Old resistant (activité @CdL)

Une petite nouvelle sans prétention mais que j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire... à quatre mains. Avec mon complice TomRenan nous nous sommes pliés aux contraintes d'écriture drastiques de la ConfrerieLitteraire  : "écrire un texte à deux de moins de 5000 mots avant le 31 aout". 

Donc on s'est amusés, et c'est le but de l'écriture, à confronter nos styles, avis, expériences et imagination (pour l'imagination Tom est le roi lol) . Nous vous en livrons le résultat.

Si vous ne connaissez pas encore TomRenan , je n'ai qu'un mot, allez découvrir ses textes. En attendant, voici le fruit de nos réflexions sans prétention. (3625 mots)

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Old resistant

C'était un soir comme tous les autres : il n'y avait qu'une petite dizaine de clients dispersés dans le Old Fashioned Jimmy's de Fluston avenue. L'ambiance vaguement rétro du lieu devait faire fuir la clientèle. A moins que ce ne soit la musique diffusée, peut-être trop bruyante pour l'heure.

Avec nonchalance, le barman faisait mine de s'activer à son poste, essuyant des verres déjà propres et briquant l'aluminium du comptoir déjà si étincelant que les consommateurs pouvaient se mirer sur sa surface. Le vieil homme travaillait au Old fashioned Jimmy's bar depuis tant d'années qu'il en avait oublié le compte ; ayant perdu la flamme pour ce job, il se contentait maintenant d'observer avec tristesse le déclin de ce haut-lieu de New Genesy.

Malgré son air maussade, son pantalon noir et sa chemise blanche au chic vintage mettaient en valeur sa silhouette fine et altière. Omer Clamp soignait son uniforme de travail autant que son allure ; "Toi seul est responsable de la première impression que tu donnes aux autres" lui avait répété sa mère pendant ses jeunes années, longtemps avant les Événements.

Seul détail reluisant sur sa tenue, le discret insigne des vétérans du NFL (Nouveau Front de Libération), ornait son gilet sombre et rappelait le statut important qui fut celui de cet homme, qui n'était plus aujourd'hui qu'un septuagénaire désœuvré, menant une vie tranquille et solitaire.

Clamp s'appuya sur la machine à café et frotta sa joue noire parfaitement rasée. Comme la veille, le boss ne se montrerait pas ce soir. Rien d'étonnant, après tout, cela faisait longtemps que Clamp ne comptait plus sur lui et assurait les rôles de barman, caissier et homme de ménage à lui seul.

Il jeta un regard sur la vieille montre analogique à son poignet et soupira en constatant qu'il lui restait encore cinq heures de boulot avant de rentrer chez lui.

Lorsque la porte d'entrée s'ouvrit, Clamp tourna doucement la tête pour éviter de trahir sa curiosité devant la cliente qui venait d'entrer.

Instinctivement, il fouilla dans sa mémoire pour y trouver une trace de cette grande brune - vieux réflexe paranoïaque - car même après toutes ces années, il n'avait pas oublié certains principes : lorsqu'on cherche à ne pas être remarqué, il y a toujours une raison. Et cette femme-là cherchait à se faire discrète, indéniablement.

Pas évident lorsqu'on est jolie comme ça.

La jeune femme ôta son manteau trempé et le suspendit près de l'entrée, profitant de chaque mouvement pour scanner la salle sans se faire remarquer. La vue troublante de ses prunelles d'un gris d'acier laissèrent une curieuse impression à Clamp, qui n'arrivait pas à décider si elle semblait à la recherche d'une personne, ou bien d'un danger. Du reste, elle portait la tenue standard des employés de GNB (General National Bank) de New Genesy. L'uniforme d'un gris luisant, presque métallisé, était très élégant et visiblement assez confortable pour que les employés, quel que soit leur grade, le portent même après leurs heures de travail. Ou bien était-ce là un habile moyen pour elle de se faire reconnaître par la personne qu'elle cherchait ?

Pas non plus l'idéal pour passer inaperçue, ma belle.

