela était fait pour son bien, n'est-ce pas?

Tout en se redressant pour manger, elle songeait à son rêve. C'était là la troisième fois d'affilée qu'il se glissait dans sommeil. Entendons-nous bien, ce n'était pas un rêve désagréable, non, c'était simplement un songe étrange, dont elle ne perçait pas la signification.

Une fois son maigre repas achevé, l'esprit encore empli de questions sans réponses, elle reposa son plateau sous sa cloche de cristal, et se prépara rapidement. Un maquillage sommaire lui suffit: on lui faisait souvent la réflexion que sa beauté ressortait mieux au naturel. Arwen était belle, oui: de longs cheveux ébène ondulés qui atteignaient sa taille, de splendides yeux bleu foncé, et des lèvres d'un rose tendre complétaient cet adorable tableau. Sa penderie était chargée de robes de luxe en tout genre: légères, habillées, décolletées, garnies de fourrure, estivales. Elle songea qu'elle ne possédait qu'un seul pantalon, celui que comportait son ensemble d'équitation. Cette liberté lui manquait-elle? Pas réellement, puisqu'elle ne s'y était jamais confrontée. Elle choisit une robe blanche, simple mais élégante, longue mais décolletée.

Ainsi vêtue, elle n'attirerait pas trop l'attention des étudiants de son université, sans toute fois susciter leur mépris.

Elle fut brusquement tirée de ses songes par un son creux contre la porte.

- Mademoiselle Peredhel! appelait quelqu'un. Il est l'heure!

Arwen ouvrit grand la porte, découvrant Glorfindel, son garde du corps. Malgré ses traits fins, sa silhouette élancée, son visage imberbe et les longues boucles d'or qui dégringolaient dans son dos, Glorfindel était capable de vaincre n'importe-quel boxeur ou bodybuilder au corps-à-corps. Il avait d'ailleurs brillamment protégé la jeune femme contre une tentative de kidnapping de la Mafia de Morgoth, affrontant l'un des hommes de mains de ce derniers, l'un des redoutables Balrogs, comme on les nommait, à mains nues. S'il eût été un personnage féminin de romance niaiseuse, la brune eût volontiers qualifié son garde du corps de Mary-Sue.

- Tu aurais pu m'accorder cinq minutes supplémentaires,murmura Arwen. Ne serait-ce que pour que tu puisses discuter un peu plus avec Erestor.

Les joues de Glorfindel se teintèrent légèrement lorsqu'il se pencha pour l'aider à attacher son bijou préféré: un pendentif d'argent massif, incrusté de cristal.

- Les ordres sont les ordres, mademoiselle Perdhel, croyez bien que j'aimerais les changer, répliqua le blond avec un sourire. Vous avez un shooting photo pour le nouveau parfum Dior dans trente minutes, nous devons nous dépêcher. Surtout si vous espérez arriver à l'heure à l'école...

En effet, deux heures séparaient Londres d'Oxford, où se tenait la prestigieuse université Tolkien, où Arwen était inscrite. Les cours avaient beau commencer à neuf heures, si elle ne se dépêchait pas...

Une heure plus tard, la jeune femme se retrouvait dans un studio de centre-ville, en train de poser, tout cela pour mettre en scène un stupide flacon de parfum. Elle était déjà courbaturée et la journée commençait à peine.

- Non, pas comme ça... tenez-vous légèrement plus droite... rapprochez le flacon de vous... maugréait le photographe. Non, ça ne va pas. Cette photo ne dégage décidément rien... Ah! j'ai une idée! Et si nous prenions tout bêtement votre visage en photo, et qu'il servait d'arrière plan au flacon? La voilà, l'idée de génie!

L'idée de génie? Cela faisait une demi-heure qu'elle tentait désespérément de mettre cette foutue bouteille de parfum en valeur, et voilà qu'on lui annonçait qu'il suffisait de photographier son visage?

- Tout ça pour ça? dit-elle d'une voix qu'elle s'efforçait de maîtriser, où transparaissait quelque colère. Tout ce travail... pour rien?

Glorfindel posa une main apaisante sur son épaule. Elle comprit immédiatement le message; ne pas s'énerver. Il lui était impossible de montrer ses émotions. Voici l'un des inconvénients à être la fille de Lord Elrond Peredhel.

- J'aperçois votre ami Legolas, là bas, il semble avoir presque fini son shooting. Peut-être voudriez-vous le rejoindre?

- Ce n'est pas mon ami.

En effet, elle qualifiait davantage Legolas Greenleaf, fils du pdg de la marque de shampooing Thrandréal, de simple connaissance. Ils s'étaient rencontrés au studio, lui, posant pour la marque de son père, et avaient sympathisés. Du reste, Arwen n'avait pas d'amis; un autre inconvénient, sans doute, à être la fille de Lord Elrond Peredhel.

Son regard s'attarda en direction de Legolas, au coin opposé du studio occupé à rejeter ses cheveux blond platine dans le vent (inexistant). Legolas était beau  au point de faire craquer la moitié des filles de l'Université Tolkien. Cependant, il ne l'attirait pas. Trop parfait, peut-être? Habituée à la perfection dès son plus jeune âge, elle la trouvait banale à en pleurer.

Tandis que Legolas effectuait une série de poses, un autre garçon l'attendait, un peu plus loin, un de ses amis, probablement. Elle fut immédiatement frappée par son manque de ressemblance avec le blond. Vêtu d'une veste en cuir élimée et d'un vieux jean noir troué, les cheveux en bataille, une cigarette à la main, mal rasé, il différait totalement des autres étudiants. Elle l'avait déjà remarqué auparavant, sans trop y prêter attention. Alors, c'était lui, le meilleur ami du jeune Greenleaf? En l'espace d'un instant, il croisa son regard. Elle détourna volontairement les yeux.

