Chapitre 13

J'arrivai finalement à bon port devant la porte de mon appartement, Kakashi-sensei sur les talons.

J'étais encore légèrement tremblante, déboussolée par ce que je venais juste d'affronter. Avais-je réellement réussi à fendre cette foule de passants mutiques sans défaillir?

Je me tournai alors vers le jônin à mes côtés, comme si subitement j'avais douté de sa présence pourtant indiscutable de part la sensation que son entité même me prodiguait, en espérant qu'il m'affirme que je ne venais pas tout juste de rêver.

C'est lorsque je sentis sa main posée au creux de mon dos me quitter que je réalisai qu'il avait bien été là, du début à la fin. Je sentais encore la chaleur de sa paume traverser le tissu de mon vêtement, juste entre mes deux omoplates, et sa disparition soudaine me fit ressentir comme une sorte de déséquilibre. C'est sa main qui m'avait maintenue droite sur mes jambes tout le long de mon trajet au cœur même de mon cauchemar, et la légère pression qu'il exerçait qui m'avait permis de mettre un pied devant l'autre sans fléchir. Elle avait été ma béquille qui m'avait aidée à marcher.

- Merci, Kakashi-sensei, dis-je faiblement, sans savoir s'il m'avait entendue.

Mon palier était plongé dans la pénombre, légèrement éclairé par les lanternes lumineuses qui brillaient dans les rues en contrebas. J'observai alors Kakashi-sensei jeter un petit coup d'œil à droite et à gauche avant de baisser son masque furtivement, et d'ouvrir la bouche pour me parler.

"Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu étais agoraphobe?"

- Agora-quoi?

L'obscurité m'empêchait de bien discerner les mouvements de ses lèvres; je ne voyais que les contours de sa silhouette dessinés par la faible luminosité ambiante.

"Agoraphobe. Ça signifie avoir peur de se retrouver dans un endroit où il serait impossible de s'échapper. C'est ce que tu ressens devant la foule, n'est ce pas?"

Alors ma peur absurde avait un nom?

- En fait, c'est... Dès qu'il y a des gens, balbutiai-je en baissant la tête. Je... Je supporte pas de voir des gens parler et rire silencieusement. Quand il y en a beaucoup, j'ai l'impression d'être en pleine noyade. Avec les personnes que je connais, ça va... C'est parce que j'arrive encore à m'imaginer leurs voix dans ma tête. Mais avec une montagne d'inconnus... Ça me dépasse.

"Tu aurais dû me le dire dès le début. C'est difficile de surmonter ça tout seul".

Je n'arrivai pas à savoir s'il pouvait voir mes joues rougies par l'embarras.

- En fait, je... J'avais envie de me débrouiller par moi-même, et...

La grande main gantée qui vint se poser sur le haut de mon crâne suffit à me faire taire.

"Avoir besoin d'aide ne signifie pas être faible, lus-je plus aisément sur les lèvres de mon sensei, mes yeux s'étant accoutumés à la pénombre. Tu n'es pas impuissante, ni malade. Tu devrais simplement laisser un peu plus les gens entrer dans ta coquille, et arrêter de les confondre avec le danger. Le danger, c'est de laisser ta peur te consumer seule alors que le monde autour de toi, loin d'être l'enfer que tu crois, pourrait aisément t'aider à sortir de là".

Il m'ébouriffa gentiment les cheveux, et j'écarquillai des yeux en voyant les commissures de ses lèvres dessiner un magnifique sourire.

"Tu es forte, vraiment. Et crois-moi, je suis le premier à pouvoir te l'affirmer. Je suis ton sensei, après tout".

Il laissa son bras retomber le long de son corps, et son regard se laissa aller dans le vague quelques instants.

"J'avais quelque chose à te donner".

J'haussai un sourcil incrédule en le regardant fouiller dans la sacoche accrochée à sa taille. Il s'empara doucement de mon poignet pour venir y déposer un objet que je connaissais que trop bien au creux de ma main.

"Tu ne devrais pas le laisser trainer comme ça. Sa place est sur ton front".

Je détaillai le symbole du village caché de la feuille gravé sur la plaque métallique de mon propre bandeau frontal que j'avais lâchement abandonné sous la pluie il y avait quelques jours de ça. Sans trop savoir pourquoi, mon estomac se tordit sous l'émotion et je me sentis incroyablement émue.

