Reflet
/!\ Contient une scène à caractère explicite, attention à la sensibilité de vos petits yeux /!\
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Il fait nuit lorsque j'arrive sur le pas de la porte.
Ce n'est pas une de ces nuits lumineuses, où la Lune s'efforce d'être aussi irradiante que le soleil en couvrant le paysage de sa puissante lueur laiteuse, atténuant la noirceur du ciel.
Non, ce soir, on ne voit rien. Les étoiles se sont cachées. Rien ne scintille, ni même les lampadaires, éteints. Le monde dort, tout est silencieux, sans même l'âme d'un ronflement dans l'air.
On se croirait seul au monde, ce soir. Ça pourrait faire peur, d'être enfoncé aussi loin dans les ténèbres.
Et pourtant, là, juste là, il y a cette maison où la lumière derrière les fenêtres est allumée. La seule maison vivante du village, qui témoigne encore d'un soupçon de présence au milieu de cette mer noire.
Et je suis si contente de la voir, cette maison. Elle m'ôte un poids de la poitrine rien qu'en voyant ses fenêtres, vivantes et brillantes dans le noir.
Alors je m'approche. La porte s'ouvre avant même que ma main n'atteigne la poignée.
Kakashi me regarde. Il comprend directement. D'habitude, c'est lui qui vit ça. Et je connais la lueur dans ses yeux quand il rentre ; un reflet de ce qu'il a traversé tant de fois.
Il ne dit rien, et se contente de m'emmener à l'intérieur en me prenant la main.
Je suis sale, fatiguée, maculée de boue et de sang séché. Le contraste est fort, avec un Kakashi intact qui se tient devant moi, ses vêtements aussi propres que ses cheveux immaculés qui dévoilent de jolis reflets argentés sous la lumière tamisée du salon. Il a un pantalon ample qu'il porte bas sur ses hanches étroites, et la première pensée qui me vient lorsqu'il me couvre de ses bras forts, est que je risque de le tâcher à son simple contact. Le tâcher de boue, de sang, de poussière, mais aussi de ces pensées un peu sombres qui déambulent à l'intérieur de moi, de ces traces invisibles qui ont giclé sur moi ces derniers jours.
Et moi, j'ai envie que Kakashi reste propre et immaculé.
Pourtant, je ne veux pas qu'il me lâche. Dans ses bras, je me sens chez moi. Chez nous.
Il me prend à nouveau par la main. Il ne dit rien, parce qu'il sait. Il sait que je n'ai pas besoin de l'entendre dire des choses que je sais déjà, de me murmurer que ça ira mieux alors qu'il n'y a aucune raison à ces mots.
J'espère qu'il sait que oui, ça va déjà mieux malgré tout, par le simple fait qu'il soit là, à m'accueillir dans ce refuge qui est le nôtre.
Kakashi m'emmène dans la salle de bain. Je le suis docilement, comme lui m'a si souvent suivi lorsque c'était à son tour de rentrer.
Il allume la lumière, et je me sens aveuglée un peu par la clarté trop violente de cette pièce au carrelage blanc, trop blanc. Il y a l'immense miroir, qui couvre tout le mur derrière le long meuble en pierre nacrée qui loge le lavabo, et je refuse de le regarder. De me regarder.
Kakashi se déplace vite, de sa souplesse innée qui lui colle à la peau même en dehors des missions, et me laisse seule quelques secondes seulement au milieu de la pièce pour tourner le robinet de la baignoire. Lorsque j'entends l'eau qui s'écrase sur l'acrylique, j'esquisse un mince sourire.
Il y a des choses qu'on n'a jamais besoin de dire à Kakashi. Derrière son masque décontracté et de prime abord indifférent, il remarque tout, jusqu'au moindre détail. Je n'ai jamais eu besoin de lui préciser la dose de sucre que j'aime dans mon thé. Que je préfère dormir avec la fenêtre ouverte, qu'il pleuve ou qu'il vente. Ni la température idéale de mon bain lorsque je rentre d'une mission abominable. Il le sait, c'est tout.
Un sentiment de honte m'envahit parfois, quand je réalise à quel point il est observateur à mon égard tandis qu'il y a toujours des choses à son propos qui m'échappent. Alors parfois, j'essaie. Mais il ne laisse jamais rien transparaître, même lorsque son masque glisse de son visage en ma présence. Kakashi Hatake ne se dévoile jamais vraiment, bien que le fait de vivre avec lui depuis quelques mois maintenant me laisse croire que les murs autour de lui commencent à s'effondrer. Je passe mon temps à observer l'homme avec qui je partage ma vie, je goûte à cette sensation privilégiée de voir qu'il n'a jamais montré autant à personne d'autre.
