𝕏𝕍𝕀 - 𝕃𝕖 𝔹𝕒𝕡𝕥𝕚𝕤𝕥𝕖 𝕕𝕖𝕧𝕚𝕖𝕟𝕥 𝕗𝕠𝕦 -

https://youtu.be/SUkUjsr1FqM


Cela faisait déjà plusieurs jours que John était enfermé dans ce sous-sol sinistre et froid. Peut-être deux jours, peut-être trois, ou bien cela faisait-il une semaine ? Il n'en n'avait aucune idée, impossible d'avoir la moindre notion du temps et de l'espace dans cet endroit. Il ne savait pas quel jour, ni quelle heure il était, s'il faisait nuit ou soleil. Il se doutait cependant qu'il était dans la région de son frère Jacob, ayant entendu les gardes parler d'Eli et des Whitetail.

Bien que John essayait de garder la tête froide, il redoutait malgré tout ce qui pourrait se passer ensuite. Et comme il ne pouvait pas bouger, il avait eu largement le temps de penser au pire des scénarios ! 

Il priait, de toute son âme, espérant ne pas à nouveau tomber sur ce diable de Klaro, même s'il savait que c'était prier en vain, sans compter qu'au fond ses prières n'étaient pas si sincères. Il attendait son retour dans un sens, au fond de lui. Plus le temps passait, et plus cette graine germait dans sa tête et l'empêchait de voir les choses comme elles étaient censée être. La vérité était que John n'avait jamais vraiment cru en Dieu, ou en tous ce que son frère disait, du moins, pas de son gré. 

S'il y croyait, et s'il avait adopté sa doctrine, c'était simplement parce qu'il était plus manipulable et fragile qu'il en avait l'air. N'ayant personne en qui faire confiance, il s'était contenté de faire ce qu'on lui avait dit de faire en hochant la tête, répétant les mêmes prières et disant croire aux mêmes choses, en espérant qu'à force de le dire, il y croirait vraiment.

Le Baptiste réalisait qu'une certaine forme de folie s'emparait de lui peu à peu, et qu'il avait de plus en plus de mal à s'en défaire, qu'il avait de plus en plus de mal à lutter, et qu'il finissait aussi par apprécier par moments. Une folie qui avait un certain goût de liberté, et d'un petit quelque chose d'autre. Cependant, même s'il souhaitait baisser les bras par moments, il continuait d'essayer aussi fort qu'il le pouvait, aussi fort que son âme meurtrie pouvait le lui permettre. 

Ces pulsions nouvelles et ces pensées étranges, il avait appris à les positionner du côté du péché. Pourquoi l'être humain était aussi attiré par ce qui était supposé mal ? Pourquoi ce qui semblait juste et bon était une tentation et était vue comme si mauvaise ?

Cette flamme étrange s'emparait de ses organes et les faisaient s'embraser aussi facilement que le papier jeté sur les flammes. Il avait beau prier, il avait beau implorer la grâce de Dieu, s'en remettre à son frère, toutes ces ambitions qui l'avaient animés jusqu'à aujourd'hui s'éloignaient de plus en plus car il réalisait au fond que tous ça n'avait été qu'un vulgaire masque et de vulgaires mensonges à lui-même.

Le pauvre cadet des Seed était à bout de force et perdu. Il était esseulé, noyé par la solitude qu'il n'avait cessé de côtoyer depuis sa plus tendre enfance. Il n'avait de cesse de se demander pourquoi les choses venaient de changer aussi radicalement. Pourquoi lui.

Mais le temps de réflexion était révolu. La porte au sommet des escaliers grinça, avant de claque brusquement. Des pas résonnaient entre les cloisons denses et impénétrables, alors que la peur s'emparait de John, lui tordant les tripes.

Le Diable en personne descendaient ces marches, il en était persuadé. La source de ses angoisses et de ses remises en question venait juste de passer la dernière marche.

Klaro se tenait debout, les mains enfouies dans les poches de son pantalon, tandis qu'il ne lâchait pas John du regard. Ce dernier sentait une boule aussi lourde qu'une pierre se former dans sa gorge avant de tomber dans son estomac au moment où il déglutit, son échine lui paraissait plus lourde mais cependant plus fragile, comme si un simple geste brusque pouvait le casser en deux comme une allumette, ce qui l'empêcha de bouger.

Le brun, toujours attaché à sa chaise, ne le lâchait pas des yeux lui aussi. Il maintenait son regard afin de se donner tous le courage de l'affronter, car chaque rencontre avec lui était un véritable combat d'un un sens. De plus, chaque fois qu'il le voyait, il avait l'illusion que c'était la première fois qu'il le découvrait. Il était à nouveau surpris par l'intensité de son regard et de la flamme qui l'animait, à quel point son visage était aussi symétrique, à quel point ses lèvres qui traduisaient nombre de ses expressions attiraient parfois son attention un peu trop longtemps. 


"Alors, tu te plaît ici ? Non, ne réponds pas. C'était une question rhétorique... Tu n'as trop froid, j'espère ? Je peux changer ça, si tu veux !"


