Chapitre 8

Je fus réveillée en sursaut lorsqu'une forme humanoïde sembla trébucher sur ma misérable carcasse étalée à même le sol. L'étincelle émeraude que je discernai au coin de l'œil me mis la puce à l'oreille quant à l'identité de celui venu déranger mon sommeil trouble et nébuleux.

Lorsque je finis par lever la tête vers l'intrus, je vis finalement Lee me dévisager et faire deux pas en arrière. Il ouvrit la bouche, et par habitude récemment acquise, je lus machinalement sur ses lèvres:

"Oulah! Ça n'a pas l'air d'aller, toi. Je t'ai presque confondue avec le paillasson!"

Je ne sais pas si j'eus envie de rire ou de pleurer en comprenant ces mots. Puisque je n'avais plus aucune larme à verser, je décidai d'afficher un sourire sans joie. Quant à Lee, malgré ses paroles détachées, affichait une expression alarmée qu'il m'avait jamais été donné de voir auparavant. Je devais être dans un sacré drôle d'état, pour voir le disciple de l'ombrageuse panthère de jade de Konoha me scruter de la sorte.

"Tu... Tu veux que j'aille chercher quelqu'un?"

- Non, non! Surtout pas!

Tsunade m'avait prévenue. J'étais d'une stupidité telle que j'avais cru un instant pouvoir faire abstraction de mon handicap et retrouver mon village tel qu'il l'avait été avant mon accident. Mais sans sa musique, on avait arraché à Konoha toute sa magie. Et je n'avais clairement pas été préparée à une telle fatalité; enfin si, mais j'avais simplement ignoré les conseils et mises en garde de Godaime. Et je ne voulais pas étaler toute l'étendue ma faiblesse et de ma bêtise en ramenant une tierce personne ici. J'avais ni la force ni le courage, à cet instant, de supporter leur remontrances et leur regard emplis de pitié.

Lee sembla le comprendre puisqu'il s'accroupit devant moi, et me demanda en tournant la tête sur le côté, comme si de rien n'était:

"Tu veux manger un truc?"

Je n'avais aucune envie d'avaler quoi que ce soit. De toute façon, mon estomac barbouillé ne me le permettrai pas. Mais pour étendre cette simple conversation banale qui me faisait croire que tout allait bien, et pour conserver l'absence subite d'inquiétude et d'empathie dans les grands yeux de Lee, j'acquiesçai.

Il me sourit de toutes ses dents, et ce simple rictus enfantin me rafraîchit par son insouciance. Ce que j'aimais Lee pour ça. Avec lui, on avait toujours l'impression que rien n'avait d'importance, comme si sa simple présence vous faisait entrer dans un monde où le malheur et la tristesse n'existaient pas. Il ne s'attardait jamais sur le mal qui habitait les gens, mais cherchait plutôt, par la simplicité de l'instant présent, à sourire de tout et à rire à partir de rien. C'en était presque fabuleux.

Lee finit par me soulever par les aisselles comme si je n'étais pas plus lourde qu'une plume pour me remettre sur mes deux jambes. J'oubliai parfois qu'outre son allure ridicule et son énergie débordante, il possédait une force brute hallucinante. Je ne pouvais que louer sa détermination sans limites pour avoir réussi à atteindre un tel niveau sans réel talent au préalable, détermination dont je semblais moi-même être définitivement démunie. Je me sentais juste minable, en fait.

Mes jambes protestèrent un peu, et la tête me tourna légèrement lorsque Lee m'aida à tenir debout. Je n'avais aucune idée du temps que j'avais passée ici, recroquevillée sur le paillasson de mon entrée à comater et broyer du noir par intermittence. Je devais ressembler à une loque avec des jambes.

"T'es affreuse", commenta Lee en me regardant d'un œil critique comme s'il évaluait un tableau qu'il viendrait de peindre. "On dirait que tu viens de revenir d'entre les morts."

Merci, Lee.

Il me poussa sans vergogne jusqu'à la porte de ma salle de bains, et je me laissai faire docilement. Je n'avais pas la force de protester ni de relever ses mots qui auraient pu me blesser si ce n'était pas lui qui les avait prononcés.

"Vas te passer un peu d'eau sur le visage, je te prépare un truc en attendant!" lus-je rapidement sur ses lèvres avant qu'il ne me claque au nez la porte de ma propre salle de bains.

C'était à se demander parfois qui était le propriétaire de cet appartement. Surtout qu'il allait tout me dévaster comme l'espèce de tempête verte sur pattes qu'il était. Mais je m'en fichai éperdument. Sa maladresse et sa spontanéité m'étaient plus secourables qu'autre chose à cet instant.

