Chapitre 11

C'est à mon réveil que je sus que je n'avais pas rêvé.

Déjà, par la raideur de ma nuque qui me témoignait que j'avais bel et bien dormi assise sur ce canapé, la tête oscillant entre l'avant et l'arrière pendant toute la durée de mon sommeil.

Bonne nouvelle: je n'avais pas froid. C'est en baissant les yeux que je réalisai qu'en plus d'être habillée avec un vêtement étranger et bien trop large pour moi, une couverture était apparue pour me recouvrir, comme ça, par magie.

Complètement perdue, je levai le bras pour me masser machinalement la nuque en espérant qu'elle cesse de craquer à chacun des mes mouvements de tête; mais une gêne au niveau de mes doigts me perturba, alors je tendis les bras droit devant moi pour voir qu'est ce qu'il n'allait pas.

Mes mains étaient recouvertes de bandages immaculés, soigneusement pansés autour de chacune de mes phalanges. J'en restai stupéfiée; je n'avais aucun souvenir qu'on m'ait soigné les mains ces dernières heures, surtout que Sakura ne semblait pas être le propriétaire de cet appartement. Par contre, j'avais en mémoire l'image de moi fracassant mes poings contre un tronc d'arbre sous une pluie battante, et en y repensant, je rougis de honte toute seule, comme une idiote. La colère ne semblait pas parfaire mes capacités mentales, apparemment.

Je tournai légèrement la tête vers la baie vitrée adjacente au canapé; ce sont les rayons de ce soleil haut dans le ciel qui m'avaient fait émerger de mon coma. J'étais définitivement en train de me les prendre en pleine poire, mais ce qui me préoccupa le plus fut de déterminer l'heure qu'il était. Il devait être tard, bien trop tard.

Je fus attirée par une odeur succulente qui embauma mes narines et fit gronder mon estomac; sur la table basse à mes pieds trônait un grand bol de bouillon fumant, et cette simple vue me mit dans tous mes états. Je me mis à fixer ce bol comme si j'avais été un dangereux prédateur alléché, affamé depuis des jours et qui avait enfin trouvé une proie digne de ce nom pour la première fois depuis un long moment. Mon cas n'était pas si différent, tout compte fait; je mourrai de faim, et ce merveilleux récipient fumant sous mes yeux était la première chose que j'avais envie de manger depuis des jours.

Consciente du regard fou que je devais avoir en fixant ce pauvre bol, je déglutis difficilement en freinant mon envie de me jeter dessus pour me concentrer sur quelque chose de légèrement plus important:

Qu'est ce que je foutais là?

La réponse vint à moi d'elle même.

Parce que lorsque je tournai la tête, je découvris un homme à la chevelure grise sur le pas de la porte, qui me regardait d'un œil rieur.

Ah oui. J'étais chez Kakashi-sensei.

J'aurai voulu me lever d'un bond, me confondre en excuses et m'échapper vite fait de l'embarras qui s'emparait doucement de moi en fuyant derrière la porte qu'il venait de refermer. Mais au lieu de ça, je me figeai, et lui rendit un regard bien plus émerveillé qu'il aurait fallu.

Ce n'est pas tant le fait qu'il venait de retirer son masque qui me cloua définitivement sur le canapé, mais la conjugaison de son visage découvert avec ses cheveux argentés qui, affranchis du bandeau qui les maintenaient vers le haut, retombaient sur son front en mèches épaisses dans un désordre ravissant. J'avais là, pour la première fois, son visage entièrement dénudé de tout camouflage et j'en étais tellement abasourdie que j'en demeurai la bouche entrouverte de stupéfaction, à le fixer comme s'il était une créature fabuleuse tout droit sorti d'un bois enchanté.

