𝕍𝕀 - 𝕃𝕖 ℙ𝕖𝕔𝕙𝕖𝕦𝕣 𝕔𝕣𝕠𝕚𝕤𝕖 𝕝'𝔸𝕟𝕘𝕖 𝔻𝕖𝕔𝕙𝕦 -
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Klaro venait de trouver un refuge sur une île, lui offrant ainsi un lieu de repos, mais surtout un sentiment de sécurité. Dutch, malgré son air rustre et glacial, avait su se montrer compréhensible et reconnaissant - à sa façon- pour tout ce qu'il avait fait depuis son arrivée, et tout ce qu'il pourrait faire à l'avenir pour la vallée.
Après tout, le jeune homme n'avait pas demandé à être ici, et le voilà maintenant emporté dans un torrent infernal où l'épée de Damoclès le menaçait juste au dessus de sa tête. Cependant, cette aventure amusait et enjouait plus Klaro qu'elle ne l'effrayait pour l'instant. Lui qui avait toujours recherché la vie pleine de rebonds, une vie remplie, qui ne stagne jamais et où il pourrait être utile en usant pleinement de ses capacités, il venait d'être servi ! Il voyait son arrivée dans cette vallée sous tout ses angles, positifs et négatifs, bien qu'il avait eu une trouille bleue les premiers jours. Certes, il risquait sa vie, mais au moins, il pouvait fracasser le crâne d'une bande de tocards psychopathes sans risquer de se faire taper sur les doigts. Lui, au moins, faisait le travail que la loi n'osait pas faire, par peur de se salir les mains. Il ne comprenait toujours pas comment les Seed pouvaient tenir en otage toute une vallée sans risquer quoi que ce soit.
Le noiraud venait de mettre son grain de sable dans l'engrenage, et il en était plus que fier. Il était conscient des problèmes qu'il avait causé à la secte, et il avait bien envie d'en provoquer d'autres. Il allait être ce petit rongeur qui allait slalomer entre leurs pattes pour les faire trébucher encore et encore, jusqu'à les faire tomber du faussé.
Il n'avait pas encore rencontré toute la famille, mais il savait que ça n'allait pas tarder, et le peu qu'il en avait vu lui suffisait déjà pour savoir qu'ils étaient tous aussi timbrés les uns que les autres... Joseph était, à ses yeux, un homme particulier. Un homme brisé, chose qu'il pouvait aisément voir dans son regard, bien que peu expressif, à tel point qu'il était prêt à toutes les crasses pour aujourd'hui faire ce qu'il lui semblait juste. Comment le savait-il ? Klaro avait vu ce regard un bon nombre de fois dans le miroir. Mais tandis que Klaro se battait par la force de ses poings et de ses paroles cinglantes, Joseph s'était tourné vers Dieu, et était plongé dans une folie qui l'aveuglait et l'empêchait de voir que les atrocités auxquelles il donnait lieu ne valaient pas mieux que celles du reste du monde. Sa vision de la morale était comme inversée. Pour lui, il ne faisait rien de mal, et c'était bien là le plus triste.
Joseph était certes effrayant, mais Klaro ressentait un certain intérêt pour ce personnage... Qu'est-ce qui aurait pu le pousser à se prendre pour la voix de Dieu ? Pour se prendre pour le nouveau Jésus ? Un Jésus tatoué, qui n'a pas peur d'hurler aux armes, ou de noyer ceux qu'il considère comme ses propres enfants, d'ailleurs.
Il n'avait pas encore vu toutes les choses horribles dont il était capable, mais il savait très bien que tôt ou tard, il les verrait. Comme il était destiné à rester coincé ici, il aurait tout le temps de les admirer !
John, quant à lui... Klaro n'arrivait pas à le cerner. Son comportement jusqu'ici avait été plutôt passif pour le membre le plus sadique de la famille. Il n'avait pas agis en sa présence, et pourtant, tout ce que les autres lui racontaient à son sujet lui aurait fait croire qu'il l'aurait tué dès la première occasion. Mais John n'avait pas bougé une seule fois face à lui. Bon, il avait un charisme incroyable, il le savait... Mais à ce point, c'était plus très drôle.
Il était vraiment déçu de son manque de réaction ! Ce curieux personnage avait l'air d'être différent de Joseph. Il était totalement plongé dans son délire religieux, alors que son jeune frère semblait l'avoir suivi simplement parce qu'il ne savait pas où aller, par manque de repère. Une brebis perdue qui suit la meute de loups déguisés.
John avait vite fait de s'étonner lui-même de son propre comportement lui aussi, et souhaitait à tout prix y remédier. Il voulait se rattraper, et se rassurer lui-même en se disant que la prochaine fois qu'il croiserait Klaro, il lui ferait ce qu'il avait fait à tout ceux avant lui, si ce n'était pire. Il ne réagirait plus ainsi, il ne serait plus faible, il n'aurait plus peur, il ne serait plus impressionné de la sorte à en perdre ses moyens.