Mais parfois, j'ai la vague impression qu'il n'a pas encore montré assez. Je lui laisse le temps, parce qu'il est libre, parce que je veux qu'il se sente bien chez lui, ici, avec moi. Parce que je veux être un refuge pour lui au même titre qu'il est, ce soir, un refuge pour moi.
Je sens sa main effleurer doucement mon épaule et je reviens à la réalité. Posté là devant moi, il me paraît si grand. Je ne sais plus s'il s'était déjà débarrassé de son masque lorsqu'il m'a ouvert la porte. Là, je fixe mon regard sur son visage dénudé, tandis qu'il s'occupe à dézipper mon gilet d'un geste aérien.
Je me laisse faire, comme une poupée. Ses yeux sombres suivent ses propres gestes, qu'il applique avec une attention particulière comme si j'avais été modelée dans un verre fragile. Il paraît extrêmement concentré, comme si m'ôter mon gilet, ma ceinture et mes sacoches remplies de ferrailles qui tintent était une mission particulièrement dangereuse, primordiale, décisive. Et je ne peux pas mentir en disant que me sentir délestée de tout ce qui fait de moi une kunoichi me fait du bien.
Kakashi lie finalement son regard au mien lorsqu'il passe ses mains derrière ma tête pour défaire délicatement le nœud de mon bandeau frontal. Ce contact visuel lui fait esquisser un petit sourire comme un réflexe de me surprendre dans ma contemplation. Mon cœur soubresaute devant le sourire découvert du Ninja Copieur que je ne voyais encore il y a quelque temps uniquement dans ses yeux. Je pensais qu'avec le temps, je m'habituerai à la sublime de son visage qu'il cache au monde entier mis à part moi. Et plus le temps passe, plus je sais que je me trompe.
Il se concentre de nouveau sur sa tâche, et j'ai tout le loisir de tracer avec mes yeux les contours de son nez, long et fin, les traits anguleux de sa mâchoire, le pourtour de ses lèvres pleines. J'ai de la chance, et je ne me le dirai jamais assez.
Sous ses doigts, je me sens mieux. Il me touche avec une révérence presque religieuse, et je réalise toujours plus à chaque fois que je ne me suis jamais sentie aussi respectée entre les mains de quelqu'un d'autre. Ma peau réagit instantanément à son toucher, lorsqu'il glisse ses doigts sous mon chandail pour me le passer au-dessus de ma tête. Je lève les bras sans tergiverser pour lui faciliter la tâche.
Et Kakashi me déshabille, comme ça, lentement. Je ne proteste pas, jamais. Je me contente de souffler bruyamment par le nez alors qu'il effleure de ses longs doigts les quelques coupures qui parsèment mes bras, et il ôte sa main instantanément, avant de les poser sur la ceinture de mon pantalon.
- Tu me caches d'autres blessures ?
Sa voix grave m'enivre, et je mets un instant avant de comprendre le sens de ses mots. Je secoue la tête, et il me croit immédiatement. C'est sa spécialité à lui, de cacher ce qui lui fait mal, et contrairement à lui, je ne sais de toute façon pas mentir.
Je ne suis jamais parvenue à refouler cette petite gêne qui s'empare encore de moi lorsqu'il accède à une vision plus ample de ma peau dénudée. Le froid semble s'emparer de mes côtes alors qu'il n'y a pas de courant d'air ici, et je croise les genoux en nouant mes bras sous ma poitrine lorsqu'il laisse tomber mon pantalon sur mes chevilles.
Je n'ai jamais aimé qu'il admire mes cicatrices. Les siennes magnifient les contours secs et esthétiques de sa peau d'albâtre, tandis que les miennes ne sont que striures de plus sur ce qui ressemble à du papier froissé.
Et pourtant, il continue de regarder. Aujourd'hui, ce n'est pas de ses yeux remplis d'un brasier qui allume le feu dans mon bas-ventre ; aujourd'hui, il passe son regard sur moi comme l'on caresse doucement les cheveux d'un enfant. Et le feu dans le creux de mes reins laisse place à des petites crépitations, qui pétillent avec chaleur et me font monter le rouge aux joues.
Lorsqu'il en vient à poser ses doigts sur l'attache de mon soutien-gorge, je frissonne. Ça lui arrache un sourire discret, et il a l'air d'aimer voir une fois de plus l'effet qu'ont ses grandes mains sur moi. Il essaie de se débarrasser doucement de mes bras qui sont venus protéger par réflexe la pudeur de ma poitrine dénudée, et me chuchote que je n'ai toujours aucune raison de me cacher de lui. Je capitule, et détourne le regard tandis que le sien est fixé sur moi. Mes joues chauffent, et je me trouve ridicule de réagir encore comme une écolière après des mois de vie commune avec cet homme.
