#2 : Zéro à Vingts-et-un
Livaï surveillait, d'un œil ennuyé, l'entraînement des ses subordonnés.
Un long soupir, trahissant la lassitude de son esprit, traversa ses lèvres.
Tch, c'est pas avec cette bande de chiffes molles qu'on va aller loin.
-Oï les merdeux, lâcha-t-il de sa voix grave. Le but n'est pas d'écraser à tout prix votre adversaire, mais de le déstabiliser assez pour sauver votre peau.
Le caporal déambula parmi les duos.
Il s'arrêta un instant devant Braun et Hoover. Ces deux soldats avaient une technique de combat plutôt intéressante, qui retint son attention.
Mais son oreille fût attirée par des piaillements pour le moins étranges.
En se retournant, le petit brun aperçut Sasha et Connie en pleine invention de figures plus grotesques les unes que les autres.
-Brauss, Springer, entrainez-vous correctement si vous voulez pas passer le reste de la semaine à récurer les chiottes.
Le duo de comique sursauta en apercevant l'aura menaçante qui émanait de leur supérieur. Sans se faire prier, ils se remirent à se battre sérieusement.
Livaï continua de déambuler parmi les soldats. Il s'arrêta alors devant Armin.
Tch.
Le blond n'était vraiment pas doué pour le corps à corps. Mais selon Erwin, ce gamin était un stratège né, alors le petit brun décida de le laisser tranquille. Tant qu'il servait à quelque chose, c'est tout ce qui lui importait.
Enfin, son regard se posa sur Jean et Mikasa. En se rapprochant, il remarqua que le châtain était, une fois de plus, envoyé au tapis par son adversaire.
-Bordel Kirschtein, t'auras passé plus de temps le cul par terre que debout, cracha-t-il.
Jean rougit en entendant le sermon de son supérieur, et pesta mentalement contre lui tout en se relevant.
Mikasa foudroya Livaï du regard pour cette remarque, mais ce dernier ne sembla pas y prêter attention.
Depuis le soir de la 57ème expédition, les deux bruns ne s'étaient pas reparlés. D'un commun accord silencieux, ils avaient décidé de faire comme s'ils ne se connaissaient pas. L'asiatique en voulait toujours à son supérieur pour avoir frappé son frère, et Livaï continuait d'ignorer la colère de l'Ackerman.
Jean se mit en position de combat, et Mikasa l'imita. Mais malheureusement pour le jeune garçon, ses fesses percutèrent rapidement le sol.
Livaï fit claquer sa langue d'agacement.
Exaspéré, il attrapa Kirschtein par le col pour le relever d'une seul main.
-Vas voir Arlet, il devrait être de ton niveau, pesta-t-il en le poussant vers le blond.
Jean s'apprêtait à répliquer, mais le regard noir que lui lança le caporal l'en dissuada. Alors il rejoignit Armin tout en bougonnant.
Mikasa plissa les yeux devant la scène.
-Et je m'entraîne avec qui, maintenant ?
-Avec moi, répondit le petit brun.
Livaï aurait eu du mal à le reconnaître, mais Mikasa était vraiment douée. Malheureusement, ses coéquipiers ne lui arrivaient pas à la cheville.
L'asiatique arqua un sourcils quand elle aperçut son supérieur se mettre en position.
En repensant à la manière dont il avait traité Jean, une nouvelle once de colère se déversa dans les veines de la soldate. Finalement, ce changement de partenaire n'était pas si mal. Personne n'avait jamais réussi à la battre, ce combat était donc l'occasion rêvée pour l'asiatique de venger son frère et son ami, tout en blessant ce nabot dans son égo.
À son tour, elle se mit en position.
Tous deux se regardèrent quelques instants, sans parler ni même bouger. Leurs yeux, transformés en scanner, passaient au peigne fin leur adversaire.
Mikasa remarqua le calme alcyonien qui baignait l'homme devant elle. Sa respiration ataraxique était quasi imperceptible, ses iris céruléenne semblaient gelées, on aurait dit une statue.