- Salut, lança-t-elle à son homologue mannequin une fois sa séance terminée.

Il répondit par un bref sourire, et ils échangèrent quelques banalités sur leur profession.

- ça me soûle, toutes ces photos, soupira Legolas. Tout ça pour du shampooing, en plus! Comme si mes cheveux n'étaient pas déjà parfaits sans cela!

-Je confirme, répondit-elle simplement, un peu déstabilisée par le soudain accès de narcissisme de Legolas, ne sachant trop comment réagir.

Au moins, le fameux meilleur ami du blond semblait tout aussi blasé qu'elle. ça leur faisait déjà un point commun.

Glorfindel, avec sa jovialité coutumière, beaucoup plus enclin qu'elle à faire la conversation, proposa:

- Voudriez-vous que nous vous déposions en limousine, ainsi que votre ami, M.Greenleaf?

Arwen jeta un regard implorant en direction de son garde du corps. "Oh non, Glorfifi, putain... je le connais à peine, et son pote encore moins, ça va être gênant..."

Hélas, le jeune mannequin répondit avec un grand sourire:

" En limousine? Il y aura du vin d'au moins cent ans? Dans ce cas, je viens!"

Oh non... Il fallait s'en douter. Le blond partageait avec son père, le maniaque magnat de la Hairscare routine Thranduil une immense passion pour le vin de luxe. Son acolyte leva les yeux au ciel.

- Legolas, il est sept heures du mat'. Tu vas quand même pas te bourrer la gueule dès maintenant?

- Ne fais pas le rabat-joie, Aragorn, tu sais bien que je ne suis jamais bourré. C'est tout juste si je ressens un picotement dans les doigts après dix shots de vodka.

Aragorn? C'était donc ainsi qu'il s'appelait?  Elle se promit de le noter dans un coin de sa tête.

Et c'est ainsi que cinq minutes plus tard, tous les quatre se retrouvaient dans la limousine des Peredhel, où planait un silence gênant, que les deux blonds s'efforçaient de combler, parlant principalement de Thranduil Greenleaf, de son aversion pour son concurrent, un certain Thorin Oakenshield et de sa boite Thoréal, de son caractère de control-freak et de sa passion pour le vin rouge. " Mais qui m'a foutu un garde du corps aussi sociable? songeait douloureusement Arwen. J'aurais pas pu avoir, je sais pas, moi, une porte de prison, à la place?"

Elle tourna brusquement la tête et sentit le regard d'Aragorn sur elle. Que lui voulait-il, celui-là encore? Ne comprenait-il pas qu'il était impoli de dévisager quelqu'un de la sorte? Avait-il reçu une éducation, au moins? Puisque c'était ainsi, il serait également exempt de politesse. Elle soutint son regard jusqu'à ce qu'il consentît, avec un sourire en coin, à détourner le sien.

Au bout de deux longues heures, l'université Tolkien fut en vue: Un magnifique campus composé de tourelles, d'arcades et de ponts, à couper le souffle. Une foule d'élève, vêtus de créations parisiennes, s'était agglutinée autour de la limousine. Elle entendait distinctement chacun de leurs murmures, qui lui donnaient la migraine.

- Ouah, c'est Legolas Greenleaf et Arwen Peredhel!

- Putain, ils sont trop beaux! 

- Tu crois qu'ils sont en couple?

- Mais non, connard, Legolas crush sur Tauriel, tout le monde le sait!

- Arwen a l'air moins jolie que d'habitude, non? Elle a des cernes!

-Et son sac Gucci... c'est le même que celui qu'elle portait le mois dernier!

Elle ne put retenir un sourire lorsque Glorfindel les bouscula sans ménagement pour lui frayer un chemin. Un autre inconvénient à être la fille de Lord Elrond: impossible d'avoir des amis.

~0~

La matinée s'était avérée plutôt mauvaise. En cours de littérature anglaise, M. Mithrandir lui avait donné un devoir à faire sur le Silmarilion. Et toute excellente élève qu'elle était, comment différencier des personnages tels que Finwë, Fingon, Finrod,  Fingolfin et Finarfin? Une chose était sûre, elle aurait besoin de force aspirines. Tout à ses divagations, elle ne remarqua pas l'élève qu'elle percuta de plein fouet. Elle tomba, son sac avec elle, et répandit tous ses cahiers au sol. Elle ravala le " 'Tain regarde où tu vas"  qui lui brûlait pourtant les lèvres. Rester douce et polie en toutes circonstances.

- Je suis désolé! ça va?

Elle leva le regard et constata qu'il s'agissait d'Aragorn, l'ami de Legolas. Encore lui! Il lui tendit la main afin de l'aider à se relever. Tout compte fait, il était plutôt bien foutu... Il jouissait d'une beauté différente de celle de Legolas, moins parfaite, plus touchante, aussi... Sûr que sans son apparente négligence, il ferait bien battre des coeurs, lui aussi. Ce fut donc sur un ton plus doux qu'elle releva en saisissant sa main: "oui, ça va, merci." Elle fit volte-face et rejoignit Glorfindel, qui montait la garde à l'entrée du campus.

Si elle s'était retournée pour le contempler encore une fois, aurait-elle immédiatement compris que grâce à ce jeune homme, sa vie monotone de noble demoiselle changerait du tout au tout?

~


Heeeey!

Merci à ceux qui ont lu ce premier chapitre!

Comme je l'ai expliqué dans la description, j'ai perdu un pari contre @Akael_littlewanderer, qui, si j'avais gagné, nous aurait écrit un joli petit Legolas x OC!

En tout cas, j'espère que ce chapitre vous aura plu, je suis preneuse de tout retour!

~ Votre dévouée Goldilocks





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