Lorsque je relevai mes yeux pleins de gratitude vers mon sensei, je ne rencontrai rien d'autre que l'obscurité de la nuit perturbée par les lueurs dansantes des rues illuminées qui serpentaient devant moi.

Kakashi-sensei avait disparu.


***


Le lendemain matin, j'étais arrivée plus légère au palais du Hokage. Je ne m'étais pas encore décidée à oser traverser seule les rues de Konoha en pleine journée, mais je savais depuis la veille au soir que j'en serai peut-être à nouveau un jour capable.

Iruka-sensei avait décrété que nous passerions finalement la semaine à ordonner l'administration du bureau du mission pour éviter de me confronter à un surplus de présences. Il disait alors qu'il serait peut-être plus facile pour moi de me réhabituer à un certain contact social en y allant étape par étape, pour que je sois capable à terme de me tenir devant une vingtaine d'enfants sans que mes jambes ne me crient de partir en courant. Je soupçonnais le brun d'avoir rapporté mes mésaventures de la veille à Tsunade qui avait dû prendre cette décision en conséquence. Même lorsqu'elle n'était pas là, j'avais l'immonde impression qu'elle me tenait sans arrêt à l'œil; c'en était presque improbable la façon dont je me sentais épiée continuellement. Au delà de l'agacement premier que cette conclusion indiscutable m'inspirait, j'étais au fond de moi rassurée de voir que je n'avais pas été lâchée en pleine nature, condamnée à marcher à tâtons toute ma vie; après tout, tout ce que Godaime voulait, c'était m'aider à m'assurer un avenir et m'encadrer de gens qui avaient le pouvoir d'apaiser quelque peu mon mal. Il aurait été injuste de lui en vouloir pour une initiative aussi louable et bienveillante.

Alors qu'au début de la journée chaque être humain qui avait le malheur de passer la porte du bureau des missions me faisait trembler de peur, en fin d'après-midi, je réussissais à me limiter à quelques frissons. Et effectivement, me confronter toute la journée à de nouvelles têtes une par une avait eu le mérite de m'habituer sensiblement à supporter la présence silencieuse d'inconnus. Iruka-sensei m'affirmait qu'au bout de quelques jours, je serai peut-être en mesure d'aller de moi même vers ces gens pour leur parler; je trouvais cela un peu utopique, mais j'aimais penser que ce serait un jour de nouveau possible.

Outre l'appréhension monstrueuse qui me prenait l'estomac dès qu'une nouvelle personne entrait dans mon champ de vision, les heures s'écoulaient dans une ambiance plus agréable que je ne l'eus cru. Il n'était pas très passionnant de passer sa journée à ranger des papiers quelconques en craignant à chaque instant de voir la porte s'ouvrir, mais la présence bienveillante d'Iruka-sensei avait le don béni des dieux de calmer l'horreur qui montait le long de mon dos à chaque nouvel arrivant et ses conseils et encouragements étaient d'un rare secours. Je me souvenais alors de pourquoi j'aimais tant me lever le matin à l'idée d'aller à l'Académie il y a quelques années de cela, sans jamais comprendre pourquoi les autres enfants lésinaient tant à l'idée d'aller à l'école; le jeune sensei était un pédagogue né et chaque mot sortant de sa bouche frôlait la frontière du fascinant, nuancé par son honnêteté naturelle dont aucun humain ne pouvait sciemment douter. Il était la voie de la raison incarnée, l'allégorie même du rationnel, la douceur en chair et en os.

Non, vraiment, il était impossible de passer une mauvaise journée aux côtés d'Iruka-sensei.

"Tu as mis ton bandeau, aujourd'hui?"

Je m'étais légèrement empourprée en portant ma main sur la plaque métallique sur mon front, comme pour m'assurer qu'il était bel et bien là.

- Je... Je l'avais égaré, balbutiai-je en me penchant sur une nouvelle pile de documents.

Du coin de l'œil, je vis Iruka-sensei hausser un sourcil.

"C'est pas commun, de perdre son bandeau frontal. Heureusement que tu l'as retrouvé; c'est étrange, une kunoichi sans son bandeau!"

J'acquiesçai doucement, en observant le brun effleurer le sien avec fierté.

Lorsque je me retournai pour vaquer à mes occupations, un fin sourire habitait encore mes lèvres.


