Un peu de lumière
/!\ Mention de comportement(s) dépressif(s)
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Les jours étaient tous les mêmes.
Depuis... Eh bien, un certain temps.
Un temps que je ne pourrais compter. Et dont je n'avais pas envie de penser, d'effilocher ces jours minables qui me paraissaient gris alors même que le soleil brillait fort dans le ciel, au dehors.
Je ne saurais même pas dire comment ça avait commencé. J'avais l'impression que ça avait toujours été là, tapi au fond de moi, cette étrange aigreur qui faisait profil bas lorsque j'avais l'esprit occupé mais qui ressurgissait avec fracas quand j'avais le malheur d'avoir un moment d'inertie.
La vie de Shinobi était un bon remède contre ça, dans un sens. On n'avait rien à se préoccuper d'autre qu'à accomplir la mission donnée, coûte que coûte, trop absorbés par les kunais qu'on évitait de se prendre dans le cœur et des jutsus mortels à conjurer.
On nous a habitués à ce que notre vie n'ait pas vraiment de sens, qu'elle ne soit pas à notre propre service mais à celui du village. Ce n'était pas un problème. Tous les ninjas, même engagés depuis leur tendre enfance, avaient fait la paix avec ce fait et tout le monde vivait sereinement avec ça. Moi y compris.
Enfin, je le croyais.
Parce que je me suis retrouvée à ouvrir les yeux un matin et à ne pas avoir envie de sortir du lit. Ce n'était pas cet habituel sentiment ennuyé de se voir arracher d'un sommeil réparateur contre son gré parce que le devoir nous appelle, non, c'était infiniment plus puissant que ça.
C'était comme si un monstre s'était assis sur ma poitrine et avait décidé de m'enserrer entre ses griffes pour un temps indéterminé.
Je ne suis pas allée chercher mon ordre de mission, ce jour-là.
Ni le jour d'après. Ni celui encore d'après. Ni tous les jours suivants.
Parce que ces journées, je les passais à regarder le plafond avec des yeux vides. A me poser des questions insensées qui me torturaient les méninges et qui, petit à petit, grignotaient le semblant de confort que ma vie de bon soldat avait installé autour de moi. A douter de tout, de moi-même, des autres, de ce sentiment ignoble qui me faisait sentir que ma vie avait déraillé à un moment donné, sauf que je ne savais pas quoi, quand, comment ni pourquoi.
Je me suis posée la question de savoir ce dont j'avais envie. Est-ce que j'avais envie d'aller piocher une nouvelle mission, d'aller boire un verre avec mes collègue shinobis, de fouler le terrain d'entraînement ? Non, je n'en avais pas envie.
Et en fait, j'ai réalisé que je n'avais envie de rien.
Je ne m'en suis pas rendue compte sur le coup, mais j'ai commencé à avoir une hygiène de vie minable. Je restais terrée dans mon appartement sombre sans ouvrir les volets pendant des jours, cachée sous ma couette, avec cette envie de dormir continuellement sans que le sommeil ne me prenne jamais. L'obscurité de ma chambre me terrassait autant qu'elle m'était rassurante ; je baignais dedans sans discontinuer, noyée dans ce noir que je broyais moi-même.
J'ai eu un jour la force de me lever pour aller faire ma vaisselle. Alors que frottais machinalement une assiette, elle glissa de mes mains savonneuses et s'écrasa sur le sol avec fracas.
En contemplant les milles morceaux de porcelaine à mes pieds, je me suis mise à pleurer.
Et alors que mes sanglots percutaient les murs de mon appartement vide sans que je ne puisse les arrêter, j'ai compris que j'étais tombée dans un gouffre sans m'en rendre compte et que ses parois lisses et glissantes ne me permettraient jamais de m'évader de ses profondeurs.
J'étais coincée. Seule, si désespérément seule, avec ce vide immense qui criblait ma poitrine comme du plomb pour seule compagnie. Ça me faisait tellement mal, et en même temps, je me complaisais un peu dedans.
Parce que à quoi bon lutter, après tout ? Se laisser envahir, c'était tellement moins fatiguant que de se battre. Et moi, je me sentais épuisée tout le temps, même si je ne faisais rien.
Les larmes me montaient souvent aux yeux sans aucune raison apparente. Il m'est arrivé de m'effondrer dans un coin de mon appartement, à y demeurer recroquevillée pendant toute une demi-journée, avec cette douleur lancinante dans la poitrine qui me laissait plus respirer, qui me donnait l'impression que l'air n'entrerait plus jamais dans mes poumons. Les crises de larmes me prenaient avec une telle violence, me torturaient jusqu'à l'épuisement, et je les en remerciai dans un sens, parce qu'elles fatiguaient assez mes yeux pour m'offrir un sommeil tourmenté.