Et pour ça, il avait envoyé Ambrose.
Ambrose était quelqu'un d'encore plus dérangé que Joseph. Il le cachait très bien, au fond, il était obsédé par le sang et la douleur que ressentaient ceux qui subissaient la purification. Il n'était pas seulement très impliqué dans le plan de Joseph, il était surtout... Psychopathe. Depuis qu'il les avait rejoint, il avait tué pour la première fois, et comme ce ne fut pas la dernière, il y prit goût très vite. Il se servait indirectement de sa croyance en la secte comme pour punir les impies et tout ceux qui se dressaient sur son chemin, et cette fois, il s'agissait de Klaro.
Dans la tête de l'albinos, Klaro était déjà mort, et devrait d'ores et déjà préparer sa pierre tombale et sa prière. Il le sous-estimait beaucoup, mais Ambrose n'avait pas peur de l'extrême, et encore moins d'un petit nouveau qui s'improvisait justicier de la vallée depuis quelques jours.
Klaro était maintenant dans la forêt, sous la demande de Casey qui avait besoin de gibier pour un gros repas ce soir-là. La nourriture manquait dans Holland Valley, les fanatiques avaient vite fait de presque les affamer. Klaro avait donc laissé son gros fusil chez Mary May, et avait gardé son Colt, et emporta avec lui un arc de bonne qualité, avec lequel il dût s'entraîner une bonne demi-heure avant de partir. Il n'allait pas les laisser mourir de faim... Alors il ferait son possible. Il n'était pas encore un as du tir à l'arc, mais c'est en forgeant que l'on devient forgeron, pas vrai ?
Il s'avança dans la forêt qui recouvrait la colline comme un tapis de fourrure, grimpant sur les quelques rochers qui lui barraient la route et rendaient le terrain presque impraticable à certains endroits, en cherchant quelque chose à chasser. L'oreille tendue et les yeux alertes, chaque feuilles qui tombait de sa branche, chaque buisson qui dansait sous un faible courant d'air n'échappait pas à Klaro. Il en profita pour admirer le paysage, parsemé d'arbres et de terres presque vierges, un endroit qu'il n'arrêtait jamais d'admirer. Le bruit des feuillages craquaient sous ses pas, et quelques bruits dans les broussailles laissaient s'échapper des oiseaux chantant et battant des ailes vers d'autres branches un peu plus haut.
Klaro cherchait un cerf, ou peut-être une dinde... Car oui, les dindes, il y en avait dans le coin. Mais il devait aussi rester sur ses gardes et ne pas croiser un énorme élan prêt à le charger, ou un ours, voir une meute de loup ou un gros cougar. La faune était variée, et on ne peut plus sauvage. Une nature comme toujours manipulatrice ! De beaux décors, de belles couleurs et de belles symphonies, mais toujours de grosses épines à sa tige...
Pendant qu'il poursuivait sa marche, il se raidit en entendant un craquement juste à sa gauche. Il se tourna en direction du bruit, et s'abaissa afin de se retrouver accroupi. Il plissa les yeux, et vit la tête gracieuse et fine d'une charmante biche qui se dressait derrière un buisson, mâchouillant un morceau d'herbe qui dépassait de sa bouche. Voilà la proie qu'il attendait, et il ne devait pas la louper...
Klaro tira sur la corde de son arc, visa la tête de l'animal qui redressa les oreilles dans un geste soudain, essayant de capter le moindre son, comme si elle avait deviné la présence d'un prédateur. Son doigt glissa soigneusement, prêt à lâcher la corde, tandis que le jeune homme se tenait de viser correctement, essayant de pointer la flèche vers le coeur en travers de la poitrine à peine visible de l'animal, cachée par les feuillages.
Il retint son souffle, fermant un oeil, alors que plus aucun son autour de lui ne pouvait le déconcentrer.
Sauf peut-être le grognement rauque suivit de l'énorme bête qui fonça sur la biche pour la mettre au sol en un clignement d'oeil. L'animal poussa un cri de douleur terrible pendant que le prédateur se faisait une joie de lui arracher des lambeaux de chair entiers. Klaro cessa de viser après avoir sursauté, il n'avait eu le temps de ne rien comprendre, tout s'était passé si vite ! Il se redressa, et vit une masse de poils blancs s'agiter sur le cadavre de la bête. Quand l'animal cessa de s'acharner sur le pauvre cervidé à moitié déchiqueté, Klaro pouvait enfin voir la bête dans ses moindres détails.