Chaque fois qu'il ouvrait la bouche pour la première fois, il le déstabilisait avant même que les jeux n'aient commencés. John devrait être habitué à ça désormais, lui-même à une certaine époque était ce genre d'homme, mais étrangement, il ne s'y faisait toujours pas, et réagissait comme si c'était la première fois qu'il entendait de pareilles calomnies qui autrefois sortaient de sa propre bouche. Le noiraud s'avança vers lui, toujours debout, le dos droit. 

John avait toujours cet air miteux, mais qui avait son charme, surtout pour son interlocuteur. En tout cas, la vue était charmante d'ici ! Toujours ligoté, les mains dans le dos derrière sa chaise, la chevelure en désordre et le visage encore sali par sa chute... Il était en état de soumission, et ça, Klaro s'en délectait beaucoup.

C'était comme tenir en laisse le chien sauvage qui s'était amusé à lui mâchouiller les mollets pendant tout ce temps, alors que celui-ci le regardait, la queue entre les jambes et n'osait plus grogner. Et il le savait, il était loin d'avoir fini de dresser ce cabot.

Klaro avait cependant eu besoin de temps pour se remettre de son entrevue avec le grand frère de la famille Seed. Il n'était pas sûr de comprendre ce qu'il lui était arrivé là-bas, ni ce que ce psychopathe attendait de lui, et encore moins ce qu'il lui avait fait. Mais Eli avait pris soin de lui expliquer qui était Jacob au sein de la petite famille, et ce qu'il représentait dans cette vallée.

Ce grand frère, un homme profondément déçu après avoir offert son corps et son âme pour son pays, un homme qui ne jure que par la force et le contrôle, chose qu'il cherche à faire par le conditionnement classique, était un véritable bourreau pour les habitants du coin. Sa technique de soumission consistait à provoquer une réaction, un geste, un réflexe, donner un ordre grâce à un stimulus. Comme demander à un chien de donner la patte. Mais Jacob allait plus loin encore, et cette chanson était le stimulus qui conduisait à la violence la plus pure renfermée en chacun d'eux.

Cependant, il n'était pas ici pour penser à Jacob, mais plutôt à son cadet. John, juste en face de lui, toujours entre ses griffes, avait de plus en plus l'impression de sentir ce piège sadique se refermer sur lui. Ce piège de séduction qui ne cessait de le faire bouillir, Klaro en tirait une grande satisfaction. Il avait fini par mettre le feu à la mèche, et il était maintenant impossible de l'éteindre, même avec toute la foi du monde.

Le noiraud eut un grand sourire qui étira ses lèvres, tandis qu'il se mit à tourner autour de John, comme un vautour tournant autour d'une carcasse ou d'un animal sur son lit de mort. Des crocs d'ailleurs très blancs, avec un sourire irrésistible et parfois carnassier, avaient montré leur blancheur alors qu'il souriait.

Il finit par attraper un vieux tabouret en métal, qui grinça sur le sol rêche en béton de la cave à mesure qu'il le traînait sur le sol. Il positionna le petit tabouret juste en face de lui, avant de s'y installer, les jambes écartées. Maintenant un peu plus à sa hauteur, il prit le temps d'observer le corps du jeune Seed, aux vêtements abimés et partiellement déchirés, au visage et au torse bourrés d'égratignures, avec son collier qui pendait au dessus du vide, laissant la clé qui y était accrochée bouger à la façon d'un pendule. Il avait toujours le dos courbé en avant, cette position lui donnait d'affreuses courbatures et des nœuds dans la plupart de ses muscles qu'il serait compliqué de dénouer.

John gardait la tète basse, les yeux cachés par ses quelques mèches de cheveux qui tombaient en bataille sur son front, mais vit passer sous son regard une main, ferme, blanche, et bourrée de cicatrices. Cicatrices qu'il avait vu dès le premier jour d'ailleurs.

Cette main lui rappelait ses rêves interdits, où celle-ci, bien baladeuse, avait parcouru son corps et des terrains inexplorés des dizaines de fois déjà, qui avaient éveillé en lui des frissons qu'il ne pensait pas possible, même après des années passées dans la débauche la plus pure, après des années passées à découvrir tous les plaisirs aussi souvent qu'il le pouvait au point de ne plus rien ressentir. Et étonnement, ces mains qui lui faisaient face, cette fois-ci bien réelles, lui paraissaient parfaites pour lui faire ressentir de nouvelles sensations extraordinaires, bien qu'il s'en était interdit. L'une d'elle agrippa sa mâchoire avec fermeté, et le força à relever son visage pour fixer le jeune homme dans les yeux.

Leurs visages étaient proches. Suffisamment pour qu'il sente son souffle glisser sur la peau de ses joues, et pour qu'il sente son parfum naturel. Il entrouvrit ses lèvres coupées, dont une trainée de sang séchée ornait le bord droit de sa bouche jusqu'au menton. Ses yeux bleus glacials, plongés une énième fois dans les siens, permettaient à ce sentiment étrange de refaire surface. Celui de la peur et de l'envie.


"Mes collègues m'ont dit que tu refusais de parler, et c'est pas vraiment ce qu'on attends de toi, tu dois bien le savoir ! Ils te posent des questions, et toi... Tu leur crache à la gueule. T'es vraiment un vilain garçon, ma parole !"