Les jours se ressemblaient et je subissais chacune d'elles comme si je traînais une montagne derrière moi. Au bout d'un certain temps, je ne fis même plus attention à mon panier de linge sale qui dégueulait, à mon évier qui débordait de vaisselle à faire, à mes comptoirs submergés de bricoles et de miettes, à la poussière qui semblait s'entasser autant sur mes meubles que sur ma propre peau. Lorsque ce n'était pas sur mon lit, je reposais sur mon canapé, les yeux fades rivés sur mon petit poste de télé, à regarder des publicités sur des jouets en forme de shuriken et une adaptation stupide en série de la saga Icha Icha que je me pris à regarder pour occuper mon esprit tourmenté.
Je ne mis pas une seule fois le nez dehors.
Et je crois que le pire dans tout ça, c'est que jamais personne ne vint frapper à ma porte, rien que pour s'assurer que j'étais encore en vie. Le monde se fichait bien de ma petite personne, et il continuait de tourner, sans qu'aucun de mes collègues ne se demande jamais où est ce que j'avais donc bien pu passer.
Cela termina de me miner le cœur et l'esprit, de me rendre compte que j'étais absente de ma propre vie mais aussi de celle des gens avec lesquels j'avais grandi, travaillé, combattu.
Je n'étais rien. J'étais une kunoichi lamentable, qui suffoquait dans un mal-être qu'elle ne comprenait même pas elle-même, et qui avait en plus de ça eut le malheur de croire qu'elle avait pu être importante pour qui que ce soit.
Pathétique.
C'était une énième nuit où mes yeux refusaient de se fermer, il était trois heures du matin, et je m'étais commandé à manger. Je n'avais pas la foi de cuisiner, et puisque sortir faire des courses afin de remplir mes placards désespérément vides était au-dessus de mes forces, je me faisais livrer une fois tous les trois jours à peu près et cela suffisait à contenter mon estomac que j'oubliais souvent d'écouter.
Je sursautai lorsque j'entendis le livreur frapper à ma porte. Je me dégageai difficilement de mon plaid, enfilai un vieux survêtement tâché, et pris à peine le temps d'arranger le désordre infernal de mes cheveux. Je devais être infecte à regarder, et je m'en fichais.
Je finis par atteindre la porte, et à la place de trouver le livreur sur mon palier, je me retrouvais nez à nez avec Kakashi Hatake.
- Yo ! lança ce dernier en levant une de ses mains gantées, les yeux plissés.
- Kakashi ! Qu'est-ce que...
Je me pris à refermer imperceptiblement la porte derrière moi, pour éviter d'exposer le chaos de mon appartement au regard perçant du Ninja Copieur. J'eus soudainement honte de mes cheveux gras, et regrettai amèrement de ne pas avoir fait plus d'efforts pour cacher les dégâts sur ma propre personne.
- J'ai croisé ton livreur en passant par-là, dit vivement le Jônin comme s'il ne voyait qu'il se trouvait devant un véritable détritus humain. Je me suis dit que je puisque ta maison est sur mon chemin, je pourrais t'apporter ta commande moi-même.
Il secoua le sachet de papier contenant mon repas pour les trois prochains jours en guise d'illustration.
- Oh... je m'exclamais, troublée. Combien je te do... ?
- Je lui ai pris un plat à emporter aussi, éluda-t-il comme s'il ne m'avait pas entendue. Que dirais-tu qu'on mange ça ensemble, tant qu'à faire ?
Il me fixa de son regard d'encre et je me mis à me tortiller d'inconfort sur mes jambes.
- Euh... C'est qu'il est tard, Kakashi.
- Et pourtant, tu as commandé à manger en pleine nuit. Moi aussi. Alors ?
Je commençai à vraiment angoisser. Il était hors de question que je fasse entrer le Ninja Copieur, pour qu'il découvre l'étendue du désordre infernal qui habitait mon chez-moi autant que ma tête.
- C'est que... Euh... j'attends un ami.
Le regard de Kakashi passa de doux à vif en un millième de seconde et je déglutis.
- Ah, vraiment ?
Dans ma petite panique qui montait doucement, je mis soudainement le doigt sur l'improbabilité de la présence du Ninja Copieur sur mon palier, en pleine nuit, à trois heures du matin.
- Mais qu'est ce que tu fiches ici, toi ?
- Je te l'ai dit. J'ai croisé ton livreur, et...
- Tu habites de l'autre côté du village, Kakashi. Tu n'as aucune raison de venir trainer dans ce coin à une heure pareille.
