𝕀𝕏 - 𝕃𝕖 ℙ𝕖𝕔𝕙𝕖𝕦𝕣 𝕖𝕥 𝕝𝕖 𝔹𝕒𝕡𝕥𝕚𝕤𝕥𝕖 𝕔𝕠𝕣𝕣𝕖𝕤𝕡𝕠𝕟𝕕𝕖𝕟𝕥 -

https://youtu.be/EM460OuBQVU


La nuit était passée très vite, et le jeune homme, proclamé comme sauveur de la vallée, avait dormi une bonne dizaine d'heures, si ce n'est un peu plus, avant d'enfin se réveiller après cette longue sieste bien méritée. Sa dose de sommeil avait été suffisante pour lui redonner de l'énergie, et potentiellement continuer ce qu'il avait commencé ici.

En temps normal, n'importe qui aurait joui de ce bunker et n'en sortirait jamais, mais Klaro se sentait un peu à l'étroit ici, il se sentait surtout prisonnier, encore plus qu'il ne pouvait l'être dehors, avec les fanatiques qui rôdaient et empêchaient quiconque de sortir. Au moins, dehors, il avait le mérite de pouvoir respirer, alors qu'ici... Il manquait d'oxygène. Pendant que certains resteraient croupis ici, Klaro préférait sortir quitte à se battre, pour la simple et bonne raison que sa vie prenait maintenant un rythme, et un sens très particulier, qu'il adorait.

Aider, et massacrer ces fanatiques, et il pouvait le faire sans avoir peur des représailles, que demander de plus ? Il pouvait tuer tout un peloton de la secte, personne n'allait le blâmer, bien au contraire, on allait fêter ça, et son titre de "héro" n'en serait que plus brillant.

A force d'y penser, Klaro en venait même à ne pas regretter d'être venu finalement. Ici, il était libre d'agir. Il pouvait déverser sa haine sans se faire taper sur les doigts pour l'avoir fait, parce que ça rendait service. Ici, il pouvait agir, sans la moindre restriction, sans la moindre punition.

En fin de compte, c'était lui, le Baptiste dans l'histoire.

C'était lui qui lavait les résistants de leurs peurs et de leurs angoisses en laminant les membres de la secte. 

C'était lui le Messie.

C'était lui qui était venu sauver tout ces gens, sauver ces terres, sauver toutes ces vies en détresse. Klaro ne croyait pas forcément au divin, mais il respectait ces croyances -sauf quand elles prenaient trop de place et provoquaient des conflits, comme en ce moment même-, mais Klaro ne pouvait pas s'empêcher de penser que s'il était ici, s'il s'était retrouvé coincé là, si Nick l'avait sauvé, ce n'était pas pour rien.

Bon, il n'avait pas à croire qu'il venait de se traiter de Messie... Il ne valait mieux pas utiliser le même vocabulaire que cette secte !

Lui ne croyait pas au destin. S'il y a bien une chose en laquelle il ne voulait pas croire, c'est qu'il n'avait aucun contrôle sur sa vie. Il refusait de croire que chaque choix qu'il faisait était prédéfini, et que tout ce qu'il était, tout ce qu'il faisait, et ce qu'il deviendrait était écris à l'avance, sans lui laisser le choix d'emprunter le chemin qui lui plaisait, sans pouvoir changer à sa guise.

En revanche, il était certain que tout arrivait pour une bonne raison. Que le moindre détail, le moindre évènement dans une vie, dans une journée, avait des conséquences sur le reste de sa vie. Il aimait penser de cette façon, et ça lui donnait une réelle raison d'aller au bout des choses.

Il se leva de son lit de camp, posant ses pieds sur le sol, avant de s'étirer en prenant garde à ne pas trop tirer sur la peau endolorie et encore bien blessée de son dos. Il se leva lentement pour éviter de tituber dès les premiers pas, et sentit une brise fraîche lui caresser le visage une fois dans le couloir. Il avança, et vit une lumière claire provenir du haut de l'escalier où se trouvait la porte du bunker. Klaro s'avança, et vit au sommet Dutch, qui se tenait là, avec une arme à la main.

Il s'était arrêté de monter en entendant le jeune homme, et le regarda du haut des marches, avec son fusil de chasse sur l'épaule.


"Je vais traquer le gibier, tu veux déjà repartir ?

-Je ferais mieux d'y retourner, oui... La secte ne va pas se démanteler toute seule !"


Dit-il en allant dans le grand bureau de Dutch, toujours aussi sombre, afin d'y récupérer de l'équipement mis de côté par le vieillard survivaliste. Malgré les doutes étranges que ressentait Dutch depuis la veille, il ne put retenir un rire à ces mots. Décidemment, ce gamin n'avait pas peur du danger, et c'était bien l'une des choses qui lui plaisait le plus chez lui. Enfin un petit qui en avait dans le ventre. Au moins, ce n'était pas un "petit branleur" comme beaucoup de jeunes d'aujourd'hui !

Klaro revint après quelques secondes, déjà prêt à retourner dans la vallée. Il rejoignit Dutch qui sortit le premier avant de le laisser s'extirper du bunker, et referma derrière lui, avant que  chacun ne prenne un chemin différent.