C'était un énorme chien loup Spencer, absolument énorme. Ses pattes faisaient la taille d'une main humaine, si ce n'était plus grand encore. Son pelage blanc immaculé était tâché du sang frais de la biche qu'il venait de massacrer, et ses babines retroussées vibraient au rythme de ses grondements bestiaux. Ses yeux bleus-gris très clairs, presque blancs, ne lâchaient pas le jeune homme du regard, qui sentit la peur lui monter depuis ses pieds jusqu'à ses genoux, montant tout le long de son corps, le pétrifiant l'espace d'un petit instant, comme si son corps lui hurlait de juste courir cette fois-ci...
Il n'avait aucune chance face à cette bête, en tout cas, pas maintenant ! Elle était beaucoup trop proche de lui, et se rapprochait dangereusement avec la ferme intention de lui faire subir le même sort, faisant un pas après l'autre, lentement, ses crocs dirigés vers lui. Klaro n'attendit pas, et prit ses jambes à son cou, traversant la forêt à toute hâte en entendant le gros loup le prendre en chasse.
Il l'entendait aboyer, grogner, courir avec agilité et sauter par dessus les branches et autres obstacles qui obstruaient sa course. L'animal haletait si fort que Klaro avait l'impression que la bête se trouvait juste derrière lui.
Il n'avait pas la moindre idée d'où sortait cette bestiole, mais il n'avait pas très envie de le lui demander. Le jeune homme courait à travers le bois dense, sans savoir où il allait. Il courut, encore et encore, pendant de longues minutes, et parvint agrandir la distance entre lui et l'animal qui, cependant, n'allait clairement pas lâcher l'affaire de sitôt. Klaro continua, perdant lentement le souffle, jusqu'à arriver au bord d'un petit précipice, qui menait vers une étendue d'eau. Un petit lac lié par une rivière un peu plus loin.
L'eau avait l'air assez profonde, suffisamment pour ne pas se casser les deux jambes en plongeant, et la distance n'était pas dangereuse, en revanche, Klaro était pris d'un grand malaise à la vue de l'eau.
Depuis sa venue ici, chaque fois qu'il avait plongé dans l'eau, il avait manqué d'y laisser sa vie, à tel point qu'il craignait d'en avoir une certaine phobie si ça continuait comme ça. Il regarda la surface de l'eau, plate et calme, claire mais qui ne laissait pas entrevoir le fond. Puis il regarda derrière lui, apercevant la silhouette blanche dans la forêt un peu plus loin, comme un fantôme entre les arbres qui se mit à hurler de vive voix en sachant que le jeune homme était pris au piège.
Le noiraud regarda l'eau à nouveau, puis inspira profondémment. Il devait le faire, il devait sauter s'il ne voulait pas se faire déchiqueter par la bête qui le poursuivait. Alors qu'il pouvait entendre le chien loup à quelques mètres derrière lui, Klaro fit quelques pas rapides, prenant autant de vitesse qu'il le pouvait, avant de bondir, se tenant le plus droit possible, alors qu'il sentit son coeur remonter jusqu'au bord de ses lèvres. Il garda les lèvres bien fermées, afin de ne surtout pas le laisser s'échapper !
Ses pieds touchèrent la surface du lac en premier, avant que son corps tout entier ne plonge dans l'eau glaciale, ce qui lui coupa le souffle. Son sang sembla cesser de circuler l'espace d'un petit instant, alors que Klaro commençait seulement à y voir plus clair quand les bulles s'éparpillèrent et remontèrent à la surface.
Il leva les yeux et vit les rayons du soleil traverser la limite entre l'eau et l'air. Il nagea précipitamment, battant des jambes et ramant avec ses bras pour remonter. Sa tête s'extirpa de l'eau, et il prit une profonde inspiration en levant les yeux vers la petite falaise où le loup était penché, grognant et aboyant furieusement dans sa direction.
Klaro ne se fit pas prier pour nager le plus vite possible vers la berge d'en face, sans même regarder autour de lui. Il n'avait qu'une envie : sortir de l'eau. Son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine, si bien qu'il avait l'impression que ce dernier allait percer sa cage thoracique et couler dans le fond de l'eau. Le simple fait de s'imaginer dans un lac de plusieurs mètres de profondeur procura en lui un sentiment de malaise qu'il ne se connaissait pas.
Il arriva au bord, rampa à quatre pattes sur les premiers mètres pour être totalement hors de l'eau, et se redressa, la tête basse, et les mains posées sur ses cuisses non loin de ses genoux. Il reprit son souffle après cette course effrénée et ce plongeon douloureux. Sa respiration sifflante lui faisait un mal de chien, sa gorge était si douloureuse que c'était comme si on lui avait percé le cou, près du torse.
Après avoir repris son calme, il redressa la tête et se releva, mais n'eut que le temps de voir une paire de chaussures blanches boueuses et un genou, qui vint atterrir en plein dans son nez.
