𝕏𝕍 - 𝕃𝕖 𝕃𝕠𝕦𝕡 𝕘𝕣𝕠𝕘𝕟𝕖 𝕤𝕦𝕣 𝕝𝕖 ℙ𝕖𝕔𝕙𝕖𝕦𝕣 -
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Bien que discuter avec John dans le bunker et le torturer était une activité fort amusante, Klaro avait d'autres plats sur le feu. Afin de remercier Eli de son hospitalité et de son aide, gardant John Seed prisonnier dans l'un de ses bunker dans une vallée sous haute tension, Klaro avait accepté sa requête, que même le chef des Whitetail en personne ne parvenait pas à en venir à bout.
Cela faisait déjà presque une semaine que le groupe qu'il avait envoyé au centre touristique afin de le libérer était parti, sans bien sûr revenir. Après avoir envoyé quelques éclaireurs sur place, Eli apprit qu'ils étaient toujours en vie, ligotés et sous garde, ce qui n'était pas très bon pour les affaires, les Whitetails se faisaient laminer par Jacob depuis déjà un bon moment. De moins en moins nombreux et de moins en moins forts, la milice voyait peu à peu son déclin et sa cuisante défaite arriver avec ses grands sabots. Libérer ces hommes et ce centre touristique aurait bien des avantages, et ça, le noiraud l'avait bien compris.
Cependant, Eli et ses comparses avaient mis en garde Klaro à propos d'une chose importante et non négligeable : Jacob veillait sur son territoire d'un oeil de lynx, et serait bien plus redoutable que John à affronter. Jacob était sans nul doute le plus dangereux et imprévisible de la famille Seed, si l'on retirait évidemment Joseph du lot. Après tout, c'était lui le chef d'Eden's Gate, s'il était au dessus de son propre frère déjà puissant, ce n'était pas sans raison.
Et ce fut ainsi l'occasion de faire plaisir à Wheaty, tout en doublant ses chances de réussite avec un oeil pour veiller sur ses arrières. Klaro lui proposa de l'accompagner pour sauver les miliciens et libérer le bâtiment, mais est-ce nécessaire de vous dire quelle a été la réponse du jeune homme ?
Le lendemain, suite à sa discussion avec John et Eli, Klaro s'était préparé durant tout l'après-midi et avait donné rendez-vous à Wheaty dans un vieux chalet abandonné, à moitié en ruines, près du bâtiment touristique. Klaro y avait rassemblé tout son matériel. La discrétion serait l'approche du jour, afin d'éviter que les otages ne se fassent exécuter, c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il avait fait appel au jeune Wheaty. Ce dernier le couvrirait en cas de besoin. Il était encore trop énergique pour rester totalement calme et silencieux sur le terrain, sans compter que le noiraud ne connaissait rien de ce gamin. Bien qu'il lui semblait sympathique, il ne voulait pas prendre de risque pour le moment.
Wheaty arriva pendant que Klaro rangeait tout le matériel dans un grand sac. Il fit craquer les branchages autour de lui tandis qu'il traversait la forêt dense et qu'il approchait du chalet, à ciel ouvert et recouvert de mousse et de mauvaises herbes. Klaro s'était retourné en captant le son, et posa d'un geste vif et alerte sa main sur son revolver, accroché à sa ceinture alors qu'il jeta un regard par la fenêtre. Il soupira avec un faible sourire aux lèvres en voyant la tête brûlée de Wheaty apparaître.
Le petit brun aux longues tresses approcha et entra par le mur effondré du chalet, dont le cadre de la porte tenait toujours debout, sans porte ni mur autour, et marcha sur le bois brûlé du plancher. Les fanatiques avaient sûrement fait brûler ce chalet, sans aucun doute. La plupart du temps, dans tout Holland Valley, chaque chose détruite a forcément vu les fanatiques de la secte avant de voir sa dernière heure arriver.
"Tu m'as fichu la trouille. Bravo la discrétion ! lâcha Klaro en lui jetant un regard, le sourcil levé, alors qu'il accrochait l'étui d'un couteau de chasse sur sa ceinture. Jérôme le lui avait offert lors de son passage dans le bunker, avant de repartir à Fall's End après leur entrevue tous ensemble face à John. Il l'avait acheté, paraît-il, dans la boutique de la ville, en face du bar de Mary May.
-D-Désolé ! J'ai perdu l'habitude de sortir du Wolf's Den. Tu sais, avec Jacob qui nous extermine, le peu de Whitetail qui reste sont cachés dans les bunker la plupart du temps... répliqua le jeune avec un sourire navré, avec un visage d'enfant timide et désolé. Il se frotta la nuque d'un air embarrassé, et Klaro se mit à rire. Il lui fit chaleureusement signe de le rejoindre avec un grand sourire.
