Chap 6: Chaleureux

Une légère brise me caresse le visage, assez douce pour me tirer doucement de mon sommeil. J'ouvre les yeux avec un soupir, un peu paumé, le cerveau encore en mode veille. Il me faut bien quelques secondes pour comprendre où je suis , allongé sur un béton froid et bien trop dur à mon goût, avec une couverture qui, soyons honnêtes, a tout juste la chaleur d'un mouchoir usagé.

Je me retourne en grimaçant, espérant soulager un peu mon dos qui semble avoir pris quelques années d'âge pendant la nuit. Et là... surprise ! Je me retrouve nez à nez avec un visage endormi. Beau, même. Suffisamment beau pour me faire écarquiller les yeux et sursauter comme un idiot. Je me redresse d'un coup, le cœur battant, essayant de me rappeler pourquoi il est là.

Et puis la vérité me frappe , il est aussi humain, ce type. Et comme tout humain normalement constitué, il a besoin de sommeil.

Je le fixe, mon cerveau encore un peu embrumé. Lui, paisible, respire doucement, une mèche de cheveux tombant négligemment sur son front. Le contraste entre son air endormi et la machine de guerre qu'il est en plein jour me fascine. C'est à peine si je reconnais celui qui m'a presque étranglé la veille pour une remarque de travers. Ça me fait sourire malgré moi. Et puis je me dis qu'il faut quand même pas qu'il me surprenne en pleine admiration béate ,surtout pas.

Je détourne enfin le regard, me frottant les bras pour me réchauffer un peu. Le béton, c'est pas vraiment fait pour dormir, et mes muscles me rappellent chaque minute passée dessus comme si un artiste sadique avait sculpté mes os avec un marteau. Je me mets debout, en prenant soin de pas faire de bruit. Pas question de lui donner une excuse pour me fusiller du regard dès son réveil. C'est déjà assez tendu entre nous comme ça.

Je commence à marcher autour de lui, évitant les petits débris au sol pour ne pas le réveiller. Et puis je l'entends bouger, remuant légèrement dans son sommeil. Son visage semble s'apaiser encore un peu. Et moi, je le dévore des yeux ,un peu malgré moi. Y'a comme un truc en lui que j'ai jamais vu chez personne. Cette façon de paraître invincible en pleine action, de faire preuve de cette solidité inébranlable, puis de se laisser aller, là, tout près de moi. Ça me touche plus que je voudrais l'avouer, même à moi-même.

Je fais mine de chercher quelque chose dans mon sac, histoire de me donner une contenance, et je me fige quand je l'entends murmurer quelque chose, presque inaudible. Un prénom, peut-être. Ou juste un mot. Je sais pas trop. Mais son visage se crispe, comme s'il rêvait d'un souvenir douloureux. Ça me pique de le voir comme ça, vulnérable.

J'hésite, et puis... ma main se tend vers lui, comme si j'avais besoin de le rassurer, de lui dire que ça va aller, même si je sais pas vraiment ce qui se passe dans sa tête. Et là, comme par réflexe, il attrape ma main sans même ouvrir les yeux. Son étreinte est ferme, mais pas agressive. Comme s'il cherchait un soutien, quelque chose à quoi se raccrocher. Mon cœur se met à battre un peu plus vite. Ce simple contact, aussi anodin qu'il puisse paraître, a quelque chose de... puissant. Et d'intime

Finalement, il ouvre les yeux, doucement, et croise mon regard. Il lâche ma main et se redresse, un peu confus.

- Tu dormais mal, je lâche, presque pour briser le silence. Ça avait pas l'air super confortable

Il me fixe un instant, ses yeux bleus sondant les miens, comme s'il essayait de comprendre pourquoi je me souciais de lui. Puis il laisse échapper un léger soupir, et me lance un regard mi- amusé, mi- sérieux.

- Tu devrais t'occuper de toi-même, au lieu de veiller sur les autres, murmure-t-il, sa voix rauque encore imprégnée de sommeil.

Je hausse les épaules, souriant pour masquer un peu ce qui se passe dans ma tête.