***


Cela faisait cinq jours que je passais mes journées au bureau des missions en compagnie d'Iruka-sensei. Il avait confié sa classe à l'un de ses collègues pour qu'il puisse me consacrer l'entierté de ses journées; j'avais été incroyablement gênée de cette initiative. Il était pourtant bien ennuyeux de passer des heures à trier des papiers en compagnie d'une fille qui ne pouvait qu'à moitié le comprendre et qui n'était pas très douée pour égayer son propre silence avec de vives conversations. Néanmoins, le brun était toujours allègre chaque fois que je le voyais, accomplissait sa besogne sans rechigner et parvenait même à entretenir une conversation avec une sourde renfermée.

Au bout d'une semaine, il était presque devenu un ami.

"On oublie souvent qu'être ninja, ça ne veut pas toujours dire passer sa vie sur les routes à risquer sa vie. Il y a à côté toute cette partie sous-jacente qui est tout aussi bénéfique pour le village et qui, sans elle, ne serait pas aussi prospère".

Il sortait très régulièrement de sa bouche des phrases comme celles-ci. Je savais qu'elles avaient pour but de me donner un peu de cœur à l'ouvrage, de me dire que tout ça n'était pas totalement inutile. Et pourtant, je savais qu'il était conscient que cela ne suffisait pas.

Aussi étonnant cela puisse paraitre, je passais de très bonnes journées au palais du Hokage; mais ce n'était pas ce à quoi j'aspirai. Ce n'était pas ça que je voulais.

Ce n'est que temporaire, me disais-je sans arrêt. Oui, ça ne durerait pas toujours.

Kakashi-sensei me l'avait promis.

Et je m'accrochai à cette promesse si désespérément qu'elle me permettait de faire s'écouler ces quelques jours de stage improvisé plus sereinement qu'il aurait dû. En attendant, je mettais mes craintes de côté et mes doutes en veilleuse, et je tentai de vivre sur ce schéma fragile comme je le pouvais. Puisque j'avais ce petit espoir qui me maintenait la tête hors de l'eau, cette formation au premier abord ridicule et superflue se révélait plus abordable.

J'étais assise en tailleur à même le sol au milieu d'une montagne de documents - d'ailleurs, je ne comprenais pas comment il pouvait encore y en avoir autant alors que cela faisait une semaine que nous nous acharnions à les ranger -, lorsque mes yeux se dirigèrent par réflexe vers Iruka-sensei qui venait d'entrer prestement dans la pièce, une nouvelle pile de paperasse dans ses bras. Je soupirai de lassitude.

C'est lorsque le jeune sensei posa son fardeau plus brusquement qu'il n'aurait fallu que mes yeux se posèrent sur ses lèvres.

"J'aurai besoin de ton aide pour quelque chose".

J'haussai un sourcil interrogateur en voyant son air ennuyé. Il passa machinalement sa main sur sa cicatrice avant de poursuivre :

"Il y a un problème avec un élève à l'Académie, je dois m'y rendre le plus vite possible".

- Je peux essayer de me débrouiller seule si c'est ce qui vous inquiète, lançai-je avec toute l'assurance dont j'étais capable.

C'est à dire, pas beaucoup.

" Ce n'est pas ça. Ces papiers peuvent bien attendre quelques heures. "

Iruka-sensei enjamba ma pile de documents à trier pour piocher un feuillet posé sur le bureau avant de se retourner vers moi.

"Est ce que tu te sens capable d'aller retrouver Asuma et de lui donner ça ? "


***


Bête que j'étais, j'avais dit oui.

Ce papier à transmettre à Asuma-sensei semblait important et j'avais voulu assurer à Iruka-sensei qu'aller faire une simple commission était totalement dans mes cordes.

Il ne me restait plus qu'à me le prouver à moi même.

Nous étions en début d'après-midi, et j'en déduisais que la plupart des êtres humains à cette heure ci devaient être encore en train de manger. J'avais peut-être mes chances de ne pas faire de rencontres fortuites, mais je préférai ne pas tenter le diable; ainsi, je me ruai sur les toits à la seconde où je me trouvais à l'air libre.

