Ce qui rend les humains fantômes ~ Partie I
Je vous conseille vivement d'écouter la musique en média tout en lisant ('tention, gare à celui qui ne le fait pas)!
(Le titre c'est : Kwoon - Alaska)
Bonne lecture!
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Je n'avais jamais vraiment choisi d'être ici.
Comme tout le monde, d'ailleurs. C'est bien la première chose en tant qu'êtres humains que nous n'avons jamais prémédité intrinsèquement: atterrir en ce bas monde.
Mais comme tous le monde, je suis ici. Et il faut bien faire avec.
Plus précisément, je n'avais pas choisi de faire ce métier. On m'avait dit qu'il fallait faire quelque chose de ma vie, alors j'y ai un peu réfléchi. On m'a ensuite fait comprendre que la meilleure chose à faire de sa pauvre existence, c'était de la mettre au service de quelque chose, de quelqu'un, ou d'un idéal quelconque. Pourquoi pas, après tout? Quitte à ne pas savoir choisir, autant s'en remettre à quelque chose d'utile.
À Konoha, la chose la plus utile à faire de sa vie, c'est de s'engager sur la voie shinobi.
Soit.
Ainsi, je me suis engagée.
Je n'avais pas tant d'espoir en cette perspective d'avenir. Non, en fait, j'étais plutôt indifférente à ces valeurs qui faisaient de nous de valeureux soldats, des protecteurs de notre si beau village. Je n'avais simplement pas su quoi faire d'autre ; je me sentais bien vide comparée à mes collègues si dévoués à la cause.
Je n'étais pas quelqu'un d'insensible, loin de là ; j'aimais profondément mon village et j'avais à coeur de protéger tout le petit monde qu'il avait construit autour de moi. Mais j'avais simplement parfois l'impression que ma vie était régie par défaut, et qu'autour de moi les fous faisaient la conversation sans que jamais je ne puisse y prendre part.
Au milieu des faibles remous de mon existence à la dérive, l'ironie du sort avait voulu que je sois plutôt douée pour l'art ninja. Quel gâchis, m'étais-je dit. Autant donner ces belles aptitudes aux braves gens avides de prestige, dont la véhémence avait le si grand pouvoir de sauver bien plus de choses que ce dont j'étais capable.
Mais le sort fait des choix bien étranges parfois, et pour cette vie là, il avait choisi à ma place de me faire endosser le rôle de quelqu'un d'habile. Sauf que j'en voulais pas, moi, de cette force. Je n'en avais pas l'esprit. Je ne faisais même pas de mon mieux.
Mais encore une fois, je n'avais pas choisi.
Alors sous prétexte d'une adresse dont je ne voulais même pas, on m'avait proposé d'intégrer les services secrets de Konoha, chez ceux dont on connaissait ni le nom ni le visage, et qui œuvraient dans l'ombre à rendre justice à ce village qui était le mien.
Et bien entendu, j'ai accepté.
Ça m'allait bien, tout compte fait ; le topo, c'était de ne pas me soucier du pourquoi ni du comment. Juste de faire. C'est bien ce que j'avais toujours fait, pas vrai ?
Alors j'ai pris un de ces masques énigmatiques pour le faire mien, et je suis allée me noyer aux côtés de la face cachée de l'iceberg de Konoha.
Je me suis donc vue entrer dans ce vestiaire vétuste, où pour la première fois, j'ai pu voir des gens encore plus vides que moi. Mais ce n'était pas le même néant que le mien; le leur était torturé, dénaturé, presque supplicié. Ils n'étaient pas nés vides; ils l'étaient devenus, par ce que la vie leur avait offert de plus cruel, et avait aspiré toute l'étincelle à l'intérieur d'eux, ne laissant plus que des silhouettes creuses et aussi stériles que des automates, où le fait même d'avoir un nom n'avait pas d'importance.
Ce jour là fut la première gifle que la vie me donna. Je ne m'étais jamais sentie à ma place nulle part, mais l'Anbu n'était sûrement pas l'endroit où j'allais me découvrir. Et pour une fois, je sus directement que de part cette différence profonde et pourtant insaisissable de vide qui nous habitait, je n'étais pas faite pour ça.