-Disons que c'est pas mon style, je rétorque, presque en riant. Ça te ferait plaisir, tiens, que je sois égoïste.

Il esquisse un sourire, un vrai, cette fois, quelque chose de rare. Ça dure à peine une seconde, mais pour moi, c'est comme si j'avais trouvé un trésor.

On se relève tous les deux, doucement. Je sens son regard sur moi, et je me demande s'il se doute de ce que je ressens. J'ose pas le fixer trop longtemps, de peur qu'il y voit quelque chose que je préfère garder pour moi, mais y'a une sorte de connexion qui se fait, là, dans ce silence presque... confortable.

Il finit par briser le silence, son regard se perdant au loin.

- On devrait continuer de marcher, dit-il d'un ton neutre, mais je perçois quelque chose de plus dans ses mots. Avant que le jour se lève complètement

Je hoche la tête, presque soulagé d'avoir un truc à faire. On sort de l'entrepôt et on commence à longer les ruines d'un ancien quartier industriel, un décor post-apocalyptique qui, paradoxalement, semble paisible sous la lumière du petit matin. Il marche devant, et je le suis, comme toujours.

Au bout d'un moment, je décide de rompre le silence. 

-Tu te souviens de l'époque où on devait juste... enfin, où tout était simple ?

Il tourne la tête vers moi, intrigué, mais sans vraiment répondre.

- Genre... juste aller à l'école, sortir avec des potes, boire un coup... ça te manque pas, tout ça ?

Il hausse les épaules, puis répond d'une voix calme mais un peu distante. 

- Disons que j'ai jamais trop aimé les trucs simples.

Je ris un peu, réalisant qu'en fait, j'en aurais douté. Il a l'air d'un type qui a toujours cherché le compliqué, le dangereux. Le genre de type qui s'amuserait à rester 72 heures dans les catacombes , juste pour le fun .Mais malgré moi, ça me fascine.

Et puis, sans prévenir, il s'arrête, trop occupé à regarder le sol et tout les trucs qui pourraient me faire tomber je lui rentre dedans. Il se tourne vers moi pendant que je recule , et pour une fois, son regard est moins distant, presque chaleureux.

- Écoute, dit-il en hésitant un peu, comme s'il pesait chaque mot. J'ai l'impression que t'as aucune idée de ce que t'es en train de faire ici, mais... je veux dire... t'es là quand même.

Je déglutis, un peu surpris par cette ouverture.

- Je... Ouais, c'est vrai, je suis là, je réponds en essayant de pas trop montrer ce que ça me fait d'entendre ça. J'aurais pu rester là-bas, dans le bunker, bien au chaud, mais...

Il me coupe, son regard planté dans le mien.

- Mais t'es là, dit-il d'un ton presque résigné, comme s'il comprenait finalement pourquoi je l'accompagnais.

On reste là, plantés l'un devant l'autre, et y'a quelque chose qui passe entre nous, un truc que je peux pas définir. C'est ni de la peur, ni de la méfiance, mais... une sorte de respect, peut-être ? Ou plus.

Sans trop réfléchir, je tends la main, et cette fois, c'est lui qui l'attrape. Pas dans un geste de défense, mais... un truc différent. Une sorte de confiance. Sa main est chaude, un peu calleuse, et je ressens cette force qui semble être une extension de lui. Ça pourrait presque me rendre fou, d'avoir ce contact, mais je me contente de serrer un peu sa main, comme pour lui dire silencieusement que, quoi qu'il arrive, je suis là. Que je suis prêt à le suivre, même sans trop savoir où on va.

Il finit par lâcher ma main, mais sans brusquerie. Puis, d'un geste qui semble presque hésitant, il me donne une petite tape sur l'épaule, presque fraternelle, mais qui me réchauffe plus qu'il ne l'imagine.

- Allez, on y va. Mais tu restes à ma hauteur  dit-il, avec un léger sourire.

Je hoche la tête, et on reprend notre marche, côte à côte. Et pour la première fois depuis qu'on a commencé ce périple c'est à dire depuis trois quatre jours , je me sens... bien. Comme si finalement, cet endroit où je me perds pouvait aussi être celui où je me trouve.



A suivre ...

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