-C'est rien. Allez viens, j'ai quelque chose pour toi !"
Sans plus attendre, le gamin arriva en trottinant. Il ne fallait pas le lui dire deux fois, et Klaro aimait ça. Le sourire sur ses lèvres trahissait l'excitation qui bouillonnait en lui à l'idée d'enfin être utile hors d'un bunker sous terre. Wheaty commençait à devenir dingue à force d'y rester cloitré et de ne presque plus voir la lumière du soleil. Il n'avait pas eu l'occasion de faire quoi que ce soit pour contrer la secte ces temps-ci. Les temps étaient durs, et quand il avait appris la libération de Fall's End et que quelqu'un avait attrapé le redouté John Seed, le jeune homme s'était promis de sauter sur la moindre occasion pour prêter main forte ! Il se sentait relativement minable d'être resté enfermé dans ce bunker avec les autres, bien que ce soit contre son gré, pendant qu'un inconnu était parvenu à faire tout ce travail à lui seul.
Dès que Klaro avait échappé à Joseph et récupéré le Widowmaker, les histoires s'étaient répandus comme une traînée de poudre, et Wheaty était prêt à tout pour faire de même. Il se voyait un peu comme Robin, pendant que Klaro serait le Batman.
Klaro sourit alors qu'il se leva sur ses deux pieds de toute sa hauteur, tenant un gros fusil dans ses mains, le sac sur l'épaule. Il s'agissait d'un énorme sniper, un MBP.50, l'un des meilleurs qui soit dans toute cette vallée de fou furieux. Wheaty admira la machine de guerre, puissante tout en finesse et en longueur, une merveille de technologie et d'ingénierie, tout en discrétion et plus efficace que n'importe quelle arme actuelle. Klaro tendit ses bras vers l'avant afin de lui tendre l'arme, un sourire bienveillant et complice sur les lèvres.
"Tu sais te servir de ça, j'espère ? demanda-t-il en haussant un sourcil, alors que Wheaty observa tour à tour l'engin puis Klaro.
-Euh... Bien sûr ! Enfin, je crois. Je suis plus à l'aise avec l'arc d'habitude, mais je devrais pouvoir m'en sortir ! Eli m'a déjà fait tirer à la carabine, et je m'en sortais déjà très bien, alors... il osa enfin prendre l'arme entre ses mains, avec le plus de précaution possible, comme s'il tenait un nouveau-né, ou une bombe à retardement.
-Tant mieux ! De toute façon, tu ne t'en serviras qu'en cas de réel problème uniquement. Je veux que tu restes loin du bâtiment, avec la vue la plus dégagée possible pour que tu puisses me guider. Tu auras sûrement le rôle le plus important, alors je veux que tu sois le plus concentré possible ! Tu devras me dire exactement combien tu vois de fanatiques, l'endroit où ils se situent, et l'emplacement des miliciens retenus en otage. Et bien sûr, si jamais ça se corse en bas, j'aurais besoin de toi pour me couvrir pendant ma fuite, tu penses pouvoir faire ça ?
-Compte sur moi, tu seras pas déçu !"
S'exclama Wheaty avec enthousiasme, un sourire sérieux et déterminé sur le visage. Satisfait d'entendre ces mots, Klaro s'empara de son manteau noir afin de l'enfiler. Il faisait un peu plus frais aujourd'hui, et le soir serait sans doute pire pendant l'attaque.
Klaro avait décidé d'agir la nuit, la pénombre l'aiderait à se frayer un chemin plus facilement et diminuerait les chances de se faire repérer. Une fois tout deux prêts, le noiraud prit les devants, et trottina en compagnie du gamin pour un long et pénible trajet à travers la forêt, afin d'arriver à bon port. Pendant ce temps, au dessus de la forêt, le soleil se couchait peu à peu, et annonçait un début de soirée mouvementé pour les deux rebelles.
Le duo s'était caché depuis déjà une heure sur une plateforme dans les cimes d'un arbre, normalement utilisée pour les chasseurs du coin, et reliée à un réseau d'autres plateformes par des cordes, à utiliser comme une tyrolienne. Wheaty resterait ici, il avait une vue pardaite et dégagée sur l'ensemble du bâtiment que Klaro devait infiltrer pour retrouver les otages, et exécuter au passage la quinzaine de fanatiques que Wheaty était parvenu à compter avec la lunette de son sniper.