Klaro était parvenu à retourner sur la terre ferme de l'autre côté grâce à une barque en bois laissée par Dutch, qu'il n'utilisait d'ailleurs plus depuis bien longtemps. Klaro pouvait ainsi l'utiliser comme bon lui semblait pour aller et venir. Il n'aurait plus besoin de demander à Nick ou à un pêcheur du coin de le faire traverser...

Arrivé sur la route, le jeune homme se mit à marcher, sans trop savoir où aller... En fin de compte, il était parti du bunker sans même savoir quoi faire, ou encore quelle direction emprunter. Cependant, il fit attention à se diriger uniquement vers Holland Valley, car il s'agissait du seul endroit où, pour le moment, il connaissait du monde. Il savait à peu près où se trouvait Fall's End, et avait ainsi quelques repères.

Il marcha, paisiblement. Une ou deux voitures de civils lui passèrent à côté, soulevant un léger nuage de terre et le fouettant avec un appel d'air, faisant virevolter sa frange de cheveux noirs sur son front.

Ce jour-là, le ciel était nuageux, recouvert çà et là de surfaces duveteuses et grisées. Il ne faisait pas aussi chaud qu'avant, et le jeune homme sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il leva la tête en ralentissant, et fixa le ciel devenu majoritairement gris, recouvert par les nuages. Une odeur âcre d'eau fraîche et salée vint emplir ses narines alors qu'une petite goutte lui tomba en plein milieu du front.

Quelques gouttes tombèrent, rien de bien méchant, ça n'avait rien d'une averse. Klaro poursuivit sa marche pendant d'interminables minutes qui se succédaient, sous les petites gouttelettes de la pluie.

Cela faisait près de quinze minutes qu'il marchait sans savoir quoi faire, sûrement pour visiter un peu les environs et faire du repérage, chose qu'il n'avait pas encore fait depuis... Cependant, en arrivant sur une grande route, il vit au loin un véhicule de la secte, facilement reconnaissable par sa grosse mitrailleuse sur le dessus, qui arrivait du sens opposé. Klaro courut vers le bas-côté pour se cacher derrière un gros rocher planté dans l'herbe, et laissa légèrement passer ses yeux pour regarder le véhicule.

Il écarquilla les yeux en constatant avec horreur qu'un homme était attaché sur le capot. Le cadavre d'un pauvre type, torse nu, avec un gros crâne de cerf sur la tête, et les jambes tranchées nettes au niveau des genoux. Il était tenu par des cordes autour de ses poignets et de son bassin, passées sous le capot. Ses jambes gesticulaient comme celles d'un pantin au rythme de la voiture. Le corps sans vie soutira un pincement au coeur de Klaro qui observait cette scène vraiment écœurante et épouvantablement triste. Mais étrangement, le 4x4 ne passa pas devant lui, il tourna à droite pour passer au travers d'une grille.

Immédiatement, Klaro se redressa en fronçant les yeux, et regarda la grille qui entourait tout un bâtiment, et qui était parfois recouverte de bâches vertes pour cacher l'intérieur.

Prit par la curiosité, le jeune homme traversa la route et monta la petite bute en face de lui, se cachant au mieux avant d'observer ce qui se trouvait par dessus le grillage. Il découvrit ainsi l'un des avant-postes de cette partie de la vallée. D'après ce qu'il avait entendu, il y en avait vraiment partout, chaque avant-poste était en garde d'un périmètre particulier, alors selon Klaro, si cette avant-poste n'était plus entre les mains de la secte, cela pourrait libérer une partie des environs, et peut-être même leur permettre d'obtenir des ressources dont ils manquaient cruellement.

Certains avant-postes se trouvaient dans des endroits stratégiques, qui pouvaient leur permettre de récupérer du matériel ou des cultures. Klaro se fixa un objectif très simple -sur le papier- : récupérer cet avant-poste.

Oui, tout seul. C'était suicidaire, mais pas impossible. Et avec Klaro dans l'équation, c'était un peu plus faisable !

Le jeune homme ressentait une profonde envie de foncer dans le tas, il avait ce besoin soudain de se mettre en danger pour se sentir en vie. Nombreux étaient les sentiments contradictoires qu'il avait ressenti depuis son arrivée dans cette vallée. D'abord de la confusion, puis de la peur, pour ensuite laisser place à la détermination, à la curiosité... Mais maintenant, il avait ce besoin urgent de faire quelque chose contre la secte, comme pour déverser toute sa haine sur eux, comme un sentiment morbide de jouer avec la mort. Il ne le réalisait pas vraiment, mais il avait déjà fait tant de choses en si peu de temps, et il n'était pas prêt de s'arrêter.

Dutch lui avait offert un nouvel arc flambe en neuf, et un revolver silencieux, il ne pouvait pas demander mieux pour ce qu'il s'apprêtait à faire.

Il descendit la petite bute pour approcher du grillage, qui avait un trou béant, sûrement coupé avec une pince suffisamment puissante. Il s'infiltra à l'intérieur de la zone, et voyait déjà quelques fanatiques qui discutaient entre eux avec leurs armes sur le dos pendant leur tour de garde. Le jeune homme regarda autour de lui, son arme fermement tenue en main, le doigt délicatement posé sur la détente, prêt à la presser à n'importe quel instant. Il leva légèrement la tête, la faisant légèrement dépasser, juste assez pour observer les endroits qu'il n'avait pas pu voir depuis son perchoir.