Je laissai tomber un à un sur le sol mes vêtements sales, encore humides de mes larmes et de ma transpiration. Je pris bien soin d'éviter mon reflet dans le miroir avant d'allumer le jet d'eau brûlante de la douche et me glisser en dessous.

Je laissai l'eau me laver de mes tourments comme s'ils n'avaient été que de la crasse sur ma peau, et l'image de les voir disparaître dans le siphon au rythme de l'eau qui coule me dérida quelque peu. Je ne pus détacher mon regard de ce liquide transparent ruisselant sur mon corps, où j'avais l'impression d'y voir toute l'étendue de mes rêves brisés s'éclater sur le carrelage immaculé à mes pieds, en imaginant en vain le bruit du jet et de l'écoulement de l'eau brûlante sur moi se perdre à jamais.

J'y suis restée longtemps. Assez longtemps pour entendre les cris imaginaires de Lee derrière la porte, et le bruit de ses poings la marteler pour m'inciter à me dépêcher, comme il l'avait toujours fait.

Je finis par couper l'eau au bout d'un temps que je ne parvenais plus à cerner, pour retrouver la présence rassurante de Lee au milieu du silence affligeant dans lequel baignait mon appartement.

***

Lorsque j'ouvris doucement les yeux le lendemain matin, je me mis à fixer le plafond de ma chambre longuement, sans bouger. Il était étrange de se retrouver dans un endroit si familier et inconnu à la fois, de voir la lumière du soleil doucement infiltrer la pièce à travers les rideaux unis de la fenêtre sans entendre le gazouillement joyeux des oiseaux que j'avais l'habitude de percevoir à mon réveil. La lueur du jour semblait aussi silencieuse que la plus obscure des nuits, et me réveiller dans mon propre appartement n'avait jamais été aussi éprouvant.

Au bout de longues minutes à broyer du noir, allongée de tout mon long sur mon lit en fixant le plafond les bras en croix, je décidai de me redresser et d'aller vérifier si le monde continuait bel et bien de poursuivre son chemin sans moi. En écartant les fins rideaux pour jeter un oeil à l'extérieur, je réalisai que le soleil était bas dans le ciel, et que sa lueur chaleureuse épousait doucement les façades des habitations de Konoha pour les réchauffer en cette nouvelle journée.

Nous étions à l'aube, et l'astre flamboyant venait à peine d'entamer sa course à travers le ciel, apparemment. Combien de temps avais-je donc bien pu dormir? Lee était parti la veille, en plein milieu de l'après midi, et j'avais été si éreintée émotionnellement que je m'étais jetée sur mon lit à l'instant où il avait passé le pas de ma porte pour s'éclipser.

Presque 15h de sommeil consécutif. Tsunade m'avait dit que mon sommeil particulièrement long et profond était l'un des effets secondaires de mon accident, un moyen de compenser mon choc à la tête ainsi que mes épreuves émotionnelles, mais rester dans l'inconscience aussi longtemps me faisait peur et me soulageait en même temps.

Me soulageait en me faisant oublier un temps soit peu que le monde s'était définitivement tut, et me faisait peur parce que je craignais de ne jamais me réveiller. J'étais éternellement ballotée entre ces deux états d'esprit; je voulais quitter ce monde silencieux à tout prix mais j'étais terrifiée à l'idée de ne pas le revoir tout de même. Je ne savais plus comment appréhender ma propre vie, en dansant perpétuellement dans le flou, sans jamais pouvoir envisager un avenir. A mes yeux, il n'y avait plus rien d'épanouissant, de galvanisant; il faisait continuellement sombre et froid, et plus aucune mélodie chaleureuse n'était là pour me réchauffer.

Je soupirai en observant de ma fenêtre Konoha se réveiller doucement, mais détournai le regard lorsque je vis trop de gens silencieux affluer doucement dans ses ruelles sinueuses.

Je sortis de ma chambre et balayai mon petit appartement d'un regard ennuyé.

Je n'avais aucune idée de ce à quoi je pourrais bien consacrer mes journées pendant les deux prochaines semaines.

Il était hors de question de sortir; j'avais trop peur de la foule et de son étrange silence. Je n'avais pas le droit de trop gesticuler non plus, et je préférai, pour une fois, suivre les conseils de Tsunade que j'avais découvert à mes dépends être très véridiques. Je n'avais pas personnellement envie de voir qui que ce soit; j'avais déjà assez bien l'impression que le monde entier m'oppressait. Et puisque je n'étais que très rarement dans mon appartement à cause des missions et des entraînements, je n'avais donc pas grand chose pour m'occuper ici.