Kakashi se débarrasse de mon dernier vêtement, et avant que je ne puisse protester, il me soulève comme une mariée, nue comme un ver dans ses bras. Je lâche un petit cri dans un gloussement gêné, et lorsque je sens sa poitrine vibrer aussi contre mon épaule, ça me fait sourire.
Il me dépose doucement dans l'eau chaude du petit bain, et je lâche un soupir d'aise. Mon corps disparaît dans la mousse neigeuse qui flotte paresseusement à l'image des nuages dans le ciel, et pour la première fois depuis des jours, je me sens bien.
Cette sensation de bien-être est exacerbée lorsque je sens Kakashi s'installer sur le petit tabouret devant la largeur du bain, juste derrière ma tête. Je m'étonne encore du degré de conscience que j'ai de son corps, de chacun de ses mouvements, comme si je pouvais entendre chacun de ses muscles bouger et que le moindre de ses gestes venait m'envoyer un électrochoc sous ma peau sans même qu'il ne m'effleure.
Et l'électrochoc se mue en véritable foudroiement lorsque je le sens passer ses mains dans mes cheveux pendant un moment, avant de me les humidifier et les shampouiner. Je ferme les yeux, parce que ce massage du cuir chevelu déguisé me fait un bien fou, parce que je suis avide des mains de Kakashi sur moi et que mon manque de lui trouve enfin un substitut, parce que l'eau dans laquelle barbote et qui lèche ma peau à vif me berce doucement.
C'est un moment léger, nébuleux, comme j'ai l'impression de ne pas en avoir eu depuis longtemps.
Je me souviens de toutes ces fois où c'est moi qui me retrouvais à laver le soyeux tâché des cheveux de Kakashi, et je réalise que c'est la première fois que nous échangeons les rôles. Une part de moi se sent mal à l'aise qu'on s'occupe de ma personne de la sorte comme si je n'avais pas les moyens de le faire seule, et une autre part, plus grande encore, aime ça plus que de raison, parce que se laisser aller dans les gestes de quelqu'un d'autre permet de s'oublier un peu.
Et Kakashi est le seul en qui j'aime m'oublier.
Au bout de quelques minutes - ou quelques heures - d'un flottement serein, où la fatigue meurtrière s'est lentement changée en douce torpeur, je reviens à la réalité lorsque je sens des lèvres se poser sur la jonction entre mon épaule et mon cou. Je ferme les yeux en une pensée stupide que cela empêcherait les frissons de saisir mon corps.
L'eau a perdu son rideau de mousse qui protégeait mon corps, et mes cheveux humides qui me collent à la nuque me prouvent qu'il a dû me rincer lorsque j'étais en pleine rêverie.
- Hé, réveille-toi. Si tu restes là, tu n'en sortiras plus jamais.
Si ses mots ont un double sens, je n'ai pas envie d'y réfléchir. Je préfère me perdre dans les profondeurs de sa voix grave et lente.
- J'aimerais bien.
- Vraiment ?
Il se redresse en se penchant par-dessus la baignoire pour me sortir de l'eau malgré mes faibles protestations.
Je parviens à me défaire de sa prise et à me remettre sur mes deux jambes, toute ruisselante, avant de m'emparer d'un peignoir et de l'enfiler prestement en guise de nouvelle armure à ses yeux noirs qui sont restés fixés sur moi. Vraiment, je ne sais plus si j'aime ou je déteste qu'il me regarde comme ça.
Je me tiens devant le lavabo et me contemple dans le miroir pour la première fois depuis des jours. Je balaie mon visage des yeux comme on fixerait le mur blanc d'une pièce insipide avec un regard vide et indifférent. Je m'applique à sécher mes cheveux avec une grande serviette douce sous le regard de l'homme resté près de la baignoire et qui demeure plus mutique que jamais, juste là, à me contempler.
Je fais de mon mieux pour ne pas y penser, et poursuis quelques marques d'attention machinales sur ma propre personne sans un mot. Ça ne me gêne pas. Et je sais que lui non plus. Moi comme Kakashi sommes loin d'abhorrer le silence.
C'est au moment où je lève les mains pour attacher mes cheveux que je suis stoppée par le surgissement d'une présence tout contre mon dos et d'une poigne de fer qui enserre mon avant-bras.
Un souffle chaud et régulier s'abat contre ma nuque et je me fige. Je lève mon regard sur son reflet dans le miroir, qui me surplombe, où je vois quelques mèches de ses cheveux argentés qui se mêlent aux miens alors qu'il est si près de moi.