La tâche s'annonçait plus délicate et dangereuse. Klaro allait devoir les éliminer un à un sans se faire repérer, ne serait-ce qu'une seule fois, afin de garantir la survie des hommes d'Eli. Jusqu'ici, c'était la mission la plus périlleuse qu'il n'avait jamais eu à accomplir depuis son arrivée.
Mais il allait réussir, comme il l'avait fait depuis lors. Il se ferait un plaisir de reprendre ce centre touristique, simplement pour à nouveau que la famille Seed comprenne qu'ils n'était plus là pour jouer, et que Jacob aussi, sache ce que cela fait de perdre une bataille après toutes ses années.
Le noiraud se tourna vers le jeune homme qui tenait le sniper entre ses mains, déjà en place, alors que lui s'apprêtait à descendre.
"N'oublies pas, si jamais je me fais repérer, tu les descends sans hésiter. D'abord ceux autour des otages. C'est notre priorité, je passerai en second, je saurais me débrouiller... Compris ?
-Oui, chef !"
Rétorqua le gamin avec un signe de tête déterminé, accompagné de son sourire. Klaro descendit l'échelle en ferraille peinte en bleu, se laissant glisser tout du long pour une descente rapide et tout en finesse, avant d'atterrir sur le sol herbeux de la petite bute qui donnait vue sur le centre touristique. Il commença à descendre dans la pénombre, caché par les troncs d'arbres, les buissons, les rochers et les herbes hautes.
Il repéra un premier fanatique, proche de lui et loin de la porte du bâtiment, sans doute un éclaireur qui surveillait l'entrée de la forêt. Le jeune homme fit usage de la technique la plus facile que l'on pourrait imaginer : il s'empara d'un petit caillou pour le balancer derrière le grillage qui n'entourait même pas toute la propriété, créant un son de ricochet sur le sol.
Le fanatique sursauta, et ses genoux avaient failli flancher quand il se retourna, sa mitraillette en main. Les loups n'étaient pas rares ici, alors il n'espérait pas faire un face à face avec l'un d'eux. Il avança vers le grillage avec méfiance, tandis que Klaro maintenait son souffle pour se faire le plus discret possible.
Il approcha à pas de loup, le haut du corps abaissé, et sortit son couteau de chasse afin d'attraper le type par derrière une fois suffisamment proche, et lui trancha la gorge d'un geste net et précis. Un faible gémissement s'échappa de ses lèvres avant qu'il ne se mette à s'étouffer dans son propre sang. Klaro l'allongea derrière le grillage, le laissant perdre la vie, avant de regarder en direction de la porte.
Elle était entrouverte, et la voie était libre entre celle-ci et sa position, bien qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qui se trouvait derrière.
Il avança, toujours dans cette même position qui lui donnerait sans doute un mal de dos une fois cette soirée achevée, et vit la lumière à l'intérieur de la porte grandir au fur et à mesure qu'il s'approchait. Son coeur battait la chamade dans sa poitrine alors que la tension palpable dans l'air se faufilait dans ses veines. Mais fort heureusement, il parvint à en faire abstraction, jusqu'à ce qu'un fanatique débarque en ouvrant la porte vers laquelle il s'approchait.
Il y eut un bref instant de silence où les deux s'étaient regardés dans le blanc des yeux, un instant étrange et hors du temps. Mais finalement, le barbu redressa le canon de son fusil pendant que Klaro se redressa et lui fonça dessus avant de lui attraper la nuque, le tirant vers lui, et enfonça la lame de son couteau en plein dans son coeur, comme un couteau glisserait dans du beurre.
L'homme à la veste crasseuse gémit, et manqua de presser la détente en se crispant, cependant, Klaro eut le réflexe de l'en empêcher. A quelques secondes près, c'était la catastrophe assurée.
Il tira le cadavre encore chaud pour le dissimuler contre le mur derrière une lourde caisse en bois, et soupira de soulagement. Il s'en était fallut de peu cette fois-ci ! Mais il ne devait pas se relâcher, il était loin d'en avoir fini.
Wheaty assistait à la scène depuis son perchoir, observant Klaro à l'aide de la lunette de son sniper, et ce, avec une admiration débordante. Il énumérait chaque victime et admirait chaque geste du noiraud qui avait l'air d'avoir fait ça toute sa vie. Cette pensée l'amena à se demander ce que faisait Klaro avant d'être arrivé à Hope County... Militaire ? Agent d'une unité spéciale ? Ces titres lui vendaient du rêve.