Comme si elle avait pu entendre sa pensée, les yeux de la femme trouvèrent ceux de Clamp, qui se senti pris en flagrant délit d'indiscrétion. Mais son expérience prit le pas et, sur son visage, rien ne trahit la gêne qu'il éprouva alors, pas même lorsque la jeune femme s'approcha du bar sans le lâcher des yeux.

– Je vous sers quelque chose ? proposa-t-il machinalement.

– Je... oui, un whisky, un double, répondit-elle d'une voix hésitante.

– On a le moral ?

Elle esquissa un sourire, qui avait des allures polies de "je t'en pose des questions ?" visible même pour un aveugle. Alors, Clamp n'ajouta rien et saisit la bouteille de Glen Wilford posée sur l'étagère en verre derrière lui. Il servit rapidement la double dose demandée.

– Glace ?

– Non, merci, répondit-elle tout en flashant son bracelet sur le scan de paiement.

Elle tourna les talons, hésita une seconde puis revint un instant sur ses pas et fit signe à Clamp de s'approcher. Il se pencha alors sur le bar, afin qu'elle puisse lui parler à l'oreille.

– Je m'appelle Fanny Dilerra, si quelqu'un, un homme, me demande, pouvez-vous me l'envoyer ? Je vais m'installer sur la banquette tout au fond, ajouta-t-elle en désignant l'endroit.

Clamp haussa un sourcil, sans quitter un instant les prunelles grises de sa cliente, laquelle venait de trahir à la fois son inquiétude, par sa voix chevrotante et sa nervosité, par l'agitation de ses mains, particulièrement de son index qui s'agitait contre le comptoir en produisant des petits claquements répétés.

Il hocha finalement la tête en guise d'acquiescement. Elle répondit par un demi-sourire.

Clamp la regarda s'éloigner, mille questions à l'esprit et pas la queue d'une réponse à l'horizon. Pas un rendez-vous galant, de ça, il en était certain. Pas besoin d'avoir trop de neurones pour savoir qu'une belle fille comme elle n'avait pas à s'inquiéter de savoir si son prétendant allait arriver, ni si elle lui plairait. Alors quoi ? Que restait-il comme possibilité pour qu'elle soit si tendue ? Demander une augmentation à son patron ? Nan, pas dans un bar, ce serait idiot. Il serait foutu d'essayer de la sauter. Annoncer à son mari qu'elle avait changé de sexe, qu'avant elle s'appelait Jack et qu'ils pourraient jamais avoir d'enfants ? L'idée fit sourire Clamp, mais il ne misa pas un ₵₵ (Crypto Crédit) dessus.

Oh... après-tout c'est pas mes oignons.

***

Deux heures plus tard, aucun signe du rendez-vous mystère. Pendant ce temps, Clamp avait développé une véritable obsession et se tenait à l'affût du moindre client qui entrait, s'attendant à ce qu'on lui demande si mademoiselle Dilerra était là. De plus, il guettait si quelqu'un allait directement se présenter à sa table.

De ce côté-là, le double Glen Wilford s'était transformé en triple, plus en quadruple. Soit cette femme avait une bonne descente, soit l'objet de ce rendez-vous nécessitait plus de courage en bouteille que Clamp ne l'avait estimé.

Soudain le téléphone se mit à vibrer dans son oreillette. Au son, Clamp reconnu qu'on l'appelait sur sa ligne personnelle, ce qui était assez inhabituel.

– Allo ?

– Omer ? C'est Franck.

– Franck ? Ben ça, si je m'attendais. J'avais déjà pas vu un piaf voler depuis un bail, mais entendre un poulet caqueter, ça me fait toujours autant d'effet.

– T'as toujours un humour de merde à ce que j'entends, c'est que tu dois être en forme. Mais boucle-la deux minutes et écoute-moi, tu veux ?

– Vas-y, cause, ma poule.

– Une descente va avoir lieu, j'ai entendu les collègues s'exciter et l'un d'eux a lâché le nom de ton bouge. Qu'est-ce que t'as encore foutu ? Tu t'es pas remis à la colle avec un groupe d'anarchistes à la con j'espère ?

– Nan, Francky, tout ça, c'est fini et tu le sais bien. Aujourd'hui à part user mes vieilles mains pour nettoyer les verres, je me tiens pénard.