J'eus du mal à comprendre qu'il était en train de me demander si j'allais bien, et aussitôt de retour sur terre, je détournai subitement le regard en rougissant d'embarras. Bon sang, il fallait vraiment que je cesse de rester bloquée sur son visage à chaque fois! C'en devenait terrifiant la façon dont j'avais l'envie irrépressible de le regarder, tout le temps.

J'évitai des yeux sa silhouette qui se rapprochait, mais je fus bien contrainte de me tourner vers lui lorsqu'il s'assit lui aussi sur le canapé en passant sa main devant mes yeux pour attirer mon attention. Il n'avait aucune idée du fait qu'il l'avait toute entière, mon attention, hein!

Par un étrange réflexe, je m'empressai de m'écarter de lui, en émigrant vers le bord extrême du canapé, comme si sa proximité m'effrayait de part l'étrange effet qu'il avait sur moi. Je pensais plutôt, en vérité, et sans trop savoir pourquoi, que ma santé mentale risquait gros.

"Ça va mieux?"

J'aurais adoré ne pas avoir à faire mention de la veille et enterrer ces souvenirs peu glorieux très loin au fond de moi, mais malheureusement, j'avais eu un spectateur qui semblait vouloir apparemment me rendre des comptes. J'inspirai donc profondément avant d'ouvrir ma bouche à mon tour:

- Vous savez, sensei, je suis désolée...

Je ne savais pas trop quoi dire d'autre. J'avais essayé de frapper mon sensei avant de dormir chez lui, bon sang, et c'était bien assez bizarre comme ça pour qu'il continue de me torturer de son seul œil ouvert, sa paupière balafrée demeurant irrémédiablement fermée. Je me demandai comment il faisait, d'ailleurs; je n'avais jamais réussi à fermer parfaitement un seul œil sans que mon visage entier ne se torde en une espèce de grimace très peu attrayante. Et lui, même avec le visage entaillé et en restant intentionnellement borgne, il trouvait le moyen d'être naturellement séduisant. C'était à se demander si la justice existait en ce bas monde.

Avant que je ne trouve une autre manière de formuler de maladroites excuses, Kakashi-sensei secoua la tête et me coupa dans ma lancée.

"Tu n'as rien à te faire pardonner".

- Mais... Hier, j'ai essayé de vous... de vous...

Il afficha ce petit sourire en coin qui me coupa le souffle.

"On fait tous des choses sur le coup de la colère, tu sais. Des choses plus ou moins graves, en fonction des gens..."

Il eut soudain le regard un peu plus vague, et son sourire s'effaça doucement. J'eus subitement envie de lui demander quel genre de comportement il pouvait bien avoir lorsqu'il était fou de rage pour que son visage s'éteigne de la sorte à l'évocation d'un simple fait, mais j'estimai qu'il était préférable de me taire.

"... et tu n'as pas franchement causé beaucoup de torts, à part à toi-même", reprit-il en relevant son œil sombre vers moi.

Je rougis de honte, embarrassée de m'être tant donnée en spectacle devant la personne à qui je voulais le plus prouver ma valeur. J'étais réduite à ce qu'il me prenne pour une sourdingue faiblarde toute sa vie, et masochiste par dessus le marché.

"Je ne dis pas ça pour t'enfoncer encore plus, tu sais, et je pense que tu ne devrais pas avoir honte de tes moindres faits et gestes. Alors tu n'as pas besoin de baisser le regard dès que je te parle."

Ouille. Cramée.

Je dus faire un effort immense pour m'obliger à garder le visage bien droit. C'était dur de se délier des bonnes vielles habitudes, ma foi.

Son œil sombre sembla rire pour lui, avant qu'il ne reprenne en se grattant la nuque machinalement:

"Je n'ai pas vraiment envie de faire le sensei moralisateur, à vrai dire. Je voudrais plutôt essayer de t'aider".

- Vous n'êtes plus vraiment mon sensei, maintenant, soupirai-je en évitant de penser à ce que cela signifiait. Vous n'avez plus besoin de vous sentir obligé de faire attention à moi.