Pour le jeune brun, la mission était déjà un franc succès à ses yeux. Rien ne pourrait les empêcher de réussir. Il voyait les fanatiques tomber comme des mouches les uns après les autres, et Klaro était parvenu à libérer plusieurs otages qui, sans attendre ses indications, quittèrent le centre touristique afin de retourner au Wolf's Den, laissant Klaro sur place qui pouvait largement se débrouiller seul.
Wheaty n'en croyait pas ses yeux, il était comme un gosse devant son superhéros et s'exclamait chaque fois qu'il voyait Klaro battre les grands méchants, les tuant chacun d'une façon différente. Alors qu'il avait ce sourire béat aux lèvres en regardant Klaro défoncer le crâne de l'un de ces types contre le rebord d'une table, il se figea avant de perdre son petit air admiratif, remarquant une étrange lumière qui l'éblouissait un peu par la gauche.
Il fit pivoter son sniper afin de regarder dans la bonne direction. Son viseur tomba directement sur un gros camion, accompagné d'un convoi de véhicules juste derrière. Voilà qui sentait mauvais.
Wheaty savait qu'à deux, ils n'arriveraient jamais à venir à bout de cette armée, ce serait du suicide, son sniper ne lui serait d'aucune utilité, du moins pour l'instant... Il posa ce dernier et se retourna pour fouiller dans son sac d'un air paniqué après avoir juré, cherchant à tout prix le talkie-walkie afin d'appeler Eli en urgence.
Klaro, de son côté, ne savait rien de ce qui se passait, jusqu'à ce qu'il se redresse après avoir terminé d'achever sa victime. Il fut ébloui par les phares d'un groupe de voitures qui se gara en trombe devant le gros bâtiment. Plusieurs types s'extirpèrent du véhicule et tirèrent dans sa direction sans la moindre retenue. Le noiraud écarquilla les yeux et s'abaissa, se cachant derrière le mur, avant de voler le fusil à pompe du cadavre tout frais. Le voilà prit au piège.
Il grogna en sachant que la situation venait de tourner à son désavantage. Qu'allait-il faire ? Fuir ? Hors de question, il venait de récupérer cet endroit, il n'allait surtout pas l'abandonner si facilement ! Il s'approcha de la porte qui donnait sur l'extérieur, et commença à tirer sur les hommes qui couraient dans sa direction. Certains gravissaient les escaliers en bois du bâtiment pour aller le cueillir, et Klaro se fit un plaisir de leur offrir comme cadeau de bienvenue une cartouche dans les dents.
Il les descendit, un à un, mais malheureusement, ils devenaient de plus en plus nombreux. La fuite était sa seule option. Il jura dans sa barbe avant de s'enfoncer au coeur du bâtiment en bois, et courut vers la porte arrière. Il ne s'arrêta pas, ne se retourna pas, et ouvrit la porte sans se poser de question dans la précipitation.
Mais il se retrouva face à un homme qu'il n'eut même pas le temps de détailler. Ce dernier lui asséna un violent coup de crosse dans le front, le faisant tomber dans les vapes. Tout ce que Klaro avait pu voir, c'était cette chevelure rousse terne, presque brune, et un amas de cicatrices sur son visage.
[Only you]
[Can make all this world seem right]
La douleur, voilà ce qu'avait ressenti Klaro en premier quand il était revenu à lui. Un horrible mal de tête faisait vibrer son crâne alors qu'il sentait son esprit faire des vas et viens entre la somnolence et l'éveil.
[Only you]
[Can make the darkness bright]
Il cligna des yeux plusieurs fois, alors que les sons autour de lui prenaient la forme d'un écho lointain et douloureux, comme s'il était au sommet d'un canyon si profond qu'il atteignait les entrailles de la Terre. Si loin, mais si proche à la fois. Ses yeux ne lui offraient pas la visibilité dont il aurait souhaité. Tout était flou autour de lui, incorrect, difforme, dénué de sens et de vie.
[Only you]
[And you alone can thrill me like you do]
Et cette fichue musique qu'il avait l'impression d'entendre depuis des heures. Cette musique qui faisait vibrer ses tympans de façon bien douloureuse, et qui se faisait absorber par sa cervelle comme le ferait une éponge.
[And fill my heart with love for only you]
Peu à peu, Klaro entendit une voix annexe à celle de la chanson. Une voix proche de lui, et qui n'était pas vraiment agréable à entendre, bien qu'elle chantait. Une voix enrouée, impropre au chant. Un chant de corbeau, grave, qui chantait faux.