Il agrippa ses joues, toujours d'une main, avec un sourire malin en pressant son visage doucement de ses doigts, le faisant faire une grimace amusante, mais lui soutirant un grognement d'agacement. Manipuler le corps de John, et le manipuler tout entier, c'était quelque chose que Klaro n'avait de cesse d'apprécier !


"Tu sais ce que je fais aux vilains garçons, moi ?"


Son sourire s'agrandissait au fur et à mesure de ses mots, et John n'en pouvait plus. Il avait de plus en plus chaud, bien qu'il savait pertinemment que Klaro ne faisait que jouer avec lui. Il fronça le regard et essaya de se retirer de son emprise, basculant la tête en arrière alors qu'il se débattait, et une fois libre, il lui hurla presque au visage, les poings serrés derrière la chaise.


"Pourquoi tu t'es mêlé de tout ça ?! Tout allait très bien jusqu'à aujourd'hui ! Ce monde est déjà pourri quoi qu'on y fasse, alors qu'est-ce que ça t'apportes de jouer les héros ?! Et tu sais très bien que tu ne peux pas sauver tout le monde, de toute façon !

-Ces gens m'ont aidé, alors c'est dans mes principes de leur rendre l'appareil. Et c'est quoi votre problème, à vouloir rendre le monde pire qu'il est ? Comme tu dis, le monde est pas assez pourri comme ça ? Pourquoi t'es allé te fourrer dans une putain de secte qui bute tous ceux qui n'adhèrent pas à vos croyances, si tu es si clairvoyant que ça !"


Avait répondu Klaro en perdant son sourire éclatant, le visage grave et sérieux, alors qu'il rangea sa main après que John se soit retiré de sa poigne. Un lourd silence s'en suivit, plongeant les deux hommes dans un duel de regard intense et lourd de sens, avant que le brun ne baisse le regard et ne réponde, comme s'il répétait une poésie apprise par cœur.


"La souffrance est nécessaire et bénéfique pour passer les portes de l'Eden ! Et ceux qui refusent d-

-Mais tu vas la fermer à la fin ! C'est des conneries ! s'exclama Klaro en le coupant net dans son discours, ce qui fit sursauter John alors qu'il l'entendant hurler, visiblement hors de lui. Vous êtes en train de nourrir les défauts que vous voulez dénoncer ! C'est pas parce que la plus grande partie de l'humanité est composée de connards que c'est une fatalité. Un enfant n'est pas obligé de suivre le sillage de ses parents s'il ne lui semble pas juste, tant qu'il a un peu de jugeote ! dit-il en tapotant le front de John, le faisant grimacer et détourner la tête. On ne casse pas un cercle vicieux avec la même flamme qui a allumé la poudre !"


S'exclama Klaro en pointant son doigt juste sous le nez de John, qui ne disait rien. Dans son monologue, Klaro avait dit quelque chose qui avait résonné en lui, au plus profond de son âme et de son cœur, jusqu'à lui faire du mal.

John se souvenait bien de son père, de l'homme terrible qu'il était, et à quel point lui et ses frères avaient toujours trouvé injuste la façon dont il s'en prenait à eux dans leur enfance, et c'est seulement aujourd'hui que John s'était aperçu qu'il était devenu exactement ce qu'il ne voulait pas devenir. Il était devenu comme son père.

 Ses frères avaient toujours été là pour lui, heureusement. Son frère Joseph s'était juré de se donner corps et âme dans ce projet, et de ne jamais lui faire faux bond, d'être toujours à ses cotés, et de lui offrir une place pour un projet au destin noble selon lui, alors John l'avait cru, car il était le seul en qui il n'avait jamais eu confiance.

A force de chercher la reconnaissance de ses frères, alors que ces derniers étaient les seuls êtres chers à son cœur, les seuls êtres qu'il avait aimé, il ne s'était jamais demandé si ces derniers suivaient un chemin qui de son point de vue, lui paraissait juste. Il n'avait pas choisi, il avait suivi.

Ces souvenirs de son père et de ces frères pesaient lourds sur sa conscience, et il s'en sentit soudain dépité. Son cœur avait atteint un tel poids que son corps et sa volonté ne pouvaient plus le porter, ni même le trainer au sol, et encore moins lui permettre de continuer à porter ce masque de l'infâme John Seed Baptiste cruel et pseudo sauveur des âmes en peine. Toutes ces années, John avait endossé le rôle du Baptiste, mais au fond, lui aussi avait besoin de se confesser, de partager cette douleur qu'il avait oublié, et qu'il avait décidé de remplacer par un personnage qui ressemblait à ceux de ses pires cauchemars, sans doute pour que ces derniers lui fassent moins peur.

Il n'était plus que John, un petit garçon en manque d'amour et de reconnaissance, que les coups et que le manque d'affection avait brisé, et transformé en monstre.

Il baissa la tète alors qu'il sentait ses yeux enfler, sa gorge se serrer, ses lèvres trembler, et que sa vue devint trouble. Il se mordit la langue presque à sang pour contenir sa rage et sa douleur, mais c'était bien trop tard. Il avait beau vouloir de tous cœur se contenir, surtout devant Klaro, mais c'était peine perdue.

Il versa des larmes silencieuses, il avait enfin lâché prise, et ça ne lui était pas arrivé depuis tant d'années qu'il ne se souvenait plus de la dernière fois. Bizarrement, ça lui faisait du bien.

