Chapitre 31
Mon réveil fut d'une lenteur confortable, ce matin-là.
Lorsque mon corps reprit doucement conscience, en s'éloignant petit à petit des bras charmeurs du sommeil, un sentiment de flottement tranquille m'envahit. Je me sentais parfaitement reposée, et pourtant, je ne permettais pas à mes yeux de s'ouvrir, trop confortablement installée dans l'obscurité de mes paupières où je me sentais si bien. Une luminosité ambiante passait doucement à travers néanmoins, et une chaleur paisible caressait ma peau, tantôt dans ce qui semblait être un contact lisse, tantôt dans un souffle qui avait l'air d'aimer heurter ma joue.
Un long moment passa avant que je n'ouvre finalement les yeux, la réalité me rappelant inéluctablement à la raison.
Et je tombai alors nez à nez avec le visage endormi de Kakashi-sensei.
Je dus me faire violence pour ne pas pousser un cri de surprise. Avant que la panique n'impose son règne sur mon corps, mon bon sens me ramena à l'esprit les images encore un peu vagues des évènements de la veille.
Ah oui. Je m'étais assoupie dans les bras d'un Ninja Copieur tourmenté, épuisé par une journée à se supplicier lui-même devant la stèle des héros.
Pétrifiée, je contemplais cet homme endormi avec qui j'avais partagé mon propre lit. Un de ses bras était passé au-dessus de ma taille et m'avait maintenue près de lui toute la nuit durant, tandis que l'autre soutenait sa propre tête dans son sommeil. Ses cheveux d'un argenté brillant sous les faibles lueurs du jour qui passait à travers la fenêtre étaient étalés autant sur l'oreiller que devant son visage dans un désordre que seul le repos pouvait produire, et je rougis toute seule lorsque je sentis mes jambes emmêlées aux siennes sous la couverture qui s'était mystérieusement drapée sur nos deux formes enlacées.
Il était si paisible, lorsqu'il dormait. Je l'avais déjà noté cette nuit-là, à l'hôpital, lorsque je lui avais rendu visite dans l'obscurité de sa chambre ; mais là, dans la faible clarté du soleil matinal, c'était d'autant plus frappant. En comparaison aux expressions brisées que j'avais pu lui voir la veille au soir, le bien-être que dessinait à présent le sommeil sur son visage me faisait presque douter qu'il s'agissait là du même homme. Le repos semblait lui donner un sursis, une trêve secourable à toute cette amertume qui l'écartelait lorsqu'il était éveillé.
Ce n'est que depuis ces quelques dernières semaines que j'ai pris conscience que cet être infiniment bienveillant et secret qu'avait été mon sensei dans les premiers temps était en fait un homme qui traînait de lourdes souffrances, qu'il s'empressait de cacher au monde entier. C'est une chose que je n'aurais jamais cru, lorsque j'avais intégré l'équipe au début ; Kakashi-sensei me semblait être quelqu'un de si tranquille, dans cette nonchalance qu'il affichait continuellement. Mais depuis la première fois où j'avais tenté de l'embrasser, j'avais aperçu une craquelure dans cette façade flegmatique. Et cette façade ne cessait de s'affaisser à mesure qu'il allait et venait vers moi, d'une façon si indécise, pour me montrer à l'intérieur quelqu'un de crucifié, hésitant, confus, que je ne savais pas appréhender.
La seule chose dont j'étais certaine, c'est que je l'aimais.
Et cette personne devenue si chère à mon cœur qui ne semblait battre que pour lui dormait paisiblement dans mon lit à ce moment même. C'était une vision étrange, presque intime. Un peu hors du temps.
Dans un geste téméraire, je levai la main tout doucement pour venir effleurer la cicatrice qui lui barrait l'œil gauche du bout des doigts. Sa respiration sembla faire un raté à mon contact, par le sursaut qu'eurent soudainement ses épaules, et je crus un instant l'avoir réveillé.
Mais sa poitrine reprit son mouvement de lentes montées et descentes et il n'ouvrit pas les yeux. Je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire adorateur.