Au fur et à mesure que Klaro récupérait la vue, il comprit qu'il se trouvait dans une pièce sans fenêtres, avec un grand drapé blanc sur le mur, sur lequel étaient projetées des images qu'il pouvait enfin voir. Des loups, enragés, avec les babines recouvertes de sang, qui dévoraient sauvagement des cadavres de cerfs, qui s'entretuaient. Un carnage et un amas de dents jaunis en plein réveil, rien de bien romantique.
Autour, des postes de télévision, vieux, qui passaient des images de cet homme, qui se trouvait juste en face de lui, et qui approchait...
L'homme qui l'avait sauvagement frappé au crâne, chantait la chanson qui retentissait dans la petit salle froide. Il s'approcha peu à peu, tandis que Klaro le voyait partout sur les écrans de télévision, si bien qu'il ne savait même pas lequel regarder dans les yeux, sans savoir lequel était le vrai.
A mesure que cet homme approchait, notre pauvre prisonnier pouvait enfin discerner les traits de son bourreau. C'était un homme, assez grand, sûrement dans la quarantaine. Il avait des cheveux roux, voir bruns caramel, rasés sur les côtés, et coiffé vers la gauche. Il avait une barbe assez épaisse, qui faisait grossir son visage déjà bien amoché, ainsi qu'une moustache pimpante sous le nez. Il avait les oreilles très écartées, le visage recouvert de cicatrices, ou bien de brûlures, Klaro n'était pas sûr. Le contour de ses yeux était très creux, et il portait un t-shirt gris avec une veste militaire.
Klaro eut juste le temps de voir ce qui y était inscrit : "Seed. U.S. Army". Il avait aussi un collier en chaîne duquel pendaient des plaques militaires, et un autre avec un genre de sifflet, ou quelque chose qui y ressemblait, et peut-être un morceau de fourrure, comme une patte de lapin, ou quelque chose de tout aussi étrange et répugnant. Il était aussi habillé d'un jean recouvert de terre, des grosses bottes marrons, et avait les manches retroussées. Ses bras fort et musclés, étaient eux aussi parsemés par ces cicatrices étranges.
Cet homme était vraisemblablement un Seed, et Klaro l'avait compris avant même d'avoir lu ce nom sur sa chemise. Ces yeux, Klaro les avait déjà vu tant de fois. Ils étaient bleus, dans un ton glacé, comme ceux de John. Il avait un air de famille certain avec Joseph et ce dernier. Il s'agissait donc de Jacob.
Jacob Seed. Le maître de Whitetail Mountains.
En voilà une surprise, se dit-il. Une fois de plus, la famille Seed l'étonnait, et l'avait piégé, à croire que c'était leur spécialité dans la famille. Klaro espérait simplement que Wheaty ne se soit pas fait enlever lui aussi, sinon, la situation serait pire encore...
Le rouquin s'avança vers lui, avec une démarche assurée et dominante, comme s'il se prenait pour l'Alpha, mais aussi l'Omega. Il arriva juste en face de Klaro, et se pencha avant d'empoigner fermement le dossier de la chaise près de son cou. C'est à cet instant que Klaro se rendit compte qu'il était ligoté à sa chaise, ce qui ne serait pas la première fois... Ou bien peut-être pas. En tout cas, être attaché et kidnappé, ça, c'était devenu une habitude.
"Alors c'est toi, celui que mes hommes appellent l'Ange noir ? Celui dont tout le monde parle, y compris mes frères !"
Il avait l'air de le connaître, alors les présentations n'étaient pas vraiment nécessaires ! Cependant, si Klaro avait réussi à cerner les autres membres de la famille Seed qu'il avait déjà croisé, notamment cette de Joseph, et celle de John plus encore, pour ce qui était de Jacob, il en était bien moins sûr. Ce type avait l'air d'être le plus mur de la famille, mais à la fois, il avait l'air d'être encore plus violent que ses cadets.
"Je suis presque enchanté de faire ta connaissance, je dois bien admettre. Tes "exploits" depuis ton arrivée sont plutôt... Impressionnants."
Dit-il en se redressant, lui laissant un peu d'espace pour respirer, alors qu'il vint faire le tour de la chaise sur laquelle Klaro était ligoté, formant un cercle autour de lui, comme un vautour qui tourne autour de sa proie à l'agonie, attendant patiemment son dernier souffle pour en tirer profit.
Klaro n'avait pas pu s'empêcher de sourire quand Jacob avait eu l'audace de dire qu'il était enchanté de le voir. Il était bien le premier à le dire, bien qu'au fond, il savait que ce n'était pas une mesure de politesse, mais peut-être même du sarcasme.
"C'est réciproque. Même si j'ai du mal à croire que c'est honnête..."
