𝕏𝕏𝕀𝕍 - 𝕃𝕖 ℙ𝕖𝕔𝕙𝕖𝕦𝕣 𝕒𝕕𝕠𝕡𝕥𝕖 𝕝𝕖 𝕊𝕔𝕠𝕦𝕥 -
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Le chalet était très différent de tout ce qu'avait vu John jusqu'ici. La petite bicoque paraissait des plus charmantes, mais avait été ravagée par les fanatiques de la secte dont il faisait partie. Tout avait été saccagé ! Quelques impacts de balles sur le bois, un ancien feu de camp cramoisi, une carcasse de voiture rouillée, et une énorme tâche de sang séchée sur l'un des murs.
John s'était d'ailleurs arrêté devant cette tâche, qui avait coulé sur le sol quand elle devait être encore fraîche, et avait caramélisé la terre pâle, poussiéreuse et jaunâtre. Il s'imaginait le corps, ou bien les corps à qui devaient appartenir ce sang vieux de plusieurs semaines sans doute. Il s'imaginait à la place de ces gens, qui pensaient être tranquilles dans ce pauvre chalet, mais qu'on avait finalement exécuté au pied de leur maison.
Il ravala sa salive, et sortit de ses pensées brusquement quand Klaro l'appela afin qu'il se dépêche. Il lança un dernier regard sur la trace des atrocités survenues ici, et entra dans le chalet. Quelques pots de fleurs étaient cassés sur le porche, mais d'autres restaient encore. L'intérieur était aussi en désordre, les cadres avec les photos de famille avaient été brisés sur le sol, l'un des fauteuils retourné, et d'ailleurs, Klaro s'empressa de le remettre sur ses pieds. Des bouquins de la bibliothèques étaient éparpillés autour, et quelques assiettes en porcelaine avaient été balancés çà et là, comme s'il en pleuvait.
Il regarda Klaro, qui en avait fini avec son fauteuil, et demanda.
"Tu sais à qui appartenait cette maison ?
-Et toi ? répondit simplement Klaro, terminant d'arranger un peu la pièce.
-Hum... Je crois que c'était le chalet des Reed ! dit John d'un air quelque peu assuré. Klaro haussa des sourcils et le regarda, restant silencieux un instant.
-Tu te souviens de leur nom alors ?
-Oui, j'essayais toujours de convaincre chaque famille de nous rejoindre... Je regrette que ça se soit si mal terminé pour eux."
John avança dans la maison, et regarda la photo à quelques centimètres de son pied, représentant un couple, apparemment heureux, sur une barque, certainement sur l'un des lacs de Hope County comme les paysages derrière eux étaient semblables
"C'est plus le temps de regretter, il est un peu tard pour ça. Klaro avait prit un air sérieux, avant de poser ses mains sur ses hanches, lâchant un bref soupir, maintenant tourné vers le brun. Pense pas aux erreurs que t'as fait, même si elles sont énormes pour le coup ! Pense plutôt à te racheter aujourd'hui... Et pour commencer, va te laver ! Ca t'éviteras de salir leur maison !"
Il eut un petit sourire, lui montrant la salle de bain du pouce. Klaro aurait sans doute eu besoin de passer le premier, mais John ne préféra pas discuter et avança vers la pièce tandis que Klaro alla chercher de nouveaux vêtements dans l'ancienne chambre du couple.
Une fois dans la pièce assez exiguë, John découvrit une douche tout ce qu'il y avait de plus classique. Une fenêtre tout en longueur éclairait la pièce, se trouvant au sommet du mur. En face, un lavabo, et une mini armoire trônant au dessus, recouverte d'un miroir à demi brisé. Le jeune homme ferma la porte derrière lui, ne lâchant pas son propre regard, réfléchi sur la surface en morceau.
Il fixa ses propres yeux bleus, puis son visage, sali par la boue ayant séché lors du chemin. Il retira sa paire de lunettes, tâchée légèrement elle aussi, et la plia pour la poser sur le bord de l'évier. Il se libéra de son lourd manteau, qu'il laissa tomber au sol dans un coin de la pièce. Vu comment il était sale, ça ne changerait pas grand chose !
Mine de rien, cette escapade, cette course poursuite angoissante et cette chute dans la boue lui avaient fait du bien. Ca pouvait paraître ridicule, mais c'était ce genre de moments que John n'avait jamais eu l'occasion de connaître. Il avait eu l'impression que, pour une fois, seul lui comptait. Toutes ses responsabilités et les nombreux fardeaux sur ses épaules s'étaient perdus en chemin.