De son côté, Livaï s'attarda sur la respiration de sa subordonné. Elle était calme, mais la jointure de ses doigts, plus blanche que Brauss devant un titan, trahissait la rage qui inondait l'esprit d'Ackerman. Sans parler de ses yeux, noir charbon, mais pourtant l'écriture de la colère y était plus lisible que sur n'importe quel parchemin. Enfin, il fit attention à la posture de la jeune femme.
Parfaite, à un détail près.
Son pied droit, mal positionné par rapport à l'axe de son corps, l'empêchait de gainer correctement sa ceinture abdominale.
Au bout d'un certain temps, Livaï envoya son poing en direction du visage de l'asiatique.
Une action aussi basique ? pensa la jeune femme en évitant l'attaqua sans effort. Ce sera plus rapide que ce que je pensais.
Mais au même moment, le petit brun arrêta son mouvement, non pas pour frapper le vide, mais pour attraper l'épaule de sa subordonnée. En parallèle, il fit glisser son pied qui envoya valser la cheville de l'Ackerman.
Sans comprendre ce qu'il lui arrivait, Mikasa perdit l'équilibre et tomba à terre.
Assommée, il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits.
Elle leva ensuite son regard vers celui qui l'avait fait tomber.
-Tu compte tirer au flan encore longtemps ? lâcha Livaï. Debout, gamine.
Mikasa le foudroya du regard. Elle avait perdu. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un l'avait battu. Et il fallait que ce soit ce nabot prétentieux. Elle sentit bouillonner en elle une force belliqueuse, animée par la blessure brûlante assénée à son égo.
Alors qu'elle hésitait encore entre faire avaler sa botte à son supérieur ou l'étrangler avec son foulard, Mikasa fût sorti de ses pensées par l'arrivée de Hanji.
-Livaï ?
Le petit brun se tourna vers la folle au titan.
-Erwin te demande dans son bureau, continua-t-elle.
Le caporal acquiesça de la tête.
-Surveille les merdeux, répondit-il.
Puis il sortit sans adresser un seul regard à sa subordonnée, toujours à terre.
~*~
Après la capture du titan féminin, qui s'était soldée par un échec cuisant, ainsi que l'hécatombe provoquée par l'apparition du titan bestial, le bataillon était en bien mauvaise posture.
Cependant, ce n'était pas les algarades de la foule qui préoccupaient Erwin.
Le peuple était une vrai girouette, et si se n'en n'était pas au bataillon qu'il s'en prenait, c'était à la garnison ou encore aux brigades spéciales.
Mais les réticences de la haute société étaient plus alarmantes. Le major savait qu'il était sur une pente glissante, et s'il souhaitait minimiser au maximum les futures pertes parmi ses subordonnés, il devrait impérativement compter sur ses meilleurs éléments.
Le bruit de sa porte, ouverte sans aucune délicatesse, le fit sortir de ses pensées.
-Tu voulais me parler ? fit Livaï en pénétrant dans le bureau de son ami.
Erwin sourit.
-Tu n'apprendras jamais à frapper avant d'entrer, hein ?
-Je vois pas à quoi ça sert. Tu m'as demandé de venir, ma visite n'est donc pas inattendue.
Le blond soupira.
Il ne changera jamais.
-Un problème ? s'impatienta Livaï.
-Non, aucun, répondit Erwin en se redressant. Mais j'aimerais que tu me rendes un service.
Le petit brun arqua un sourcil.
-Je t'écoute.
-Tu sais que depuis le fiasco de la capture de Leonhart, nous ne sommes plus dans les petits papiers de personne.
-Comme d'hab', lâcha Livaï. Tch, les gens oublient vites qui a sauvé leur cul lors de l'attaque de Trost.
Erwin lâcha un petit rire sans joie.
-Malheureusement, soupira-t-il. Dans tous les cas, le bataillon doit désormais compter, plus que jamais, sur ses soldats les plus forts. C'est pour ça que j'aimerais que tu entraînes personnellement Mikasa Ackerman.
Livaï fronça les sourcils.
-Pourquoi ?