L'homme aux cheveux argentés qui brillaient doucement sous l'éclat de la Lune soutint un instant mon regard, avant de soupirer doucement.
- Bon, d'accord. C'est que... Eh bien, je me demandais comment tu allais. Ca fait un moment que tu n'es pas apparue au village.
Il fallait que je fuie. Vite.
- Je vais très bien, merci, je déclarai d'une voix qui se voulait sûre en lui prenant mon sachet de nourriture des mains.
Je lui souhaitai une bonne nuit avant de me précipiter sur ma porte et de m'enfermer en sécurité dans mon appartement vétuste avant que la honte ne s'abatte sur moi.
Mais alors que j'allais refermer la porte derrière moi, Kakashi me coupa dans mon mouvement en plaçant un pied juste à temps dans l'encadrement.
Mortifiée, je fus contrainte de croiser une nouvelle fois son regard clairvoyant dans l'entrebâillement.
- Je crois que tu mens.
Ma faible volonté m'avait déjà abandonnée lorsque je le sentis forcer légèrement sur la porte, et je n'eus d'autre choix que de capituler, en baissant les yeux de honte lorsqu'il finit par pénétrer mon antre noir et sale.
Kakashi Hatake et moi n'étions pas vraiment proches. Un collègue, que je saluai souvent avec politesse et pour lequel je me prenais à rougir bêtement parce que je ne savais comment cacher le fait qu'il m'intimidait plus qu'il ne fallait.
C'était bien la dernière personne que je pensais voir découvrir de ses propres yeux à quel point j'étais tombée bas. Bon sang, je ne savais même pas qu'il se rappelait mon existence. Et si c'était pour voir ça...
- Je... Je suis partie en mission pendant un moment, mentis-je avec précipitation. Je n'ai vraiment pas eu le temps de faire du grand ménage, je suis désolée.
Kakashi balayait mon appartement crasseux d'un regard impassible et mon estomac se tordit dans mon ventre. J'avais si honte !
- C'est drôle, parce que j'ai vu Iruka hier.
Je pâlis violemment.
- Et il m'a dit que tu refusais tous tes ordres de missions depuis trois mois.
Le Jônin pivota vers moi, et me lança un drôle de regard. Aucun reproche ne teintait dans sa voix, et pourtant je pouvais m'empêcher de me sentir humiliée. Je baissai une nouvelle fois la tête, complètement prise de court.
Avant que son silence ne me terrasse définitivement de malaise, la voix grave de Kakashi vibra doucement.
- Tu sais, quand je suis déprimé, je n'ai généralement pas envie de faire le ménage.
Je me figeai avant de lever mon regard pour rencontrer le sien.
- Dans ces cas-là, je ne suis pas vraiment à même de m'occuper de moi non plus. C'est même le dernier de mes soucis.
Ma lèvre commença à dangereusement trembler. Ma poitrine se serra douloureusement, alors que le langage corporel de Kakashi n'exprimait rien qui puisse expliquer ses aveux qui faisaient échos à mon train de vie actuel.
- C'est assez confortable, finalement, hein ? Je veux dire, de se laisser aller. De se dire que ça va durer toujours et qu'il n'y a aucune donc aucune raison de faire d'efforts pour aller mieux.
- Kakashi...
Pourquoi, pourquoi donc les larmes me montaient aux yeux ?
- Mais je te le promets, vraiment. C'est si dur, mais on finit toujours par aller mieux.
Et à ce moment-là, je fondis en larmes. Comme toutes ces fois où les sanglots me prenaient et m'étranglaient, je ne pouvais les empêcher de couler. J'étais en train de craquer complètement, et le fait que Kakashi Hatake mette des mots exacts sur la véracité de ma situation ne fit qu'appuyer sur mon mal-être, me faisant perdre les pédales.
J'étais au fond du trou.
Je me pris la tête dans les mains, n'essayant même plus de m'empêcher de pleurnicher sous les yeux lucides du Ninja Copieur. Je sentis ce dernier se mouvoir doucement, et alors que je luttais pour reprendre ma respiration entre deux hoquets larmoyants, les bras forts de Kakashi qui m'enserrèrent maladroitement me coupèrent définitivement le souffle.
Je me mis à tout déverser contre sa poitrine, mon chagrin, ma détresse, mes peurs, la douleur crue et pourtant cachée qui faisait saigner mon cœur. J'aurais dû avoir honte, de couvrir son gilet de larmes et de morve, mais à ce stade, je ne pouvais rien faire à part me laisser aller à pleurer contre lui.