Cette pression, ce fardeau, ces années passées à souffrir depuis sa plus tendre enfance, et finalement suivre le mauvais chemin sans s'en apercevoir. La lutte de chaque jour qu'effectuait John pour résister à son coté humain et sensible, de crainte de souffrir à nouveau, l'avait contraint à suivre son frère. Il se rendait bien compte qu'il était à l'origine de nombreux maux et de morts, aveuglé par l'amour de ses frères, mais dénué de raison qu'il pensait pourtant avoir. Pour la première fois depuis longtemps, John eut des regrets, et il avait oublié à quel point c'était douloureux d'en avoir. Il se sentait lâche d'avoir agis comme une brebis en suivant le troupeau plutôt que d'avoir le courage d'aller au travers. Il avait suivi Joseph en baissant la tête, simplement pour ne pas être seul. Dans sa recherche d'amour, il était tombé dans le piège.

Klaro n'était pas sûr de savoir à quoi étaient saupoudrées ces larmes. De fatigue ? De douleur ? De peur ?

Le jeune Seed au cœur troué et maladroitement recousu releva la tète, fixant Klaro dans les yeux. Il avait les joues luisantes de larmes, le visage tordu par la douleur, et un rictus incontrôlable faisait plisser ses lèvres et son menton. C'était bien la première fois que Klaro voyait John dans cet état, et même qu'il voyait quelqu'un avec une telle lueur dans les yeux. Il le regarda, les yeux ronds, alors que les yeux noyés de John versaient de nouvelles larmes chaudes, mais qu'il ne sanglotait plus.

La douleur lui était si insoutenable que le Baptiste laissa retomber sa tête et le haut de son corps, venant doucement écraser son front sur le torse de Klaro par accident, si bien qu'il se figea, et que Klaro lui aussi, resta immobile, incertain de savoir ce qui se passait.

Il sentit un torrent de larmes atterrir sur sa chemise et sur son jean. Et étrangement, bien qu'il savait tout ce qu'avait fait John, et malgré ce qu'il lui avait fait également, il ressentit un picotement désagréable au cœur. Il avait de la peine pour lui, car les larmes qu'il avait vu n'étaient pas le fruit d'un jeu d'acteur incroyablement bien réalisé, Klaro savait reconnaître des vraies larmes quand il en voyait. Il le regarda pleurer comme un enfant, le visage collé contre son poitrail, à la recherche de bras pour le consoler, à la recherche d'amour et de chaleur pour le réconforter.

Sans trop réfléchir, il se pencha légèrement, et détruisit les liens qui retenaient les mains de John, chose qui eut pour effet de le surprendre, le stoppant dans ses pleurs, et avait failli le faire tomber en avant sur lui. Mais là où n'importe qui, à sa place, et dans sa situation, aurait fui, John resta là, sagement assis, frottant ses poignets avant de se redresser pour lever ses yeux rougis vers Klaro.

Ce dernier avait posé sa main sur son épaule. Klaro voyait un peu plus clair dans le jeu du grand John Seed, visiblement lui aussi prisonnier dans un sens, pas seulement d'Eden's Gate, mais aussi de lui-même. Il n'avait pas besoin de parler, il n'avait pas besoin de lui expliquer les choses depuis le commencement, il l'avait juste ressenti... Et ça, John l'avait compris, et l'apprécait beaucoup. Une nouvelle vague de larmes s'empara de lui, et le brun sanglota en silence, rendant sa respiration erratique et tremblante. Il lâcha prise une deuxième fois, et se laissa tomber en avant, le front posé dans le creux de son cou, serrant ses mains contre son torse abimé, empoignant sa propre chemise tant sa poitrine lui paraissait douloureuse.

Il relâcha ses mains, les faisant tomber sur les genoux de Klaro, avant de les lever et à tâtons, chercha un endroit adéquate où les poser sur son dos, visiblement maladroit et hésitant.

Il ne se rappelait plus de la dernière fois qu'il avait eu une telle proximité avec quelqu'un, même avec ses frères. En avait-il déjà eu ne serait-ce qu'une fois dans sa vie ? Ses parents, pour rien au monde ne l'auraient fait, et John ne voudrait jamais retrouver leurs bras, car ce ne serait pas pour l'enlacer qu'ils s'en serviraient...

Face à la détresse évidente et poignante de John, et attendri pas son hésitation, Klaro fit un pas vers lui, et enroula l'un de ses bras autour de ses épaule, avant de se balancer de droit à gauche avec lui afin de le bercer. Le brun se laissa aller, et se blottit contre celui qui était pourtant censé être son ennemi, touché par son attention, alors qu'il aurait cru que lui aussi finirait par le repousser, comme tous les autres, mais il n'en fut rien. Il huma son parfum si unique, ressentit la chaleur qui émanait de sa peau, et se sentait en sécurité dans ses bras.

Finalement, l'Eden n'était pas si loin. Le paradis était juste là. Depuis le début, il avait cherché l'Eden toujours plus loin, toujours plus haut, alors qu'il était juste à sa portée.