Ses yeux se posèrent sur des cages, d'où s'échappaient des grognements, mêlées à des gémissements plaintifs.

La pluie était légère, bien que l'ambiance était sombre et humide, cependant, le brouhaha des gouttes sur le sol terreux et sur les carrosseries de voiture parvenait à couvrir le moindre petite bruit qu'il n'arrivait pas à cacher. Il écoutait ces gémissements qui ressemblaient à ceux d'un chien en détresse, et finit par entrevoir dans ces grosses cages, recouvertes d'une énorme bâche, des loups.

Les canidés étaient enfermés, séparément, dans des cages suffisamment grandes pour les contenir, mais en même temps, ils avaient l'air d'être très à l'étroit. Il devait y en avoir trois, et seul l'un d'eux grognait en montrant ses babines noires et baveuses plus que l'autre, alors que le troisième était juste apeuré. Deux hommes, visiblement irrités par l'animal, et qui étaient supposés les surveiller, se mirent à hurler sur l'animal en lui donnant des coups de crosses quand celui-ci passait son museau à travers les barreaux.

Klaro n'avait pas la moindre idée de ce que ces fanatiques voulaient faire avec ces loups, mais ça ne sentait visiblement pas bon du tout. Il entrevit ainsi une chance de se débarrasser plus aisément de tous ces hommes. Il fit le tour de la zone, en se cachant derrière des murets en béton, des caisses, et une petite cabane au fond.

Enfin, il voyait les trois cages juste devant lui, qui le dissimulaient des fanatiques juste derrière. Il pouvait encore les entendre hurler et insulter les animaux en frappant dans les cages, excitant encore plus le loup fougueux qui n'acceptait pas de se laisser dominer de la sorte.


"Tu vas fermer ta grande gueule espèce de bâtard ! Sinon je te transforme en tapis !"


Hurla l'un des deux qui donna un énorme coup avec son arme dans les barreaux, frappant le museau de l'animal une fois de plus, qui couina en reculant avant de coller son derrière au fond de la cage et de grogner à nouveau, les poils du dos hérissés.

Klaro resta là, et attendait le moment propice pour libérer les loups, il voyait déjà les deux verrous sur les côtés des portes des cages, il pouvait les atteindre en quelques pas, ouvrir les deux premières cages, et reculer pour se cacher, mais s'il le faisait, les deux gardes allaient le voir. Il préférait être très prudent, et faire preuve de patience.


"Hey, les gars ! Vous avez vu la boîte à outils ? Je la trouve pas !"


S'exclama l'un des hommes un peu plus loin, prêt d'une voiture endommagée et recouverte d'impacts de balles. Klaro vit les deux gardes qui s'occupaient des loups se retourner vers lui afin de lui répondre. C'était sa seule et unique chance.

Sans attendre une seconde de plus, il avança de quelques pas, l'avant du corps baissé, et retira l'espèce de clou énorme qui fermait le verrou des cages miteuses. Le bruit de métal attisa la curiosité des loups, et le plus violent des deux grogna en approchant son museau des barreaux, voulant à nouveau passer son nez au travers, cependant... Cette fois-ci, la porte s'ouvrit. Le canidé dressa les oreilles, et mit peu de temps pour comprendre que la voix était libre, avant de regarder les deux fanatiques en face de lui, qui avaient le dos tourné.

L'animal grogna avant de foncer dans la porte pour l'ouvrir d'un coup de tête, et bondit comme un diable pour atterrir sur le dos de celui qui l'avait maltraité maintes et maintes fois auparavant, venant lui mordre le cou, près de l'épaule.

L'homme barbu aux longs cheveux bruns clairs hurla de douleur alors qu'une giclée de sang jaillit de la plaie. Son camarade, pétrifié, recula de quelques mètres avant de voir du coin de l'oeil le deuxième loup maintenant libre qui lui bondit dessus à son tour, et lui mordit la hanche avant de secouer la tête dans tout les sens, lui arrachant de gros lambeaux de chairs, comme s'il ne s'agissait que d'une poupée de chiffon.

Le noiraud, toujours caché, s'empressa d'ouvrir la dernière cage pendant que tous les fanatiques de l'avant-poste étaient alertés par le bruit des hurlements et des grognements. Klaro entendait d'ici les exclamations et les coups de feux, et s'avança en se cachant derrière la dernière cage avant de l'ouvrir.

Il recula à nouveau pour se cacher et entendit la porte s'ouvrir très lentement. Quelques instants plus tard, une tête poilue et des yeux noirs sortirent de l'angle pour le regarder. L'espace d'un instant, Klaro pensait que le loup allait lui sauter dessus, mais il croisa le regard de l'animal et pouvait y entrevoir une peur déchirante. L'animal avait les yeux scintillants, comme s'il s'apprêtait à verser de chaudes larmes. Ses oreilles étaient baissées, et son museau dirigé vers le bas. L'animal couinait en regardant Klaro, avant de se tasser au sol, la queue entre les jambes, craignant de se faire battre à nouveau. Son poil était sale, tâché de sang... L'animal avait dû en voir de toutes les couleurs !