En fouillant dans mes souvenirs, il me semblait n'avoir jamais vraiment parlé à Asuma-sensei. Tout comme Kakashi-sensei avant d'intégrer son équipe, je ne le connaissais uniquement pour son rang et ses hauts faits au sein du village. Iruka-sensei m'avait vaguement indiqué où le chercher, mais ce n'était pas l'éventualité de ne pas le trouver qui me faisait peur; c'était de m'approcher volontairement de quelqu'un dont je ne connaîtrai jamais la voix. Rien qu'à cette pensée, la nausée me prit à la gorge et je manquai de me rétamer sur les tuiles rugueuses sur lesquelles j'étais en train de cavaler.

Je fis une pause quelques secondes et me pris la tête dans les mains avant de la secouer et de grogner dans ma barbe. C'était pas le moment de flancher! De toutes les choses qu'il fallait que je surmonte, c'était bien la première étape.

Si je parvenais à franchir ce palier seule, j'aurais fait un pas vers ma guérison mentale. La possibilité d'enfin savoir si j'avais mes chances de retrouver un semblant de vie normale me fit reprendre ma route, l'estomac noué mais à jamais résolue.

Je finis par atterrir sur un chemin en terre battue un peu en périphérie du village, et après avoir jeté quelques coups d'œil craintifs à droite et à gauche, je m'engageai sur cette route enclavée par le jade des arbres.

J'arrivai alors devant le perron d'une modeste sans pour le moins belle habitation, où j'aperçus deux hommes assis en tailleur, penchés sur un plateau de jeu.

La peur au ventre, je pris mon courage à deux mains et m'avançai prudemment vers eux après avoir profondément soufflé pour évacuer ma tension.

En me sentant approcher, l'un des deux individus tourna la tête vers moi. Il avait des cheveux noirs et la mâchoire poilue, une cigarette entre ses lèvres. Plus âgé que son acolyte à la queue de cheval qui n'avait même pas pris la peine de détacher son regard du plateau de jeu, j'en déduisis que c'était lui, Asuma-sensei.

Ses yeux emplis de chaleur et d'honnêteté qui s'enfoncèrent dans mon regard atténuèrent quelque peu la terreur qui me piétinait l'estomac.

Cet homme à la cigarette me toisa quelques secondes, les sourcils froncés, avant que ses yeux ne s'allument soudainement.

"Ah! C'est toi la nouvelle protégée de Kakashi, non? "

Après une seconde d'hésitation, j'acquiesçai timidement. Le jeune homme à ses côtés finit par lever la tête et me toiser à son tour. Ce que je pris tout d'abord pour une froide antipathie dans ses yeux sombres se révéla n'être qu'une parfaite indifférence lorsqu'il reporta son attention sur son foutu plateau de jeu.

Si j'avais été dans mon état normal, j'aurais été intérieurement outrée d'un tel désintérêt. Mais à cet instant, j'étais simplement soulagée; une bouche de moins que je ne risquais pas de voir s'ouvrir.

L'homme à la barbe se leva et s'approcha de moi. Par un réflexe stupide, je reculai de quelques pas. Avant que les sourcils froncés d'incrédulité du fumeur n'aggravent la panique qui s'empoignait de mes tripes, je soufflai un bon coup avant d'annoncer précipitamment :

- Je... Je cherche Asuma-sensei pour lui remettre un document important!

L'homme cligna des yeux et me regarda de haut en bas, avant d'esquisser un sourire en se montrant lui même du doigt.

"C'est moi, Asuma. Et toi, t'es la petiote qu'est devenue sourde, pas vrai? "

La brusquerie de ses mots suffit à me figer.

Je vis l'adolescent resté sur le perron ouvrir la bouche sans quitter son jeu du regard.

"Sensei, vous pourriez être moins abrupt dans vos mots, quand même".

Asuma-sensei haussa un sourcil.

"Ah, désolé si je t'ai blessée. Kakashi se fait un tel mouron pour toi qu'à chaque fois que je le vois, il n'a que l'histoire de ton accident à la bouche. J'ai fait le rapprochement dès que je t'ai vue, alors, désolé..."

- Hum, ce n'est rien...

Comme par magie, cette simple révélation suffit à remplacer mon anxiété par un léger embarras. La mention de mon sensei n'y était pas pour rien.