"Ce n'est pas vrai", répliqua t-il, le regard un peu plus ferme. "Je n'ai aucunement l'intention de te libérer de tes fonctions, que ce soit bien clair. Et je ne me suis jamais senti obligé de quoi que ce soit".

J'haussai un sourcil surpris, en prenant soin d'ignorer la chaleur que sa dernière phrase avait instaurée dans ma poitrine.

- Mais Tsunade-sama a dit...

"Qu'elle pensait que tu ne pourrais être shinobi, je sais. Mais moi, j'ai un autre avis sur la question".

- Vous êtes en train de remettre en cause la parole du plus grand médecin de notre temps, remarquai-je platement, déboussolée.

Il me fixa quelques secondes, et ouvrit la bouche pour lâcher ce que je devinai être un long soupir las. Ses lèvres finirent par former des mots, et je me concentrai dessus en tentant d'y apposer sa voix dans ma tête.

"En l'état actuel des choses, effectivement, je pense que tu ne pourrais plus être shinobi. Tu es encore dépassée par la situation et tu ne t'es pas affranchie du mal qu'elle pouvait te faire; tu te laisses donc entraîner par le cours des choses comme si ça n'allait jamais changer, comme si tu n'allais jamais arrêter de souffrir. Tu as peur de tout parce qu'au final, tu as peur de toi."

J'ouvris grand la bouche de stupéfaction. Ces paroles imprimés sur ses lèvres avaient un goût amer, et qu'il mette ainsi des mots sur ce que je n'arrivai pas à cerner me délesta d'un poids considérable, malgré toute la dureté de la vérité.

"Tu as peur de tes réactions, de tes propres pensées, de tes capacités. Tu ne cherches pas de solutions parce qu'au fond, rester malheureuse, c'est plus facile. Et effectivement, ça, ce n'est pas l'état d'esprit que devrait avoir un shinobi".

Je ne pus empêcher les larmes de me monter aux yeux. Ces mots étaient acérés, tranchants de vérité, et je ne m'attendais pas à ce qu'ils me blessent tant malgré la bienveillance avec laquelle mon sensei me l'énonçait.

"Mais je suis convaincu que tu es capable de te sortir de ça. Tout n'est pas fini pour toi, je te l'assure".

- Comment? Qu'est ce que je dois faire? couinai-je, presque suppliante.

Il sourit.

"Manger, dans un premier temps".

Je clignai des yeux d'incrédulité tandis que je suivais du regard son doigt pointé droit vers le fameux bol fumant déposé sur la table basse. Je déglutis d'envie, et je sus que ma faim fut exprimée à voix haute par l'intervention de mon estomac en voyant mon sensei éclater de rire.

"Règle numéro un: un shinobi au ventre vide ne sert à rien", énonça t-il en levant son index.

- Mais vous...

"C'est pour toi", m'assura t-il en un sourire. "Hier soir, tu t'es endormie avant de pouvoir manger ta part".

J'haussai un sourcil inquisiteur comme pour lui demander si j'avais bel et bien le droit, ce qu'il confirma d'un hochement de tête. Je tendis alors le bras pour attraper timidement le bol entre mes mains bandées et fixer d'un regard avide cette mixture qui ressemblait à un précieux trésor à cet instant.

Ma faim prit le dessus, et malgré ma gêne apparente je m'empressai d'engloutir la totalité du récipient.

Je découvris alors, à ma plus grande surprise, que mon sensei était un véritable cordon bleu.

- Et après? demandai-je précipitamment après avoir bu la dernière goutte sous l'œil amusé de Kakashi-sensei.

"Après, il faut s'instruire".

Je le regardai se lever, une nouvelle fois déboussolée. Comment ça, s'instruire? Il y avait bien longtemps que j'avais quitté les bancs de l'Académie et assimilé les bases de l'art ninja.

Il revint quelques secondes plus tard, en me tendant un livre à la couverture unie.