J'avais d'abord découvert avec stupeur les vestiaires mixtes où hommes et femmes se dénudaient ensemble sans jamais s'offusquer qu'un œil baladeur traîne par là. Mais j'avais vite compris que la pudeur, ici, n'avait pas lieu d'être; ils étaient tous des humains écorchés sur la peau comme dans l'âme, qui n'avaient que faire de ce genre d'émois que pouvaient procurer une peau mise à nue. Leurs yeux étaient bien trop éteints, leurs corps bien trop malmenés, si bien que je perdis vite l'habitude de me cacher derrière la porte de mon casier; les humains dénaturés n'avaient rien à montrer ni à regarder.
Mes nouveaux collègues étaient si semblables et différents à la fois. Différents en extérieur, de part leur âge, leur sexe, leur visage; des cheveux longs, courts, des yeux bleus, noirs, des petits, des grands. On y voyait même les joues potelées de l'enfance, à croire que l'âge n'épargne définitivement les gens. Parce qu'à l'intérieur, ils étaient tous pareil; des âmes cassées, apathiques, à se demander ce qui les maintenait encore debout sur leurs deux jambes pour venir exécuter leur devoir tous les jours.
J'avais été profondément troublée de voir tant d'amertume dans chacune des personnes qui gravitaient ici, machinaux dans absolument tout ce qu'ils faisaient, comme s'ils s'étaient résignés à tout et que leur vie même était par défaut. Je me suis sentie profondément intruse dans leur indifférence manifeste de tout ce qui pouvait bien les entourer, et le silence qui imbibait le vestiaire bondé me serrait toujours l'estomac. Oui, je me demandais ce qui les avait tous rendus comme ça, et j'avais peur d'être atteinte du même syndrome avec le temps, comme si cela pouvait être contagieux. Je me savais déjà très cynique et désabusée de nature, et je craignais que cette désillusion générale ne finisse par atteindre définitivement mon cœur pour me transformer en une carcasse sans vie, comme ceux qui habitaient ce vestiaire.
Je sus finalement comment l'être humain devenait fantôme lors de ma première mission au sein de l'Anbu.
On ne m'avait trop rien dit. On m'avait simplement tendu des vêtements noirs, un plastron, un masque et un katana, avant de me montrer les vestiaires pour m'y changer. Les gens qui étaient déjà à l'intérieur ne m'avaient même pas regardée; je ne fus présentée à personne, comme si j'avais toujours été là, comme si ma présence n'avait aucune importance. J'étais restée perdue au milieu de ces silhouettes masculines et féminines qui transpiraient une indifférence impavide, sans trop savoir que faire, ni où aller. J'avais alors timidement enlevé mes vêtements pour m'habiller de ma nouvelle tenue, et erré dans les environs à la recherche de quelqu'un pour me guider.
Je suis alors tombée nez à nez avec le masque d'un chien, qui était apparu subitement devant moi sans que je ne sache jamais d'où est ce qu'il venait. Il m'avait empoigné le bras et une voix lente et masculine m'avait simplement dit:
- Viens.
Docile, je l'ai suivi, accompagné d'autres individus masqués qui, eux, semblaient savoir ce qu'ils faisaient. Nous étions sortis de Konoha, avions vagabondé des heures au cœur même des ramures de la forêt, pour atterrir finalement devant des gens que je ne connaissais ni d'Adam ni d'Eve. Des gens tantôt masqués, tantôt arborant des bandeaux frontaux d'autres villages.
Tous mes acolytes, le Chien en tête, avaient alors levé bien haut leurs katanas.
Et le sang s'était mis à gicler.
Je n'avais pas eu la force de bouger mes pieds. Je m'étais contentée de regarder, pétrifiée, l'herbe se faire arroser de rouge, et les cris saturer l'air. Tout était allé très vite, et pourtant il me semblait que ce spectacle morbide avait duré des heures. Et à jamais les corps effondrés restèrent imprimés sur ma rétine, comme une image rémanente qui ne s'efface jamais.
Lorsqu'ils eurent terminé, le Chien s'était tourné vers ma silhouette tremblante, et m'avait fait signe de m'avancer. Mue par l'angoisse profonde de ne faire qu'un avec l'écarlate à mes pieds si je n'obéissais pas, je l'avais rejoint devant le corps sanglotant d'un homme avachi dans cet océan de rouge, et qui suppliait de lui laisser la vie sauve.
Chien m'avait tendu son katana, sans même tourner la tête vers moi. Les cheveux gris qui dépassaient de son masque de porcelaine étaient eux aussi tâchés d'un pourpre encore éclatant, et je me suis demandée un instant quel sang avait maculé ces si belles mèches d'argent. Je voyais déjà le mien s'écouler parce que je n'avais aucune envie de prendre ce katana, ni de comprendre ce que cela voulait dire. Alors, il m'avait violement attiré à lui, et soufflé à l'oreille à quel point je n'avais pas le choix.