Il retira sa chemise favorite, qui avait heureusement échappé au massacre. Il la garda ainsi de côté, et continua de se dévêtir afin de s'offrir une bonne douche plus que nécessaire !
Une heure était presque passée, et John en avait fini avec son nettoyage. Klaro lui avait trouvé un jean tout neuf et à sa taille, et était parti prendre sa place dans la salle de bain. L'eau n'était pas très chaude, mais ce n'était pas non plus un enfer. Pendant que Klaro s'arrangeait, et que le flux de l'eau pouvait s'entendre même à travers la porte, John marcha dans la maison, et visita celle-ci, par curiosité. Dès qu'il avait convoité une maison, il n'avait jamais réellement prit le temps d'observer ce qu'elle contenait, et de ressentir les souvenirs et les émotions qu'elle gardait.
En fait, ce n'était jamais vraiment lui qui venait en plus de ça ! Il se contentait d'envoyer une lettre aux propriétaires, qu'ils faisaient mieux de suivre bien sagement. Autrement, ses hommes venaient et raflaient tout. Nombreux sont ceux, morts pour l'exemple. John était d'ailleurs conscient d'avoir créé des monstres, certains fanatiques devenaient fous, et le goût de tuer les avait consumé. John aussi en était devenu un, même son frère Joseph n'avait jamais été impressionné ou comblé de ses pratiques. John avait toujours cherché à le rendre fier, sans jamais avoir l'impression d'y parvenir.
Enfin, sauf dans son église, quand il lui avait sciemment ordonné de purifier Klaro. Là, Joseph avait été des plus fiers, mais John n'en avait retiré aucune satisfaction, aucune gloire, ni aucun bonheur.
Joseph lui avait même fait parvenir un message, le prévenant de ne pas s'écarter du chemin. De ne pas dévier de la voie tracée par la Voix du Créateur. Il lui avait avoué l'avoir vu mourir jeune, mais aussi mourir vieux. La fin de l'histoire ne dépendait donc que de lui, et finalement, Dieu lui avait envoyé l'Ange Noir, pour le sauver. Lui, qu'il avait d'abord considéré comme un fléau, était devenu son sauveur.
Il poursuivit sa visite, et dans un élan de compassion très étonnant et presque touchant, John ramassa les cadres, un à un. Il retira les morceaux de verre brisés, afin de reposer les cadres à leurs places. Certains clous sur les murs étaient vides, alors il les accrocha à ces derniers. Quand les murs ne portaient plus de clous libres, il posa le reste des photos encadrées sur les meubles ou sur la vieille cheminée recouverte de suie et de poussière.
Ca lui rappelait un peu les maisons qu'il voyait dans les films et dans les séries télévisées étant enfant, ces maisons pleines de bonheur et de chaleur familiale qu'il aurait voulu avoir lui aussi. Mais jamais il n'avait jamais eu droit à ce genre de moments qu'il voyait sur les photos en ce moment même. Son quotidien, avec ses frères, avait été plutôt de l'ordre de la douleur, de l'esclavagisme, et de l'intolérance.
Il se rappelait encore de ce jour si particulier, où ses enseignants d'école primaire avaient vu les marques de ceinture dans son dos, et avaient appelé les services de protection de l'enfance. Le jour suivant, la police était venue et avait embarqué leurs parents, tandis que tout les trois furent amenés à l'orphelinat.
Il n'avait jamais revu ses parents depuis, et ça n'était pas plus mal. Il savait que son père était mort dans la prison dans laquelle il devait croupir encore quelques temps avant d'être libéré, et sa mère, il suppose qu'elle a dû aussi perdre la vie, mais finalement, ça ne changerait pas énormément du temps où elle était supposément là.
Il ne lui restait plus que ses frères, et il ne cessait de réfléchir à un moyen sûr de changer la donne. Il avait l'impression d'enfin grandir et de faire ses propres choix, sans être encore sous l'influence de Dieu, ou de parents cruels et abusifs. Cependant, il restait encore désarmé face à ce qu'il se passait, encore, si seulement il avait ouvert les yeux plus tôt ! L'incendie s'était répendu comme une traînée de poudre sur la vallée, et éteindre le feu enragé ne lui paraissait pas sans peine et sans difficultés.