Je levai subitement mes deux bras devant moi comme pour me protéger d'un danger imminent.

- Sauf votre respect, sensei, mais j'ai pas vraiment envie de lire vos livres... heu... bizarres.

Il fronça les sourcils et arbora une moue vexée. J'en croyais pas mes yeux.

"Mes livres ne sont pas bizarres", répliqua t-il, et je devinai qu'il avait exagérément appuyé sur le dernier mot. "Et si c'est ce qui te fait peur, ce n'est pas un tome du Paradis du Batifolage".

Quelque peu rassurée, et secrètement amusée de voir mon sensei tenir autant à la dignité de ses bouquins favoris, je finis par prendre le livre qu'il me tendait, qui arborait sur sa couverture le titre en grandes lettres jaunes.

Le Livre des Radieux.

- Qu'est ce que c'est?

"Tu verras. Lis-le et je pourrais peut-être envisager de te concocter un entraînement pour que tu reprennes du service".

Je lui lançai un regard suspicieux.

- Vous n'êtes pas en train de me faire une mauvaise blague?

"Je ne plaisante pas avec la douleur des gens".

Cette réponse me suffit à mesurer la teneur de sa sincérité. Et je pus en déduire qu'il était très sérieux.


***


Lorsque je finis par fermer la porte de chez moi, j'avais encore du mal à croire que tout cela avait bel et bien été réel.

J'avais passé le reste de l'après-midi chez Kakashi-sensei qui m'avait donné l'impression, l'espace d'un bref instant, que j'étais simplement en train de passer du temps avec un vieil ami.

Sauf qu'il était mon sensei.

Et pourtant, il avait tenu à me parler de futilités rien que pour me changer les idées, me rassurer sur le fait que tout n'était pas perdu au point que j'en oublie l'heure qui tournait. Et pas une seule fois il m'avait demandé de m'en aller.

Au delà du fait d'être déboussolée par les récents évènements, je ne pouvais m'empêcher de me sentir incroyablement apaisée. La bienveillance de mon sensei semblaient avoir soigné quelque chose au plus profond de moi au même titre que mes mains qu'il avait pansé pendant mon sommeil; je me sentais revigorée, un peu plus confiante en mon avenir incertain, par le simple fait de me savoir soutenue par le ninja copieur.

Et pour une fois, après être rentrée, je n'étais pas fatiguée.

Je pensai un instant faire un tour au cimetière, mais je décidai qu'il était temps de me préoccuper des vivants. De mon vivant.

Le livre de Kakashi-sensei sous le bras, et intriguée d'en découvrir le contenu, je me dirigeai donc vers mon canapé dans l'espoir de l'entamer; mais avant que je ne puisse m'assoir, je perçus un mouvement furtif derrière les rideaux de ma fenêtre.

J'haussai un sourcil étonné, et aussitôt après avoir fait un pas en avant pour en avoir le cœur net, je vis ma fenêtre s'ouvrir d'elle-même et une tête blonde s'engouffrer dans mon appartement.

"Yo!"

Naruto m'offrit un sourire immense et s'immisça entièrement chez moi, comme si de rien était. Je n'eus pas le loisir de protester puisqu'il m'attrapa le poignet et m'attira vers la porte de mon propre domicile.

- Eh! Mais qu'est ce que tu fais?

Hébétée, je tentai de discerner une quelconque réponse de sa part mais il gardait irrémédiablement sa tête droit devant lui. Il ouvrit la porte à la volée et me poussa à l'extérieur.

Là, ce n'était plus drôle.

Je le forçai à s'arrêter et me tournai furieusement vers lui.

- Qu'est ce qui te prend, à la fin?

Aucunement offusqué de mon irritation apparente, Naruto croisa ses bras derrière sa tête et afficha un nouveau sourire enjoué.

"On a décidé qu'il était temps que tu sortes un peu".