Aussi écorché soit-il, autant de l'âme que du corps, il était à mes yeux le plus bel homme qu'il m'ait été donné de voir.
Sur cette pensée bienheureuse, je décidai de sortir du lit. Même si se réveiller aux côtés du ninja dont j'étais amoureuse pouvait être à l'image d'un conte de fées, je craignais un peu les réactions qu'il risquait d'avoir en se réveillant avec moi. Il était tellement imprévisible ; je l'imaginais me sourire en ouvrant les yeux autant que sursauter violemment avant de me dire que c'était une erreur pour qu'il disparaisse ensuite par la fenêtre. Ça me faisait mal, mais je préférais me tenir loin de lui à ce moment-là, par peur de la deuxième option.
Il me fallut un temps considérable, parsemé de petits gestes méthodiques et de mouvements infiniment lents et méticuleux pour me sortir de ce refuge chaleureux qu'étaient ses bras sans risquer de le réveiller.
Je jetai un dernier regard attendri sur sa forme endormie avant de me diriger vers ma cuisine, où je fis machinalement chauffer de l'eau avant de me planter devant la fenêtre et de contempler le réveil de mon village. Il faisait beau, ce matin-là. C'était à peine si on pouvait s'imaginer qu'il pleuvait un déluge la veille ; il ne demeurait que de simples flaques ridicules çà et là dans la rue en contrebas.
Je retournai devant le comptoir, me mis sur la pointe des pieds pour ouvrir un placard et pris deux tasses, au cas où. Est-ce que Kakashi aimait le thé ? Je me demandai distraitement, en réalisant que je ne savais finalement pas grand-chose de cet homme aux cheveux argentés.
Alors que je trempais mes lèvres dans le liquide que je venais de verser pour tester son niveau de chaleur, deux grands bras puissants vinrent faire le tour de ma taille et se croiser sur mon ventre, et je faillis faire tomber ma tasse d'entre mes mains.
Un cri indigné s'était à peine formé dans ma gorge qu'il fut retenu par le contact de lèvres chaudes juste sur la jonction entre mon cou et mes épaules.
Pétrifiée, la respiration coupée, une petite voix au fond de moi se demanda pourquoi je ne l'avais pas senti arriver dans mon dos. Une autre voix, plus forte, hurlait victoire de recevoir ce geste infiniment tendre au réveil de celui qui avait le pouvoir de faire battre mon cœur si vite.
Mes craintes sur la façon dont se passerait cette matinée partirent en fumée.
La forme robuste de Kakashi contre mon dos disparut aussi vite qu'elle était arrivée. Je me retournai mécaniquement pour le voir nonchalamment appuyé sur la petite table qui trônait au milieu de ma cuisine, les bras croisés sur sa poitrine, en train de me scruter avec attention avec son seul œil noir. Il avait enfilé le chandail oublié la veille dans la salle de bains, et j'eus envie de le remercier pour ça, car il en aurait été trop pour mon cœur à l'agonie d'avoir une vue ample sur sa peau blanche, musclée et striée de cicatrices.
Un « Bonjour » furent les mots que ses lèvres dessinèrent avec un petit sourire.
Je me demandais pourquoi le feu était en train de me monter aux joues, et pourquoi je me sentais bégayer en lui répondant.
Il fallait le dire, le voir me contempler avec une expression aussi douce était la dernière éventualité à laquelle je m'étais préparée pour ce matin.
Le sommeil paisible avait tiré sa révérence sur son visage et le réveil lui avait rendu ces traits marqués de choses que je ne pourrais définir, et pourtant il avait l'air serein, à ce moment. J'en fus soulagée plus que de raison.
- Vous aimez le thé noir ? fus la seule chose que je parvins à articuler au travers de la vague d'émotions qu'il m'inspirait à cet instant-là.
Des émotions plutôt positives dans l'ensemble, il fallait le dire.
Mon cœur chantonna lorsqu'il hocha la tête avec un sourire. Quelques mèches de ses cheveux indisciplinés accompagnèrent le mouvement et je marquai une pause tandis que mon souffle me manquait encore une fois.