Il avança ensuite vers la bibliothèque, près du divan, et passa le bout de ses doigts sur les tranches des bouquins rangés, certains ayant été balancé et créant des trous béants dans les étagères. Il prit un livre au hasard, tirant sur ce dernier avec son index, avant de le sortir de sa prison étouffante et poussiéreuse.
La couverture en cuir était d'une couleur verdâtre, et sur la première de couverture, il y distingua une fleur aux couleurs ternes, rose pâle et qui ressemblait à une orchidée, alors qu'un serpent noir s'enroulait autour d'elle. En bas, se trouvaient deux fleurs bordeaux aux centres dorés, de chaque côté de la partie inférieur, alors que le tout était encadré par des feuillages jaunes foncés, comme des feuilles de chêne tombées en automne. Il n'avait pas lu le titre sur la tranche, alors il se contenta d'ouvrir les premières pages, et souffla du nez dans un petit rire, en découvrant à quel point le hasard pouvait être ironique.
Il s'agissait de la première édition des Fleurs du Mal de Charles Beaudelaire. Il ne les avait jamais lu, mais en avait beaucoup entendu parlé. Il se demandait bien comment les anciens habitants du chalet avaient pu s'offrir un bouquin pareil, de la première édition qui plus est ! Ce devaient être de grands amateurs de poésies ou de littérature française, où bien était-ce un cadeau reçu, ce genre de cadeau qui vous gênait plus qu'autre chose tant vous ne saviez pas quoi en faire. John, lui, aurait été heureux de recevoir un bouquin pareil. Encore faut-il qu'il ai jamais eu droit à un véritable cadeau de toute sa vie.
Il ouvrit le livre à une page totalement fortuite, presque à fermer les yeux pour jouer avec le hasard, et tomba sur l'un des nombreux poèmes que renfermait ce vieux bouquin.
Le parfum.
Il eut un regard curieux, la tête légèrement inclinée, tandis qu'il avança dans la pièce, l'air impassible, et qu'il se mit à lire, suivant sa lecture avec son index posé sur le papier doux et à l'odeur d'antiquité qui lui chatouillait agréablement les narines.
"Lecteur, as-tu quelquefois respiré
Avec ivresse et lente gourmandise
Ce grain d'encens qui remplit une église,
Ou d'un sachet le musc invétéré ?"
Il avança paisiblement, marchant dans le grand salon, et récitant les vers comme il le faisait autrefois en lisant la parole de Joseph. Ca lui faisait du bien de changer un peu ses lectures !
"Charme profond, magique, dont nous grise
Dans le présent le passé restauré !
Ainsi l'amant sur un corps adoré
Du souvenir cueille la fleur exquise.
De ses cheveux élastiques et lourds,
Vivant sachet, encensoir de l'alcôve,
Une senteur montait, sauvage et fauve,
Et des habits, mousseline ou velours,
Tout imprégnés de sa jeunesse pure,
Se dégageait un parfum de fourrure."
John était abasourdi par la beauté des tournures de phrases, les mots choisis étaient raffinés et si agréables à l'écoute ! Des paroles envoûtantes particulièrement époustouflantes. John avait sincèrement envie de dévorer ce livre. Il s'affala sur le divan, comme n'importe qui l'aurait fait un dimanche après-midi chez soit, pour lire un bon livre au coin du feu en jour de décembre. Il feuilleta les pages rapidement, pour obtenir une vue d'ensemble, alors que Klaro ouvrit la porte derrière lui.
Le Baptiste cessa de tourner soignesement les pages plus vieilles que lui, et tourna la tête pour voir Klaro sortir, flambant neuf et aussi frais qu'un matin de printemps radieux !
"Tu lis du Beaudelaire ? demanda-t-il en posant ses vêtements sales et pliés sur la table non loin de là.
-Comment tu le sais ?
-Je t'ai entendu depuis la salle de bain ! Je sais pas pourquoi, mais ça sent le Charles Baudelaire à plein nez !"
Avoua le noiraud d'un sourire, alors que John acquiesça. Klaro remarqua en relevant les yeux que la pièce avait meilleure allure. Il y avait encore les cartons et quelques objets brisés, mais les cadres étaient de retour aproximativement à leurs places. Il jeta un regard à John, qui lui, avait les yeux fixés sur l'intérieur du bouquin, les jambes croisées. Le jeune homme sourit, et dit en montrant le livre qu'il tenait du menton.
"T'as qu'à le prendre !
-Quoi ? Tu plaisantes ! J'ai déjà pris beaucoup à ces gens, y compris leur vie, je vais pas leur piller leurs affaires non plus...