La peur au ventre, j'avais fini par prendre ce fichu katana. Et ce fut à mon tour de le lever bien haut.
Ce jour là, c'est comme si une part de moi s'était déchirée de l'intérieur.
Alors, j'ai compris.
Je ne me souviens plus de la manière dont nous sommes rentrés. C'est comme si ma propre tête avait décidé que ce détail était trop futile, qu'il m'empêcherait de me rappeler convenablement la vie que je venais de prendre, sans même savoir pourquoi. Mon esprit ne se détachait plus de cette image atroce d'un inconnu agonisant sous ma lame, le visage tordu par la souffrance, criant au supplice. J'avais ses cris qui résonnaient encore dans ma tête, et le temps ne reprit sa course qu'au moment où je sentis mon corps s'assoir et une seule et unique présence à côté de moi.
J'étais seule dans une salle mal éclairée avec l'homme au masque de chien, qui me fixait à travers les deux fentes de la porcelaine, l'un rouge et l'autre noir.
Je le haïssais. Je le haïssais de toutes mes forces, pour sa cruauté, pour ce qu'il venait de me faire. En me tendant son katana, il avait écorché mon âme, m'avait fait entrer dans cette sphère d'hommes et femmes sans visages, qui n'avaient d'yeux pour plus rien d'autre que le rouge qui tapisse la terre et les cris qui s'élèvent au ciel.
Il ôta son masque pour révéler un visage à moitié dissimulé sous un autre. Ses cheveux gris portaient encore les marques brunes qui témoignaient des récentes atrocités, et je fus presque lasse à l'idée de rencontrer ses yeux froids et vides communs à ces gens sans âme qui venaient d'ôter la mienne.
Mais je ne rencontrai qu'un unique œil sombre, qui me piétina dans la façon dont la vie semblait résister à l'intérieur. Un œil différent que ceux dont j'avais pris l'habitude de croiser, sans aridité, sans vacuité. Simplement amer, fissuré, mais d'où la vie ne s'était pas encore échappé. Je me demandais alors comment un être sans cœur pouvait posséder un regard aussi... Vivant.
Je ne lâchai même pas un cri de surprise lorsque l'aiguille qu'il avait entre ses mains traça sur mon épaule droite le même symbole qu'il arborait sur son épaule gauche. J'eus envie de pleurer, non pas pour la douleur de ma peau qu'il était en train d'écorcher, mais pour cette horreur qui ne lâchait pas mes tripes depuis qu'on avait quitté ce champ recouvert de sang, ou pour mon humanité perdue, je ne savais plus. Mais je ne sus par quelle force, les larmes ne tombèrent jamais de mes yeux.
- T'es qu'un connard.
J'aurai aimé lui dire quelque chose de tellement plus violent. J'aurai voulu le marquer au fer rouge par le seul pouvoir de ma parole. Me jeter sur lui, le secouer dans tous les sens, lui demander si c'était ça, ne pas savoir quoi faire de sa vie, arracher la vie de gens que nous ne connaissions même pas, être condamné à devenir fade et insensible ?
Mais je fis rien de tout ça. Je le laissai marquer ma peau de ce symbole maudit, tandis qu'il gardait le silence tout en maintenant mon épaule fermement en place de ses longs doigts autour de mon bras. Il n'avait pas besoin de donner autant de force; de toute façon, il semblait très bien savoir que je ne m'échapperais pas.
- Je sais.
Il avait presque chuchoté. Je tournai la tête vers cet homme argenté, qui gardait le regard vissé sur sa tâche, les sourcils fronçés. Il y avait encore cette étrange chose dans son oeil noir, une lueur dévastée, mêlée de cet éclat qui ne l'avait pas encore rendu fantôme.
Comment faisait-il? Pourquoi acceptait-il ça ? Pourquoi m'avait-il obligée à faire ça ? Pourquoi ne pas fuir, rester vivant ?
Il finit par poser l'aiguille et se relever, sous mon regard égaré.
- Va falloir t'y faire, lança t-il, en me tournant le dos pour s'éclipser. Bienvenue chez les Anbu.
Et il disparut.
***
Je n'y était pas arrivée.