Et comme à chaque fois que mon regard s'attarde sur ses traits, je perds pied.
Je tente de fermer les paupières, parce que je sens le peu de sang-froid qu'il me reste s'évader de chaque pore de ma peau et me laisser irrémédiablement seule.
Sa poigne sur mon bras se renforce pour m'en empêcher, et je le sens appuyer sa silhouette contre la mienne jusqu'à ce que je sente la froideur de la pierre du lavabo traverser le peignoir contre mon bas ventre. Lui se contente de rester là, immobile, le visage à quelques centimètres de ma nuque. Il finit par desserrer sa prise et, dans un frôlement, laisse ses mains se frayer un chemin le long de mes bras. Elles contournent mon dos, dépassent les courbes de ma taille et viennent enfin se croiser sur mon ventre, venant m'emprisonner entre le lavabo et son corps brûlant collé contre mon dos.
Kakashi me piège devant ce miroir avec notre image enlacée pour unique porte de sortie, et alors que je le réalise, je le vois esquisser un sourire.
Mon cœur se met à cogner, et je me demande quand est-ce que je finirai par m'habituer à ses petits jeux de proximité, aux effluves de son parfum masculin qui me viennent au visage chaque fois qu'il s'approche ainsi, au désir brut qui irradie de chaque parcelle de moi à la simple vue des coins de sa bouche qui s'élèvent un peu.
- Je peux pas m'en empêcher, expire-t-il contre mon oreille.
Ma respiration devient laborieuse aux sonorités tendues de sa voix.
- Tu... t'es abstenu jusqu'ici, pourtant.
- J'y arrive plus.
Sa main droite se remet en mouvement et poursuit sa route, doucement, plus bas, vers mon bas ventre. Ma tête bascule en arrière et vient se reposer sur son épaule, et Kakashi en profite pour enfouir son visage dans mon cou. Il caresse quelques centimètres de ma peau de ses lèvres et je ferme les yeux.
Il construit un chemin sinueux sur mon épaule avec une lenteur abominable, et semble se délecter de ma peau qui réagit par soubresauts, comme traversée par un courant électrique chaque fois qu'il revient y poser sa bouche.
Je sursaute et retient une petite plainte lorsqu'il effleure une de mes coupures sur mon bras. Avant que je ne puisse inspirer, il l'embrasse, caresse ma peau à vif de ses lèvres, et je ne saurai dire si ça me fait du bien ou du mal. Ça brûle un peu ; pas assez pour être douloureux, suffisamment pour éprouver la chaleur qui s'en dégage. De lui, de moi, de la blessure, je ne sais plus.
Kakashi rejoint enfin la barrière du tissu de mon peignoir qui est légèrement tombé sur mon épaule et il s'arrête.
Il cherche mon regard dans le miroir mais avant qu'il n'y parvienne, je ferme les yeux. Je sais ce qu'il veut faire.
- S'il te plaît, regarde-moi.
Je maintiens mes paupières fermées plus fort encore, en grinçant des dents. Face à ce maigre geste de résistance, je le sens appuyer plus encore son bassin contre le mien en représailles, et la pierre revient frapper mon bas ventre. J'ouvre les yeux.
Il est si beau. Et affamé. L'image qu'il me renvoie dans la glace, son visage à la mâchoire serrée à côté du mien tout rougi, le chaos dans ses mèches de cheveux argentés qui lui retombent sur le front et la lueur avide dans ses pupilles noires lui donnent un aspect plus dépravé que jamais. Et mon cœur cogne plus fort, encore.
Il ne lâche pas une seconde mes yeux dans le miroir lorsqu'une de ses mains vient doucement aider mon peignoir dans sa chute.
- Là ? Ici ?
J'ai l'impression de ne pas avoir lâché plus d'un souffle. Le produit d'un mélange de panique soudaine et de désir brut.
- Pourquoi pas ?
Ses mains se stoppent. Il sent que j'hésite. Et je sais qu'il ne reprendra pas tant qu'il n'aura pas vu de l'approbation dans mes yeux voilés.
Nous n'avons jamais fait l'amour de façon fantaisiste. Le lit, c'est l'endroit où je me sens le mieux ; ses grincements me rassurent, les couvertures me donnent l'impression qu'on est protégés, tous les deux, dans un endroit qui n'appartient qu'à nous et où nous pouvons faire ce que nous voulons. L'obscurité seule et la chaleur de son corps me font sentir à couvert, et pour rien au monde je n'aurais pensé faire ça autrement.