-C'est déjà le cas ! D'où vient le jean et les chaussures que tu porte à ton avis ?"
Difficile de répondre à cet argument là. John voulut dire quelque chose, mais ne trouvant rien, il fermant la bouche et secoua doucement la tête en regardant à nouveau le contenu du bouquin.
"T'as rangé, c'est déjà ça ! Et puis, t'es en train de fournir une aide cruciale à la Résistance, je pense que tu peux bien prendre ce bouquin au moins ! C'est pas comme s'il allait servir à grand chose ici... Le principe d'un bouquin, c'est qu'il soit lu ! Et puis, si tu te sens si coupable, t'auras qu'à le ramener ici quand tu l'auras fini ! Mais je te conseille de le garder... Qui plus est, on est dans la région de Jacob ! Comment ça se fait que c'est toi qui ai tenté de prendre cette maison ?
-Je m'occupe de réquisitionner tout, les armes, la nourriture, les habitants... Avant d'aller chez Faith ou Jacob, ils doivent généralement passer par moi, pour le Baptême, la Confession et la Purification ensuite..."
Klaro acquiesça, l'air de dire qu'il voyait la chose, et John referma le livre, hésitant à l'idée de le prendre.
Son amant n'avait pas tort ! Ce livre existait avant tout pour être lu, mais il n'osait pas, alors qu'avant, il ne se serait pas gêné, ou aurait même brûlé ce bouquin ! Il s'imaginait avec le regard inquisiteur de Dieu et celui du couple exécuté presque au pas de la porte, il s'imaginait leur jugement et leur colère. Le regret, John en avait des tonnes ces temps-ci. Le simple fait d'être entré, de s'être servi de leurs affaires et de s'asseoir sur ce divan, comme si c'était chez lui, le répugnait de lui-même.
Cependant, une partie de lui se disait qu'il allait faire en sorte de changer les choses, malgré qu'il soit très loin de savoir comment. Il se leva, et fixa la bibliothèque, toujours à peser le pour et le contre. Le reposer ? Le garder ?
"Allez, prends-le ! Je sais que t'en meurs d'envie ! Ca se voit sur ta tête !
-Bien sûr que j'en meurs d'envie... Mais si j'avais un peu plus réfléchis, ce livre serait entre d'autres mains aujourd'hui."
Dit-il d'un air sombre en caressant la couverture avec son pousse, tandis qu'il le tenait à deux mains et observait la fleur en son centre. Klaro baissa les yeux avant d'approcher. Il se mit face à John, et poussa le livre pour le coller contre son poitrail.
"Garde-le."
John était partagé entre la joie d'être forcé à le garder, et aussi la culpabilité de ressentir une chose pareille. Il finit par plier, et posa le livre sur la table non loin de son manteau encore sale.
Klaro réunissait déjà ses affaires, comme prêt à partir. Le brun le regarda, pivotant la tête, et ne laissant pas le moindre son sortir de ses lèvres, malgré que la question de savoir ce qu'il faisait lui brûlait la langue.
Le noiraud avait rangé toutes ses affaires dans un sac à dos trouvé dans la maison, paré à quitter la maison. Il avança d'ailleurs vers la porte pour l'ouvrir et descendre les marches du porche. Cette fois-ci, John n'y tint plus et courut vers la porte pour s'exclamer.
"Où tu vas ?! Klaro s'arrêta et se retourna vers lui, un sourire bienveillant aux lèvres.
-Il se fait tard, tu devrais retourner à ton bunker avant qu'il ne fasse nuit, et moi j'ai promis d'aider Wheaty avec ses recherches de vinyles pour sa radio..."
John sembla gêné, et acquiesça, comme déçu de devoir se quitter si tôt. Il garda la main sur l'encadrement de la porte et baissa un peu le regard, toujours avec son air d'embarras profond et inavoué. Klaro avait vite fait de s'en apercevoir, il n'était pas dupe ! Il eut un sourire en trouvant la réaction du Baptiste des plus adorables ! Qui l'eut cru d'ailleurs.
Il approcha, posa son sac au pied des quelques marches du porche en bois, avant de les monter et de rejoindre John, qui le regarda faire d'un air ébahit et désarmé.
Il l'observa s'approcher encore, alors que Klaro n'était plus qu'à quelques centimètres, et ne se gêna pas pour poser ses lèvres sur celle du cadet, qui rougit au contact doux et inattendu. Son nez huma son parfum frais et apaisant, alors que Klaro pressa un peu plus ses lèvres sur les siennes, presque à le faire reculer. John serait presque tombé, avec ses genoux soudain faibles et ses vertiges.