-Et bien, j'ai remarqué les talents de celle qu'on surnomme « le miracle de l'humanité ». Et je dois admettre qu'elle est réellement douée. Cependant, je crains qu'elle ne soit trop douée pour ses camarades, et que s'entrainer avec eux ne soit qu'une perte de temps. Mike n'étant plus là, je pense qu'il n'y a qu'en toi qu'elle trouvera un adversaire à sa taille et avec qui elle pourra réellement progresser.
Le caporal hocha la tête. Il s'était fait exactement la même réaction quelques minutes plus tôt. Mikasa s'améliorait bien plus en travaillant toute seule plutôt qu'en se battant contre les autres soldats. Pour dire à quel point, sa force surplombait la bande de bras cassés qu'étaient les nouvelles recrues.
-Bien, fit-il. C'est tout ?
Erwin attrapa une pile de feuilles.
-Il y a aussi ses nouveaux rapports à remplir, répondit-il, un sourire taquin aux lèvres, connaissant la passion que son caporal avait pour la paperasse.
Livaï le foudroya du regard.
-Tch, bougonna-t-il en attrapant méchamment la pile de feuilles.
Puis sans attendre, il se dirigea vers son bureau pour remplir les dossiers. Plus vite il s'y mettrait, plus vite il en serait débarrassé.
La paperasse était sûrement ce que Livaï détestait le plus depuis qu'il était monté en grade. Et il soupçonnait Erwin de lui glisser sournoisement une partie de son travail, car plus les années passaient, plus le nombre de papiers à remplir augmentait.
Une fois son thé préparé, le petit brun se mit au boulot. Et après deux longues heures à noircir ces rapports qui n'en finissaient pas, le caporal marqua le point final.
Enfin, soupira-t-il en balançant sa tête en arrière.
Il étira ses membres engourdis et décida d'aller s'entraîner un peu.
Mais en s'approchant du gymnase, il fut surprit d'y entendre du bruit. Rares étaient les soldats assez courageux pour continuer de s'exercer une fois l'entraînement commun terminé.
En pénétrant dans la pièce, il remarqua alors que c'était Mikasa.
Un soupire de désapprobation traversa ses lèvres.
Elle est pire que moi, se dit-il.
L'asiatique était occupée à frapper, de toutes ses forces, le sac devant elle.
Sa défaite quelques heures plus tôt lui restait en travers de la gorge. Cet échec ne pouvait signifier qu'une chose : elle n'était pas assez forte.
Alors elle renforça la puissance de ses poings contre le sac de frappe. Comment protégerait-elle Eren, s'il elle pouvait être envoyée au tapis si facilement ?
-T'es mal positionnée.
La voix du caporal la fit sursauter. Elle ne l'avais pas entendu arriver. Brusquement, elle se retourna pour le voir adossé contre le mur près de l'entrée.
Livaï fit claquer sa langue avant de s'avancer vers sa subordonné.
-Ton pied droit, fit-il en arrivant à sa hauteur. Tourne le légèrement vers l'intérieur.
Mikasa fronça les sourcils mais s'exécuta machinalement.
Il l'avait battu, donc il était plus fort. Elle devrait alors écouter ses conseils, même si cela ébréchait un peu plus son égo.
-Et maintenant, gaine ta ceinture abdominale, continua Livaï en plaquant une main sur le bas du dos de la soldate, et une autre sur son ventre.
Mikasa se raidit à ce geste, peu habituée aux contacts physiques avec ses congénères. Mais le petit brun ne semblait pas le moins du monde perturbé. Alors l'asiatique leva les yeux au ciel. Sa réaction était ridicule. Le geste de Livaï était mécanique et ne s'était pas éternisé. Il avait simplement plaqué ses mains pour qu'elle mette son dos droit.
-Tu dois être beaucoup plus stable, maintenant, dit-il, toujours proche d'elle, même si le contact avait été rompu.
En acquiesçant de la tête, une effluve citronnée vint chatouiller les narines de la soldate.
La même odeur que sur son écharpe, la même senteur qui l'avait frappé en entrant dans la maison des bas-fonds.