Avant, une éternité en arrière, lorsque Kakashi n'était encore qu'un simple collègue que je croisais quelque fois dans le bureau de l'Hokage, Je voyais en lui un homme plein de pudeur. Que penser d'autre, avec ce masque comme une deuxième peau, un livre orange comme rempart, et un seul œil flegmatique et maussade pour refroidir l'intérêt d'autrui ?
Il faut vivre avec lui pour comprendre que tout ce qu'on pense être Kakashi Hatake n'est qu'une illusion. Il faut traverser les ombres qui l'entourent, le clair-obscur qui plane au-dessus de lui, pour réaliser que son être véritable n'a jamais été aussi loin que ce qu'on s'imaginait. C'est en vivant avec lui qu'on comprend qu'on ne le connaîtra vraiment jamais, qu'on a droit à simplement quelques petites miettes de lui qui soulèvent le rideau un peu plus chaque jour, sans jamais le lever vraiment.
Je me suis faite à cette idée. Ce dont je ne m'étais pas attendue cependant, c'est qu'il me sonde moi comme jamais je ne parviendrai à le sonder lui. Et que je découvre que la pudeur que j'avais imaginé être une partie de lui est plutôt un gros trait à moi.
Là, devant ce miroir ? A cette idée, j'ai le cœur qui fredonne et mes reins me font mal. Mais moi, pas mon désir, mais moi, est ce que j'en ai envie ?
- Oui. J'en ai envie.
Et de cette manière qu'il a de m'explorer par les yeux, il sait que je ne mens pas.
Il affiche ce petit sourire qui me fait craquer et dépose une multitude de baisers tendres sur ma joue.
- Tu es bien imprudente, souffle-t-il, et je sens la malice imprégnant sa voix déjà lourde d'envie.
- Je n'ai pas peur de toi, je rétorque à voix basse et ma voix déraille lorsque ses lèvres descendent à nouveau le long de mon cou.
- Huh ?
Il repart à l'attaque. Et alors que je m'attendais à ce qu'il me fasse payer mon insolence éphémère, doucement, lentement, il fait descendre les manches de mon peignoir le long de mes bras. Sans jamais cesser de me dévisager dans le miroir, la ceinture se dénoue d'elle-même, et bientôt je me retrouve devant mon reflet nu, en proie à l'intensité profonde de ses yeux noirs. Mes joues s'empourprent et je détourne les yeux avec embarras.
- Non, continue de me regarder.
Il me caresse doucement les épaules, en attente. Ses doigts survolent ma peau, la touchent parfois, parcourent quelques courbes tantôt invisibles, tantôt en suivant le tracé de quelques vieilles cicatrices blanches et froides gravées sur ma chair en ébullition. J'abdique finalement, et le regarder me coupe le souffle comme si chaque seconde je le redécouvrais, comme si à chaque nouvel instant je me disais que jamais il n'avait été aussi beau. Je me reconnecte à ses yeux dont les nuances de gris sombre ont été recouvertes par les ténèbres de ses pupilles dévorantes et impatientes. D'un coup d'œil, c'est toute ma vie qu'il embrasse du regard à travers ce foutu miroir, à dévorer chacun de mes contours comme si j'étais la chose la plus précieuse au monde. J'ai du mal à me dire que c'est vraiment moi qui suis à l'origine de ce désir furieux dans ses yeux, que j'ai le pouvoir de lui faire perdre le contrôle, que moi, je puisse l'envoyer droit à la frontière de la raison.
Et pourtant, il me donne raison lorsqu'il me saisit par les hanches et me fait sentir contre le bas de mon dos comme il me veut, là, tout de suite, maintenant. Il soupire avant de m'embrasser les épaules, à se délecter de mon odeur comme je me délecte de son souffle irrégulier contre ma nuque. Ses mains passent dans mes cheveux tandis que les miennes s'accrochent à la pierre appuyée contre mon ventre, froide contre ma peau brûlante, inconfortable, mordante et pourtant impuissante face au feu qui coule sous ma chair.
Puis ses gestes virevoltent et sillonnent chacune de mes courbes, tantôt du bout des lèvres, tantôt du bout des doigts. A son passage, ma peau frissonne, mon ventre se creuse, ma poitrine s'élève et s'abaisse de façon anarchique et mes doigts se serrent contre la pierre. Je veux qu'il prenne chaque parcelle de ma peau, chaque parcelle de mon âme, et par le lien que nous entretenons dans ce reflet de nous, je sais que Kakashi se laisse aller dans ce même abandon.
Il siffle chaque fois que je me détourne de la tempête sans paroles de son regard. Il veut que je voie tout ce qui est injustement beau chez lui, il veut que je fixe ses mains qui descendent lentement sur ma poitrine, qui tracent des cercles sur mon ventre, avant de tomber plus bas encore. Il veut que j'embrasse du regard ce qu'il me fait, que je sois confrontée pour la première fois à la violence de mon propre désir, affiché juste devant moi, par mes propres traits crispés dans le miroir, par ma propre bouche qui ne parvient pas à se fermer sous la rudesse de mon souffle haché.