Il était encore très pudique et décontenancé par ce genre de baisers même simplistes, mais en même temps, il serait incapable de s'en détacher. Et il espérait que Klaro l'aide à s'acclimater un peu plus. Il n'avait pas non plus été pure toute sa vie, simplement, ce genre de relations avec un homme, c'était tout nouveau pour lui, et les papillonnements dans on estomac aussi.
Le baiser prit fin, court mais qui avait paru bien plus long pourtant. Klaro lui sourit de plus belle avant de reprendre son sac et de partir, sans dire un mot, s'enfonçant dans la forêt en suivant un chemin, dont le côté droit était longé par une faible clôture en bâtons de bois et en fil de pêche.
John ravala sa salive, encore bouillonnant et étouffé par la chaleur de ses joues, tandis qu'il passa sa main bourrée de tatouages sur le bas de son visage, effleurant ses lèvres encore chaudes. Il tourna les talons, et eut un air faiblement grognon. Il avait l'impression d'avoir le comportement d'une collégienne réservée, alors qu'il était supposé être John Seed ! Petit frère de Joseph Seed ! Baptiste et redouté de tous ! Mais finalement, il devenait un véritable agneau quand le grand méchant loup venait lui tourner autour.
Il retourna à l'intérieur, et récupéra ses affaires à son tour, prêt à partir lui aussi, n'oubliant pas le bouquin au passage. Il descendit du porche, et s'arrêta pour jeter un dernier regard à la maison. Il la regarda d'un air triste et désolé. La maisonnette était charmante, dans un endroit parfait, mais ne contenait plus d'histoire, comme stoppée dans le temps. Et John se détestait un peu plus chaque seconde quand il se disait que c'était le cas de nombreuses autres maisons, ici, à Hope County.
Klaro avait passé sa soirée de la veille avec Wheaty, il adorait ce gamin ! Il était adorable et plein d'énergie, et Wheaty était en constante admiration devant Klaro. Il lui avait parlé de son projet d'établir son émission radio pour passer ses musiques dans toute la vallée, pour à la fois emmerder les fanatiques et à la fois redonner du baume aux cœurs des gens. Il lui avait expliqué que de nombreux cartons de vinyles étaient éparpillés partout dans la vallée, des collections incroyables sur lesquelles il aimerait bien mettre la main, et Klaro lui proposa d'en chercher quelques uns dans la semaine.
Wheaty avait accepté sans réfléchir, déjà impatient ! La dernière fois avec Klaro avait été intense, quoique très effrayante. Le gamin se rappelait encore de la peur qui le rongeait quand il l'avait vu se faire embarquer par les hommes de Jacob, mais heureusement, Klaro avait l'air presque invulnérable !
Il était encore surpris de le voir sur pieds après s'être fait arraché la peau. Lui, frissonnait à l'idée que ça lui arrive. Eli était particulièrement amusé en voyant Wheaty aussi impliqué et aussi fan de celui qu'on appelait l'Ange Noir, même s'il était parfois effrayé qu'il tente des choses extrêmes pour l'impressionner, il n'était bête non plus, mais sait-on jamais.
Klaro avait passé la nuit dans le Wolf's Den avant de se mettre en route vers la ferme aux citrouilles de Rae-Rae dont John lui avait parlé la veille. Il s'équipa solidement au stand qu'occupait un gars à l'entrée, près de l'échelle pour sortir du bunker. Il s'équipa des armes qu'il avait laissé là pour la nuit. Il les récupéra dans un superbe état, et avec le plein de munitions.
Mais un Wheaty surexcité apparut derrière lui, ayant visiblement courut pour le chercher. Lorsqu'il le vit enfin, il fonça vers lui, légèrement essouflé.
"Klaro ! Putain, j'ai eu peur que tu sois déjà parti !
-Calme-toi, respire un coup, va pas nous faire une crise d'asthme ! Qu'est-ce qui t'arrive ? dit-il d'un sourire en vérifiant que le chargeur de son revolver était plein, tandis que le brun aux nattes se tenait les genoux pour reprendre son souffle.
-J'ai entendu Eli dire que tu partais ! Il disait que tu t'apprêtes à libérer une ferme, je peux venir ? S'te plaît ! Klaro sourit à la tête de chien battu que faisait le jeune homme.