– Alors, qu'est-ce qu'ils viennent foutre chez toi, t'as une idée ?

À cet instant, Clamp tourna son regard vers le fond de la pièce et scruta un instant sa mystérieuse cliente, laquelle montrait toujours plus de signes d'impatience et d'agitation.

– Je te rappelle, Franck, dit-il finalement en coupant la communication.

Omer frotta son menton, signe de profonde réflexion. Il n'avait pas menti : aucune descente des flics depuis plus de cinq ans. Et encore, la dernière fois, c'était pour un dealer qui tentait d'écouler des substances dans son bar à son insu. Omer Clamp l'aurait sans aucun doute viré à coup de pieds au derrière s'il avait eu l'info. Pas de ça chez lui, question de principes.

La belle brune était la cause de la fichue visite qui n'allait pas tarder. Il connaissait leur méthode : un tuyau, un semblant d'info complémentaire et un escadron de jeunes mecs clonés, tout fiers de leur nouvelle tenue noire, fonçait comme une volée de corbeaux pour rafler tout ce qu'ils pouvaient sans se soucier de la véracité de leurs sources.

Le vieux barman prit sa décision.

Il quitta son comptoir. De toute façon, personne ne commandait au bar à cette heure tardive : les habitués le hélaient d'un geste vague. Il rejoignit le coin le plus sombre où l'intrigante inconnue s'était planquée. Souplement, il plia sa longue silhouette sur la banquette à côté de la demoiselle Dilerra. Surprise par son sans-gêne et sa façon d'empiéter sur son espace vital, elle tourna la tête sur le côté pour le dévisager. Clamp, lui, fixait sa salle.

Joli poste d'observation, la table de la petite.

De son siège, elle pouvait le surveiller, ainsi que la porte d'entrée... et même l'issue de secours n'était qu'à un pas. De toute évidence, elle avait de la suite dans les idées et était assez intelligente pour observer la prudence, même si elle laissait transparaître beaucoup trop de nervosité à l'appréciation de Clamp.

– Ça va, je vous dérange pas ? lança-t-elle.

Pour l'instant, elle semblait plutôt indignée et avait parlé plus fort qu'elle ne le souhaitait. Clamp sourit légèrement.

– En fait, un peu, si, mademoiselle Dilerra.

Stupéfaite, la belle bouche aux lèvres soulignées d'un rouge discret s'arrondit. Le barman en profita pour poursuivre.

– Votre... hum comment dire... rencard n'est pas venu ? C'est pas très sympa de laisser en plan une jolie demoiselle.

– Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Je vous ai rien demandé à part remplir ceci ?

La femme remua le verre vide serré entre ses doigts crispés.

– Ouais, c'est marrant, mon petit doigt me dit que vous vous êtes fourrée dans un sacré merdier. Mais, Saint Genesy seul sait pourquoi, j'ai envie de vous aider.

Pinçant les lèvres, Fanny Dilerra n'osa démentir. Elle baissa le regard et tomba sur l'insigne de Clamp. Curieuse, elle releva vivement la tête et le dévisagea. Jusqu'ici, uniquement préoccupée par le retard de son contact, elle n'avait guère prêté attention au vieillard, mais, s'il était un vétéran du NFL, comme son père, il pourrait peut-être... C'est alors qu'elle le reconnut.

– Vous êtes...un ancien gouverneur de New Genesy !

Sa stupéfaction atteignait des sommets. Elle avait une bonne mémoire photographique et son père lui avait narré les succès des Libérateurs... sans vraiment s'étendre sur les causes de l'échec du combat qu'avait mené ces Utopistes qu'il admirait tant. Pour Anton Liberra, seul comptait le fait que le NFL avait sorti le pays — le monde, même, d'après lui — de la catastrophe liée aux Événements climatiques, en instaurant des règles strictes de vie et d'économie dans le respect d'un développement durable.

Le vieil homme, qui la scrutait avec bienveillance et curiosité, faisait partie, il y a longtemps, de l'élite du pays.