J'assistai à ma propre déchéance chaque jour qui passait. Je sentais mon humanité s'émietter au fond de moi, me transformant petit à petit en une silhouette vide et désabusée. Je n'avais pas réussi à conjurer le sort; je revenais de chaque mission plus sale et plus brisée encore.
Traquer. Dégainer. Tuer.
Je ne trouvais pas ça juste.
Les autres, eux, semblaient avoir quelque chose à exorciser à travers ces missions meurtrières. J'avais mis le doigt sur la différence entre eux et moi; eux, ils étaient déjà dévastés bien avant ça. La vie les avait fêlé de l'intérieur, et ils trouvaient en cette horreur permanente un paradoxal réconfort au mal qui les consumait. Ils aimaient cette facette cachée du beau tableau de Konoha, tout simplement parce qu'ils y voyaient leur propre reflet. Je compris comment ils faisaient pour supporter ces atrocités ; ce n'était pas pour un quelconque dévouement infini qu'ils portaient au village, ça non, c'était pour illustrer celles qu'ils avaient en eux même. Ils étaient cassés, et ce depuis bien longtemps déjà, et rien en ce bas monde ne pouvait y réparer quoi que ce soit.
Alors, ils demeuraient à la dérive, se consumaient dans se qu'ils savaient faire de mieux, se fichant éperdument de finir en tas de cendres. Ils étaient déjà des fantômes.
Traquer. Dégainer. Tuer.
Moi, je ne trouvais pas ça juste. Je n'avais aucun mal à extérioriser, aucun lourd chagrin à épancher. Je n'étais qu'une fille qui ne savais pas quoi faire de sa vie, et qui se prenait la douleur du monde en pleine poire, sans avoir jamais rien demandé.
Et je n'avais pas les épaules assez larges pour ça.
Traquer. Dégainer. Tuer.
Je me sentais partir, de plus en plus à chaque fois. Dans les premiers temps, je supportais si mal la vue de cette inhumanité que je passais mes nuits assise dans un coin de ma salle de bains, les bras autour de mes genoux, à pleurer et à vomir de dégout.
Et puis, le jour où j'ai regardé la vie s'échapper des yeux d'un homme sans ciller, j'ai su que j'étais perdue à jamais.
J'étais devenue un fantôme, moi aussi.
Tout était devenu fade, incolore; le bleu du ciel et le chant des oiseaux ne m'évoquaient plus rien, le rire insouciant des enfants dans la rue ne me faisait plus sourire, l'idée d'un bon repas chaud après une longue journée de travail ne me faisait même plus saliver. Non, ça me retournait l'estomac, même.
Traquer. Dégainer. Tuer.
Je ne vivais plus que dans l'idée de voir le jet d'eau de la douche me laver le sang séché que j'avais sur les mains, et la noirceur de la nuit vers laquelle mon nez était toujours tourné, me sauvant du sommeil agité et tourmenté qui m'appelait. Ma propre ombre avait finit par m'ensevelir, et j'étais devenue comme eux, un pantin fatigué qui ne ressentait plus rien, et qui ne demandait rien d'autre que de voir un sommeil réparateur l'envelopper de ses bras et lui laisser rien que le temps d'une nuit un simple moment de répit.
Je n'avais jamais voulu ça, moi. Mais depuis que l'homme au masque de chien m'avait marquée de cet abominable symbole, je me sentais comme enchaînée à cette noirceur qui avait asservi mes jours et mes nuits. Et je me sentais incapable d'y déroger.
Que faire d'autre, de toute façon ?
Traquer. Dégainer. Tuer.
Alors je persistai à déambuler sur ce chemin sinistre, ne trouvant aucun embranchement pour y échapper. Peut être qu'au fond, je n'avais même plus la force de sauter par dessus ses barrières.
Oui, j'avais compris ce qui rend les humains fantômes.
Parce que j'avais fini par en devenir un.
***
Nous étions dans l'ombre d'une forêt, dans la plus noire obscurité. Nous traquions ces nouveaux ennemis que nous avions pris pour cible, et pour le bien de Konoha, c'était à nous de nous salir les mains.
Alors nous traquions. Je ne savais même pas qui. Je n'avais jamais su.
Chat me fit un signe, et je délaissai les ramures pour retrouver la terre ferme. J'avais les idées dans le vague, et j'avais délégué tous mes gestes à mon instinct, le laissant librement diriger mon corps. Je ne m'étais jamais sentie aussi animale, presque sauvage ; c'était peut être pour cela que nous portions des masques à leur effigie. Je ris intérieurement ; cela faisait bien longtemps que je n'avais trouvé un sens à quoi que ce soit.