Klaro poussa un gémissement de stupeur et de douleur alors que son corps partit en arrière, et que son dos s'étala dans la gadoue proche du rivage. Son nez lui était à la fois douloureux, et insensible. Il ne sentait plus le bout de celui-ci, et eut le réflexe de porter ses doigts à ses narines, afin d'y découvrir quelques gouttes de sang.
En relevant la tête, il vit un homme qui lui faisait face, les poings serrés.
Il s'agissait d'Ambrose, cet homme à la peau aussi blanche que la neige tombée en plein hiver, à la chevelure qui se confondait avec le reste de son corps, tout comme sa barbe, tel un camouflage. Seuls le jeu d'ombre et les quelques variations de teinte permettaient d'entrevoir les formes de son visage. Il avait l'air d'un véritable fantôme, éclairé par la lumière puissante du soleil, presque à en devenir aveuglant. Ses yeux bleus extrêmement clairs fixaient Klaro avec intensité, et une pointe de sadisme et de froideur en émanaient aussi.
L'homme était habillé d'un lourd manteau blanc ouvert, laissant apparaître son torse marqué de la croix de Joseph. Sa boucle de ceinture énorme et ronde brillait sous les rayons du soleil qui traversaient les feuillages des arbres. Son pantalon blanc était légèrement sali par le sang sur son genou et par la boue autour de ses chevilles. Il portait des bottes, elles-aussi blanches, du moins, avant d'être aussi encrassées, cachées sous son pantalon. Son manteau particulièrement long allongeait sa silhouette, tel une cape, et son regard gelé transperçait l'âme de Klaro. De multiples cicatrices recouvraient son torse et son bas ventre, des hématomes persistaient autour de son cou, qui pourtant semblaient vieux, comme une vieille marque qui ne partirait jamais.
Klaro ne savait pas qui était cet homme, mais il savait qu'il s'agissait de l'un de ces fanatiques, ça crevait les yeux, et il fallait être un réel imbécile pour ne pas le voir. L'inconnu s'approcha et lui attrapa le col pour le soulever, le forçant à se remettre debout, avant de lui flanquer son poing dans le figure.
Il avait une force telle qu'il n'avait pas pu résister, et son visage de Klaro partit sur le côté quand il reçut le coup, alors que quelques gouttes de sang giclèrent, et que son corps trébucha en arrière sur la boue du rivage. Les sens du jeune homme étaient en train de vaciller, pendant que l'inconnu aux traits africains mais à la peau encore plus blanche que la porcelaine s'approchait de lui, le visage tordu par le plaisir qu'il prenait à le tabasser.
"Alors, c'est toi le Klaro dont tout le monde parle ? Allez, lève-toi un peu ! Tu es déjà fatigué ? Nous venons à peine de commencer !"
Klaro tenta de se relever en reculant, mais se prit un autre coup de genou, dans le ventre cette fois-ci. Il se fracassa une fois de plus contre le sol, mais reprit rapidement ses esprits.
Il en avait assez de ce petit jeu, et n'allait pas se laisser faire très longtemps. Il se releva très rapidement en voyant son adversaire prêt à le frapper une fois de plus, et lui fonça dessus, lui agrippant les hanches pour le bousculer, le faisant tomber au sol avant de le surplomber, le frappant au visage à deux reprises.
Ambrose gémit sous les coups puissants que Klaro venait de lui asséner avec une rage immense, avant de le pousser en remontant sa jambe et le bousculant en posant son pied sur son torse. Le noiraud trébucha mais parvint à se rattraper, restant debout, prêt à l'attaque. L'homme tout de blanc ne perdit pas une seconde pour le charger, lui fracassant le dos contre un tronc d'arbre, et s'en suivit un échange de coups sauvages et sans retenue. Les mains de Klaro, déjà abimées par ses cicatrices, prirent une teinte bleue, et ses jointures rougissaient, jusqu'à ce que sa peau ne commence à s'arracher d'elle même. Ses mains furent vite recouvertes de son propre sang et de celui de l'homme qui lui faisait face, maintenant à quatre pattes au sol, crachant le sang de trop qu'il contenait.
"Bah alors ? Tu fais une pause ? T'as besoin d'un verre d'eau bénite peut-être ? lâcha Klaro avec dédain, essoufflé mais riant d'un air ouvertement moqueur, ce qui eut pour effet de faire grimper la rage d'Ambrose. Ce dernier sortit un beau couteau de chasse brillant, caché dans son étui accroché à sa ceinture sous son épais manteau.
-Garde ton souffle... Bientôt, tu n'en auras plus !"
Déclara le fanatique avec un sourire mauvais, alors qu'une grosse trace de sang traversait son visage en commençant par le nez, passant sur sa joue après qu'il se soit essuyé d'un coup de manche.