John ne savait pas combien de temps il était resté ainsi, pressé contre son corps, à se vider de sa peine et à verser d'innombrables larmes, inlassablement remplacées par d'autres. Il avait fini par se calmer, alors que la douleur était écartée pour laisser place à cette douce chaleur dans son cœur. Klaro avait toutes les raisons de lui en vouloir, il avait même toutes les raisons de vouloir le tuer ou de le faire souffrir, comme tout le monde. Et pourtant, il lui pardonnait tout. 

Il avait resserré ses mains sur son vêtement, avant de se redresser, brisant ce contact à contrecœur, et essuya ses joues et ses yeux avec la paume de ses mains aussi vite qu'il le pouvait alors qu'il réalisait dans quelle position de faiblesse il venait de se trouver, comme si ce geste de la main allait suffire pour tout effacer. Ses mains devinrent rapidement humides, alors Klaro décida de prendre le relais. Il leva son menton d'une main, redressant son visage, et essuya ses larmes à l'aide de son pouce et de sa paume du mieux qu'il pouvait, faisant glisser ses mains sur ses joues rougies et bouillantes. John avait honte au fond de lui, mais Klaro ne lui en avait pas tenu rigueur, ce qui l'aida à balayer ce sentiment.

Klaro recula légèrement sa main une fois qu'il en eut fini avec ses joues, mais John attrapa désespérément son poignet, avant de reposer sa joue dans sa large main. Il ferma les yeux, luttant pour ne pas sangloter à nouveau. Il avait l'air d'un enfant terrifié à l'idée de rester seul dans cette cave.

Le noiraud en eut le cœur fendu. John cherchait désormais le contact qu'il avait fui comme la peste jusqu'ici. Il n'avait plus l'air de vouloir le laisser partir. 


"Tu n'as pas à les suivre, même si c'est ta famille, commença-t-il d'un voix plus calme. Tu as le droit de faire tes propres choix. Vous cherchez le paradis beaucoup trop loin, alors qu'en fait il est bien plus près. Il est dans les choses simples, les gens qu'on aime. Pourquoi attendre de profiter de tout ça à notre mort quand on peut en profiter tout au long de notre vie ? On n'a qu'une seule et unique vie, et c'est pas pour rien. C'est qu'elle est forcément précieuse, tu penses pas ?"


Soudain, John n'avait plus envie de partir de cette cave, à vrai dire, il serait d'accord pour être dans les pires endroits du monde, tant qu'il serait avec lui. C'était plus simple, plus reposant. Klaro n'avait rien à voir avec tous les gens qu'il avait connu, et sa franchise ainsi que sa vision des choses le rendait un peu plus optimiste et un peu plus fort.

 Un frisson le parcourut alors qu'une idée folle lui traversa l'esprit. Ses lèvres le brûlaient d'envie, depuis très longtemps il s'en rendait bien compte, et celles de Klaro étaient l'extincteur dont il avait besoin. En quelques secondes, John fondit sur lui, et pressa ses lèvres sur les siennes.

Son chaste baiser, maladroit en plus de ça, eut une réponse qu'il n'aurait pas cru obtenir. Il entrouvrit ses yeux, et vit qu'il avait aussi fermé les yeux, alors que ses lèvres se pressaient un peu plus sur les siennes. La sensation était encore plus forte et sensationnelle qu'il ne l'avait imaginé, ni même rêvé.

Leur échange n'avait duré que le temps de quelques secondes avant que Klaro n'y mette fin, reculant lentement son visage. Il n'aurait jamais cru que John oserait faire une chose pareille, lui qui pensait qu'il s'agissait d'un cas désespéré ! Mais finalement, il avait fini par enfin le surprendre, ce qui le faisait maintenant sourire.

Klaro recula davantage et finit par se lever. John le suivit du regard, soudain prit d'angoisse à l'idée de le voir partir. Mais plutôt que de marcher vers l'escalier menant à la porte du sommet du bunker, le noiraud avança derrière lui, jusqu'au mur, où se trouvait une lourde bibliothèque, recouverte de boîtes de clous, d'outils, et d'objets rouillés.

Il usa de ses bras suffisamment forts pour pousser le meuble sur le côté, faisant grincer ses pieds sur le sol bétonné, et laissa apparaitre une mystérieuse porte en métal creux et peu épaisse. John le regardait d'un air inquisiteur alors qu'il n'était pas sûr de comprendre ce qu'il faisait.

Une fois le meuble totalement hors du champ, Klaro prit la poignée afin d'ouvrir la porte. Derrière se dressait un couloir sombre, si bien qu'il était impossible de voir ce qui se trouvait quelques mètres plus loin. Klaro se tourna vers lui, avant de faiblement sourire, et de lui faire signe d'entrer.


"Vas-y. Tu peux partir !

-Quoi ? s'exclama John, alors bouche bée, les yeux écarquillés, en regardant tour à tour le noiraud et le couloir plongé dans la pénombre tandis qu'il était toujours assis sur sa chaise.

-Dépêches toi, avant que je change d'avis... dit-il d'un ton ironique en ricanant. John se leva, avant de se précipiter vers la porte. Une fois face à celle-ci, il fixa la pénombre, perdu et incertain à l'idée de ce qu'il devait faire.

-Mais... Pourquoi ? demanda-t-il en le regardant de nouveau, le regard froncé par l'incompréhension.