Et Dieu, j'avais l'impression que cela faisait si longtemps que je ne m'étais retrouvée entre les bras de personne. Ça me secoua un peu, en un sens, de sentir la chaleur d'autrui contre moi, comme si cela faisait toute une vie que je n'avais pas été en contact direct avec quelqu'un. C'était apaisant, d'avoir ses mains gantées qui passaient doucement dans mes cheveux emmêlés, d'entendre sa voix profonde bégayer des mots rassurants avec maladresse, de les sentir effleurer mes oreilles et vibrer dans sa poitrine.
C'est ce qui me sembla être une éternité plus tard que je finis par me calmer, les yeux gonflés, épuisée, mais plus apaisée que je ne l'avais été depuis un certain temps. Kakashi se recula doucement, me regarda dans les yeux dans lesquels passèrent un sourire qui fit bégayer mon cœur, avant de me proposer d'aller me passer sous la douche tandis qu'il chaufferait nos repas en attendant.
C'est vrai que je ne devais pas sentir la rose, et je me demandais pourquoi il ne s'était pas encore enfui en courant.
Et pourtant, je lui lançais un regard hésitant de mes yeux bouffis, prise d'un petit élan de peur, celui de voir mon appartement à nouveau désespérément vide lorsque je sortirai de ma salle de bains.
Comme s'il avait lu dans mes pensées, Kakashi m'offrit un nouveau sourire doux par les yeux.
- Je ne partirai pas d'ici.
Mes larmes manquèrent de tomber à nouveau mais je me retins. Je m'étais déjà bien trop tournée au ridicule devant lui, avec ce comportement minable indigne de ma condition de ninja.
Après un dernier regard, je finis par me convaincre de rentrer dans ma salle de bains sans craindre le vide que je risquerai de trouver en sortant. Je m'observai un instant dans le miroir, chose que je n'avais pas faite depuis des semaines, pour voir ce que ces jours sombres avaient fait de moi.
Une loque. Une vraie loque, avec les yeux injectés de sang par toutes les larmes que j'avais fait tomber, un air maladif sur un visage morne et sans vie, des mèches de cheveux gras qui prenaient des angles bizarres après avoir tant été délaissés.
Cette image lamentable de moi-même témoigna d'à quel point j'étais tombée bas. Une image que j'avais exposé au grand jour devant les yeux de Kakashi, une image que je ne voulais plus jamais lui montrer.
Après de longues minutes passées sous le jet qui sembla me laver quelque peu de la brume dans laquelle j'errais depuis des semaines, et après avoir tenté de démêler la masse anarchique de mes cheveux, je sortis prudemment de ma salle de bains, préparant déjà mon cœur à ne pas souffrir de l'absence de Kakashi, dont j'avais probablement rêvé la visite tandis que je me fondais sous l'eau de la douche.
Et puis je m'arrêtai net, en voyant mon comptoir rangé, des assiettes propres sur l'égouttoir, le bruit de ma machine à linge qui s'égosillait depuis la buanderie.
Et Kakashi, pieds nus, habillé de son simple haut sombre et décontracté qui coulait sur ses formes saillantes, qui se trouvait tranquillement devant mon fourneau, à faire chauffer nos repas dont l'odeur alléchante commençait à doucement envahir l'atmosphère de mon appartement.
Cette vision fit valser mon cœur, et je demeurai quelques secondes à contempler la scène en silence. C'était si... intime, en quelque sorte. Domestique. Comme si Kakashi faisait partie de mon environnement depuis toujours, cette vision de lui ici, comme ça, me parut juste, rassurante.
A cet instant, j'eus du mal à me souvenir que le matin même, je m'étais réveillée seule au monde dans un appartement sombre et sale, avec des rivières de larmes qui coulaient sur mes joues rien qu'à l'idée d'être à nouveau éveillée dans cet enfer.
Le Jônin aux cheveux argentés finit par se tourner vers moi, comme s'il m'avait repéré malgré mon silence et ma discrétion. Il m'offrit un sourire par les yeux, et je sentis quelque chose bouillonner doucement dans ma poitrine.
- Tu... tu es là, je bégayai, fascinée.
- Je te l'avais dit.
J'eus envie de tendre la main et de le toucher, juste pour m'assurer que tout ceci était bien vrai. A la place, je le fixai tandis qu'il glissait le contenu d'un plat fumant dans deux assiettes qu'il avait miraculeusement trouvé dans mes placards en désordre avant de les poser délicatement sur ma petite table à manger – mystérieusement propre, elle aussi.
- Je me suis permis de t'aider à ranger, expliqua doucement Kakashi comme si c'était normal. J'ai ajouté mon gilet dans ta machine à laver aussi, parce qu'il était un peu... Mouillé.