-C'est pour ça que j'ai pu facilement te mettre à terre, tout à l'heure, expliqua Livaï en se décalant vers le deuxième sac de frappe. Mais si tes pieds sont bien ancrés au sol, tu seras plus stable et tes frappes seront également plus puissantes.
Il appuya ses propos en assénant un violent coup sur le sac devant lui.
Mikasa écarquilla les yeux.
Wow.
À son tour, elle imita son supérieur.
-Pas mal, fit Livaï. Mais tes actions doivent être plus sèches. Ce n'est pas uniquement ton dos qui doit être gainé, mais ton corps dans son ensemble. Tes membres doivent être comme des blocs de pierres incassables.
Mikasa acquiesça avant de réitérer son geste, tout en appliquant les conseils du petit brun.
Après un certain temps, elle jeta un oeil vers la fenêtre et fronça les sourcils.
-Tu sais... commença l'asiatique, mais le rictus de Livaï la fit se stopper.
Elle plissa les yeux.
-Qu'est-ce qui te fait rire ?
Tout en continuant de frapper le sac devant lui, l'homme répondit :
-Tu me vouvoies devant les autres, mais là tu me tutoies.
Mikasa soupira.
-Je te vouvoie parce que je pense que, comme moi, tu n'as pas envie que les gens sachent qu'on se connaissait d'avant. Mais je ne compte pas vouvoyer un gamin prétentieux haut comme trois pommes quand on est que tous les deux.
Et à peine l'Ackerman avait-elle finit de prononcer ces mots, qu'elle se retrouva les fesses par terre.
-Tch, oublie pas qu'en plus d'être ton supérieur, je suis plus âgé. C'est toi la gamine ici, gamine.
Mikasa le foudroya du regard et Livaï lui l'observa avec un air moqueur.
-Bref, continua-t-il, qu'est-ce que tu voulais me demander ?
La brune se releva, et le regard toujours aussi noir, elle lâcha d'un ton bourru :
-Tu sais quelle heure il est ?
-Vu la position du soleil, je dirais pas loin de dix-neuf heure.
Eren doit avoir finit son entraînement avec Hanji, pensa-t-elle.
-Bien, fit la jeune femme en se dirigeant vers la sortie. Au revoir, caporal.
-Ackerman, la voix de Livaï la retint. À partir de demain, tu t'entraîneras avec moi.
Mikasa plissa les yeux.
-Me regarde pas comme ça, continua l'homme. L'ordre vient pas de moi mais d'Erwin. Il estime que tu es trop forte pour t'entraîner avec les autres.
La brune acquiesça d'un signe de tête. Cela voulait dire qu'elle allait se retrouver seule avec Livaï pendant plusieurs heures. Cette idée la mit mal à l'aise. Bien qu'ils avaient été proches quand quand ils étaient petits, cela faisait des années qu'ils s'étaient perdus de vue et ils n'étaient plus des enfants.
Cette constation lui serra le cœur.
Bien sûr, elle avait vécu une enfance heureuse chez les Jägers, mais elle en avait toujours terriblement voulu à Kenny et Livaï de l'avoir abandonné, et n'avait pu effacer ces deux visages charismatiques de son cerveau. Surtout celui du petit brun. Chaque nuit où elle faisait un cauchemar, elle n'avait cessé de penser à ces yeux bleus orageux pourtant si apaisants. Lui, qui l'avait toujours rassuré même s'il râlait de n'en avoir rien à faire.
Sa relation avec Eren était différente.
Elle avait vécu plus longtemps avec lui. Il était son frère, celui pour qui elle vivait, pour qui elle s'était engagée. Mais la courte présence de Livaï dans sa vie l'avait marqué tout autant. Car il avait été le seul qui avait su trouver les mots quand elle se noyait dans ses songes macabres.
-Demain, huit heure devant la forêt. On commencera par un entraînement tridimensionnel.
-Bien, acquiesça la jeune femme avant de tourner les talons.
~*~
Le lendemain matin.
-Brrrrr, grelota Sasha en sortant du lit. Le temps commence à se rafraîchir.
Mikasa acquiesça.