-Tu as l'air d'être prisonnier depuis bien plus longtemps, bien avant d'être ici. Alors je te laisse le choix. Le choix d'être libre, et une fois dehors, tu pourras choisir ce que tu veux faire maintenant."


John fixait Klaro, droit dans les yeux, sans savoir quoi rétorquer. Pourquoi ne pas se taire après tout ? Le Seed baissa les yeux, et dirigea son regard une nouvelle fois dans le couloir. Il resta planté là, comme un idiot, alors que Klaro ajouta en posant sa main sur son dos pour l'inciter à avancer.


"Continue tout droit, tu tomberas sur un autre bunker, à une centaine de mètres de là, dans une cabane abandonnée. Tu seras près de Moccassin River... Te garder ici ne nous aide pas vraiment je dois dire, alors à toi de voir si tu acceptes de nous aider là-haut... De m'aider, moi. A toi de voir."


Klaro était en train de lui proposer de jouer la taupe et de trahir ses frères pour eux. Le cadet des Seed se rendait enfin compte de toutes ces erreurs qu'ils avaient accumulé, mais jusqu'ici, il avait toujours refusé de l'accepter. Aujourd'hui, c'était différent. Klaro lui offrait ce que personne ne lui avait offert. Il lui laissait le choix.

Sa demande de l'aider, lui, personnellement, avait fini de le convaincre sans doute. Il allait devoir se redécouvrir lui-même, et faire ce choix qui lui semblait juste serait sûrement un excellent départ, bien que l'idée de prendre ses propres décisions était quelque chose d'assez effrayant pour lui, mais il était temps de le faire, afin de guérir, et de vivre.


"Tu ne viens pas ? demanda-t-il presque d'un air désespéré à l'idée de l'entendre répondre "oui".

-Je ne peux pas. Soit ils penseront que tu m'as kidnappé, soit ils sauront que c'est moi qui t'ai libéré, et ils ne sont pas encore prêts pour savoir. Ils penseront que tu t'es libéré et que tu as trouvé la porte seul. Beaucoup de Bunker ici ont des galeries qui mènent à d'autres... Mais on se reverra, je te l'assure !"


Dit-il de son sourire éclatant et si sûr de lui, accompagné d'un clin d'œil aguicheur et amusé. John avait un peu peur d'être seul dans ce couloir, et d'être seul une fois de retour chez lui, mais il se sentit pousser des ailes face à ce sourire et à cette promesse qu'il lui faisait.

Il déglutit discrètement, humidifiant sa gorge asséchée, et finit par entrer dans le couloir qui lui paraissait sans fin. Klaro sourit, et finit par refermer la porte, plongeant ainsi le brun dans le noir le plus complet. Il prit son courage à deux mains, et avança, seul, sans la moindre source de lumière, mais avec un énorme espoir, tâtant les murs de ses mains pour se guider vers la prochaine source de lumière.

Enfin, après avoir passé un temps qui lui parut interminable à avancer, la main posée sur le mur froid et crépu, John sentit une surface en métal en face de lui. Une nouvelle porte qu'il s'empressa d'ouvrir, désireux de sortir de ce couloir de la mort.

Une fois sorti, il faisait toujours sombre, mais bien moins que dans ce couloir où il n'avait cessé de penser à ce qui venait de se passer. Venait il de rêver ? Ce qui venait d'arriver n'avait aucun sens, et pourtant tout était réel. La preuve, tout ceci l'avait mené ici, hors de sa prison.

Lentement, John avait touché ses lèvres encore meurtries et asséchées du bout des doigts, et retrouvait le souvenir d'une chaleur douce et exquise qui les avaient apaisé un instant plus tôt. Il en était maintenant sûr, ce n'était pas un rêve. C'était bien réel.

Il marcha dans ce bunker vide de vie, cherchant désespérément la sortie, sans vraiment savoir où il allait. Il était encore et toujours perdu dans ses pensées, arpentant les pièces comme une âme en peine et esseulée. Le bunker était recouvert de poussière, dominé par les toiles d'araignée, les boîtes de conserve empilées et les moutons de saleté. Finalement, après de longues minutes passées à chercher, il trouva enfin l'échelle qui menait à la trappe de sortie. 

Il grimpa avec le peu de force qu'il lui restait, avant de pousser la trappe de toutes ses forces. Une fois dehors, John fut ébloui par le levé du soleil. Lui qui n'avait pas vu ses rayons depuis peut-être des jours, sa chaleur réconfortait son corps, sortant enfin de ces souterrains glacials, alors qu'il avait l'impression de sentir le soleil et le vent sur sa peau pour la première fois de sa vie.

Il sortit, se traînant sur le sol herbeux, avant de se laisser tomber à genoux, assis sur ses mollets, et observa le ciel une fois qu'il s'était habitué à la lumière du soleil. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas arrêté, l'espace de quelques minutes, ne serait-ce que pour profiter de l'air frais, sentir la  brise, humer le parfum de la nature.

Il regarda tout autour de lui, détaillant les montagnes, les forêts, la rivière non loin de là. Au milieu de la petite prairie, John se dit que cet endroit était trop beau pour être vrai, et qu'il se laisserait bien mourir ici.