Malgré le chaos qui avait lieu à quelques mètres derrière les cages en ce moment même, Klaro fut pris d'une  pitié pour ce pauvre animal qui avait l'air bien jeune et inexpérimenté, et donc totalement tétanisé par l'Homme. Il resta ainsi, fixant l'animal droit dans les yeux, comme si le temps venait de se stopper. L'animal restait en position de soumission face à Klaro, craignant d'être frappé ou pire, tué. Klaro devenait le prédateur aux yeux de l'animal, qui avait perdu toute sa dignité après être passé sous les griffes de l'Homme.

Klaro leva les yeux d'un coup en voyant une silhouette apparaître derrière l'animal. Le fanatique à la recherche de sa caisse à outils avait voulu s'éloigner des loups qui massacraient les autres, et remarqua le jeune homme caché là.

Le visage du fanatique se tordit d'étonnement puis de rage alors qu'il fixa également l'animal qui se tenait entre eux. Sa clé à molette en main, il s'approcha dangereusement, prêt à frapper le premier qui se présentait à lui, à savoir, l'animal. Le canidé resta tout tassé contre le sol et vint même reculer jusqu'à presque toucher les cuisses de Klaro, agenouillé au sol.

Mais l'homme s'arrêta net en écarquillant les yeux, suite à un son perçant et sec. Son torse se teinta de rouge alors qu'un liquide épais s'échappa d'un petit trou formé près de son coeur. Il lâcha son lourd outil en métal avant de tomber à genou, une main sur sa plaie, la recouvrant de sang, et tomba au sol pour finalement rendre son dernier souffle, la joue dans la boue.

Klaro avait tiré juste à temps, il s'en était fallu de peu ! Klaro baissa les yeux vers le loup avant de reculer et de s'éloigner pour contourner les quelques fanatiques qu'il restait. Les deux autres loups étaient légèrement blessés, et battaient maintenant en retraire après avoir tué trois ou quatre autres fanatiques.

L'un des deux prédateurs passa à côté du loup peureux et aboya dans sa direction pour le sommer de les suivre. Le loup se redressa sur ses pattes, reprenant peu à peu ses esprits et son instinct de survie, et regarda Klaro s'éloigner avant de finalement suivre ses deux congénères pour fuir dans la forêt.

Après observation, Klaro avait repéré cinq hommes encore en vie. Il lui avait suffi d'attendre qu'ils se séparent pour fouiller tout l'avant-poste à la recherche d'un ennemi caché... Et finalement, tous avaient trouvé Klaro, mais aucun n'eut le temps d'alerter les autres. Il les avait tous tué, jusqu'au dernier.

Maintenant, la zone était déserte, si ce n'était Klaro, qui se tenait là, en plein milieu du terrain maintenant entre ses mains, et donc par définition, entre les mains de la Résistance. Il avait réussi, sans trop savoir à quoi s'attendre au départ. La pluie continuait de tomber, la terre se transformait en boue épaisse et gluante, alors que le ciel toujours sombre offrait une ambiance lugubre à la scène. Klaro regarda autour de lui, observant les quelques corps des fanatiques étalés aléatoirement, pataugeant dans leur propre sang qui se mêlait à la pluie et à la boue.

Tout ces corps sans vie, c'était plutôt surréaliste. Klaro réalisa que c'était lui qui les avait tous tué. Chaque fois qu'il avait vu autant de corps depuis qu'il était ici, il n'avait pas eu le temps de les observer et de réaliser qu'il s'agissait bien de cadavres, et qu'il n'avait pas eu le moindre remord en leur ôtant la vie.

Il n'avait aucun regret, c'était bien ça qui lui faisait peur. 

Il n'arrivait pas à se sentir coupable, ni même bouleversé par toutes ces morts qu'il avait causé, toutes ces fois où il avait tué des fanatiques, il n'arrivait pas à se sentir mal, pas même un peu. Il fixa le sol avec un air absent, et se demanda une chose : était-ce mal ?

Un doute sema le chaos dans son esprit, il se sentait mauvais de ne pas regretter ces vies qu'il avait pris. Surtout, il avait peur de devenir comme eux, de se mettre à tuer dès qu'on lui donnait une infime bonne raison, en y prenant plaisir. Il craignait de devenir mauvais, de devenir tout ce qu'il détestait...

 Finalement, il balaya ses doutes en se disant que ces hommes qu'il avait tué étaient sûrement plus atroces que lui, et que, par conséquent, quoiqu'on en dise, quoiqu'on pense, il faut parfois avoir recourt à la violence dans la vie. Aujourd'hui, maintenant, était un de ces moments où on en avait plus que besoin.

La pluie se faisant plus forte encore, le jeune homme décida d'inspecter le petit bâtiment, qui ressemblait à un entrepôt. Il y entra et vit tout un attirail et toute une fournée de matériel. Il s'avança vers une table et aperçut des radios, des cartes, des armes, des munitions. En voyant la radio, il décida de prévenir Mary ou Jérôme que l'un des avant-postes leur appartenait désormais, et qu'il leur faudrait envoyer des hommes ici, mais il n'avait plus de radio et avait totalement oublié d'en récupérer une en partant... Difficile d'obtenir la fréquence de la Résistance dans ce cas de figure.