Je me figeai d'horreur.

- Certainement pas! Je ne peux pas sortir, je...

C'est lorsque je vis une tempête verte surgir devant mes yeux mêlée à quelques mèches de cheveux roses que je sus que j'avais été prise dans un guet-apens.

Chacun des trois individus perturbateurs me prirent par les bras et me poussèrent en avant sans se soucier de mes protestations de plus en plus virulentes. Lorsqu'ils déboulèrent dans la rue avec moi, à moitié ligotée par leur poigne incassable, je me mis à hurler.

Ils finirent par me lâcher, stupéfiés, en me regardant me plaquer contre un mur comme si j'espérai pouvoir disparaître à travers.

Je lançai des regards apeurés vers chaque recoin de la ruelle, mortifiée; nous étions en début de soirée estivale, synonyme de foule et de fête. Je voyais déjà un nombre infini de passant m'engloutir, me fauchant de leur silence, et rien que de l'imaginer, je sentais déjà une violente nausée me monter à la gorge. Mes genoux tremblaient et je compris que je n'étais même pas capable de détaler chez moi pour m'y barricader; j'étais prise au piège, au milieu d'un cortège naissant de gens joyeux, de marchands hilares et de lanternes lumineuses, qui dégageaient une bonne humeur qui m'était inaccessible. Au contraire, ils me noyaient, il m'étouffaient.

J'émergeai de ma transe apeurée lorsque la main amicale de Naruto vint se poser sur mon épaule.

"D'accord, on comprend mieux maintenant".

J'avais refusé de voir mes amis depuis des semaines, prétextant la fatigue (une excuse pas complètement fausse, finalement) pour éviter de me retrouver dans une situation comme celle-ci. Je ne savais pas si j'avais peur de leur jugement ou du mien; je ne supportai déjà pas de me voir comme ça, et que mes seuls amis en soient témoins à leur tour me paraissait intolérable. Je n'avais jamais cessé de les repousser, en pensant que ma seule présence se suffisait à elle-même, qu'ils ne feraient qu'appuyer cette atroce malédiction de ne pas pouvoir les entendre, de ne pas pouvoir partager leurs rires.

Le regard que me lança Naruto me fit réaliser la teneur de ma méprise, et celui de Sakura et de Lee m'affirmèrent la même chose.

Ils comprenaient.

"On passe par les toits, si tu veux".

Je souris timidement, et ils me tendirent tous les trois la main.

Et nous nous sommes élancés vers les cieux.


________


Bijour.

Le livre cité dans ce chapitre fait mention à la saga Les Archives de Roshar de Brandon Sanderson, loin d'être placée à sa juste valeur par la description très succincte que j'ai pu en faire ici. Vraiment, je plaisante pas, cette série est un trésor. J'en reparlerai un peu plus dans les chapitres suivants.

La Reader entre désormais dans une période de gros travail sur elle même, j'espère que ça vous plaira et que je ne vous ennuierais pas trop avec mes tentatives foireuses pour y ajouter un peu de philosophie.

Pour l'anecdote, j'aime le mot "Silence" depuis que des monstres du même nom ont fait leur apparition dans Doctor Who. Alors je sais que ces abominations n'ont rien à voir avec cette fanfiction (en plus ils me faisaient flipper, ces trucs), mais depuis, je nourris une espèce de fascination pour ce mot. Je suis vraiment heureuse d'enfin écrire une histoire à ce sujet.

Pour terminer ces mots de fins interminables, je tenais à vous remercier pour chacune de vos vues, votes et commentaires à chaque chapitre. Cette petite fiction a presque atteint les 1,5k vues et 200 votes en un peu plus d'un mois de publication, ça me fait chaud au cœur et me soutient réellement dans l'idée que ceci n'est pas une énième fanfiction que je ne finirai jamais.

Alors, merci beaucoup!


Ecrivainement vôtre,

Emweirdoy

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