Klaro recula, mais fut surpris d'entendre un grognement qu'il ne mit pas longtemps à reconnaître. Adressant un regard par dessus son épaule, il découvrit le gros prédateur qui l'avait coursé un peu plus tôt dans la forêt, qui lui grognait désormais dessus en claquant ses mâchoires baveuses et munies de dents énormes.
Le jeune homme était pris au piège entre ces deux bêtes assoiffées de sang. Klaro ne pouvait en attaquer aucun, son arc était tombé lors de sa chute dans l'eau, mais son revolver était toujours là... Il le sentait entre sa peau et le tissu mouillé de son jean, tenu par la ceinture de cuir.
Il saisit cette chance pour sortir son Colt et visa Ambrose avant de tirer. Au même instant, le gros chien loup lui avait bondi dessus, et lui avait mordu le bras avec lequel il brandissait son arme. La balle dévia du poitrail d'Ambrose pour finalement atterrir dans sa cuisse. L'homme entièrement blanc tomba au sol en poussant un cri d'agonie, pendant que Klaro fit de même. Le loup serra ses mâchoires sur son bras, plantant ses crocs dans sa chair. Cependant, il ne lâcha pas son arme, et fut pris du réflexe de donner un coup de genou dans le ventre de la bête à moitié debout sur ses pattes arrières pour lui attraper le bras.
Le canin couina en lâchant son bras, et Klaro fonça vers la bute qui menait à la route afin de fuir.
Ambrose était à terre, tenant sa jambe blessée en ayant lâché son couteau, et regarda Klaro lui échapper, mais ne sembla pas très inquiet... Au contraire, un sourire se dessina sur ses lèvres, tandis qu'il regardait son ami à poils longs, en lui donnant l'ordre de le poursuivre.
Klaro s'était mis à courir comme un dératé en traversant la route avant de repasser par la forêt, tenant toujours son bras blessé qui lui-même tenait son flingue... Il fuyait encore car il avait entendu le loup hurler à la lune juste derrière lui, mais ne sembla pas le poursuivre pour autant, sûrement l'avait-il perdu de vue entre temps... Mais il savait très bien qu'il allait le poursuivre à l'odorat. Son sang s'égouttait sur son chemin, si bien qu'il était facile de le suivre à la trace.
Klaro se sentit faiblir, ses jambes ne le portaient plus avec autant de facilité et d'ardeur qu'avant. Sa vue se troublait, et son souffle court l'épuisait encore plus qu'il ne le devrait. Il perdait beaucoup trop de sang, les coups et la fatigue commençaient à sérieusement ralentir sa fuite, et il le savait : il ne tiendrait pas longtemps comme ça.
Il arriva à une nouvelle route qu'il décida de traverser, il voyait déjà la barrière en face, et sentait d'avance le calvaire que ça allait être pour grimper par dessus. Il posa le pied sur le béton et tenta de trottiner, avant d'entendre un bruit distinct de moteur à sa gauche. Il tourna la tête, et n'eut le temps de voir qu'un parechoc lui foncer dessus, pas trop vite, mais assez pour lui offrir une bonne sieste bien méritée.
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Klaro se prit le parechoc avant en plein torse, se cognant aussi la tête au passage et s'écroula sur le sol, avant de perdre connaissance presque immédiatement.
Le véhicule s'arrêta, et l'homme derrière le volant en sortit, suivit de son camarade qui s'était assis à l'arrière. Tout deux redressèrent le corps inanimé du jeune homme, dont la tête tombait resta attirée par le sol, son cou ne soutenait plus celle-ci. Il avait l'air d'un pantin à qui on aurait coupé net les fils. L'un des deux releva son visage en le tenant fermement par la mâchoire, le montrant à celui assis sur le siège passager, qui n'était autre qu'Ambrose.
Ambrose avait appelé une patrouille non loin d'ici, venue le récupérer, et à qui il avait ordonné de rattraper Klaro en bien mauvais état. Son chien loup l'ayant pisté à la perfection, ce fut facile de le retrouver, suivant l'animal pour retrouver le fuyard.
L'énorme chien loup arriva de derrière le véhicule, haletant avec un air tout fier de lui, et s'approcha du 4x4 avant de grimper à l'arrière pour passer sa tête à travers la vitre ouverte juste derrière son maitre, et lui réclama quelques caresses. Ambrose sourit en félicitant son fidèle compagnon, alors qu'il confirmait aux deux hommes qu'il s'agissait bien de lui.
Le duo fit trainer les pieds de Klaro jusqu'à l'arrière avant de lui lier les mains dans son dos, et de le balancer sur la partie arrière du 4x4. Klaro venait encore de tomber entre leurs mains, et cette fois, s'échapper pourrait être bien plus compliqué que la dernière fois...