Il rit doucement tandis que je rougissais de honte.
Il m'invita à m'asseoir comme s'il avait été le maitre de la maison. Nous mangeâmes dans un silence confortable, et je me pris à dévorer mon assiette en réalisant subitement que je mourrais de faim. Ça me fit bizarre, parce j'avais l'impression que cela faisait une éternité que je n'avais plus ressenti la sensation de faim.
Plus bizarre encore, c'était de partager un repas dans ma maison avec le célèbre Ninja Copieur juste en face de moi. Ses aliments disparaissaient petit à petit de son assiette sans que je ne le voie jamais enlever son masque de son nez, et je trouvais ça brillant. Mais je m'intéressais plus à son regard sombre qu'il posait régulièrement sur moi, qui me faisait lâcher ma fourchette de surprise lorsque je le croisais, qui faisait doucement fleurir un sentiment de bien être dans ma poitrine.
Un sentiment de bien être que je pensais perdu depuis si longtemps.
Le repas terminé, Kakashi se mit automatiquement devant mon évier pour entamer la vaisselle. Je le suivais et prit un torchon pour essuyer les assiettes qu'il lavait. Nous étions coude à coude, dans un silence agréable, et cette image ménagère me bouscula une nouvelle fois.
Dieu, sa simple présence me faisait un bien fou. J'avais l'impression de respirer à nouveau, comme s'il avait le pouvoir de créer de l'air qui n'était pas vicié par ma propre amertume.
Lorsque notre tâche fut terminée, j'eus un petit élan de panique en me disant qu'il était sûrement l'heure pour lui de partir.
Mais au lieu de ça, Kakashi me prit doucement le bras et nous emmena sur mon canapé, où je m'installai timidement auprès de lui. Il prit la télécommande de ma télé et cette dernière s'alluma sur les images de la série Icha Icha.
- Oh, j'adore cette série ! s'exclama-t-il.
- J'aime bien aussi, avouai-je en réalisant que je connaissais cet épisode par cœur malgré moi, après les heures passées à trainer distraitement devant l'émission.
Il me parla de ça un moment. Puis d'autres choses. De plein de choses. De tout.
Je me laissai aller à la conversation, avec un drôle de sentiment apaisé, heureuse de laisser s'échapper de mes lèvres des choses que la solitude avait laissée confinés dans mes uniques pensées. Je lâchai encore quelques larmes sous les yeux sombres de mon collègue, puisque les habitudes n'allaient pas me délaisser si facilement, mais c'était moins douloureux qu'à l'accoutumée.
Parce que je n'étais pas toute seule, et qu'il y avait quelqu'un pour m'écouter. Quelqu'un qui semblait avoir traversé le même désert que moi, un exemple vivant qu'il était possible de continuer à vivre, envers et contre tout.
Kakashi avait glissé son bras sur le dossier du canapé, et les minutes m'avaient poussée à me blottir plus près de lui. Il me parut lointain, l'instant où je l'avais trouvé sur mon palier, surprise de croiser là un homme qui n'était pas censé se rappeler de mon existence. Et pourtant, à cet instant, il m'était plus proche que tous les amis que j'étais censée avoir dans ma vie. Il était en train de faire diversion à l'obscurité qui m'enveloppait à longueur de temps.
Juste là, Kakashi y avait mis un peu de lumière.
Je le contemplais avec adoration, tandis qu'il avait le regard tranquillement tourné sur mon poste de télé.
- Tu... tu n'as pas des choses à faire, Kakashi ?
Il pivota son regard sur ma personne que la lueur dansante dans ses yeux faisait se sentir moins misérable.
Et il me sourit sous son masque, paisiblement.
- Pas pour l'instant.
Kakashi m'attira plus près de lui comme si là était dorénavant ma place, et nous regardâmes la télé ensemble, dans un silence serein et placide. Je n'avais pas le pouvoir de trouver des mots assez forts pour lui exprimer ma reconnaissance, alors je me contentai d'apprécier la chaleur qu'il dégageait en posant délicatement ma tête contre son épaule.
Il ne me demanda jamais de l'enlever.
Ce fut là la première soirée de ma guérison.
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Bijour.
Petit one-shot écrit à la va-vite lors d'une soirée difficile. J'aurais eu encore beaucoup de détails à ajouter pour y décrire cette maladie qu'est la dépression, mais j'ai préféré me concentrer sur l'arrivée de notre très cher Kakashi, ce qui est bien moins déprimant.
J'espère que cela vous aura plu tout de même.
Plein de bisous!
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