Je soufflai d'exaspération. J'aurais bien aimé avoir, à cet instant, quelque chose pour me changer les idées. Je ne savais même pas si c'était encore possible.

Puis une soudaine envie s'immisça doucement dans mon esprit, d'abord à l'état d'une vague ébauche irréalisable avant qu'elle ne se précise et ne se renforce à mesure des secondes passées.

Je me jetai à ma fenêtre pour y jeter un nouveau petit coup d'œil. Le cortège de passants n'était pas encore très dense, peut-être avais je mes chances de ne pas me perdre dans les méandres d'une lente folie si je m'y aventurais à nouveau. J'y réfléchis sérieusement quelques secondes, le regard dans le vague, avant que mes yeux ne s'accrochent aux tuiles rutilantes des maisons environnantes.

Les rouages s'emboitèrent à la perfection dans ma tête et j'ouvris ma fenêtre à la volée pour m'accroupir contre le rebord, avant de me jeter dehors.

Si la terre ferme m'était trop hostile, la voie des airs me paraissait particulièrement attrayante. La fraîcheur matinale gifla la peau de mon visage encore ensommeillé, que les rayons du soleil levant réchauffèrent sur le champ, tandis que je m'élançai dans les airs, avant d'atterrir souplement sur la toiture voisine.

Tsunade m'étranglerait si elle me voyais m'agiter ainsi. Mais puisque j'avais peu de chances de croiser quelqu'un à crapahuter sur les charpentes de Konoha, et que le jour naissant m'épargnerait un trop plein de présences sur le lieu de ma destination, je décidai d'oublier la vision du visage tordu de colère du chef de notre visage. Et puis, elle n'avait jamais stipulé une quelconque interdiction de sortir, si?

Je me délectai de ce sentiment de liberté qui me pris soudainement alors que j'enjambais les allées de Konoha par le haut. J'avais l'impression de ne m'être engagée sur la voie shinobi simplement pour cela, pour le plaisir de me voir traverser les airs par mes pas souples et aériens, d'atterrir sur la toiture voisine d'un geste presque félin pour m'élancer sur la prochaine. Bien que je n'entende pas le vent siffler à mes oreilles, bien que le lent réveil du village se fasse sans aucun bruit, j'en faisais abstraction par la simplicité de mes jambes se balançant dans les airs, pour les voir ensuite se plier afin d'amortir ma chute volontaire sur l'éclat cuivré des tuiles luisantes sous les lueurs du soleil matinal. Ne pas m'entendre bouger ni même respirer avait, pour la première fois, un côté satisfaisant ; j'avais l'impression d'être invisible, de marcher sur du velours, que personne ne pouvait se douter que j'étais là, à vagabonder silencieusement sur leurs toits. Je frissonnai de contentement et je sentis une certaine euphorie s'emparer de mon être, elle qui ne m'avait pas saluée depuis si longtemps. Elle assouplit mes gestes, les rendit plus lestes, et sentir mes cheveux voler au vent ne m'avait jamais paru aussi exquis qu'à cet instant.

Je ralentis lorsque ma destination se dessina devant mes yeux. Les toitures se faisaient plus éparses à mesure que je m'approchai, et après un dernier saut vertigineux où j'avais failli manquer mon atterrissage, je finis par m'arrêter complètement en sondant les environs du regard, en quête d'une quelconque présence non désirée. Mais la rue en contrebas était complètement déserte, à mon plus grand soulagement ; je sautai ainsi sur la terre ferme, non sans une certaine appréhension de voir quelqu'un surgir de nulle part, mais calmai rapidement ma terreur sourde en réalisant qu'il n'y avait pas âme qui vive à une centaine de mètres à la ronde. J'avais eu raison; personne ne viendrai s'attarder ici à une heure aussi matinale.

Soulagée, j'entamai les quelques mètres qui me séparaient du cimetière de Konoha.

Je me mis alors à déambuler sur les avenues désertes entre les stèles qui portaient les noms de tous ces shinobis qui avaient perdu la vie sur le champs d'honneur. La brume de silence autour de moi me parut plus approprié, à cet instant; il reflétait ce sentiment de déférence propre à ce lieu où il n'était plus que calme et souvenir. Aussi étrange que cela puisse paraître, je me sentais bien, ici.