Klaro se réveilla sans savoir combien de temps il avait pu dormir. Il n'avait aucune notion du temps, plongé dans une pièce sombre et humide. Il faisait froid, et l'odeur ici était particulière.
Ses paupières jusqu'ici closes s'ouvrirent lentement et avec beaucoup de peine. Il sentait la fatigue le tenir encore dans les vapes, avant que la douleur ne le réveille une bonne fois pour toute. Une fois sa tête redressée et les idées plus claires, Klaro tenta de se mouvoir, mais baissa les yeux en se rendant compte qu'il ne bougeait pas malgré ses efforts. En effet, le noiraud était attaché à un gros tuyau, les mains entourant ce dernier par derrière. Il pouvait sentir le contact dur et froid des chaines autour de ses poignets et chevilles. Impossible pour lui de bouger. Il était définitivement pris au piège.
Le pauvre homme était dans un état déplorable. L'une de ses narines laissait couler encore quelques gouttes de sang, tout comme le coin de sa lèvre et l'entaille sur celle inférieure. Ses poignets étaient marqués par les chaînes, et ses mains étaient violettes et ensanglantées par les coups qu'il avait porté. Il devait sûrement s'être fait une entorse, ça ne serait pas la première fois. Sa chemise rouge était déchirée à l'épaule et quelques boutons s'étaient arrachés, dévoilant le haut de son torse où se trouvait déjà un énorme bleu, avec la trace de la chaussure d'Ambrose en travers du tissu.
Son jean était couvert de terre séchée, indiquant qu'il devait être ici depuis un long moment, et ses membres encore engourdis l'empêchaient de tenter de briser ses liens ou ne serait-ce que de bouger. Les cheveux en bataille et lui gâchant un peu la vue, il souffla sur ces derniers avant de balayer la salle du regard.
Il s'agissait d'une pièce froide, lugubre, à moitié plongée dans le noir. Aucune fenêtre, aucun courant d'air, rien.
Après quelques minutes passées à reprendre ses esprits et à tenter de comprendre ce qu'il lui arrivait et où il se trouvait, Klaro fut pris d'un sursaut en entendant la porte en face de lui à une dizaine de mètres s'ouvrir. Un tintement de clés retentit derrière et un claquement sec déverrouilla la porte d'un coup d'un seul. Klaro se préparait déjà au pire, et tenta d'entrevoir les visages qui apparurent face à lui.
Seules des silhouettes lui faisaient maintenant face, légèrement en mouvement, mais le jeune blessé savait déjà de qui il s'agissait...
L'un d'eux fit glisser ses doigts sur le mur près de la porte pour allumer l'interrupteur, et une petite ampoule au centre de la pièce au plafond, recouverte d'une sorte de grille, n'éclaira que très peu la pièce, et laissa à chacun le plaisir d'entrevoir l'autre au minimum.
Le premier n'était autre qu'Ambrose, déjà sur pied, bien habillé, nettoyé, avec quelques pansements sur les coupures de son visage, quelques bleus bien visibles qu'il garderait plusieurs jours, mais il boitait encore du côté où Klaro lui avait tiré dessus. C'était d'ailleurs plutôt étonnant et surtout effrayant de le voir tenir debout après ça, ou bien Klaro était définitivement resté ici un bon bout de temps... Il regarda le jeune homme avec un air hautain avant de se tourner vers celui qui se trouvait derrière lui...
John. Le petit frère de la famille Seed que Klaro avait déjà croisé plusieurs fois venait d'entrer, et se stoppa net après un pas dans la pièce en apercevant Klaro, assis là, ligoté contre le tuyau, en bien mauvais état. Il avait l'air surpris de le voir... Pourtant, c'était lui qui avait demandé à ce qu'on le retrouve, et c'était pour ça qu'il venait. Il ne l'avait pas encore vu depuis qu'Ambrose l'avait emmené, alors il le dévisagea, et observa chaque blessure, chaque tâche de sang sur ses vêtements, chaque trace qui abimait un peu son image.
"Ambrose, je t'avais dit de me le ramener entier, pas en lambeaux... Je croyais que tu étais un professionnel... lâcha John, les sourcils froncés, en fixant l'homme en blanc avec un air froid et autoritaire. Son interlocuteur leva légèrement les mains en signe de capitulation et dit d'une voix désolée.
-Ca n'aurait pas été aussi simple, et puis... J'aime la chasse, Blanche Neige aussi d'ailleurs !"
Face à ces mots, John soupira en posant sa main sur son front, l'air lasse et dépité.