Je ne saurai dire si j'aime ou si je déteste nous voir comme ça. Si je trouve ça trop perturbant ou au contraire follement excitant.
J'ai la réponse lorsque je pose mes yeux sur lui, sur ses épaules larges qui dépassent des miennes, sur son visage juste à côté du mien, sur son être qui me surplombe et qui m'épouse à la fois. J'ai un frisson jusqu'au cœur de voir ce dieu argenté qui enveloppe tout ce que je suis, faisant naitre en moi des sentiments que je ne sais pas où mettre, me donnant l'impression d'exploser d'une chaleur qu'il ne semble souhaiter qu'avaler.
Lorsque sa main atteint la chaleur humide entre mes jambes, le plaisir secoue, écrasant. Mes sensations sont exacerbées en nous voyant ainsi dans le miroir, un simple effleurement fait naître un véritable cataclysme dans mon ventre. Ça me bouleverse, ça me rend dingue, et lorsque ses doigts s'insinuent en moi, je perds complètement pied.
- Tu es si belle, putain.
Je ne comprends pas d'abord, trop perdue dans les méandres d'un plaisir que je ne contrôle pas. Puis me vient une envie de rire, mais ce qui sort de ma bouche ressemble plus à un sifflement d'agonie.
Il y a les sensations et l'image. Il y a son souffle qui frappe fort contre mon épaule et son visage auquel je me tiens accrochée du regard pour ne pas sombrer.
Comme c'est étrange. Exaltant. De le voir comme ça, sous la lumière trop vive et synthétique de la salle de bain, le rouge prenant le pas sur la pâleur de son teint, les yeux perdus dans la vision de mon corps qu'il torture sous ses yeux, impatient mais résigné de me faire comprendre que le concept d'époustouflant ne rend définitivement pas justice au spectacle qui se joue devant nous.
J'essaie de tordre mes bras en arrière. Je veux le toucher, mais il me garde fermement enfermée entre son corps et la pierre nacrée du lavabo. Je souffle et gémit de frustration, et ma voix dévie lorsqu'il accentue ses gestes contre ma féminité. C'est une drôle de torture, dérangeante, incroyable.
Je parviens à attraper un bout de son pantalon que je tire désespérément vers le bas. Je le vois esquisser un sourire, mais lorsque je balance fébrilement mes hanches en arrière contre son désir, il se crispe, il se tord, et son regard devient un peu fou.
C'est à mon tour de sourire doucement, de savourer son juron cassé qu'il souffle contre mon oreille.
- Je ne suis pas ta prisonnière, je parviens à articuler dans un râle victorieux.
Il rit. Sa poitrine vibre profondément contre mon dos nu, et envoie un nouvel élan de chaleur dans mes veines comme si mon cœur lui-même l'avait mélangé à mon sang.
- Tu me rends dingue.
Il murmure tout en finissant de faire s'échouer son pantalon au sol et de retirer son haut qu'il porte près du corps. Sa chaleur, entière cette fois, vient embrasser mon dos et l'arrière de mes cuisses, et je perds tout ce qui me rendait encore un peu lucide. Je vois dans le miroir le contraste de nos peaux, ma taille plus cintrée que la sienne qui se démarque alors que je suis appuyée sur ses hanches étroites, nos cicatrices qui s'emmêlent dans nos rougeurs, qui forment un art abstrait sur deux corps enchevêtrés. Cette image me monte à la tête et rien ne saurait me rendre la raison sinon de me lier à lui, de soulager ce besoin qui me fait voir flou et qui ronge mon esprit.
Kakashi se débarrasse de son dernier vêtement sans retirer ses doigts de moi et le sentir entièrement contre le bas de mon dos me retire le souffle. Il me taquine un peu, sourit, et je me vois grimacer dans un drôle de mélange frustré et conquis. C'est donc ça que je lui montre lorsqu'il me considère profondément au-dessus de moi, liés dans nos draps, juste avant qu'il me fasse sienne ?
Il retire ses doigts de moi, et je lâche un petit râle. Il pose doucement sa bouche contre mon épaule, et l'argent de ses cheveux vient caresser mon cou. Ses mèches sauvages ont des reflets sublimes, j'aime les voir associées à l'image débauchée que je renvoie. Je ne compte plus les moments où j'ai réalisé à nouveau que j'aimais cette couleur étrange, que c'est une grande part qui s'ajoute à tout ce qui est profondément fascinant chez Kakashi Hatake.