Encore dans les vapes, Klaro avait du mal à continuer à parler, incapable d'allonger ses phrases alors que son souffle semblait lui manquer bien plus rapidement.
Jacob pouffa de rire, de façon sincère, cette fois-ci. C'est vrai que c'était invraisemblable, lui-même devait l'admettre. Mais là où Joseph et John voyaient de l'arrogance en cet homme, Jacob voyait un potentiel qu'il lui serait possible d'exploiter.
"Disons, que tu es différent de tous ces gens que nous avons rencontré jusqu'ici, et qui ne suivaient pas notre idéologie. Tu as quelque chose qu'ils n'ont pas, et je l'ai remarqué très facilement ! expliqua-t-il, l'index levé vers le plafond, alors qu'il s'avança de quelques pas légers vers Klaro. Il s'accroupit près de lui, posant de nouveau sa main sur le dossier de la chaise, plongeant son regard bleuté dans le sien. Tu es fort. Eux, en revanche, sont faibles. Tu as accompli à toi seul ce qu'eux n'ont pas réussi à faire ensemble. Ils te donnent tout le mauvais boulot, car ils sont trop incapables, trop effrayés à l'idée de se salir les mains, ou n'ayant simplement pas les tripes qu'il faut, l'acuité nécessaire pour repérer le danger, et de le dompter, non pas de le fuir comme ils le font. Tu as même réussi à avoir John, ce qui n'est pas rien, en un sens."
Jacob prenait un air si sérieux que Klaro ne pouvait que l'écouter, là où avec Joseph et John, la discutions rentraient généralement d'une oreille pour sortir de l'autre. Cependant, il n'avait pas la même vision que Jacob sur ses nouveaux acolytes. Il était conscient d'avoir fait beaucoup pour eux, mais contrairement au rouquin, il ne voyait pas ça comme de la faiblesse, du moins, pas en un sens aussi extrémiste. Il avait vu ce qu'ils avaient enduré, que tout ça les avait épuisé. Lui, avait compris que sa force, c'était d'être imprévisible. Nouveau dans la vallée, sans rien à perdre, ni maison, ni famille, inconnu au bataillon, il était plus à même d'agir sans peur des répercussions.
"L'être humain a perdu ses instincts primaires, il a acquis cette tendance à déprendre de la société qui s'est forgée, et qui pourtant peut s'effondrer du jour au lendemain. L'Homme est destiné à s'autodétruire, et ça s'observe depuis le début de l'humanité. Les empires s'effondrent, puis s'en rebâtissent d'autres, avant de s'effondrer eux aussi. Car la majeur partie de l'espèce humaine est faiblarde, trop attachée au confort qu'ils ont obtenu. L'Homme ne se fit plus à son instinct de prédateur, mais à celui d'un mouton qui suit le berger. Le seul moment où l'Homme est réellement lui même, c'est quand il est confronté à la mort. La loi du plus fort reprend le dessus, et là, on sait si un Homme est fort ou faible. Les forts doivent exterminer les faibles pour préserver l'espèce, car les faibles ne sont que des poids lourds, inutiles et profiteurs."
Le plus étonnant, c'est que le discours de Jacob contenait beaucoup trop de vérité, si bien que Klaro se sentait coupable de se l'admettre. L'Homme se détruit continuellement, certes, mais de là, à voir le mal en chacun d'entre eux, c'est tomber dans la misanthropie et la sociopathie absolue.
Chacun des membres de la famille Seed semblait avoir chacun une idée bien stricte sur la société, les Hommes et le monde qui les entoure. Le poussant à agir avec des œillères, sans se soucier de la morale sous prétexte qu'il n'y en a plus, sans se pencher sur le cas par cas, et tout ça avec des méthodes un peu trop violentes à son goût. Pour eux, il faut faire abstraction de la pitié, et avancer quoi qu'il advienne, mais pour Klaro, le monde devait fonctionner différemment.
Cette technique fut utilisée à bien des reprises déjà par le passé, sans prouver de résultats positifs sur le long terme, la preuve en est aujourd'hui. Le plus grand défaut de l'être humain est son égoïsme, et il est inutile de chercher bien loin pour le voir. Le monde est peuplé d'une majorité d'êtres égocentriques dans une société individualiste. Mais au final, tout cela devenait normal, parce que tout le monde le fait, mais aussi parce qu'on pousse tout le monde à le devenir.