Alors cet homme travaillait pour John ? Il avait l'air d'être son bras droit, vu sa posture et sa façon de se comporter... Il n'était pas non plus du genre toutou obéissant, là preuve ! Au lieu de s'excuser; il se justifiait presque d'un air fier de lui. Malgré sa posture assez désavantageuse, Klaro n'allait pas se gêner pour répondre à ses assaillants. Il esquissa un sourire, dirigeant son regard sombre vers John, avant de lancer avec provocation et légèreté.
"Alors ? On arrive pas à se passer de moi à ce que je vois ? C'est trop mignon ! Si vous vouliez autant me voir il suffisait de laisser un message sur mon répondeur ! Pas la peine d'en arriver à de telles extrémités !"
Les paroles de Klaro étaient parvenues aux oreilles du concerné qui se mirent à rougir de rage, mais pas seulement...
Le culot qu'avait ce jeune homme de lui parler provoquait en lui ce même sentiment que la dernière fois, mais aujourd'hui, il n'allait pas rester de marbre. Il fixa Klaro en se tenant de garder son calme et son sérieux. Il était hors de question de paraître aussi ridicule que la dernière fois, surtout devant l'un des siens. Pas question de fléchir ou de perdre son sang froid, pas encore.
"Je ne ferais pas trop le malin si j'étais toi...
-Pourquoi ça ? J'ai fais quelque chose de mal Monsieur l'Agent ? C'est pour ça que vous m'avez passé les menottes ! Je vais avoir droit à la grosse matraque maintenant ? rétorqua le jeune homme ligoté, une voix suave et un sourcil levé, alors que John perdait patience et sentit son visage entier chauffer comme une cocotte minute prête à exploser.
-Tais-toi ! hurla John, les poings serrés. Il ne devait surtout pas se laisser impressionner par ses paroles blasphématoires. C'était fini, John avait fait une croix sur la vie remplie de péché, c'était un homme pur maintenant. Tu te prends pour qui exactement ? Un héro ? Un justicier ? Tu as osé repousser la bienveillance de Joseph, lui qui était prêt à t'accueillir ! Lui qui t'as béni !
-Et qui a noyé ce pauvre gamin dans la rivière ? Qui a essayé de me noyer aussi après au passage ? Oui oui, je vois de qui tu parles, pas la peine de continuer ton baratin ! Ton Joseph, je m'en tamponne, j'ai pas besoin de sa bénédiction à la mords moi le nœud ! Vous vous y croyez juste un peu trop... Vous êtes dans un sacré trip religieux, et j'aime pas trop votre façon de faire la publicité de votre gourou et de son projet !"
John tenta de garder son calme et son sérieux, mais encore une fois, il dévisageait cet homme qui provoquait en lui plusieurs sentiments en totale contradiction les uns avec les autres. Il tenta d'entrevoir les péchés qui animaient cet homme... Quels traits de caractère, quelles expressions, quelles paroles pouvaient bien trahir les péchés qui faisaient partie intégrante de lui. La Colère semblait être un péché moteur chez lui, ça, John le voyait dans son regard de braise et déterminé. La Luxure, étant donné ses nombreuses paroles lascives et sensuelles... C'était de la provocation, évidemment, mais il avait l'air d'être beaucoup trop habitué, et accessoirement beaucoup trop honnête pour ne pas en connaître un rayon.
Le péché est un poison, il anime les Hommes à agir contre la volonté du Seigneur et à pactiser avec le Diable. John fut autrefois possédé par le péché lui aussi, si ce n'était tous, mais il s'était repenti, et même s'il se disait qu'il allait faire de même avec lui, au plus profond de ses pensées, il savait que ça ne serait pas aussi facile, peut-être même qu'il n'y arriverait pas...
John sentait que ni lui, ni Klaro n'était prêt. Klaro n'avait pas l'air de réaliser l'ampleur de la situation, et John ne se sentait pas encore capable de débarrasser ce jeune homme de ses péchés étant donné sa fougue et sa sauvagerie. Il savait pertinemment que si Klaro continuait à causer de cette façon, John n'arriverait pas à se concentrer, et à faire les choses bien.
Il se tourna vers Ambrose, et lui fit comprendre d'un simple regard qu'il allait devoir faire comprendre à leur invité ce qui l'attendait, bien sûr, en le gardant en entier et bien vivant, c'était important de le préciser, surtout avec Ambrose.
John quitta les lieux, suivit de son camarade qui s'en chargerait plus tard. Et le brun n'échangea pas un mot avec ce dernier, préférant repartir, sans demander son reste, sans paroles d'adieux ou de remerciement pour l'avoir ramené.
Bon sang, mais qui c'était ce type ?!
John était à nouveau retourné dans son bureau poussiéreux dont il ne se servait habituellement jamais, et s'était assis sur sa chaise, les pieds croisés sur le bureau et tapotant ses doigts sur la surface de ce dernier d'une main, pendant qu'il se mordillait l'ongle du pouce de l'autre.