Même au réveil, il était éblouissant.
Je lui tournai le dos un peu plus précipitamment qu'il le fallait pour l'ôter de mon champ de vision quelques secondes, juste le temps de reprendre possession de mes moyens. J'en profitai pour remplir sa tasse, respirer un bon coup, avant de pivoter sur moi-même et de lui tendre sa boisson.
- Sucre ou pas ? j'espérai que ma voix était égale et que le tremblement dans ma gorge n'ait été que le fruit de mon imagination.
Kakashi secoua négativement la tête.
- Vous mangez quelque chose le matin ?
Il haussa les épaules.
« Et toi ? »
- Ça dépend.
« Moi aussi. »
Il passa une main lâche dans ses cheveux emmêlés, l'air pensif.
« Même s'il serait essentiel de le faire systématiquement. On ne sait jamais sur quelle mission on pourrait être affecté dans la journée, ça pourrait bien être le dernier repas décent avant des semaines. »
Je croisai les bras sur ma poitrine en haussant un sourcil.
- Ca y est, vous jouez le professeur ?
Je croisai son regard d'encre et je frémis.
« Peut-être bien. Après tout, je suis encore le tien. »
- Très bien, sensei.
Une demi-seconde plus tard, il était dangereusement près de moi, sa tasse disparue sur un coin du comptoir, deux doigts posés sous mon menton pour me forcer à lever la tête et à me noyer dans ses deux yeux à présents brillants et grands ouverts.
« Tu es bien insolente, pour une élève. »
- Et vous, bien entreprenant pour un instructeur.
J'eus un instant l'impression qu'il allait se rebiffer et reculer pour me dire que j'avais raison. A la place, il esquissa un sourire très dangereux pour le bien de mon palpitant surexcité.
« Je ne veux plus jamais que tu m'appelles sensei. »
- Mais...
Le reste de ma phrase mourut contre sa bouche qui venait de rejoindre la mienne. Il y laissa trainer ses lèvres quelques secondes, et alors que je sentais un frisson avide gonfler dans le fond de ma poitrine, Kakashi avait déjà quitté mon visage.
Etourdie, je le contemplais attraper sa tasse et siroter son thé innocemment, tandis que mon cœur battant criait « encore, encore, encore ». Il semblait être conscient de l'effet qu'il me faisait à cet instant même, au vu de la petite lueur satisfaite qui habitait son œil noir.
Qui était donc cet homme et quelle était cette manie de toujours me mener par le bout du nez en fonction de son humeur du jour ?
Prudent, mystérieux, malade, désespéré, taquin. Les facettes qu'il avait abordées chaque fois que ma peau était entrée en contact avec la sienne étaient toujours différentes et je me demandais s'il y avait un jour où je les aurais toutes rencontrées.
Frustrée, je pris à mon tour la hanse de ma tasse avec une hargne non-dissimulée et la portai à mes lèvres.
Il ne me fallut néanmoins pas plus de quelques minutes pour ressentir l'envie irrépressible de poser à nouveau mes yeux sur lui. Et lorsque je levai la tête, je le vis à nouveau appuyé sur la table, la tête tournée vers la fenêtre, le regard porté au loin sur le ciel bleu et les oiseaux qui y planaient.
Comme c'était étrange, de l'avoir ici, dans mon appartement, après avoir dormi l'un contre l'autre, à partager un thé et des taquineries. De l'extérieur, ça ressemblait presque à... Une scène domestique, un peu banale dans son intimité.
La vérité était qu'il s'agissait des balbutiements d'une relation étrange qu'il était impossible de nommer.
- Vous avez bien dormi ?
J'avais envie de me gifler. Je n'avais vraiment trouvé rien d'autre à dire pour combler ce silence qui me perturbait au-delà que dans ma propre tête ?
Mon intervention sembla le surprendre et le Ninja Copieur tourna la tête vers moi pour croiser mon regard. Je fus étonnée de voir que ses joues avaient un peu rosi.