-On avait pas dit qu'on verrait pour tes vinyles dans la semaine ? On pourra s'en charger demain, si tu veux... Et t'es pas censé aider à la radio ?
-Oh, allez quoi ! J'ai rien de palpitant à faire ici ! Pis je m'étais bien débrouillé la dernière fois, non ?"
Klaro le regarda, l'air de le jauger de haut en bas, un sourcil levé. Il en aurait presque l'air sévère, et ne donna pas de réponse pendant un petit instant, et Wheaty savait donc qu'il avait gagné.
Et ça ne manqua pas ! Le noiraud finit par sourire et rangea son révolver dans sa ceinture en bas de son dos.
"Très bien, mais t'as intérêt à être sage !
-Aussi sage qu'une image, t'inquiète !"
Dit-il d'un immense sourire, surexcité à l'idée de sortir un peu du bunker dans lequel il étouffait depuis des jours. Enfin ! Un peu d'aventure ! Des fanatiques à buter et des civils à sauver ! Wheaty se voyait un peu comme le Robin du Montana, et Klaro était censé être son Batman.
Il s'était déjà équipé en un rien de temps, et suivit Klaro vers l'escalier, plus que prêt pour ce qui les attendait, quoique...
En arrivant sur les lieux, Klaro était accablé en constatant qu'ils étaient peut-être arrivés trop tard... Les fanatiques étaient déjà là, à peine s'approcha-t-il que des coups de feu et des cris avaient retenti, suivit par des pleurs et des plaintes.
Le mari de Rae-Rae venait d'être tué.
Dans l'urgence, il ordonna à Wheaty de rester en retrait dans le champ, caché derrière une caisse un peu plus loin. Ainsi, en cas de besoin, il pourrait foncer sur les fanatiques et les encercler. Klaro avança à pas de loup, majoritairement accroupi, cherchant à se cacher derrière n'importe quoi. Il leva la tête pour observer la scène, et ainsi constater des dégâts.
Le corps d'un homme, tenant un fusil, gisait sur le sol, alors qu'il baignait dans une immense marre de sang. Une femme en larmes était retenue par deux fanatiques, qui finirent par la balancer contre la clôture blanche à la peinture écaillées qui entourait la maison. Les fanatiques étaient une dizaine, voir un peu plus. Ils avaient enfermé un chien dans une cage, qu'ils étaient en train d'essayer de charger sur le 4x4.
Essayer. Parce que le chien en question leur mordait les doigts dès qu'il le pouvait. Klaro n'arrivait pas à déterminer la race de ce chien. Il avait un pelage couleur poivre et sel, avec une tâche noire sur l'oeil gauche. Son collier devait être une sorte de corde attachée avec des sangles, et le canin grognait avec ferveur sur les fanatiques qui venaient de tuer l'un de ses propriétaires.
Ils étaient plutôt nombreux, et vu l'agitation, difficile pour lui de rester discret. Il trouva Wheaty, et lui lança un regard tout en acquiesçant. Wheaty fit le même geste, ayant comprit son intention. Il s'éloigna un peu plus, et se cacha dans un endroit assez en hauteur, ayant en main son sniper. Ils allaient foncer dans le tas pour une fois.
Klaro observa les fanatiques, qui d'ailleurs hurlaient sur la jeune femme, la traitant d'hérétique et d'indigne de leur bonté. Ces enfoirés venaient d'abattre son mari de sang froid, et osaient parler de bonté. Le fanatique qui hurlait sur Rae-Rae leva son arme, et flanqua un grand coup de crosse dans le visage de la jeune femme, avant de la viser avec son canon.
Le sang du noiraud bouillonna dans ses veines, et il agrippa la pelle juste à côté de lui, posée contre une brouette rouillée et terreuse. Il fonça alors qu'il entendit plusieurs tirs en rafale, et fracassa la pelle sur le crâne du taré le plus proche. Une giclée de sang jaillit, alors qu'il poussa un gémissement de pure agonie, avant de tomber à genoux, et de s'étaler ensuite sur le sol de tout son long, les muscles ramollis, soulevant un nuage de poussière.
Cela sembla réveiller les autres fanatiques, et surtout attirer leur attention. Plusieurs avaient écarquillés les yeux, effarés et horrifiés de voir l'un des leurs se faire abattre sauvagement. L'un des hommes leva son arme, poussant un cri de colère, paré à tirer sur le jeune homme, mais fut abattu froidement d'une balle dans la tête, venant de Wheaty.