Soudain, comme si ses pensées avaient été entendu par on ne sait quelle force du Saint Esprit, un bruit étrange, comme un grésillement retentit sur la table.


"Avant-poste de Copperhead, vous me recevez ?"


Klaro sursauta au son de la voix, et chercha d'où provenait le son en tournant frénétiquement la tête de droite à gauche. Il farfouilla un peu et tomba sur un genre de talkie-walkie, sans doute qui appartenait à la secte, et qui dont captait leurs fréquences, chose que son ancienne radio ne faisait pas. Il prit l'objet et l'observa avec attention tandis que la voix retentit encore, suite à un soupir exaspéré qui lui confirma qu'il s'agissait bien de la personne à laquelle il pensait...


"Copperhead, vous comptez me répondre ?"


Demanda la voix exaspérée et ennuyée, au fond glacial et perçant, qui soutira un sourire à Klaro.

C'était bien John, ça ne faisait aucun doute. Il avait très facilement reconnu sa voix et sa façon de parler, et surtout de soupirer, malgré qu'il ne l'ai vu que très peu de fois. Il pressa le bouton de l'appareil pour parler, et l'approcha de ses lèvres avant de prendre une voix mielleuse et fortement amusée.


"Désolé, mais tu ne risques pas de recevoir de réponse de sitôt ! Klaro ne le voyait pas, mais John, qui était assis sur son bureau, les pieds croisés sur ce dernier. Il les reposa au sol d'un geste précipité, presque paniqué, après avoir entendu la voix à travers le combiné , qu'il reconnut à son tour. Ses yeux s'écarquillèrent alors qu'il se pencha sur son bureau, le coeur battant.

-K-Klaro...?

-Oh, tu te souviens de mon nom ! Je suis flatté, vraiment ! dit le jeune homme avec désinvolture en venant s'asseoir sur la chaise miteuse au bord du bureau, restant ainsi à l'abri de la pluie.

-Comment... Comment tu as eu cette radio ?!

-A ton avis... J'ai tué tout le monde ici ! Quelle bordel d'ailleurs ! Klaro adorait titiller et répondre à John avec une bonne dose de sarcasme et d'ironie. Le cadet de la famille à la tête de la secte finit par comprendre qu'il venait de perdre l'un de ses avant-postes. Une étrange sensation de crainte et de déni fit naître une boule lourde et désagréable dans son estomac.

-Tu as tué-... Comment oses-tu ?! Tu crois peut-être que ça change quelque chose de toute façon ?!

-Oh ça va, fais pas tant de manières ! C'est vous qui avez commencé je te rappelle ! En même temps, vous avez déjà toute la vallée sous la palme, alors juste un petit avant-poste, c'est pas grand chose, non ?" 


Le ton léger de Klaro avait tendance à faire grossir le nœud dans l'abdomen de John, qui vint même se diviser pour former une seconde boule dans sa gorge. Le ton qu'il avait pris signifiait aussi que peut-être, sans doute... Ce n'était qu'une éventualité, qu'il pourrait aussi en prendre un autre, puis encore un... Et John savait très bien que Klaro en était plus que capable... Mais ce qui le perturbait le plus, était le fait que Klaro avait l'air d'avoir pris cet avant-poste à lui seul.

Chacun était assis sur sa chaise de son côté, John s'était légèrement penché sur son bureau avec sa radio à la main, serrant le poing sur la table, pendant que Klaro se mettait à son aise et s'allongeait à moitié en posant l'un de ses pieds chaussé d'une botte recouverte de boue sur la caisse d'arme à côté de lui, se balançant sur deux pieds de sa chaise. Quand Klaro parlait, John pouvait entendre la pluie dehors, et même avec la qualité médiocre de l'appareil, il percevait parfaitement la voix de Klaro qui provoquait en lui d'étranges décharges intenses de peur et d'un soupçon d'on-ne-sait-quoi.

John déglutit bruyamment avant de presser à nouveau le bouton pour prendre la parole une fois de plus, mais il fut devancé par Klaro qui prit soudainement une voix bien plus grave et bien plus rêche.


"Pour l'instant, ce n'est pas grand chose je l'admet, mais je vais continuer... Je ne prendrais pas qu'un seul avant-poste, je vais tous les reprendre. Je vais tout vous prendre. Je vais reprendre la vallée. Je vais vous mener la vie dure, tu peux me faire confiance... Alors un conseil, si tu veux avoir ne serait-ce qu'une chance de m'arrêter, commence à bosser dessus maintenant !"


John resta là, avec l'écho de ses paroles et avec un arrière goût étrange. Un mélange de rage et de crainte. Il repassa en boucle sa menace, encore et encore, afin d'être sûr de bien la comprendre.