Je m'arrêtai finalement devant une pierre tombale particulière et je baissai doucement le regard vers le nom gravé qui était le même que le mien.

Du plus loin que je me souvienne, j'avais toujours vécue seule. J'avais dû avoir des parents, comme tout être mortel en ce bas monde, mais les souvenirs que je possédais à leur propos se limitaient à de lointaines silhouettes floues dansant dans le fond de mon esprit, deux visages sans traits précis et des échos de voix inintelligibles, tellement brumeuses que je me demandais parfois si je n'avais pas simplement rêvé tout ça.

Et pourtant, la stèle qui se dressait devant mes yeux me prouvait bien qu'il y avait un temps où ces gens avaient bien existé, que je ne venais pas de nulle part, que j'étais bien la fille de deux shinobis morts au combat et à qui on n'avait pas donné assez de temps rien pour que je me souvienne d'eux.

Cette réalité aurait pu attrister bien des gens, moi la première. Et pourtant, il n'en était rien.

Je vivais dans cet état d'esprit où j'étais persuadée qu'on ne pouvait souffrir de quelque chose qu'on avait pas connu. Puisque je n'avais jamais expérimenté la douceur d'être serrée dans les bras de ses parents, je ne pouvais me morfondre sur cette absence. Je ne savais pas ce que c'était.

Et je n'en avais jamais souffert. J'étais bien entendu curieuse de savoir ce que pouvait ressentir cet enfant, dans la rue, en train de tirer sur le veston de son père pour quémander je ne savais quelle broutille. Mais je ne sentais pas mon cœur se serrer à cette vision, je n'éprouvais aucun regret, aucune mélancolie. J'avais appris à vivre seule, et j'avais appris à aimer ça, au point de préférer la solitude à la compagnie d'amis venus compenser ce soit-disant vide dans mon cœur. C'est peut-être pour cela que j'avais développé une certaine hostilité peureuse envers le reste du genre humain; je n'étais pas faite pour parler, pour plaisanter, pour sociabiliser. Je me trouvais bien trop fade pour avoir un quelconque intérêt aux yeux du reste du monde, et je m'étais créée une sorte de coquille autour de mon être, avec une fissure assez large pour y observer l'extérieur sans avoir à y pénétrer moi même. Il n'y avait cas voir la façon dont mes amis étaient entrés dans ma vie; je n'avais jamais, au grand jamais engagé une quelconque initiative pour faire d'eux les seuls êtres peuplant mon existence. Si Lee n'avait pas bataillé à m'extirper de ma propre cage tout au long de mon adolescence, si Naruto et Sakura n'avaient pas fait tant d'efforts pour me faire une place dans leur équipe, je n'aurais jamais été l'amie de qui que ce soit. Je les en remerciai, du fond du cœur, mais je ne parvenais pas à m'affranchir de cette austérité qui régissait mon être et faisait fuir tout le monde pour me rendre invisible malgré l'exemple qu'ils me donnaient. Je crois que finalement, je me complaisais bien dans ma petite bulle sereine, où il n'y avait que moi pour seule maître et où je vivais comme je l'entendais. J'avais toujours été consciente de ce gros défaut qui m'habitait, mais je pensais surtout qu'il faisait ce que j'étais. Et au fond, je n'avais rien envie de changer.

Jusqu'à ce que je ne sois plus capable d'entendre.

J'avais vécu sereinement en me tenant à bonne distance des gens, en me contentant de les observer, de les écouter. Je n'avais jamais été de ceux qui parlaient haut et fort, qui étalaient leur vie et leurs rêves en grand sur le comptoir, en cherchant à se faire comprendre et apprécier des autres. Ça, c'était plutôt la réalité de Naruto; je me rendais compte que nous menions une vie plutôt semblable, à la seule et immense différence que je n'abritais aucun démon au fond même de mon ventre. Et c'est ce qui avait fait de son enfance un clavaire tandis que moi, je m'étais contentée de regarder, d'écouter, sans jamais me manifester.

Oui, j'étais plutôt de ceux qui observent sans bruit, qui analysent en retrait sans jamais être de véritables acteurs de leurs vies. Je suis de ceux qui se laissent voguer, qui se nourrissent de paysages, de levers de soleil, des mots de ceux qui savent parler et du bruit des rues, des oiseaux. Et j'avais toujours profondément, intensément affectionné ces détails qui se révélaient être les fondations de ma vie entière.