« Hum... Oui, » il sembla bafouiller. « Oui, mieux que depuis longtemps. »
Il sembla vouloir ajouter quelque chose mais sa bouche se referma. Il baissa la tête sur ses pieds, se gratta la nuque comme pour réfléchir, avant de relever le regard et de le plonger profondément dans le mien.
« Merci. Je veux dire... Merci d'avoir été là. »
Mon cœur bégaya dans ma poitrine et ce fut à mon tour de rougir. Ces mots semblaient avoir été difficiles à dire pour lui, et je me sentis touchée pour une raison quelconque.
- Je... Pas de problème, dis-je avec maladresse. Vous avez souvent été là pour moi aussi.
Kakashi m'offrit un sourire, et il me parut... si réel qu'il me prit presque l'envie de pleurer. Mais surtout, je n'avais pas envie que tout cela ressemble juste à un échange de bons procédés.
- Vous savez, je pensais sincèrement chacun des mots que je vous ai dit hier.
Il me dévisagea à nouveau et cette fois-ci, son air était plus grave dans sa stupéfaction.
Il y eut un temps de latence avant que l'homme aux cheveux argentés ne pose doucement sa tasse sur la table, traverse la pièce en deux grandes enjambées avant de se planter devant moi, sans jamais cesser de me regarder avec une intensité qui me fit frémir.
« Et j'ai sincèrement pensé tous les miens. »
Et là, je sus qu'il parlait de ceux qu'il m'avait chuchoté au creux de mon cou avant que je ne m'endorme.
Kakashi encadra mon visage de ses deux grandes mains et se pencha en avant.
S'il y avait une réalité certaine dans ces baisers d'amour qui étaient souvent décrits dans les livres, j'osai espérer que celui que nous avons échangé à cet instant là en était un.
Ceux qui soulèvent le cœur, qui font pétiller quelque chose à l'intérieur du ventre, qui donneraient une raison au cœur de sortir de la poitrine, qui font se sentir exister uniquement à travers les lèvres de l'autre. Une sorte de déclaration qui se fait par le simple fait de deux visages qui s'unissent et se lient, une sorte de promesse qui dit qu'il y en aura encore, des centaines, des milliers, jusqu'à ce qu'un souffle soit un jour rendu.
Kakashi m'offrit un baiser qui ressemblait à ça. Il me donna l'impression de modeler mon âme lui-même avec ses propres mains, il me fit me sentir infiniment précieuse, indispensable. Il m'embrassait avec la véhémence de quelqu'un qui le ferait pour la dernière fois et la tendresse de celui qui avait le temps que ça dure toujours. Et je me mis à rêver en me disant que peut-être, peut-être qu'il était en train de ressentir la même chose, peut-être qu'il la sentait aussi, cette électricité qui passait entre nous, peut-être que comme moi, il aimait tellement ce qui était en train de se passer que c'en était presque douloureux.
Il me serrait fort contre lui, agitait ses mains sur mon corps comme s'il ne savait plus où les poser, comme s'il avait envie de les avoir partout. Et je faisais pareil, passant un peu mes doigts dans ses cheveux argentés, mes bras autour de son cou, enfonçant mes ongles dans ses épaules, cramponnant mes paumes à ses hanches, éternellement indécise.
C'était beau et je mêlais dans les mouvements de mes lèvres toutes ces choses profondément enfouies en moi que j'avais envie de lui dire sans avoir besoin de mots. Le silence tout autour de moi était bon pour la première fois, planant et irréel, et la bouche de Kakashi qui se noyait avec la mienne me donnait un vertige qui m'ancrait pourtant bel et bien dans la réalité.
Je sentis trop tard, beaucoup trop tard le pétillement de chakra qui se tenait derrière la porte de mon appartement. En deux secondes, la forme de Kakashi contre mon corps et mes lèvres disparut complètement, me laissant vide et hébétée, tandis qu'un Rock Lee surexcité se tenait à présent dans l'encadrement de la porte qu'il venait d'ouvrir à la volée.