Jamais John n'avait entendu une telle détermination venant de qui que ce soit ici, et le pire, c'est qu'au fond, il savait qu'il était dangereux pour leur projet... Silencieux, sans savoir quoi rétorquer, sans émettre le moindre son, il n'arrivait pas à croire comment la situation avait pu se retourner aussi vite. Klaro, de son côté, leva son regard vers la fenêtre d'où il pouvait voir la pluie tomber. Soudain, à ses yeux, la pluie prit une couleur plus sombre, une couleur rouge, comme le sang. Il voyait des litres de sang couler en abondance, comme si le ciel pressait toutes les victimes qu'il avait fait comme des citrons pour en sortir le jus.

Il eut l'impression de devenir fou l'espace d'un instant, mais reprit bien vite ses esprits en forçant un sourire sur ses lèvres, et fixa le bureau devant lui.


"Tu ne dis plus rien ? Je pensais que tu allais te débattre un peu, je m'attendais à une petite confrontation digne de ce nom... Mais tu sais John, parfois j'ai l'impression que tu es beaucoup plus docile que tu ne le laisse croire. Tu agis comme un chevreuil prit dans des phares quand tout ne se passe pas comme prévu... Je te fais si peur que ça ?"


Evidemment que John avait, dans un sens, peur de lui, même s'il ne voudrait jamais l'admettre. Klaro avait éveillé chez lui quelque chose qu'il ne comprenait pas, ou plutôt qu'il ne voulait pas comprendre, qu'il ne voulait pas réaliser, et encore moins accepter. Il était persuadé d'avoir un problème, sans même connaître ledit problème, mais non pas par manque de savoir, simplement par manque de réalisme.


"Si c'est le cas... Sache que tu as bien raison. Contrairement à toi, je n'ai pas peur de mourir ou de perdre, parce que je n'ai simplement rien à perdre ici... Joseph a lancé ce "projet" soit par pure folie, soit par pure génie, bien que j'ai mon idée sur la question... Mais toi John, pourquoi tu le suis ?"


John regardait droit devant lui dans le néant le plus absolu, et ne répondit rien... Cependant, ça ne l'empêcha pas de se poser inconsciemment la question. Pourquoi le suivait-il ? C'était son frère ! Voilà pour quoi ! La seule vraie famille qu'il n'avait jamais eu... Son frère était-il fou ? Non ! C'est de croire qu'il lui ment qui serait folie ! Le monde courait à sa perte, là était la vérité incontestable ! Mais est-ce vraiment juste ? Bien sûr ! Il faut mériter sa place au sein de l'Eden, quitte à souffrir, le monde a été forgé ainsi, dans la douleur, et il se terminera dans la douleur... John en savait quelque chose.

John grogna en se posant toutes ces questions dont les réponses étaient déjà toutes faites pour lui. Il se laissait distraire, et ça ne l'enchantait pas du tout. Le brun avait l'impression que Klaro s'était immiscé dans son esprit pour y semer le doute, et John ne voulait pas se laisser corrompre par ses techniques d'intimidation.


"Je finirais par te tomber dessus. Tu ne pourras pas nous arrêter, tu es seul, et tu te laisses dominer par tes péchés ! Là est ta faiblesse...

-Cause toujours... Tes histoires de "péchés" tu peux te les carrer où je pense... Tu te dis pas que Dieu, comme vous avez l'air d'avoir une fixette sur lui, m'a fait venir ici ? Pour tous vous détruire ?

-Peut-être... Ou peut-être qu'il t'a envoyé pour une toute autre raison !

-Bravo, tu répètes encore les beaux discours que ton frère t'as écris ? Tu les as tous appris par coeur ? Quelle belle marionnette tu fais... Sinon, quand est-ce que tu commenceras à réfléchir par toi-même ?"


Un lourd silence s'installa, alors qu'une tension palpable oscillait entre les deux combinés. John ne voulait rien entendre de plus, et Klaro ne voulait pas lâcher l'affaire, du moins jusqu'à maintenant. Il souffla bruyamment avant de se redresser de sa chaise, une main posée sur la table.


"Bon, j'en ai un peu marre de cette discussion à sens unique, rappelle-moi quand tu sauras te servir de ta tête, Johny !"


Dit-il avant de poser la radio, laissant John seul avec une pointe d'agacement. "Johny" ? Vraiment ? Il avait osé ? Il aurait voulu hurler et l'insulter de l'autre côté de la ligne, il aurait voulu lui promettre qu'il l'arrêterait, mais il ne dit rien, sa rage bloquée dans sa gorge comme une pilule difficile à avaler. Il fixa la radio qu'il tenait, alors qu'un rictus tordit son visage dans la colère. Il balança le micro qu'il tenait, relié par un fil enroulé sur lui même, le faisant percuter la radio à laquelle il était accroché.

Klaro décida qu'il était temps de prévenir les autres, et sembla déçu de cet échange... John était vraiment un personnage étrange et difficile à cerner, et Klaro aurait espéré quelque chose d'un poil plus divertissant, quelque chose qui les aurait amené quelque part. Mais Klaro était conscient que lui aussi était peut-être fou, et qu'à force de suivre son frère dans sa descente aux enfers, il aurait fini par se laisser embourber dans ces histoires de paroles divines... Une sorte de folie par procuration.

John resta là, toujours assis, une cheville posée sur son genou alors qu'il s'était affalé sur sa chaise de bureau, les bras croisés et se mordillait l'ongle du pouce. Il prenait toujours cette position lorsqu'il était pris d'un sentiment qui le rendait incontrôlablement tendu, mais cette fois, plusieurs émotions distinctes s'emparaient de lui au même moment, et lui prenait la tête.