C'est vrai qu'aujourd'hui, le temps n'était absolument pas propice aux entraînements en extérieur.
Livaï allait-il décidé de s'entraîner au corps à corps finalement ?
L'Asiatique l'espérait. Cela lui donnerait une occasion de prendre sa revanche.
Mais elle soupira en pensant que Livaï restait Livaï. Et ce n'était pas quelques gouttes de pluie et une ou deux bourrasques de vent qui allait l'arrêter.
"Les titans vont pas s'empêcher de te bouffer sous prétexte que t'es frileuse."
Elle pouvait déjà imaginer sa réponse.
Alors en soupirant de nouveau, elle attrapa l'étoffe rouge qui n'avait pas quitté le dossier de sa chaise depuis qu'il la lui avait rendu.
Hors de question de tomber malade.
En enroulant l'écharpe autour de son cou, son nez fût assailli d'une forte odeur de lessive mélangée à du citron.
Mikasa grimaça.
Déjà que je vais devoir me taper grincheux toute la journée, en plus de ça je vais avoir son odeur. Super ! pesta la soldate.
Après avoir mangé son déjeuner en quatrième vitesse, avant que Sasha ne le lui pique, Ackerman rejoignit son supérieur aux abords de la forêt.
Elle ne fût pas étonnée de le voir déjà présent. Il était en grande discussion avec Hanji. Mais Mikasa le connaissait assez pour comprendre qu'il n'était pas vraiment consentant à cette entrevue.
-Je te l'ai déjà dis, lunettes de merde, pesta-t-il. Hors de question.
-Mais aller, Shorty, supplia la femme aux cheveux auburn. Juste un. Un tout petit ! Je ne t'oblige même pas à ce que ce soit un déviant, même si c'est ce que je préférerais...
-Tch, j'ai dis non, bordel.
Mikasa arriva à leur hauteur.
-Caporal, fit-elle en effectuant son salut militaire, la présence de la chef d'escouade l'obligeant de se plier à cette mascarade.
-Ackerman, répondit Livaï en effectuant un bref salut de la tête, avant de se tourner vers Hanji. Maintenant dégage, quatre yeux, j'ai un entrainement à donner. Va faire chier Erwin, tiens. Ça changera.
La chef d'escouade fit la moue. Mais quand son regard se posa sur l'asiatique, elle ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux. Elle s'apprêtait alors à parler, quand le pied de Livaï rentra en collision avec ses fesses. Ce coup, qu'elle perçut comme une menace de mort, la dissuada de s'éterniser.
Mais la folle n'avait pas rêvé. C'était bien l'écharpe fétiche du petit brun qu'elle venait d'apercevoir autour du cou de la soldate.
Intéressant, pensa-t-elle.
Voila une histoire que Hanji avait hâte de mettre au clair.
De son côté, Livaï aussi avait remarqué l'étoffe écarlate. Mais après tout, le temps était mauvais. Mettre une écharpe était donc entièrement justifié.
-On va commencer par quelque chose de classique, intervint Livaï, une fois seul avec son élève. J'ai activé les titans de bois. Le but, c'est que tu les tues le plus vite possible. Pendant ce temps, j'observerai comment tu débrouille.
Mikasa acquiesça avant de se jeter dans les airs, sous l'ordre de son supérieur.
Comme si la vie de son frère en dépendait, l'asiatique enchaîna titan sur titan, fendant le vent de ses lames aiguisées.
Elle est rapide, se dit Livaï. Mais elle peut l'être encore plus.
-Ackerman, l'interpella-t-il.
En écoutant son nom, la soldat vint se poser au sol, près de son supérieur.
-C'était pas trop mal, continua ce dernier. Mais tu peux faire bien mieux.
Mikasa serra la mâchoire.
Évidemment.
-Pour cela, il faut que tu prennes un maximum appui sur ce qui t'entoure afin de te propulser en utilisant le moins de gaz possible. Si tu fais ça, tu pourras utiliser cette réserve économisée au dernier moment avant de couper la nuque du titan.