« Bon bah alors ? T'as oublié l'heure de l'entraînement ? »
Mon ami aux cheveux noirs marqua une pause en croisant mon regard et il haussa un de ses sourcils épais.
« Bah, pourquoi t'es toute rouge ? T'es malade ? »
Je balbutiai quelques justifications incohérentes, secouée par ce revirement de situation inopiné. Mon ami s'approcha de moi et inspecta mon environnement.
« Il y avait quelqu'un ici ? »
Il était en train d'examiner la tasse à moitié vide de thé tiède de Kakashi. Dieu, pourquoi fallait-il que ce garçon ait des sursauts de lucidité dans les moments où il ne le fallait pas ?
- N... Non, je bredouillais, paniquée. C'est... C'est ma tasse d'hier, j'ai pas fait ma vaisselle.
Lee me dévisagea un moment de ses grands yeux inhabituellement sérieux, et je crus un instant qu'il était en train de tout comprendre.
« Je vois » déclara-t-il finalement. « Bon, tu te magnes où tu veux prendre racine ici ? L'entraînement n'attend pas les deux meilleurs rivaux de Konoha ! »
Je poussai un discret soupir de soulagement. La candeur de Lee était aussi adorable que secourable ; jamais il ne pourrait s'imaginer que j'étais dans les bras d'un homme l'instant juste avant qu'il ne déboule comme un fou dans mon appartement.
Alors que je me dirigeai prestement vers ma chambre pour me changer, je remarquai la fenêtre qui s'était mystérieusement ouverte. Je vis une forme disparaître juste derrière, où un éclat argenté avait attiré mon regard.
Je souris doucement, mon cœur battant dans ma poitrine toujours sous l'effet rémanent du baiser merveilleux que m'avait offert Kakashi.
***
Les semaines suivantes passèrent à une vitesse vertigineuse. Tsunade avait pris la sale manie de m'attribuer missions sur missions, et je ne savais plus trop où donner de la tête. Mes devoirs en tant que kunoichi à nouveau accomplie ne me laissaient plus assez de temps pour réfléchir à cette silhouette aux cheveux argentés qui dansait sans arrêt dans mon esprit et me rongeait le cœur, petit à petit.
Je partais de moins en moins sur le terrain avec Lee, étant plutôt assignée à diverses petites unités homogènes sous le commandement d'un ou deux jônin. La transition s'était faite doucement, et je me surprenais moi-même à être capable de travailler avec des ninjas que je ne connaissais pas forcément tout en sachant adapter mes compétences à celles des shinobis qui devenaient mes coéquipiers le temps d'une ou deux missions. Le silence n'était plus une barrière entre moi et les autres, et je m'émerveillais tous les jours en réalisant la facilité avec laquelle j'inventais une voix pour chacun de mes nouveaux collègues.
Je me posais des questions quant à la situation de l'équipe 7. Sakura travaillait comme une acharnée à l'hôpital, j'avais accompagné Naruto sur une seule mission et ce dernier semblait lui aussi mener son petit train de vie de son côté.
Et Kakashi... Eh bien, il avait déserté les allées de Konoha depuis un moment. Pas l'ombre d'une mèche argentée depuis ce matin-là, dans mon appartement.
Mon cœur se serrait chaque fois que j'y pensais.
Je demandais prudemment quelques éclaircissements à Tsunade, un énième soir où je rapportais les détails d'une mission de surveillance particulièrement éreintante.
Le chef de notre village me toisa de ses yeux dorés derrière son bureau, et croisa ses mains sous son menton.
« Je comprends que cette situation soit perturbante. Mais j'ai besoin de mes meilleurs ninjas pour des missions spécifiques. Le Ninja Copieur en fait partie, et il n'a par conséquent plus vraiment le temps de s'occuper de vous. Honnêtement, je pense à nommer quelqu'un d'autre pour prendre le commandement de l'équipe 7. C'est surtout qu'il faut quelqu'un pour gérer Naruto qui commence à poser des problèmes avec Kyûbi. »
Tsunade avait toujours été particulièrement honnête avec moi. Je n'étais pas sûre qu'elle puisse dire ce genre de choses aussi facilement à tout le monde.