Une colère, une haine si vive contre Klaro qui se moquait ouvertement de lui et qui se permettait de lui faire la leçon, en le traitant comme un enfant pourri gâté. Des doutes, des questionnements sur lui-même, sur ce qu'il faisait réellement de sa vie ici, sur le chemin qu'il prenait, mais aussi des questionnements à l'égard de son nouvel ennemi lui-même. Il se posait tant de questions à son sujet. Qui était-il vraiment ? Pourquoi agir ainsi ? D'où venait-il ? Quel était son but ? Quelles étaient ses ambitions ?... John cessa de penser et se frappa doucement le front avec son poing, cessant de mordre son pouce, et fermant les yeux de façon crispée pour cesser de se poser des questions en boucle et tenter d'arrêter totalement de penser.

John n'arrivait toujours pas à se comprendre lui même, et à comprendre ce désir d'en savoir toujours plus sur lui, presque de façon maladive. Certes, il le faisait avec tout le monde, pour connaître les faiblesses de chacun, ça a toujours été son talent et ça avait fait parti de son métier fut un temps, mais c'était plutôt pour sa propre curiosité plutôt que pour le bien du projet d'Eden's Gate.

Quand Klaro avait répondu et qu'il avait reconnu sa voix, John avait ressenti au plus profond de lui une sensation d'excitation étrange qu'il ressentait souvent lorsqu'il prenait la parole afin de faire frémir et trembler ceux qui étaient contre ce projet, un peu comme il avait pu le faire avec Nick Rye... Mais il avait vite déchanté, et les rôles s'étaient un instant inversés. Il voulait retrouver Klaro et l'enfermer de nouveau, pour peut-être le dissuader de continuer, le connaître et savoir qui il était, pour mieux le contrer et peut-être le faire rejoindre leur cause, bien qu'il n'y croyait pas vraiment lui-même.

Il était impatient à cette idée, bien plus qu'on ne pourrait le croire. Il resta assis, à attendre que Klaro daigne sortir de ses pensées pour le laisser souffler ne serait-ce qu'une minute, mais le Baptiste savait pertinemment qu'il allait rester au centre de son attention pour un bon moment désormais.

Klaro avait croisé sur son chemin un véhicule de résistants. Le conducteur, dont le véhicule qu'il conduisait contenait déjà deux personnes de plus, l'avait vu marcher non loin de l'avant-poste de Copperhead qui semblait bien calme et bien vide depuis plus d'une heure.

Le jeune homme leur expliqua d'un ton sérieux et éreinté qu'il avait pris l'avant-poste et tué tout les fanatiques qui s'y trouvaient. A cette annonce, les trois résistants étaient ravis, et avaient félicité Klaro avec enthousiasme, sincèrement impressionnés. Les deux passagers descendirent, armés et prêts à défendre le lieu. Le duo alla à l'avant-poste afin de le surveiller le temps que d'autres personnes de leur camp ne viennent s'installer et transformer l'avant-poste.

Le conducteur invita Klaro à monter, et le laissa annoncer la nouvelle à Mary May. Il prit contact avec elle avant de donner la radio à Klaro, assis sur le siège passager avant, et trempé jusqu'à l'os à cause de la pluie qui n'avait cessé de tomber.


"Mary ? Tu m'entends ? questionna-t-il, suivit d'un silence, avant qu'une voix féminine ne réponde.

-Je t'entends ! Il y a un problème ? demanda la jeune femme à l'autre bout de la ligne, laissant un grésillement retentir à chaque fois qu'elle pressait le bouton pour parler et qu'elle relâchait à la fin de sa transmission.

-Non non ! Aucun problème, juste... Je voulais te prévenir qu'un avant-poste de la secte est à nous maintenant, alors... Si tu as des gens qui savent pas quoi faire, ils peuvent toujours s'installer là-bas !

-Sérieux ?! T'as libéré un avant-poste à toi tout seul ?! s'exclama Mary avec un sourire perceptible d'ici rien qu'au timbre de sa voix.

-Bah, j'ai eu un peu d'aide, deux trois loups enragés et le tour est joué."


Mary félicita Klaro et le complimenta de tout les noms possibles. La jeune femme paraissait émue et heureuse de constater que Klaro était toujours prêt à les aider, même après ce qui s'était passé. Son dévouement lui faisait chaud au coeur, et Klaro sourit en sentant sa poitrine être parsemée d'une douce chaleur en entendant le bonheur dans la voix de la blonde. Il avait moins froid tout à coup, la température lui paraissait plus chaude maintenant, malgré ses vêtements encore trempés.

Mary était si enthousiasme, qu'elle décida de rouvrir officiellement son bar, et d'aller retrouver tous ses stocks d'alcool cachés, afin de rameuter les clients. Ainsi, son bar connaîtrait à nouveau une soirée endiablée comme c'était le cas de temps à autres avant l'arrivée de la secte.