Puis la suprématie des ₵₵ et de leurs nombreux adorateurs, avait inévitablement repris le dessus dès que la situation climatique avait paru plus stable, et les Libérateurs avaient étés liquidés sans douceur.

– Très touché que quelqu'un se souvienne de ça, balaya le barman d'un haussement d'épaule, mais c'est pas le sujet, jeune fille.

– Si. Un peu.

Pour le coup, c'est le vieil Omer qui béa de surprise.

– Il n'y a plus de Libérateurs. Le mouvement a cessé toute action, il y a plus de trente ans.

Enfin presque...

– Votre groupe peut-être mais...

Fanny se sentait en confiance. Son père l'avait élevé dans l'admiration des anciens et dès qu'elle l'avait pu, elle avait rejoint la cause à laquelle elle croyait : celle de l'économie durable et non celle des ₵₵ et du profit. Ses études, brillantes, lui avaient permis d'entrer à la General National Bank et de gravir, année après année, les échelons de cette tentaculaire entreprise, jusqu'à occuper le poste stratégique qui était le sien : directrice des ressources humaines.

De là, elle orientait les recrutements, sélectionnant soigneusement les profils adéquats pour permettre au moment d'infiltrer la banque et préparer la lutte.

La seule règle primant sur toute autre était le silence : personne à part elle et une poignée de collaborateurs fiables, connaissaient le nom des membres et leurs rôles.

La situation et le charisme d'Omer faisaient que Fanny se sentait prête à rompre l'omerta, pour reprendre un terme ancien, qui était leur seule chance de survie.

Face à quelqu'un lui rappelant lui-même dans ses jeunes années, Clamp soupira longuement, mais le temps pressait. Les longues explications, ce serait pour plus tard.

– Enlevez vos talons. Dans une minute, je vous donnerai un signe et vous foncerez à la porte de la remise, derrière vous à droite, sans que personne vous remarque. Là, vous m'attendez sans faire de bruit.

– Un signe ? Mais...

– Faites-moi confiance, vous saurez quand ce sera le moment. Vos chaussures et tenez-vous prête.

Il se leva aussitôt en emportant le verre vide, puis traversa la salle. Lorsqu'il fut à mi-parcours, il fit semblant de choir et échappa le verre qui se brisa en mille morceaux sur le sol, dans un bruit qui couvrit les conversations et fit tourner toutes les têtes dans sa direction. Fanny comprit et fila jusqu'à la remise, ce qui ne lui prit que quelques secondes.

À l'intérieur, il faisait sombre. À part quelques caisses de bouteilles, un balai, un casier métallique et une étagère poussiéreuse, il n'y avait pas grand-chose. Fanny occupa son attente à chercher. Si Clamp l'avait fait venir là, ce n'était certainement pas pour la cacher, il devait forcément y avoir une issue, un sauf-conduit pour lui permettre de fuir. Mais elle ne trouva rien, à sa grande surprise.

Alors l'angoisse la saisit. Se pouvait-il qu'elle ait été jouée ? Que le vieux Clamp ait pu changer de camp après avoir raccroché il y a si longtemps ? Comment savoir, l'être humain pouvait être si corruptible et les trahisons n'étaient pas rares dans ce monde de rébellion.

Elle fut interrompue dans ses sombres pensées lorsque Clamp arriva, sa longue silhouette dominant Fanny qui ne pouvait clairement rien espérer faire pour lui échapper. Elle était prise au piège.

Clamp leva rapidement la main vers elle, puis ouvrit le casier juste à côté. Il en sortit une tenue de barmaid.

– Essayez ça, ordonna-t-il. Ce ne sera certainement pas à votre taille, mais ça devrait aller.

Fanny était perplexe. Paralysée par la peur et l'incompréhension, dans une situation que pour une fois elle ne maîtrisait plus, elle ne fit aucun geste pour saisir la tenue. Clamp comprit alors, il n'avait pas le temps de parlementer pour la convaincre alors sans façon, il lui mit une gifle rougissant quelque peu la peau diaphane de la femme.