Mais un autre commandant que Kakashi pour l'équipe 7 ? Rien que cette idée me donnait la nausée. Ce groupe sans l'aura forte et tranquille du Ninja Copieur pour la fédérer était inconcevable. Et même si ma... relation – ou ce qui pouvait s'en approcher - avec lui rendrait les choses étranges en reprenant les missions tous ensemble, je n'imaginais autre chef d'unité pour Sakura, Naruto et moi.
Godaime avait une expression agitée en m'observant et se triturait inconsciemment les doigts sous son menton, et semblait hésiter à ajouter quelque chose.
Finalement, elle ouvrit la bouche.
« Kakashi a demandé à ce que tu ne fasses plus partie de l'équipe 7. »
Je mis un petit temps avant d'enregistrer les mots que je venais de traduire sur ses lèvres. Certainement parce que c'était douloureux, de les comprendre.
Putain, j'eus l'impression que Kakashi lui-même avait profondément enfoncé un kunaï dans mon cœur.
Tsunade nota mon expression peinée et m'offrit un sourire rassurant.
« Tu sais, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. Lui autant que moi avons noté tes progrès. Nous pensons qu'il serait mieux pour toi que tu évolues dans des unités changeantes, dorénavant. Et tu le fais déjà très bien, d'ailleurs. »
J'acquiesçai avec automatisme, le cœur au bord des lèvres, avant de quitter son bureau, la tête basse.
***
« Comment ça se passe avec Kakashi-sensei ? »
Je me prenais à détester le regard pétillant de Sakura, avide des détails juteux sur ma soi-disante « histoire d'amour » avec le Ninja Copieur, comme elle aimait l'appeler.
Je grimaçai alors qu'elle pansait mon bras gauche de ses mains aussi sûres que délicates. Je ne l'avais pas vue souvent, ces derniers temps. Plus le temps passait, et plus elle ressemblait à un médecin accompli. C'est quelque chose qui me frappait toujours plus à chaque fois.
Cela faisait deux jours que je traînais à l'hôpital. Ma dernière mission s'était soldée par une plaie béante sur le biceps de la part d'un kunai et une main broyée par un jutsu de vent ennemi. Nous avions repoussé les ninjas d'Ame de nos frontières mais j'étais encore très lente lorsqu'il s'agissait d'engager le combat et cette fois-ci, ça avait particulièrement joué en ma défaveur.
Heureusement, ce n'était pas très grave. Sakura me faisait ma dernière visite de santé avant que je ne puisse m'évader de ces murs blancs qui me donnaient des sueurs froides et m'avait assuré qu'une ou deux semaines de repos suffiraient à reprendre un usage décent de ma main et mon bras.
« Bon, alors, tu me dis ? Je suis sûre qu'il s'est passé des choses, ça se voit à ta tête. »
Je sentis mon visage qui brûlait et je maudissais cette fille trop curieuse et intelligente qui aimait visiblement mettre les pieds dans le plat.
Mais elle était la seule à partager mon secret. Il y avait un côté de moi qui détestait ça, et un autre côté, plus grand encore, qui était soulagé. D'une certaine manière, ça faisait du bien de ne pas porter ça toute seule, et le naturel conciliant et réfléchi de Sakura était secourable lorsque je me retrouvais ballotée entre les différentes passades de Kakashi.
- C'est que... C'est compliqué, je soupirai en évitant son regard.
Elle claqua des doigts devant mes yeux pour que je me tourne et lise sur sa bouche.
« Je t'écoute » elle m'encouragea, souriante, les yeux brillants.
Je lui racontai alors les grandes lignes de ce qu'il s'était passé entre le Ninja Copieur et moi ces dernières semaines, sans entrer dans les détails qui me gênaient. Mes mots étaient ponctués par des exclamations silencieuses de ma coéquipière aux cheveux roses, des « Il t'a vraiment dit ça ? » et des « J'y crois pas ! ». J'avais l'impression d'être en pleine session de commérages, sauf que les potins du jour me concernaient directement.