Encore une fois, John n'était pas parvenu à ses fins. Il n'avait ni réussi à agir comme il le faisait d'ordinaire, ni à l'effrayer, ni même à lui faire passer le rituel que tous passaient habituellement sous ses mains. Si ça avait été quelqu'un d'autre, il l'aurait forcé à se confesser et l'aurait lavé de ses péchés dans la soirée sans plus attendre. Mais bizarrement, il ne s'en était pas senti capable.
Surtout, il ne voulait pas réaliser qu'au fond de lui, il n'en avait pas complètement envie. C'était habituellement un devoir auquel il prenait plaisir, mais cette fois, c'était plus étrange. Il sentait que Klaro avait une force, un moyen de pression sur lui qui ne dépendait que de John, et que peu importe ce qu'il ferait, peu importe les menaces qu'il lui proférait, rien n'y changerait. Quelque chose le gênait, quelque chose qu'il ne pouvait contrôler, et que son subconscient voulait garder secret. John ne faisait plus vraiment appel à ses sentiments, encore moins à son empathie et à son humanité qu'il avait perdu, car pour lui, s'il faisait souffrir, c'était pour le bien ! Même s'il ne devrait pas le faire dans un monde où tout serait parfait, même si dans un sens, John était conscient qu'il faisait quelque chose de physiquement et mentalement mal, mais quand doit le faire, ne valait-il pas mieux y prendre goût ? S'habituer ? Afin de se protéger soit même ?
John avait appris grâce à Joseph que la vie éternelle au paradis s'obtenait par la souffrance de la vie en tant que mortelle. Cependant, il n'avait pas prévu l'arrivée d'un démon au visage d'ange sur Hope County, voilà qui allait rendre la tâche plus complexe désormais...
En effet, John se surprit lui même à se faire cette réflexion : Klaro était particulièrement séduisant. Même dans l'état vulnérable dans lequel il se trouvait, même blessé et recouvert de sang, un charme indéniable émanait de lui. Il n'avait pas pu s'empêcher de se faire cette réflexion, comme n'importe qui se le ferait en tombant face à quelqu'un de physiquement attrayant.
John se remémora des nombreux détails qui formaient le corps de Klaro, qui le rendaient si différent et si attractif. Il revoyait ses yeux brillants et sombres nuancés qui perçaient son regard, ses lèvres traçant un sourire rempli de malice, son corps sculpté avec finesse mais pourtant si puissant, sa chemise entrouverte et déchirée qui lui donnait un air si bestial, sa voix qui faisait vrombir ses oreilles comme s'il entendait grogner un félin en pleine chasse, ses manières, sa personnalité provocatrice... John s'étonna lui même en se rendant compte que, dans un sens... Il aimait ça.
D'ordinaire, les rebelles, ça lui donnait la rage. Ca lui arrachait la gorge, la simple idée de devoir les discipliner, ça l'insupportait, malgré qu'il prenne du plaisir chaque fois qu'il parvenait à dresser quelqu'un à l'esprit de rébellion. Mais là, c'était on ne peut plus particulier... La facilité avec laquelle il lui avait répondu ces paroles cinglantes, sa réactivité, et cet air qu'il affichait sur son visage...
Bien vite, il reprit ses esprits, et se pencha violemment en avant pour passer son bras sur le bureau et renverser tout ce qui s'y trouvait dans un fracas épouvantable.
Toutes ses pensées n'avaient pas lieu d'être, alors il s'empressa de les enfouir au plus profond de lui pour les oublier, mais même en essayant de se changer les idées, ses pensées revenaient toujours vers lui. Essayer de ne pas penser à quelque chose, c'est y penser encore plus. John se sentait malade à ne pas comprendre ce qu'il lui arrivait. Il tenait Klaro pour responsable de l'état dans lequel il se trouvait, qu'il voyait comme un virus en train de prendre possession de son corps et de son âme.
Et pourtant, il était bien loin de savoir les autres secret de ce virus... Il allait lutter, par amour de sa foi, par amour de son frère et de la voie qu'il lui avait indiqué. La voie de la rédemption qu'il avait tant cherché, il allait y parvenir. Il ressentait en lui un devoir de fidélité envers les siens. Il refusait de succomber au péché, de devenir l'un de ces piètres mortels qui s'était éloigné de Dieu. Mais plus le temps passait depuis que Klaro était ici, plus John devait se battre intérieurement pour y parvenir et garder la tête hors de l'eau souillée qui menaçait de le noyer.
Ainsi, John partit se coucher dans ses quartiers, laissant le bureau en désordre monstre, et chercha le sommeil en prenant la décision de ne pas se laisser ensorceler par ces étranges états d'âme. Bien qu'au fond, il savait que le combat serait rude...
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