Perdre un de mes sens avait mis en branle la définition même de ce pourquoi je vivais. J'avais été éjectée plus loin encore de là où je m'étais dressée tout au long de ma vie, là où ce léger contact avec mon environnement qui me tenait en équilibre avait éclaté et me laissait déboussolée. Tandis qu'avant la solitude ne m'effrayait pas parce que le bruit me confortait dans la sensation de ne pas être si seule, ma coquille s'était à présent refermée totalement sur moi et j'avançais à tâtons, dans le noir, sans savoir que faire et où me diriger. Je n'étais plus en rythme, ma bulle s'était épaissie, et la sensation de me noyer au milieu de cette pression qui bouchait mes oreilles et sifflait à l'intérieur de ma tête me laissait perdue, pantelante, désarmée. Et j'avais peur. Continuellement, inlassablement, éternellement.

Alors, aujourd'hui, j'avais décidé de me rappeler. De me raccrocher à ce seul véritable pilier que j'avais, qui avait construit ma vie et qui m'avait peut-être fait emprunter le mauvais chemin. De me rappeler qu'au commencement de mon existence, j'avais bel et bien été entourée un jour, que j'aurais pu ne jamais être seule et même apprécier un surplus de présence autour de moi.

Je m'accroupis donc devant la tombe de mes parents et fixai longuement ces deux noms qui, à une époque lointaine, incarnaient les personnes qui m'avaient donné la vie. Et même si je ne savais pas à quoi ils ressemblaient, même si je n'avais aucune idée de qui ils étaient, je ne pouvais m'empêcher de ressentir un certain attachement envers ces souvenirs brumeux, et de ressentir le besoin de me diriger vers eux à chaque fois que je perdais mes repères. Et même si c'était une pierre tombale qui représentait toute l'étendue de mes racines, me recueillir ici avait quelque chose de profondément réconfortant. Je n'étais ni chagrinée de voir que je m'adressai à une pierre froide et abîmée par le temps, ni en colère à l'idée qu'on m'avait arraché cet amour avant même que je ne réalise que j'en étais démunie. J'étais simplement perdue et cherchais du réconfort auprès de ce qu'il y avait de plus familier à mes yeux.

Je ne pourrais dire combien de temps je suis restée ici, à réfléchir dans un silence qui me parut pour la première fois naturel, devant cette tombe qui avait le doux et étrange pouvoir de me ressourcer. Lorsque je finis par lever les yeux et regarder le ciel, je réalisai que le soleil brillait bien plus haut, et qu'il était peut-être temps de rentrer avant que les passants n'envahissent les rues et ne m'empêchent de passer. Je me redressai et adressai un dernier coup d'œil à mes parents en leur murmurant un dernier au-revoir silencieux avant de me détourner.

Mais mon regard s'accrocha immédiatement à une silhouette, quelques rangées plus loin, baissée elle aussi sur une tombe dans la clarté du matin. Je ne l'avais pas remarquée jusqu'ici et je me demandai alors si elle était déjà là à mon arrivée ou si elle avait pénétré silencieusement le cimetière pendant ma contemplation révérencieuse du lieu où reposaient mes parents.

En plissant des yeux, je pus reconnaître une touffe de cheveux gris voletant au gré des faibles remous de la brise matinale.

Si je ne me trompais pas, Naruto et Sakura n'avaient pas été dispensés d'entraînement malgré mon absence. Et ils devaient en ce moment-même patienter sur le terrain depuis une belle lurette, au vu du soleil qui était monté bien haut dans le ciel. Dans ce cas, que faisait-il ici?

Il dut sentir mes yeux posés sur son dos puisque Kakashi-sensei pivota doucement sur lui même avant d'enfoncer son regard dans le mien malgré la distance qui nous séparait.

Et je fus frappée par la teneur de cet unique œil noir qui m'avait repérée à des dizaines de mètres de là. Sur les traits tirés de ce visage au deux-tiers recouvert, régnait une tristesse sans nom, des regrets si déchirants qui vinrent douloureusement me tordre l'estomac. Cette vision de mon sensei, au naturel toujours nonchalant et impassible, à cet instant perdu dans les abîmes d'une amertume aussi profonde me bouleversa sérieusement.

A peine avais-je cligné des yeux pour m'assurer que je n'étais pas en train d'halluciner que la silhouette de l'homme argenté avait disparu dans un nuage de fumée, me laissant là, le souffle coupé, à me demander si je ne venais pas de rêver.

_______

Bijour.

Un petit mot pour vous souhaiter à tous et à toutes de très bonnes fêtes !

Amusez vous bien!

Ecrivainement vôtre,
Emweirdoy

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top