Un léger vent fit virevolter sa chevelure en arrière, rafraîchissant son visage et faisant perler des larmes de gêne dans les coins extérieurs de ses yeux. Toutes ces années, John s'était enfermé, et n'avait pas pris le temps d'admirer, et encore moins de réfléchir. La vérité était que le cadet avait toujours eu besoin de ses frères pour lui tenir la main, mais il était temps pour lui de prendre son envol et d'avoir ses propres croyances et ses propres convictions. Croire en Dieu n'était pas un défaut, mais ne pas croire en soi-même en était un.

John avait fini par se lever, sentant une poussée de détermination lui gonfler le torse. Il marcha, et eut ainsi l'occasion d'admirer davantage les contrées de Hope County. Pourquoi n'avait-il pas vu toute cette beauté avant ?

Il marcha, encore et encore, et à peine arrivé au bord de la route, John croisa le chemin d'un convoi d'Eden's Gate, dirigé par Jacob. Le convoi avait vite fait de reconnaître John au loin qui avait levé sa main devant ses yeux pour voir malgré le soleil. Les quelques véhicules s'étaient mis à rouler à toute allure dans sa direction, soulevant un lourd nuage de poussière derrière eux.

Tout à coup, John sentit un grand froid l'envahir. La vue de ces véhicules armés, ornés de la croix de Joseph, se dirigeant vers lui, gâchant le paysage, le fit grimacer d'inconfort. Le voilà à nouveau là où il ne devrait pas être.

Qu'avait-il fait ? Il revoyait toutes les personnes mortes sous ses yeux, parfois qu'il avait causé, sans le moindre remord, y prenant même du plaisir, enfin... Il pensait que c'était du plaisir. Il revoyait ce jour où il avait vu Klaro pour la toute première fois, ce jeune garçon que Joseph avait noyé, tous ces massacres, ces foyer brisés, qui avaient pourtant permis de rapprocher tous ces gens pour les affronter... Leur projet n'avait fait que faire ressortir le bon de ceux qui restaient, et John voulait faire ressortir le bon qui se trouvait en lui maintenant. 

Cependant, il ne pouvait se résoudre à l'idée de tuer sa propre famille. Il n'était pas sûr de leur faire comprendre, de leur faire changer d'avis. Mais il lui serait impossible de les tuer. Certes, ils avait compris que le monde était plus grand, mais ses deux frères avaient toujours été là pour lui, et il ne pouvait le renier.

Le convoi arriva, et de suite, l'un des fanatiques barbu s'écria en sautant du véhicule encore en marche.


"John, est-ce que tout va bien ?!"


John ne répondit pas. Il se contenta de les fixer, d'un regard un peu déboussolé, et l'apparence toujours aussi miteuse, ce qui répondait aisément à sa question.


"Nous n'avons pas arrêté de vous chercher partout ! Nou-

-Ramenez-moi à mon bunker. Immédiatement."


Ces hommes, qu'il considérait autrefois comme les siens, le rebutaient désormais. Il grimpa sur le véhicule, et sa rudesse leur coupa l'envie d'insister. John voulait rentrer, et être seul un instant. Il avait besoin de réfléchir à la suite.

La nouvelle s'était vite répandue. D'abord chez les fanatiques, chez les Seed, et pour finir quelques heures plus tard, la Résistance entendit ces échos. John avait officiellement disparu, pour finalement rejoindre son camp à nouveau. La nouvelle avait tourné, Eli fut le premier à contacter Klaro, qui était parvenu à n'élever aucun soupçon. Après tout, que celui qui l'avait capturé le libère, ce n'était pas le scénario qui leur était venu à l'esprit.

John venait de rentrer dans son bunker. Il était de nouveau propre et soigné sur lui. Tout le trajet pour en arriver jusqu'ici fut hanté par la même image. John regrettait de ne pas être resté finalement. Quitte à être traité comme un prisonnier là-bas, cet endroit, censé être son lieu de vie ne lui procurait plus cette sensation de "chez soi". En fait, il ne l'avait jamais vraiment eu, il s'était simplement forcé à le croire. Il s'était persuadé que c'était chez lui, et se rendait compte aujourd'hui qu'il n'en était rien. Que tout n'était qu'illusion depuis le commencement.

Il s'était assis sur le bord de son lit, et cette chambre lui parut fade, sans vie, froide... Comme le bunker abandonné. Un endroit pour se cacher, sans couleur à admirer, sans parfum à apprécier, sans personne avec qui partager.

Il joignit ses mains, fixant le sol, les coudes posés sur ses cuisses. Encore et toujours cette chaleur sur ses lèvres qui lui manquait, mais qui lui permettait de supporter la vue véritable des choses. Il avait peur de ne plus croiser Klaro, qu'il se fasse tuer, car il était certain que Joseph allait les faire payer, et honnêtement, il n'aimait pas cette idée. Qui sait ce qu'il serait capable de faire subir à ces gens ? Et à Klaro ?

Joseph avait compris que Klaro s'acharnait sur John, c'était une évidence, et il s'était promis d'y remédier. Plongé dans ses pensées et dans ses craintes les plus profondes, John fut attiré par le son de sa porte, martelée de quelques coups bruyants.