Au fond de lui, Klaro comprenait ce que les Seed cherchaient à faire. Ils voulaient combattre cette société ravageuse, mais pour ça, ils se contentent d'argumenter avec cette idée simple : "le monde est déjà détruit, à quoi cela servirait-il de vouloir le réparer ?". Seulement, ils ne se rendaient pas compte qu'ils devenaient comme ces gens qu'ils dénonçaient. Malheureusement, subir des atrocités amène souvent à perpétrer soit même des atrocités.
Klaro et Jacob échangèrent un long regard, cherchant chacun à lire mutuellement l'âme de l'autre. Klaro pourrait les rejoindre, il pourrait avoir cette haine envers le monde, il était bien placé pour en ressentir, mais il n'avait visiblement pas encore touché le fond, et gardait des principes.
"Vous vous trompez. Etre fort et se battre pour soi, c'est important je le reconnais, mais on l'est encore plus quand on se bat aussi pour les autres. rétorqua le noiraud, d'un regard bien plus froid, le regard froncé, alors que Jacob se mit à sourire, presque touché par sa "naïveté". Ce dernier baissa les yeux d'un air mélancolique, et dit.
-C'est ce que je pensais aussi, figures-toi. C'est pour cette raison que j'ai rejoins l'armée. Mais quand on est prêt à donner sa vie pour les autres, le système en profitent, et se dit qu'une vie prédisposée au sacrifice n'a pas besoin d'être sauvée, même si elle le demande. Après tout, elle a signé pour ça ! On nous traite comme de la chair à canon, sans rien nous offrir en retour, même si on ne demande pas grand chose au final.
-Vous avez l'air de plutôt bien vous porter pour une victime, je juste a comme ça !"
Klaro redevenait arrogant, car ce qui l'entendait ne lui plaisait pas vraiment. Il avait levé les yeux au ciel, sachant que comme ses frères, tenter de le résonner ne serait qu'une immense perte de temps.
Jacob ricana, bizarrement, ça le faisait vraiment rire. Il se releva, faisant légèrement craquer ses genoux endoloris, et il tourna les talons. Il s'approcha d'un gramophone, vieux, mais toujours éclatant. Un objet plutôt vintage, avec un pavillon fait d'une couleur dorée, et un plateau en bois vernis. La musique avait cessé, le vinyle ne tournait plus. Jacob prit délicatement le bras du gramophone, et l'amena jusqu'au bord du vinyle. Le pavillon émit un son grésillant et désagréable, alors que la musique recommença.
-Only you-
-Can make all this world seem right-
Jacob s'approcha de nouveau de Klaro, mais resta à distance. Il se positionna à quelques mètres de lui, alors que le haut de son corps était brouillé par le projecteur qui continuait de diffuser ces images macabres, maintenant sur son visage que Klaro ne pouvait plus discerner.
-Only you-
-Can make the darkness bright-
Jacob tenait dans ses mains un objet que Klaro n'avait pas encore vu. Depuis quand le tenait-il ? D'où le sortait-il ? Ca ressemblait à une espèce de petite boîte à musique, tout ce qu'il y a de plus banal, faites en bois, et pas plus grande qu'un paquet de cigarette. Doucement, Jacob ouvrit le couvercle, la tenant dans son autre main.
-Only you-
-And you alone can thrill me like you do-
La musique douce et enchanteresse de la boîte à musique se mêla au rythme joué par le vinyle, et à peine Klaro entendit le tintement de la boîte qu'une douleur insupportable, qu'il n'avait encore jamais ressenti, prit possession de son crâne. Son esprit se mit à vaciller, tout devenait flou, son champ semblait se rétrécir alors qu'un anneau sanglant se formait autour de ses yeux. Ses muscles se contractaient, des fourmillements parcourant ces derniers, et il ne put retenir un glapissement de douleur alors qu'il serra ses points à s'en briser les doigts sur les accoudoirs de la chaise, et que son corps se mit à se secouer, prit de sortes de convulsions violentes.
Son corps s'emballa, alors que Klaro sentait que la douleur atteignait un sommet qu'il ne pouvait plus supporter. Après ces quelques secondes interminables remplies de douleur, il sentit sa vision se détériorer, tombant peu à peu dans une pénombre inquiétante, avec l'écho de la musique douce et délicate.
-And fill my heart with love for only you-
Alors qu'il venait de sombrer dans le plus profond des niveaux de l'inconscience, Klaro se mit à rêver. Un rêve étrange, dans un lieu étrange. Il ne se souvint pas de l'entièreté de ce rêve, seulement des bribes, des flash, des images subliminales, comme n'importe qui une fois réveillé.