Je m'étais postée à l'abri derrière un large tronc d'arbre, les yeux fermés dans l'attente du moindre signe qui me donnerait le feu vert. J'avais la joue posée sur l'écorce rugueuse du grand être végétal, si fort que je le sentais égratigner ma peau. Je n'aurais su dire pourquoi, mais cela me fit du bien. Pendant un instant, le temps semblait s'être arrêté; je n'étais plus en pleine mission, prête à prendre une nouvelle vie, je n'étais plus vide et intangible. J'étais là, je respirai contre le roi du monde végétal, je sentais le vent effleurer doucement ma peau écorchée comme si le ciel avait voulu me donner une douce caresse.
Pendant un instant, un moment de latence où le temps semblait s'être allongé, ce qui rend les humains fantômes m'avait laissée aller.
Je ne sentis cette présence derrière moi qu'au moment où la chaleur d'un torse se colla contre mon dos et que deux bras puissants vinrent m'enfermer contre cet arbre libérateur.
Je couinai de surprise, mais une main gantée vint se plaquer contre ma bouche pour me réduire au silence.
- T'es en train de te laisser partir.
Mes muscles tendus se relâchèrent lentement en reconnaissant le timbre de cette voix lente et traînante qui avait soufflé à mon oreille. J'avais encore le palpitant qui battait jusqu'au fond de mon crâne, et je luttai pour calmer ma respiration difficile, entravée par la main toujours posée sur ma bouche.
- Sauf que moi, je ne te laisserai pas partir.
Son autre main dessinait des courbes sur le tronc d'arbre, juste devant mes yeux et je compris qu'il me faisait parvenir le tracé du périmètre où se terraient nos ennemis. Je bataillai pour me concentrer sur le schéma, en essayant de faire abstraction à ce corps collé contre le mien et le souffle chaud qui s'écrasait contre ma nuque. Avait-il réellement besoin de me coincer contre cet arbre si étroitement, bon sang?
- Tu n'es pas pareille que les autres, toi. Tu es écorchée, mais pas encore complètement mutilée.
Ses doigts cessèrent d'effleurer le tronc, et sa voix s'était encore approchée de mon oreille. Pour aucune raison, je me mis à frissonner. Et Dieu, j'avais l'impression que cela faisait des années, des décennies même, que mon coeur ne m'avait pas autant donné cette preuve tangible que j'étais bel et bien encore vivante.
- Et... Tu es bien trop précieuse pour que je te laisse sombrer comme ça.
Je hoquetai de surprise une nouvelle fois lorsque je sentis sa main se poser sur mon ventre et me serrer encore bien plus contre lui.
Malgré moi, je soupirai de contentement. Je ne me souvenais plus de la dernière fois où j'avais eu un contact humain, quel qu'il soit. Je ne savais plus ce que c'était de sentir mes joues brûler, mon coeur palpiter, mon âme remuer. Et le retour fracassant de toutes ces émotion bien trop humaines me laissa pantelante, si bien que je remerciai silencieusement le ciel d'avoir fait en sorte qu'un homme me maintienne debout par son étreinte à cet instant, aussi inconvenant soit-il.
C'est lorsqu'il prononça doucement mon nom au creux de mon oreille que le sort fût conjuré.
Parce que moi même, j'avais cru avoir oublié que je le portais. En un instant, de fantôme, j'étais redevenue humaine, par la simple force de mon nom articulé dans la bouche de cet homme, dont la voix s'était écrasée au creux de mon cou.
Un craquement se fit entendre à quelques mètres de là, et déjà je sentais son corps se séparer du mien.
"Fais attention à toi", furent ses derniers mots avant que l'homme au masque de chien ne disparaisse comme s'il n'avait jamais été là.
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C'est bien sombre, tout ça. J'ai pianoté ça vite fait et je n'étais pas sûre de le publier, mais après tout, dans ce recueil de one-shot, j'ai décidé de faire ce que je veux (et ce que vous voulez aussi, bien sûr !)
Dites moi si ça vous a plu. Ce n'est censé être que la première partie, mais je n'ai aucune idée de quand sortira la deuxième. Ce sera en fonction de mon envie, sorry.
Si vous avez des idées de one-shot plus joyeux avec notre sensei adoré, n'hésitez pas à me les faire parvenir, c'est avec plaisir que je vous pondrai un truc un peu plus sympa !
Ecrivainement vôtre,
Emweirdoy
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