4. Lia

Je rentre dans le lycée à la suite de Linnéa, puis me dirige vers ma salle. Je connais à peu près la moitié de ma classe de cette année, puisque nous avons été dans la même classe depuis la cinquième.

Les joies de l'allemand LV2...

Notre prof principale nous appelle, et la froide aura qui émane de son être nous pousse à lui obéir. Elle se place devant la porte de notre salle, la dénommée 25, puis nous invite - nous ordonne, n'oublions pas qui possède le pouvoir ici - à nous asseoir a la place qui nous a été attribué.
Je me dirige donc vers la mienne, et m'assois lourdement sur la chaise en plastique étudiée pour éviter que nous, abominables élèves, nous balancions dessus.
Apparemment les plus éminents ingénieurs n'ont pas encore réussi à créer la chaise puisque la plupart des spécimens adolescents continuent à prendre cet outil de travail comme un accessoire de divertissement.

Une fille s'avance vers moi, je suppose qu'elle va être ma voisine jusqu'aux prochaines vacances. J'affiche donc un sourire que je pense être lumineux avant de décaler mes affaires pour qu'elle puisse s'asseoir.

Lorsqu'elle m'aperçoit, elle paraît d'abord surprise, puis détourne le regard et s'applique à sortir ses affaires.

Je pense l'avoir déjà aperçue au collège, elle me dit quelque chose... Alice ? Alexia ? Ou peut-être que c'était Alex... Quelque chose dans ces eaux-là.

Je me tortille, mal à l'aise. Tant qu'à être assignée à ses côtés pour quelques mois, autant sociabiliser non ?

- J'adore ton dessin !

Elle sursaute, visiblement surprise par mon exclamation-chuchotée, puis me répond :

- Merci...

Je me rassois confortablement.

Parler à ma voisine, check.

Le reste de la journée, nous nous ignorons.

Même lorsque je l'ai vue, seule, dans la queue de la cantine... J'ai vraiment eu envie de lui proposer de se joindre à nous, ma pote et moi, mais j'ai craint qu'elle ne refuse.

Elle n'avait pas l'air très heureuse de parler avec moi... Ou peut-être qu'elle est juste timide ?

Le lendemain, je prends donc mon courage à deux mains et lui demande :

- Eh !

Elle se retourne vers moi, et sa figure renfermée me donne envie de balayer l'air de la main en lançant un vague " rien ", très apprécié par le genre humain pour signifier que si, il y a bien quelque chose mais que non, je n'ai plus envie de le dire. Malgré tout, je continue sur ma lancée, mue par une force inconnue :

- Ça te dirait de manger avec moi ? Ma pote me lâche aujourd'hui, elle rentre chez elle donc... Voila.

Orh. Pa-thé-tique. Il va falloir travailler sur la confiance en soi.

Elle aussi semble avoir remarqué mon désarroi, puisqu'elle lâche :

- Euh, oui, si tu veux.

Je souris d'un air faussement ravi, alors même que j'ai envie de disparaître six-pieds sous terre. Sérieux, qu'est-ce qu'il m'a pris ! Ça se voit pourtant qu'elle ne m'aime pas... Elle doit avoir pitié.

Nous marchons dans un silence presque religieux vers la cantine lorsqu'une masse non-identifiée apparaît derrière Alex :

- Salut Alex ! Je mange avec vous ?

La voix appartient à un adolescent de genre masculin, visiblement ami avec Alex vu l'assurance avec laquelle il parle. Ce doit être pour ça qu'elle n'était pas enthousiaste à l'idée de manger avec moi. Elle avait déjà quelqu'un.

Elle doit être trop gentille pour me dire non...

Je lance un regard à Alex, qui veut dire à la fois " Désolée " " Tu veux que je parte ? " et " Tu le connais vraiment ? "

Elle ne semble capter que le troisième signal puisqu'elle secoue la tête avec un regard du style " Euh non, je ne crois pas... Et toi ? "

Je crois que cet humain visiblement très dégourdi est assis devant nous en cours, mais je ne l'avais jamais aperçu au collège avant. Il doit venir d'un autre établissement.

Je me décide donc - après une phase d'hésitation - à lui lancer :

- Euh, salut. Tu t'appelles comment ?

Super Lia, encore une hésitation. Nan vraiment, c'est du propre.

Il ne semble pas relever ma gêne et s'exclame :

- Noah ! Et toi c'est Lia n'est-ce pas ?

J'hoche la tête, surprise qu'il s'en souvienne. Il n'y a qu'un seul prof qui a fait l'appel à haute voix en deux jours, c'est donc surprenant qu'il le sache... Il doit avoir une excellente mémoire.

Nous enchaînons avec les banalités d'usage, et j'apprends qu'Alex était une allemand LV1 dans le même collège que moi - ce qui explique qu'on ne se soit jamais vraiment croisé - mais qu'elle a décidé de prendre LV2 cette année. Je découvre aussi que Noah vient de plutôt loin, un public à une heure d'ici, et qu'il trouve le rythme plutôt élevé dans ce privé. C'est vrai que moi aussi quand je suis arrivée en 5ème dans ce collège j'ai eu un peu de mal, donc je tente de le rassurer comme je peux avec des mots maladroit et sûrement très confus. Mais c'est l'attention qui compte on dit.

Je déteste les phrases toutes faites comme ça.

Et pourtant, je les utilise. Illogique, mon deuxième prénom mais aussi ma définition !

Je me désespère parfois...

Je pense que chaque adolescent cherche au moins une fois dans cette courte période de la vie à se démarquer des autres. Mon cerveau a décidé qu'on le ferait à l'aide de l'humour.

Je secoue la tête. Si je commence à partir dans mes pensées, je ne pourrais jamais en sortir !

La surveillante nous fait signe d'entrer dans la cantine, et de passer notre carte au... Au guichet ?
A l'espèce de machine du démon qui te fait patienter 2 heures si tu as oublié ton précieux laissez-passer.

Alex et Noah discute entre eux, et je me sens un peu à l'écart. Je tente donc de rentrer dans la discussion.

J'écoute d'abord le sujet qui semble tant passionner mes deux acolytes, avant de rajouter mon petit grain de sel (ou de poivre, ça dépend si j'ai envie de déranger les esprits).

- Nan, franchement le prof d'histoire allait trop vite. J'ai essayé de tout noter mais c'est impossible ! En plus, il radote de fou. Son système en arborescence j'en peux plus ! s'indigne Noah d'un ton révolté.

Je décide d'intervenir à ce moment précis de la conversation.

- C'est totalement vrai. Et quand il parle, c'est incompréhensible ! Il commence une phrase, ne la finit pas, en commence une deuxième, se souvient de la première, et ainsi de suite.

Alex hoche la tête d'un air timide. Elle a dû prononcer seulement quelques mots depuis le début.
Je décide de tenter une approche digne des plus grands :

- Et, euh, vous avez des frères et sœurs ?

Digne des plus grands débiles ouais... Je pense vraiment qu'il faut que j'aille me coucher.

La conversation se poursuit, mais cette fois-ci, je laisse les deux se parler. Mes batteries sociales sont vides, vivement que je rentre chez moi.
J'ai beau aimer parler avec les gens, et paraître très à l'aise en société, quand mes batteries sont vides, elles sont vides, et gare à celui qui voudra me parler je ne garantis pas sa sécurité.

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