- Je te veux si fort.
Ses mots ont presque les échos d'un sanglot. En réponse, je balance légèrement mon bassin en arrière, jusqu'à ce que je le sente juste à mon entrée. Il prend doucement mes hanches entre ses mains fortes, et caresse ma peau de mouvements circulaires du pouce. Il expire profondément et je le vois fermer les yeux pour la première fois dans le miroir.
- Prends moi, alors.
C'est inaudible, désarticulé, et pourtant ça suffit à lui faire rouvrir les yeux, à envoyer du feu directement sur ses pommettes, à allumer son regard.
Et Kakashi entre doucement. Il pousse ses hanches, pénètre mon âme. C'est doux et c'est lent, ça m'arrache un soupir étranglé. Je serre mes doigts sur la pierre pour encaisser l'intrusion, chaude et merveilleuse à l'intérieur de moi. Je vois mes traits faner sur mon visage, je vois ses sourcils qui se froncent et sa bouche entrouverte par son souffle incontrôlé. Nos yeux se connectent dans le miroir, et c'est merveilleux. Il y a un brasier pur qui coule dans mes veines et tout palpite, me fait sentir hors de moi-même.
Lorsque son bassin rencontre le bas de mon dos, Kakashi soupire et s'arrête. Il marque toujours une pause à ce moment-là, lorsqu'il se trouve pleinement à l'intérieur de moi, comme pour se laisser le temps de se délecter de la présence profonde de l'autre dans cette façon d'être liés de la manière la plus intime qui soit. Ce moment de contemplation indécent me fait tourner la tête, affirme l'évidence qui est celle de me voir éperdument amoureuse de cet homme aux cheveux gris, d'aimer qu'il fasse partie de moi et de me trouver enfin intègre lorsqu'il l'est à la fin.
Puis, sans crier gare, il se retire légèrement pour mieux revenir. Je crie un peu, il lève les yeux sur un ciel qui n'existe ici que dans nos gestes. Je lui ouvre la voie, il cambre les hanches, et ça se répète sans arrêt, dans une danse tout aussi infernale qu'extraordinaire. Il resserre sa prise sur ma taille, enfonce le bout des doigts dans ma chair, tandis que je tente d'écorcher en vain la pierre. Je vois ses muscles onduler, les mèches de ses cheveux doucement se balancer contre son front avant qu'il n'enfonce son visage dans mon cou, qu'il me mordille tendrement l'épaule. Mon dos frotte doucement contre mon ventre et cette sensation m'électrise, les bruits humides qui claquent dans la pièce au rythme de nos mouvements me font perdre la tête. Je fais de mon mieux pour ne pas laisser mes jambes se dérober sous moi, mais Kakashi me tient, appuie de plus en plus fort ses hanches et mon ventre se heurte contre la pierre glaciale. Son souffle brûlant frappe ma peau à vif, dans sa respiration se mêle parfois mon nom, il enfonce son nez dans mes cheveux, contre ma nuque, sur ma joue.
Je nous regarde, et il nous regarde aussi. Dans ce miroir, nous nous voyons sales et beaux, transpirants, haletants. C'est une vision irréelle, qui ne fait que souffler sur le feu dans le creux de mes reins, et je vois Kakashi s'y perdre aussi, autant dans mon corps que dans mes yeux.
Et puis, brutalement, il se retire. Je gémis, mais il me tient toujours par les hanches, il m'emmène avec lui quand il se retourne. Je quitte la glace de la pierre contre mon ventre pour la violente dureté du mur contre mon dos où il m'enferme une nouvelle fois de son corps fiévreux. Il se penche et prend ma bouche contre la sienne avec empressement, et je sens une sorte de libération de pouvoir enfin l'embrasser, d'enfin sentir son torse s'écraser contre ma poitrine. Il grogne contre ma bouche, mordille mes lèvres pour ensuite apaiser leurs rougeurs de petits baisers tendres et navrés. Je peux enfin passer mes doigts dans ses cheveux, attirer son visage contre le mien, manquer de souffle dans ses baisers. Mes mains survolent son dos immense, son ventre dur, les contours de ses bras puissants, de sa taille marquée et de ses fesses galbées, sans trop savoir où se poser tant le pouvoir de le toucher m'avait manqué. Lui redécouvre mon corps sans l'aide du reflet, porte une attention particulière à mes seins, joue avec les frissons qui cheminent sur mon ventre lorsqu'il y trace des lignes abstraites, puis me soulève par les hanches.