– Maintenant, il faut se bouger. Nous disposons de cinq minutes, sept si nous avons de la chance. Alors écoute-moi bien, gamine, soit tu suis mes ordres à la lettre sans perdre un putain de seconde à essayer de comprendre, soit tu dégages d'ici et tu te fais embarquer par les cognes. À toi de voir, mais l'offre expire dans trois secondes, alors presse-toi.

Son regard était dur, et sa phrase fit l'effet d'un électrochoc : Fanny se pressa, retira ses vêtements sans la moindre gêne et enfila la tenue de barmaid.

Pendant qu'elle s'exécutait, Clamp donna un coup puissant sur le côté du casier et un double fond surgit de la niche du haut. Derrière, apparut un appareil portatif à clavier, que Clamp mit sous tension tout en composant un numéro de téléphone depuis son terminal.

– Franck, c'est moi. Passe en ligne cryptée, dit-il aussitôt.

– Fait ! Y'a un lézard ?

– Une crevette plutôt, vu son gabarit. Mais on causera bestioles plus tard, j'ai besoin d'un coup de main.

– Omer, putain, je sentais que t'allais encore me foutre dans la merde.

– T'en serais pas là si tu m'avais pas appelé tout à l'heure, alors ferme-là. J'ai besoin d'un coup de main, maintenant. C'est oui ou c'est merde ?

– Tu fais chier... bon, tu veux quoi ?

– J'ai besoin que tu entres l'identité que je t'envoie dans le fichier central, tout sera déjà pré-rempli, t'aura plus qu'à glisser le bébé dans la nurserie.

– Envoie...

– C'est déjà fait.

– Attends, je regarde... Alice Meryl, 32 ans, employée au Old Fashioned Jimmy's depuis deux mois... mais, c'est quoi ces conneries ?

– T'occupes. Ça va prendre combien de temps ?

– Avec ma connexion pourrie, environ dix minutes.

Clamp jeta un œil à la discrète caméra de sécurité pointant à l'extérieur du bar et aperçut les voitures de police qui se rangeait en bataille, façon cowboy.

– Essaie de te magner. Envoie-moi un message quand c'est fait, je tenterai de gagner du temps d'ici là.

– Ok, mais tu veux bien m'expli...

Clamp coupa son terminal, retourna à sa curieuse machine et appuya sur LOAD IRIS. Un léger bruit de parasite sonore se fit entendre, puis il ouvrit un petit tiroir de l'appareil et tendit son contenu à Fanny.

– Mettez ça, puis rejoignez-moi derrière le bar dans quatre minutes. Compris ?

Fanny opina.

Clamp poussa la porte et retourna à son poste. Il essuya machinalement les verres, tout en comptant les secondes dans sa tête.

Cent quatre-vingt dix secondes plus tard, la porte de son bar claqua en laissant une marque dans le mur.

Ils respectent vraiment rien ces connards...

Finalement, il s'amusait presque de cette aventure imprévue qui mettait un peu d'action dans sa vie.

Et la parade commença. Une quinzaine de policiers en tenue de pacification urbaine déboula dans le bar, se positionnant de part et d'autre de la pièce pour couvrir toute la pièce, sans laisser aucune chance à qui que ce soit de filer.

Puis un type en manteau long entra à son tour, marchant avec l'allure et la coiffure gominée des types qui se prennent très au sérieux. Clamp eut un rictus en le détaillant, cela lui rappela quelques souvenirs.

Le type avança lentement, mains derrière le dos jusqu'au milieu de la pièce, jeta un bref regard dans la salle. Indifférent, il poursuivit jusqu'à la hauteur de Clamp. Il lui tourna le dos en s'appuyant contre le comptoir.

T'as bien marqué ton territoire, gamin, mieux qu'un chat qui pisse sur une plante.

L'homme tourna légèrement la tête.

– Nous cherchons une femme, une certaine Fanny Dilerra.

– On cherche tous la femme idéale, inspecteur, fit Clamp, d'un ton sarcastique.

Les narines du chef se pincèrent légèrement. Il se regarda de nouveau vers ses hommes, qui attendaient, tournés vers lui comme de braves toutous. Alors, il hocha la tête pour leur donner l'ordre.

À ce moment-là, les policiers sortirent leurs contrôleurs et commencèrent à scanner les yeux des clients.