Lorsque j'eus terminé sur le dernier évènement en date, c'est-à-dire le fait qu'il ait demandé à Tsunade de m'exclure de l'équipe, Sakura affichait une moue perplexe et se grattait machinalement la tête.
« Il a l'air vraiment compliqué, notre Kakashi-sensei. Je suis contente de ne pas avoir succombé à ses charmes. »
Tu as succombé aux charmes d'un garçon qui a un tout autre lot de complexités, j'avais envie de rétorquer, mais j'estimai que ce n'était pas le moment.
« Il t'a demandé de plus l'appeler sensei, hein ? » Elle me lorgnait avec une lueur étincelante dans ses yeux verts. « Si ça se trouve, il ne te veut plus dans l'équipe pour mettre ça en application. Après tout, ça briserait la barrière hiérarchique entre vous. »
Je secouai la tête, découragée. Ça me paraissait trop facile, de la part de quelqu'un d'aussi complexe que le Ninja Copieur.
Sakura continua de jauger du regard, de haut en bas.
« Tu veux quelque chose de sérieux ? » Elle demanda après un temps mort, l'air avide de détails.
- Eh bien oui... Oui. Ou du moins, quelque chose qui me dise concrètement comment me situer. Parce que là, c'est fatiguant.
« Pourquoi tu ne lui en parles pas, tout simplement ? »
Je la fixai avec des gros yeux.
- Parce que j'ai peur que ça le fasse fuir. Je sais pas, on dirait un animal blessé, parfois. Je suis pas sûre qu'il ait envie de quoi que ce soit qui ait quelque chose à voir avec moi, de toute façon. Et il a sûrement autre chose à faire que de s'intéresser à quelqu'un comme moi...
« Il t'a dit que tu étais incroyable, non ? » Sakura me fit un clin d'œil. « Et puis, c'est pas comme si tu étais une gamine. »
Je ris jaune.
- Il y doit y avoir plein de femmes plus matures et plus intéressantes qui lui courent après quand même. Je fais pas le poids, je soupire avec abandon.
« En attendant, c'est à toi qu'il a donné un baiser d'amour, comme dans les livres. »
Je rougis violemment tandis qu'elle affichait un sourire victorieux.
- C'était qu'une impression de ma part ! je me défendis faiblement, terriblement embarrassée.
« Eh bien, je ne pense pas que ce genre d'impression se distribue comme des petits pains. Je suis sûre que tu es dans ses pensées autant qu'il est dans les tiennes. C'est juste un grand maladroit, notre sensei. Et même s'il passe son temps à lire ses livres dégoutants, il n'a pas l'air d'être un coureur de jupons. »
Je marquai un temps pour réfléchir tandis que Sakura s'agitait.
« La communication, la communication ! Ça arrangerait tellement de choses, si les gens ne se basaient pas sur leurs propres spéculations quant aux pensées des autres. Tu n'en sais rien, tu n'es pas dans sa tête ! Demande-lui, mets les choses au clair, et tu seras fixée. C'est pas plus difficile que ça. »
- C'est toi qui le dis...
« Même si tu as peur de ses réponses, tu ne peux pas continuer comme ça. Tu vas devenir dingue. Et s'il s'avère tes craintes sont fondées, eh bien c'est douloureux, mais tu vivras plus dans l'attente et l'expectation. Fais-le. Tu auras peut-être une bonne surprise... »
- Tu n'aurais pas une vocation dans la psychologie, toi ? je souris, amusée.
Elle tira un coup sec sur le nœud du bandage qu'elle venait de finir et je grimaçai de douleur.
« Ma vocation, c'est de recoudre les plaies. Essaie de faire en sorte que je n'aie pas à réparer celle de ton cœur ! »
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Je n'ai jamais autant adoré écrire quelque chose que le début de ce chapitre. Genre, des amoureux dans un semblant de vie quotidienne. J'adore.
J'espère que vous avez aimé aussi :')
On se voit lundi !
Emweirdoy
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