Klaro n'était pas certain de vouloir faire la fête maintenant, mais finalement, s'il mourrait demain, il regretterait amèrement de ne pas avoir pu s'offrir une bonne cuite juste avant ! Cependant, à cet instant, il n'avait qu'une seule envie : rentrer quelque part pour passer la nuit après une bonne douche. Il sentait la fatigue le gagner alors que le soir tombait peu à peu. Le trajet allait encore durer, alors Klaro ferma les yeux, confortablement installé sur son siège pour se reposer l'espace d'un instant, bercé par le son du moteur et de la pluie sur le pare-brise, balayé par les essuis-glaces.

Pendant ce temps, John avait pris contact avec Joseph par radio, afin de lui annoncer la nouvelle. Certes, un avant-poste n'était rien comparé à tout le reste, ils en avaient des dizaines ! Mais c'était la première fois que ça arrivait, et tout portait à croire que ça allait recommencer.

John était à cran, la boule au ventre, alors qu'il craignait la réaction de son grand frère qui, depuis qu'il avait appris la nouvelle, n'avait pas prononcé un mot en quelques secondes, qui lui parurent durer une éternité.


"Es-tu bien sûr de toi ?

-J'ai demandé à Ambrose de vérifier avec son équipe, l'avant-poste de la gare de Copperhead est rempli de résistants maintenant... répondit le brun avec un air grave, les yeux clos en se frottant la nuque.

-Ne me dis rien... Klaro ?"


John se figea un instant, et ne savait pas quoi penser, ni même quoi répondre. Il hésita à le lui avouer, mais se résigna et rétorqua.


"Oui, Joseph... C'est bien lui. un autre silence, toujours plus dur à encaisser. Joseph ne laissa émettre aucun son pendant une bonne dizaine de secondes qui parut durer une bonne dizaine de minutes pour John.

-Il faut l'arrêter, si tu ne peux pas le faire, je demanderais à Faith de le corrompre avec la Grâce, ou bien je demanderais à Jacob de s'en charger, et si aucun de vous n'y parviens... Je m'occuperais de lui personnellement. la voix de Joseph prit une teinte sombre, une teinte noire que John n'aimait pas entendre. Il voulait réussir, rendre son frère fier de lui, et par égo, il ne voulait pas admettre qu'il avait besoin d'aide ou qu'il n'en était pas capable... Bizarrement, il ne voulait pas que qui que ce soit d'autres s'en charge à sa place. Il prenait cette situation très au sérieux, et personnellement.

-Ce ne sera pas nécessaire ! s'exclama John sans réfléchir avant de se racler la gorge. Je vais m'en charger, cette fois, je vais réussir.

-Je compte sur toi John, ne me déçois pas."


Répondit Joseph d'une voix à la fois calme et glaciale, avant de mettre fin à la transmission.

Cette fois, John savait qu'il n'avait pas le droit à l'erreur. Il posa sa radio avant de presque plaquer ses deux mains sur la table avec férocité et hargne, fixant un un point précis, mais pourtant vide en face de lui, cherchant une idée qui cette fois-ci, ne lui ferait pas perdre la face.

Il était hors de question de demander à Ambrose de s'en charger à sa place. John connaissait son sous-fifre, et il savait pertinemment qu'il chercherait à le tuer, quitte à contrecarrer les ordres qu'il lui aurait donné, plutôt que de le ramener comme convenu. Ambrose a toujours été comme ça, aussi lointain que se souvienne John.

Joseph l'avait ramassé sur un trottoir dans un quartier malfamé comme on en voyait beaucoup, voir trop dans ce pays. Il n'avait rien, si ce n'est de la peau sur les os, et de la crasse sur sa peau blanche comme neige. Tout comme eux, il avait vécu toute son enfance dans un foyer pour enfants, des enfants comme les autres, au détail près qu'ils n'avaient pas de parents. Des enfants qui n'avaient pas la moindre idée d'où ils venaient, et dont la notion de naissance n'avait pas la moindre valeur ou consistances

John le sait mieux que personne, tout comme ses frères. Quand un enfant grandit sans parents, du moins, des parents aimants, c'est comme si cet enfant n'était qu'un fantôme, qui errait dans les mêmes endroits, et revoyait les mêmes visages. Il n'avait pas le moindre souvenir de quand ça avait commencé, et il se demandait sans cesse, chaque jour, se posant inlassablement la même question : quand est-ce que ça allait finir ?

John devait trouver comment faire, il devait trouver une solution... Et il trouva, pardi ! Il trouva !

Il eut une idée, certes dangereuse, et peut-être stupide quand on y repensait à deux fois, mais qui pourrait fonctionner si John avait suffisamment de chance et une dextérité accrue.

John irait le chercher là où il s'y attend le moins. Parmi eux. Il irait le chercher en main propre à Fall's End, dans la nuit noire, comme un voleur qui partirait aussi vite qu'il était arrivé.

Il devait trouver quand, où, et comment. Il devrait s'en charger seul, ses hommes et ses frères seraient évidemment contre cette idée, et ferait tout rater sans doute. Il allait trouver Klaro, peu importe où il devrait aller, peu importe combien de temps ça lui prendra. Il allait chercher le moment propice, un moment où il lui serait possible d'être discret et de récupérer Klaro une énième fois... Mais cette fois-ci, pas question de le laisser filer.

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