1. Lia

- RENDS MOI MON CAHIER !!

Il est actuellement sept heures du matin, et je suis en train de poursuivre mon petit frère à travers ma maison.

Nos pas résonnent à travers les couloirs, et les hurlements stridents de mon frère lorsqu'il sent que je me rapproche n'arrangent rien. Quelques secondes plus tard, le voilà acculé contre la porte de la salle de bain. Ses yeux papillonnent, cherchant une issue de secours qui n'existe pas.

Il est à ma merci.

J'arrache mon journal/cahier à idées de ses mains, et tel un boitier Verisure®, sa bouche s'ouvre, laissant échapper une sirène plus communément appelée " cri d'enfant ".

La porte à ma droite s'ouvre à la volée, et mon père apparaît, les cheveux en bataille et l'air mécontent.

Je croise les bras, quasiment sûre que l'énergumène de 7 ans qui me sert de frère va se faire enguirlander pour cause de tapage matinal :

— Mais enfin Lia ! Tu te rends compte de l'heure qu'il est ? Laisse ton frère tranquille et va te calmer dans ta chambre, ça te fera le plus grand bien.

Je fronce les sourcils, mais ne rétorque rien, persuadée que cela ne ferait qu'empirer la situation. Je marche d'un pas lourd vers mon espace personnel, bien qu'envahi par un deuxième morveux appelé " sœur ".

Cette dernière semble apprécier ma garde-robe, et s'amuse à enfiler mon pull préféré.

Assez énervée par l'événement d'il y a quelques minutes, j'arrache le vêtement de ses mains poisseuses et lui ordonne - gentiment, pour cause de paternel réveillé - d'aller voir ailleurs.

Elle hausse les épaules, et, du haut de ses 9 ans, part embêter notre frère.

Je me laisser tomber sur mon lit, et souffle un bon coup.

Nous sommes le 5 octobre, il est 7h02, et mon bus passe dans 10 minutes.

Voici mon quotidien.

J'attrape le fameux pull, prend le premier jean venu et enfile le premier tee shirt sur la pile.

Un coup de crème hydratante, du déodorant, et me voilà prête.

D'un coup d'épaule, mon sac atterri sur mon dos. Je glisse mes pieds dans mes chaussures sans faire mes lacets et fais tinter mes clés :

— A plus ! je lance à la cantonade.

Je claque la porte derrière moi, et me dirige vers l'arrêt de bus à trois minutes de marche.

Une fois arrivée, je m'installe sur le banc et coince mon sac entre mes jambes en souriant à la mamie qui me dévisage. Ou plutôt, qui dévisage mes cheveux.

Après l'évènement de l'année dernière, j'ai décidé de les couper. Hair holds memories comme on dit. Cela faisait à peu près un an que j'en avais envie, et cela m'a décidée à sauter le pas. Nouveau look, nouveau départ.

Et tant pis pour les mamies qui n'aiment pas.

Le bruit des roues du bus sur le bitume me réveille, et je saute sur mes pieds pour m'avancer.

Une fois dedans, je cherche des yeux une place assise, mais aucune n'est libre, alors je me place vers le fond, contre le mur et près de la porte pour pouvoir sortir à mon arrêt sans devoir me coller aux gens.

J'ai oublié de préciser mon âge. J'ai 15 ans, et je suis en seconde.

Mais ce n'est pas le plus important.

Comme je viens de le dire, j'ai 15 ans, et suis donc en plein dans la période appelée " adolescence ".

Vous voyez le cliché de la fille qui se cherche pendant l'adolescence et qui part dans tous les styles possible et imaginable (agréés par ses parents, ça limitent les choix) et qui ne sait absolument pas se décrire ?

Ce n'est pas moi.

Nan je blague.

C'est exactement la définition que vous pourriez trouver dans le dictionnaire pour Lia.

Et je cache tous ces clichés tellement banaux par un humour parfois bizarre, souvent pas très drôle, et quasiment en permanence totalement décalé.

Ah et j'ai oublié le principal : je méprise l'espèce humaine. Tout en faisait partie de cette espèce. Et en étant un cliché sur patte.

Oui, illogique est mon deuxième nom.

Je remarque que mon arrêt est le prochain, et appuie sur le petit bouton infecté par tout un tas de maladie dont je ne veux pas entendre le nom, j'ai déjà assez de mal avec strecoptoque... Spreptocoque... Streptopoque...! Bref, qu'importe.