Il me pénètre une nouvelle fois avec puissance avant même que je ne puisse enrouler mes jambes autour de sa taille. J'halète et il s'enfonce sans se soucier de mes râles désespérés qu'il étouffe de sa bouche et qui meurent dans le fond de ma gorge. Le plaisir s'élève à nouveau dans mon ventre, remonte dans ma poitrine jusqu'au cœur, et je me sens perdre la tête. J'ai envie de me fondre en lui tout entière, de ne plus jamais quitter cet état béat et comblé, de rester intimement connecté à lui dans cette impression où on se sent toucher l'âme de l'autre, profondément, viscéralement.
Kakashi lâche mes lèvres et gronde contre mon oreille dans une tentative désespérée de reprendre sa respiration. Je ferme les yeux fort à chacun de ses roulements de hanches qui atteignent toujours une partie plus profonde de moi, avant de les rouvrir et de croiser mon propre regard dans le miroir.
L'homme aux cheveux argentés m'a emprisonnée contre le mur juste en face de notre reflet que nous venions de quitter mais qui me donne toujours, par-dessus l'épaule de Kakashi, une vision de nous plus lascive et immorale encore.
Je le vois s'enfoncer en moi, je vois ses fesses bouger, les muscles de son dos rouler. Ce regard étrange sur notre sensualité fait monter d'un cran encore ma plaisance, et je me sens partir.
Kakashi me murmure des choses tout bas, que je comprends à peine. Je tends les mains et amène son visage près du mien, où je croise son vrai regard et non plus un reflet. Ses yeux sombres sont brûlants et je m'y perds, parce qu'ils représentent tout mon monde, mon univers. Il y a un moment de battement ou nous contemplons ainsi, traits crispés, bouches entrouvertes, où sa beauté indécente me frappe et fait se tordre le nœud dans mon ventre.
- Je t'aime, putain, souffle-t-il alors.
Et ces quelques mots suffisent à me libérer.
Je jouis fort, brutalement, prise par surprise. Mon souffle se brise, la chaleur se dégage de mes reins, chemine à travers chacun de mes nerfs, me fait oublier mon nom pendant un instant. J'étouffe mon râle contre son épaule, pousse mes hanches une dernière fois contre les siennes.
Kakashi me serre fort, épouse mes tremblements, avale mes gémissements. Je l'entends grogner d'aise, parce que je sais qu'il aime quand je touche la jouissance du bout des doigts, parce que c'est ce qu'il préfère, m'amener là-haut.
Il plonge ses reins encore un peu en moi avant de venir à son tour. Il lâche un long râle qui fait vibrer sa poitrine, et je le sens se déverser à l'intérieur de moi à travers de légers soubresauts. Je gémis une dernière fois, à cet effet de sentir pleine, repue, encore dans les nuages et pourtant bien avec lui, entrelacés et saouls de plaisir.
En retombant de son bien-être, Kakashi se penche doucement et dépose un petit baiser sur le bout de mon nez. Je ris, encore hébétée. Lui sourit en me regardant, et cela finit de combler mon cœur de chaleur.
Il se retire et je tressaille. Sans jamais cesser de me tenir par les hanches, il me dépose sur mes deux jambes et je titube un peu, le cœur battant encore.
Kakashi me tient en place et m'embrasse longuement, tendrement. Je me perds dans sa bouche, je laisse aller ma fatigue soudaine contre ses lèvres, lui offre un baiser paresseux mais comblé. Je me calme enfin, et me laisse aller dans ses bras.
On se nettoie un peu, puis il me tend la main, comme lorsque je suis rentrée tout à l'heure. C'est une vision chaleureuse, toujours, de lui me tendant la main. Je me dis que je pourrais faire n'importe quoi, aller jusqu'au bout du monde avec lui, avec pour seule condition de nos doigts entrelacés.
Oui, c'est encore un joli reflet de nous que j'entrevois.
C'est en souriant doucement que je le suis dans les ténèbres réconfortantes de la chambre.
- Eh, tu sais, Kakashi.
Je distingue sa forme qui s'approche instinctivement plus près de moi.
- Hm ?
Je parviens à poser une main sur sa joue. Je ne vois plus ses yeux dans le noir, mais je sais que nous sommes en train de nous regarder.
- Je t'aime aussi.
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Premier citron au compteur. J'attends vos avis :')
L'image en média a été dessinée par l'incroyable -PierreDeLune-, bêta-reader professionnelle mais aussi instigatrice de ce one-shot (qui était un gage à la base, demandant un écrit, je cite, "explicite samer". J'espère que vous n'êtes pas trop déçus). Moi je lem, cette fille. Vous avez intérêt à l'aimer aussi.
Je retourne ainsi me terrer dans ma caverne. A bientôt peut-être!
Emweirdoy
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