Le brun bondit de surprise, s'échappant de cette noyade de pensées, et leva la tête pour voir la porte s'ouvrir, et laissa apparaître celui qu'il n'était pas encore prêt à revoir

Joseph. Ce dernier avait fait tout ce chemin pour retrouver son frère qu'il avait perdu depuis plusieurs jours, qui lui avaient paru éternels. Il s'approcha rapidement, le regard inquiet au travers de ses lunettes, et s'exclama en posant ses mains sur ses épaules.


"John, j'ai fais aussi vite que j'ai pu ! Tu n'as rien ?"


John ne prononça pas un mot. Il ne fit que basculer lentement la tète de droite à gauche pour lui répondre. Joseph l'incita à s'asseoir de nouveau, s'installant à ses côtés tout en gardant une main qui se voulait rassurante et chaleureuse sur son épaule


"J'ai tout fait pour te retrouver, tu sais ? Encore une fois... dit-il d'un air presque attristé, déjà par le passé, Joseph avait remué ciel et terre pour retrouver ses frères, et aujourd'hui, il avait cru le perdre à nouveau. Je suis heureux de te voir à nouveau parmi nous... J'ai cru qu'ils t'avaient tué !"


John avait la gorge serrée, tout ça avait un air de déjà vu, mais ses ressentis n'étaient plus les mêmes. Évidemment, il était assez soulagé de voir son frère inquiet et heureux de le revoir, cependant, il ne le voyait plus de la même façon qu'auparavant.


"Ils payeront, je te le promets ! Dieu leur fera subir le châtiment qu'ils méritent, je vais m'en assurer !"


Voilà ce qu'il redoutait... Il soupira et tourna son regard vers lui, l'air sérieux, et épuisé, mais le regard glacial et décidé.


"C'est inutile, je vais bien, alors je leur pardonne..."


John était à bout de force, et Joseph l'avait compris. Il avait aussi compris que son frère avait besoin d'être seul, qu'il était peut-être trop tôt pour lui parler de cette histoire encore fraîche, au risque de s'attaquer à son égo sans doute, car c'est ainsi que Joseph connaissait son frère. Il avait besoin de recul, mais Joseph était loin d'en connaître la véritable raison.

Ce dernier se leva, tapotant l'omoplate de son petit frère avec un sourire, et lui souhaita le meilleur des rétablissements possibles, ayant hâte de le retrouver comme avant.

Le Père sortit, et une fois hors de la vue de John, il se creusa la tête pour trouver un moyen de punir ceux qui avaient osé faire souffrir son jeune frère. Joseph avait sa petite idée, même si John avouait qu'il leur pardonnait, ce n'était pas son cas. S'attaquer à John, c'était s'attaquer à Joseph, ainsi qu'à son projet. Il devait agir pour que ce genre de comportement n'arrive plus jamais.

De nouveau seul, John souffla bruyamment, posant son visage dans ses mains. Comment allait-il faire ? Son frère était loin d'être disposé à l'écouter. Et surtout, John n'arrivait même pas à imaginer sa réaction s'il lui avouait ses doutes sur leur projet, et encore plus sur ses sentiments. Être attiré par un homme... John n'avait jamais eu ce type de discussion avec sa famille, et ça l'effrayait encore plus.

Le jeune homme se laissa tomber en arrière, s'écroulant et s'étalant de tout son long sur le lit froid de sa chambre. Il inspira profondément, puis vida ses poumons, une main posée près de son visage, touchant les draps frais, et l'autre posée sur son ventre. Il tourna la tête, regardant le lit froissé par son dernier passage d'il y a de cela des jours. Ce lit bien triste, vide, qui n'avait pas la moindre histoire à raconter, pas le moindre brin de chaleur humaine à donner, pas le moindre souvenir à rappeler.

Il l'imaginait, autrement cette fois. Occupé, de lui-même, mais pas seul cette fois-ci. Il se demandait ce que ça faisait de partager un lit avec quelqu'un d'autre, et de partager bien plus. Il avait bien vu des gens de l'autre côté de ce lit, mais généralement, ça ne durait qu'une seule nuit, et ça n'avait pas autant de valeur. Il se souvint de Nick Rye, de son épouse, de cet enfant qu'elle portait, de leur bonheur et de leur espoir malgré ce qu'il leur faisait subir, et se demandait ce que ça faisait. S'ils se battaient avec dans de ferveur pour ça, c'est que ça devait être absolument incroyable à vivre.

Il se rappelait de Mary May, qui avait flirté avec Klaro lors de cette soirée. Malgré la jalousie, John était désireux de faire la même chose, lui aussi voulait ressentir les papillons qui virevoltaient dans son estomac et les bouffées de chaleur agréables. Il était jaloux car il n'avait pu ressentir ça par le passé, malgré de nombreuses essais.

John se sentait différent. À la fois nouveau, et à la fois encore incomplet. Et dire qu'il ne lui a fallu qu'un peu de courage pour accepter, accompagné d'un baiser, pour enfin ouvrir les yeux.

John sentit la fatigue alourdir ses paupières. Certes, il dormirait seul aujourd'hui, mais c'est en pensant au lendemain, et à sa prochaine rencontre avec l'Ange Noir, qu'il plongea dans le monde des rêves, en espérant le retrouver, mais cette fois-ci hors de ses rêves, dans le monde réel.

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