Une fois le bus arrêté, je descends, assez élégamment étant donné que je suis plutôt maladroite de nature (encore un cliché, bien joué Lia).

Je me dirige vers le lycée, et c'est là que le vent décide de jouer avec mes pupilles.

Je ne sais pas si vous avez déjà vécu ce moment, lorsque le vent fouette vos joues et que vos yeux se remplissent de larmes sans raisons, mais c'est l'un des plus difficiles dans la vie d'une lycéenne. Croyez-moi.

Je traverse donc la mare de lycéens attroupés devant le lycée, la tête haute malgré mes yeux rouges et brûlants.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, je suis plutôt sociable.

Je méprise le genre humain, mais certains spécimens peuvent être parfois potables, voir même très sympathiques.

De ce fait, je connais beaucoup de monde.

Ajoutez cela à ma mémoire des gens et de leurs prénoms/âge/bus/classe/vie en général et je connais quasiment tout le monde.

Même si eux ne me connaissent pas.

Bref.

C'est ainsi que j'entends mon nom crié dans mon dos.

Une fois retourné, je ne comprends pas tout de suite vers qui me tourner, puis repère une fille sur ma droite.

Elle agite les bras d'un air pathétique (oups, désolée, je ne suis pas censée dire du mal d'elle), et crie :

— Lia, s'il te plaît, ne me fous pas un vent !

Je soupire intérieurement, mais souris de toutes mes dents, avant de lui répondre :

— Salut Linnéa, ça va ? Je ne t'avais pas vue désolée.

J'esquisse une petite moue contrite qui marche à tous les coups.

Eh oui.

Je suis le genre de connasse qui parle à tout le monde mais qui n'en apprécie même pas le quart.

Le genre de connasse hypocrite qui déteste ces derniers tout en étant une.

Le genre de fille que l'on voit dans les films, mais pas vraiment dans le rôle principal.

Et pourtant, les gens continuent à m'aimer.

Je ne comprends pas pourquoi.

Il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas.

Comment j'ai fait pour passer de la fille détestée à celle adulée par ses pairs ?

Je mériterai d'être à la place de la petite fille que j'ai été.

Eh oui.

Encore un cliché.

La connasse aimée de tous, pas forcément populaire mais qui connaît assez de gens pour ne jamais être seule.

La connasse ancienne harcelée.

Je n'ai pas toujours été comme ça.

Je crois même que j'ai été un agneau en primaire-début collège.

Mais être un agneau n'apporte rien de bon.

On finit écrasé, brisé.

Mon cœur a explosé trois fois.

La première fois a été la pire. On a brisé mon cœur.

Mais j'ai réussi à récupérer les morceaux, et j'ai pu le rafistoler malgré les nombreuses failles.

La deuxième fois, on ne m'a pas juste brisé le cœur.

On a aussi piétiné les morceaux.

J'ai encore une fois réuni les différents morceaux, et reconstruit cet organe que je commençais à trouver inutile sans réussir à m'en débarrasser.

Et puis la troisième fois, on l'a brisé, piétiné, et on a aussi pris soin d'éparpiller les morceaux.

Je n'en ai jamais retrouvé l'entièreté...

Et non, ce n'est pas à cause de l'événement cité ci-dessus.

Ça, c'est encore autre chose.

Et me voici, 3 ans plus tard, horrible avec les autres sans qu'ils s'en rendent compte.

En fin de 5ème, je me suis perdue.

Je me suis tellement retranchée à l'intérieur, que là moi d'extérieur n'est pas la vraie.

Parfois, lorsque je suis seule, je me baffe.

Fort.

Je repense à tout ce que j'ai fait ces trois dernières années.

Et je m'en veux.

Horriblement.

La culpabilité est la pire des émotions

Mais imaginez que vous êtes dans votre voiture, et que quelqu'un en prend les commandes avant de vous attacher dans le coffre.

C'est toujours votre voiture. Aux yeux de la justice, c'est vous qui avez écrasé ce mignon petit chiot de la voisine d'en face.

Pourtant, vous n'avez rien fait.

Et puis, pour les conséquences de vos actes, cette personne s'en va. Elle vous laisse vous débrouiller, la vraie vous, bafouillante, rouge, mal à l'aise et tellement, mais tellement coupable.

Voilà ma vie. Vous la voulez toujours maintenant ?

— Bon, à plus Lia !

Et voilà. Je suis encore partie dans mes pensées pendant une conversation.

Linnéa ne semble même pas s'en être rendue compte...

" Bien jouée Lia, encore une victime innocente... "

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top