La balle ressortit de l'autre côté de sa chevelure, suivit d'un jet de sang, alors que son corps perdit toute sa force et qu'il s'étala au sol comme une marionnette aux ficelles sectionnées. Klaro sortit son revolver, et tua deux autres fanatiques de quelques balles dans le torse et l'estomac, avant de se cacher derrière leur 4x4.
Wheaty tira de nouveau, et en tua plusieurs, tandis que Klaro récupéra la pelle non loin de là, tendant le bras, et détruisit le cadenas sur la cage du chien emprisonné d'un simple coup. Il ouvrit la porte, et laissa le chien sortir, sauf qu'au lieu de s'enfuir...
L'animal avait vu l'un des fanatiques contourner la voiture. Et alors que Klaro allait recevoir un coup de crosse en pleine nuque, le chien grogna et bondit sur le fanatique, l'attrapant à la gorge et lui arrachant d'énormes lambeaux de chair.
L'homme en débardeur gris et au crâne dégarni hurla d'effroi, étouffé par les crocs et son propre sang, essayant de retirer le chien qui mit tout son poids sur lui avant de le faire basculer en arrière, et secouer son cou comme une poupée de chiffon. Klaro avait senti son coeur s'accélérer quand il fut surpris de voir le fanatique, près à le tuer, mais qu'il fut sauvé de justesse. Il avait eu si peur qu'il avait fait tomber son revolver !
Le noiraud reprit son souffle, et jeta un bref regard en dehors de la voiture. Les fanatiques étaient non loin d'un ballon de gaz énorme un peu plus loin. Une balle ricocha sur la carrosserie à quelques centimètres de son visage, le forçant à se cacher de nouveau. Sans attendre, il récupéra son arme, la rechargea, et attendit que les fanatiques calment leurs tirs sur la voiture qui lui servait de moyen de défense pour mettre en oeuvre son plan des plus simplistes mais méchamment efficace.
Quand une porte s'ouvrit à lui, il fonça. Les tirs ayant diminué, il sortit de sa cachette et tira sur le conteneur à gaz. Quelques balles plus tard, et l'énorme cuve de métal explosa violemment, faisant voler plusieurs hommes adeptes de la secte dans le paysage. L'un d'eux avait même atterri sur le capot du véhicule, et Klaro eut raison de reculer !
L'homme était encore en vie, mais avait prit feu. Il se leva, hurlant à s'en briser la voix et à en cracher ses poumons, alors qu'il souhaitait rouler sur le sol avant de se lever et courir sur plusieurs mètres en gesticulant dans tout les sens, espérant éteindre le feu, en vain.
Klaro dû laisser ce dernier à son sort, et exécuta les derniers hommes dont le projet était de s'échapper. Même le chien s'était rué sur eux, et avait évité les balles de justesse pour en mordre un au bras, le ralentissant.
Quelques balles plus tard, et tout les fanatiques étaient au sol, sans vie. Le calme était revenu, enfin.
Klaro souffla, baissant enfin sa garde alors qu'il rangea son revolver bouillant sous sa ceinture, lui brûlant pratiquement la peau. Wheaty était sorti de sa cachette, et courut vers lui en faisant même un petit bon d'excitation, avant de s'esclaffer, un immense sourire aux lèvres.
"Ouah bordel ! C'était d'enfer ! On a tout déchiré !
-Ouais, tu t'en es super bien sorti !"
Répondit Klaro, un sourire fier sur le visage, avant de poser sa main sur l'épaule du petit qui lui sourit, l'air ravi. Il eut un regard touchant et plein de tendresse, alors qu'il posa sa main sur le poignet de Klaro, dont la main était posée sur lui.
"Merci, mec... Ca me touche énormément, genre vraiment !"
Tout deux s'échangèrent un regard complice, l'un très fer et très impressionné de l'autre. Finalement, Klaro avait bien fait de l'amener ! Peut-être qu'il ne s'en serait pas aussi bien sorti sans le jeune homme.
Cependant, le sourire de Wheaty disparut peu à peu, s'envolant lentement et faisant s'estomper son visage radieux pour laisser place à un air attristé, abattu et anéanti. Klaro perdit son sourire à son tour, sans comprendre ce changement soudain d'humeur, avant de tourner la tête vers l'endroit où regardait son partenaire.
Rae-Rae, qu'ils avaient voulu sauvé, avait été abattu. Les premiers tirs qu'il avait entendu en courant pour tuer la première de ces enflures étaient ceux ayant servi à l'abattre.