Ils scannent même les hommes, ces abrutis... remarqua Clamp en riant intérieurement.

– Vous savez que toute rétention d'informations constitue un délit grave ?

– Si je pouvais encore l'ignorer, je le sais, désormais, rétorqua Clamp du tac au tac.

– Tant mieux, parce que je n'ai pas besoin de scanner vos iris pour savoir qui vous êtes, monsieur Clamp. Dans le service, il arrive encore que nous parlions de vous, vous savez ?

– Si vous voulez une autographe, je vous ferai un bon prix, promis.

– Trop aimable, on en aura peut être besoin lorsque vous devrez signer votre convocation au tribunal.

À ce moment-là, Fanny sortit de la remise et se dirigea vers le comptoir, l'air quelque peu perdue.

– Ah, te voilà toi ! J'espère que t'as fini de chialer maintenant et que tu vas te remettre au boulot. Je te paie pas pour glander.

– Pardon, répondit Fanny, c'est ma mère, vous savez...

– J'en ai rien à foutre, Alice, coupa Clamp en lui tendant un plateau contenant des verres vides. Embarque-moi ça et nettoie-les un par un. Fini la pause : au boulot !

L'inspecteur sourit devant la scène. Clamp l'avait bien calculé : un vrai sadique. Soudain, il sentit son terminal vibrer. Un message venait d'arriver. Il lut discrètement le message en sortant à peine le téléphone de sa poche : Connard. C'était Franck. Clamp sourit.

– Personne ne correspond au signalement, chef, annonça un policier en s'approchant.

Cachant mal sa déception, l'inspecteur se retourna vers Clamp et posa ses mains à plat sur le comptoir. D'abord il fixa l'aluminium, ayant l'air de réfléchir, puis il releva les yeux vers le vieil homme et laissa passer quelques secondes. Il inspecta alors la serveuse et fronça les sourcils.

– Scannez aussi la fille, ordonna-t-il.

Le policier s'exécuta, passant immédiatement au laser les iris de Fanny. Il secoua négativement la tête en silence en réponse à l'interrogation muette de son chef.

L'inspecteur étudia Clamp, sans masquer, cette fois-ci, son air désappointé.

– Bon. L'information était erronée, sans doute.

– Vous savez, inspecteur, les tuyaux percés j'en ai tous les mois dans mes toilettes.

Il affichait un sourire tranquille vaguement moqueur. Contre toute attente, l'inspecteur lui rendit son sourire.

– On s'en va, ordonna-t-il à ses hommes. Bonne soirée, monsieur Clamp, on se reverra sûrement, bientôt, je pense.

Il lança un bref salut de la main qu'il avait étudié devant son miroir et quitta le Old fashionned Jimmy's.

Quelques secondes plus tard, le brouhaha indifférent et habituel avait repris possession de la salle.

Seule Fanny tremblait encore un peu. Une fois le danger passé, elle relâcha la pression, tant et si bien qu'elle échappa un verre qui se brisa dans l'évier. Elle resta un instant appuyée là, le temps de reprendre son souffle.

– Merci... lâcha-t-elle finalement alors que la peur glissait doucement, en même temps que ses larmes.

Clamp posa une main compréhensive sur son épaule, sans rien ajouter. Il songea ensuite à ce qui venait de se passer, comme il avait agi d'instinct, avec efficacité et plaisir malgré l'âge, malgré toutes ces années d'inactivité. En un sens, il n'avait pas vraiment rompu avec tout cela, avec le combat. Peut-être l'avait-il cru sincèrement jusqu'ici, mais la preuve qu'il venait de se faire à lui-même ne laissait plus aucune place au doute.

Combattant un jour, combattant toujours

L'ironie de cette pensée le fit sourire. Un vrai sourire pour une fois. Alors, Omer demanda à Fanny de retourner dans la remise se changer et reprit sa place au-dessus de l'évier, lavant les verres restants aussi consciencieusement que possible. Cet excès de zèle n'était pas sans raison, car désormais sa décision était prise, il pouvait donc accorder à ses verres toute l'attention qu'ils méritaient : ce serait la dernière fois qu'il les nettoierait.

FIN

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