Il se revoyait dans cette même pièce où il s'était trouvé avec Jacob un instant plus tôt, puis se vit marcher dans un couloir, menant vers d'autres pièces, parfois dans des couloirs ne menant nul part, à la façon d'un labyrinthe. Il entendit des voix, des voix qui répétaient des mots, des paroles,, comme "Traquer. Tuer. Sacrifier." ou "A mort les faibles.", "Tu n'as rien d'un héro.", et par dessus tout, il entendait encore cette musique, qui prenait une dimension sombre et bizarre, retentissant comme un écho dans un canyon, les aiguës résonant dans ses os.
Il se voyait de temps en temps avec une arme, qui parfois changeait de forme et de modèle, tuant des gens sur son passage qui le menaçaient eux aussi avec des armes, comme s'il croisait des gens dans la même situation que lui, et qu'il était contraint de choisir. C'était eux ou lui.
Il entendit plusieurs fois la voix de Jacob dans les airs comme une voix divine, comme s'il le guidait ou le contrôlait dans les couloirs qui changeaient et semblaient ne jamais finir. Il revoyait des culs de sacs, des flammes statiques et bloquées dans le temps, une lueur orangée, comme si le bâtiment était en proie à un incendie.
Il vit aussi des morceaux du bâtiment voler en éclat, dont les débris se mirent à voler sur place, sans jamais tomber, comme si le temps s'était arrêté. Tout cela ne faisait pas sens, et bientôt il oublierait une grande partie de ce rêve étrange, où ne serait plus capable de le situer dans le bon ordre, mais en revanche, il se souvint à merveille de la fin de ce rêve.
Il se vit glisser le long d'un couloir dirigé vers le bas, dont les murs étaient en ruines et flottaient, entouré par le ciel mauve clair et parsemé de nuages ensanglantés. Une fois en bas, il atterrit dans un petit couloir le menant à une pièce étrange, un grand espace, dans lequel il fit la rencontre d'un curieux personnage.
Un soldat, sans visage. Qui se tenait là, et s'apprêtait à lui tirer dessus quand Klaro brandit son arme vers lui, et que le temps se mit à soudainement ralentir. Il tira plusieurs balles dans le torse de cet homme monstrueux de deux mètres de haut, habillé en tenue militaire, et qui se fit propulser en arrière, ses pieds se soulevant lentement du sol sous la force des balles qui traversaient son torse.
Klaro voulait courir encore, il voulait fuir et sortir de cet endroit morbide, mais il était freiné par on ne sait quelle force, comme dans ces rêves où il voudrait courir, mais que chaque pas qu'il faisait lui donnait l'impression de courir dans du sable moue et instable.
Il sentit peu à peu son esprit vaciller, la pénombre l'entoura de nouveau, et enfin, il eut droit à ce calme absolu, plongé dans un nouveau sommeil.
Klaro se réveilla, avec un mal de tête assourdissant pour la quinzième fois de la journée. Il ne savait pas combien de temps cette histoire avait duré, combien de temps Jacob l'avait retenu prisonnier et combien de temps son bad trip avait duré. Il l'apprendrait plus tard, mais voilà maintenant cinq jours qu'il avait disparu.
Il avait faim, soif, il se sentait faible, engourdi, et l'impression d'être sale. Il se redressa, et fut surpris de se voir dans un creux au bord d'une falaise. Il baignait dans une marre de sang, il y en avait partout sur lui également, et pourtant ce n'était pas le sien. Il n'était pas blessé, juste très sonné. Il regarda ses mains couvertes du liquide rouge, s'essuya les yeux et le front recouvert de terre et de sueur à l'aide de ses manches un peu plus propres, alors qu'il remarqua qu'il ne se sentait pas spécifiquement bien...
Il avait l'impression d'être souillé jusqu'à l'os, crade et vide de toute énergie, comme s'il avait passé des mois dans un coma rempli de cauchemars. Il devait rentrer, même s'il devait faire tout le chemin à pied, ce qui ne serait pas de tous repos. Il se mit à quatre pattes avant tout, et tenta de se lever. La tâche fut plus difficile que prévu, si bien qu'il dû se retenir contre la surface rocheuse de la falaise quand il manqua de trébucher. Il ne savait même pas où il était, et comment rentrer à Fall's End, ou au Wolf's Den.
Il marcha, et quelques pas étaient déjà de trop. Le chemin allait être long et insupportable, mais nécessaire. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'avait fait Jacob, mais il n'appréciait pas le ressenti final, tous ça lui semblait pire encore que la fois où il avait été sous l'emprise de la Grâce.
Il entama son long périple, alors que la musique se rejouait dans sa tête, presque à le rendre fou, alors que chaque fois qu'il tentait de l'oublier, il y pensait plus encore.
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