Il avança, soupirant de tristesse et de regret. Peut-être aurait-il pu changer les choses s'il avait agit plus tôt. Ce qui lui faisait bien plus mal, c'était ce chien, qui s'était recueilli près du corps de sa défunte propriétaire, la reniflant et touchant son visage du bout du museau, en espérant la réveiller. L'animal couina, et lécha le visage de la jeune femme sans vie.
Le noiraud approcha un peu plus, et s'accroupit près du corps, étalé au sol, criblé de balles. Il regarda du coin de l'oeil celui du mari. Eux, qui s'étaient battus tout ce temps, venaient de perdre le combat. Il baissa la tête, les paupières fermées, avant de regarder l'animal qui leva les oreilles et le regarda de ses yeux noirs brillants et adorables. Klaro tendit délicatement la main, et le chien approcha, reniflant celle-ci, la frôlant de sa truffe fraîche et humide, avant de lui lécher les doigts.
Le noiraud sourit de plus belle, et vint ébouriffer le front de l'animal, qui laissa légèrement pendre sa langue, avant de presque sauté sur le jeune homme et lui lécher le menton. Klaro eut une grimace un peu dégoûtée, le menton maintenant recouvert de bave de chien, mais sourit et caressa le cou si doux de l'animal.
Il se redressa sur ses pieds, tandis que le canin remarqua Wheaty, et alla vers lui pour l'inspecter. Le jeune homme se remit à sourire, et cajola l'animal en manque d'affection.
"Comment il s'appelle ce chien ? demanda Klaro en approchant, les mains sur ses hanches.
-Tu le connais pas ? C'est Boomer ! Un champion d'Holland Valley ! Il était connu dans le coin ! Klaro acquiesça, et observa la ferme et les champs autour, avant de poser les yeux sur l'avant-poste juste en face, à quelques centaines de mètres de là, dont il pouvait voir l'épaisse fumée noire voler et monter dans le ciel bleu du Montana.
-On va prévenir Fall's End, et on va leur proposer de reprendre l'endroit... Y a moyen d'en faire un coin de ravitaillement, et ils pourront reprendre l'avant-poste d'en face sans problème !"
Expliqua Klaro, avec sérieux en montrant chaque endroit, chaque zone qu'il citait.
Il avança, s'approchant du portail d'entrée. Il avait reposé ses mains sur ses hanches, tandis qu'il profita d'une brise agréable qui passait par là. Il balaya les paysages du regard, des champs, des étendues d'herbes jaunes, des clôtures et des silos à céréales rouges flamboyants. Ca respirait la campagne américaine, à coup de musique au banjo et au violon, et d'épis de blé entre les dents.
Un endroit calme et paisible, mais qui pourtant, renfermait à quelques minutes de marche d'ici des hommes capables des pires atrocités. Si seulement Klaro pouvait vivre ici, sans avoir à se soucier pour sa vie. Il s'imaginait, avec un chapeau de cow-boy, une camionnette, et un petit chalet dans les montagnes. Il s'imaginait bien aussi des soirées dans des bars, des heures à jouer aux fléchettes, même si c'était ridicule, des histoires racontées, des chansons partagées autour d'un bon feu de camp sous la voute étoilée.
Parfois, les choses les plus élémentaires étaient les meilleures, surtout pour Klaro qui n'y avait pas eu droit depuis des années. Il avait oublié à quel point la vie pouvait être belle pour ces choses si simplistes et quotidiennes qu'on a tendance à oublier. Malgré les atrocités du monde, malgré la secte et les dangers de la vie, il se mit à sourire en se disant qu'un jour, peut-être, il y parviendrait.
Peut-être même qu'il parviendrait à convertir John dans ce genre de délire, et lui faire porter un chapeau, des bottes de cow-boy et une chemise à motif écossais rouge... Cette simple idée le fit souffler de rire.
Il sentit quelque chose gratter contre ses jambes, le sortant de ses questionnements sur la vie, et tomba sur Boomer, donnant quelques coups de pattes sur le tibia du jeune homme pour attirer son attention sur lui. Le noiraud sourit, et s'accroupit, faisant légèrement craquer ses genoux, avant de caresser à nouveau le toutou adorable qui haletait de contentement.
Klaro n'allait pas avoir de vacances avant un long moment, mais il s'efforçait de croire qu'il finirait par être tranquille. Mais pour l'instant, il avait encore du travail !
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