Je me rendais compte que, finalement, il était moins traumatisant que je ne le pensais de parler avec un inconnu. C'était dérangeant d'y apposer sa propre voix à défaut de la connaître, mais pas insoutenable. J'imaginai le jônin parler d'une voix rocailleuse, écorchée par le temps et la cigarette.

Je fouillai dans ma sacoche prestement pour en sortir le document que je tendis immédiatement à Asuma-sensei. Ce dernier s'en empara et l'étudia quelques secondes, en laissant s'échapper une fumée grisâtre d'entre ses lèvres. J'avais en horreur l'immonde odeur de cendrier froid que pouvait laisser la cigarette derrière elle, mais je me surpris à admirer la fumée du tube incandescent s'évanouir dans l'air avec une certaine grâce qui me fascina quelques instants.

"Hum, c'est embêtant", devinai-je sur les lèvres de Asuma-sensei lorsqu'il finit de lire. "Shikamaru, je dois aller voir Tsunade-sama maintenant. Je ne pourrais pas terminer la partie".

Je vis le susnommé Shikamaru ouvrir la bouche sans pour autant détacher son regard du plateau de jeu.

"Bah, c'est pas comme si vous alliez gagner".

Asuma-sensei esquissa un petit sourire las.

Je me demandai ce que je faisais encore là lorsque je vis le jônin s'éloigner. J'allais me mettre en route à mon tour lorsqu'il me héla en ouvrant la bouche:

"Ah! Mais tu pourrais jouer avec Shikamaru en attendant. Vu ta tête, ça te ferait pas de mal de te détendre un peu!"

Je me figeai et mon regard croisa celui de ce Shikamaru. Il haussa les sourcils et sembla grommeler quelques chose que je compris comme étant "galère", et avant que je ne puisse rejeter poliment la proposition, le jônin avait disparu.

Plantée devant le perron de cette fichue maison et ce garçon qui ne semblait pas plus enthousiaste que moi, je pris un instant pour réfléchir s'il n'était pas moins gênant que je ne m'enfuie en courant. Mais avant d'avoir eu le temps d'éluder la question, je vis le brun soupirer profondément avant de me faire signe d'approcher.

J'étais quelque peu tiraillée.

Je n'avais aucune envie d'être là. Mon appréhension perpétuelle m'avait épuisée, et je n'étais franchement pas motivée de continuer à me faire du mal en me voyant obligée de jouer à je ne savais quel jeu avec un inconnu aux allures profondément ennuyées. Surtout qu'il fallait que je rentre au palais du Hokage pour terminer mon travail de la journée.

Mais en même temps, j'étais curieuse de savoir où j'étais capable d'aller. Je voulais continuer à expérimenter cette rencontre silencieuse, savoir si j'étais définitivement capable de la surmonter, ou même de l'apprécier, même avec ce nouvel énergumène. Je n'avais même jamais vraiment fait de nouvelles rencontres dans ma vie, je ne connaissais pas vraiment les autres jeunes de mon propre village.

Alors, de peur de passer à côté de quelque chose, je m'avançai timidement.

Shikamaru semblait être en train de replacer les pièces sur le plateau lorsqu'il s'arrêta en me voyant plantée à côté de lui, à observer timidement ses gestes.

"Viens, assied-toi en face. Je vais pas te manger".

J'imaginai sa voix lasse et lente, presque traînante. Du peu que j'avais vu, ça lui ressemblait bien.

Je m'exécutai en m'asseyant en tailleur devant le plateau, face à lui. J'étudiai du regard chaque pièce minutieusement disposée sur les cases du jeu, intriguée.

"Tu as déjà joué au shôgi?"

Je secouai la tête négativement.

Shikamaru posa sa main sur son front dans un geste blasé.

"C'est bien ma veine, ça. Moi qui voulais enfin jouer contre quelqu'un de fort...", le vis-je grommeler dans sa barbe. Il ne semblait pas se rendre compte que parler tout bas ne changeait rien à ma compréhension de ses mots. Ou peut-être que si?

Il s'engagea alors dans une explication sommaire des règles et des principes du jeu. Et avant d'avoir pu assimiler la montagne de ses subtilités, il engagea la première partie.

Il n'ouvrit pas la bouche une seule fois par la suite. Et ça m'allait bien. C'est à travers le jeu que je fis sa connaissance.

Cette après midi là, je perdis chacune mes pitoyables parties.

Mais je gagnais ma première amitié silencieuse.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top