Livaï appuya ses parole en s'élançant dans les airs pour trancher avec dextérité un pantin encore intact.
-Compris ? fit-il en retournant à terre.
Mikasa acquiesça.
Son animosité envers le petit brun était toujours présente. Cependant, la soldate n'était pas bête. Et elle savait que la seule personne capable de la faire progresser, c'était Livaï.
Alors elle faisait contre mauvaise fortune bon cœur, et acceptait sans rechigner les avis et les conseils de son supérieur.
-C'est ça qui me permet de tourner et de tuer plusieurs titans d'un seul coup, continua l'homme en plantant ses yeux dans ceux de sa subordonné.
Elle lui lança un regard interrogateur.
Livaï fit claquer sa langue comme à l'accoutumée.
-Tu crois que je t'ai pas cramé pendant la tentative foireuse de capturer Leonhart ?
L'Asiatique sentit ses joues se réchauffer.
Alors il l'avait vu.
Effectivement, durant la bataille de Stohess, elle avait tenté d'imiter la technique de Livaï, au moment de trancher les doigts du titan féminin qui essayait de s'enfuir par le mur.
Elle ne savait pas pourquoi elle avait fait ça. Son corps avait machinalement tenté de reproduire ce mouvement, qu'elle avait partiellement réussit.
Bravo Mikasa, pesta-t-elle intérieurement. Maintenant il va s'imaginer que tu l'admires ou une connerie du genre.
-Si tu veux tourner comme moi, gamine, va falloir t'entraîner, fit Livaï, un léger sourire supérieur sur les lèvres.
-J'ai jamais dis que je voulais te copier, nabot. À Stohess, j'ai fait ça uniquement parce que la situation s'y prêtait.
Écouter ses conseils, passait encore. Mais lui montrer qu'elle enviait sa force, ça, jamais.
-Tch, donc j'imagine que j'ai pas besoin de te dire comment tenir tes lames.
-Non merci, je m'en passerai.
Livaï soupira d'agacement.
-T'as pas changé, lâcha-t-il. T'es toujours la même emmerdeuse avec cette fierté de merde, continua l'homme en effectuant une pichenette sur le haut de la tête de la jeune femme.
Mikasa le foudroya du regard pour ce geste.
-Ça nous fait au moins un point commun, rétorqua-t-elle. Qui l'aurait cru.
~*~
Les entraînements entre les deux soldats continuèrent durant plusieurs semaines. Erwin, qui avait assisté aux plus récents, était ravi. Mikasa était devenue presque aussi invincible que Livaï.
Presque, car l'homme le plus fort de l'humanité, ne comptait pas ce faire dépasser par une "gamine insolente" si facilement.
-Alors Ackerman, t'es prête pour une nouvelle déculottée ? la provoqua le petit brun.
-Tu parle de la tienne ? rétorqua sa cadette.
Livaï lâcha un petit rire sans joie.
-Attends, laisse moi réfléchir, on est à combien de victoire pour moi, déjà ? Quinze ? Vingt ? Contre zéro...
Mikasa ne put retenir son poings de s'élancer vers la figure de son supérieur. Ce dernier l'évita, moins facilement qu'il ne l'aurait voulu cependant.
-Tch, je t'ai déjà dis que tu étais trop impulsive, gamine.
-Et moi, que tu parlais trop, nabot.
Cette fois, ce fût au tour du caporal d'élancer son pied vers la soldate. Cette dernière, qui s'était douté du geste de son supérieur, en profita pour effectuer un croche-patte sur le seul pied qui tenait Livaï debout. Ce dernier tomba lourdement sur le sol.
-Un, fit la jeune femme, en le surplombant de toute sa hauteur.
-Hein ? lâcha Livaï.
-Un à vingt, expliqua Mikasa. Et je ne compte pas m'arrêter là.
Un sourire mauvais se dessina sur les lèvres du petit brun.
-Tch, c'est que tu crois avoir gagné ? lâcha-t-il en haussant les sourcils.
Mikasa plissa les yeux.
Au même moment, Livaï, toujours à terre, fit tomber la jeune femme. Puis, il se releva précipitamment pour la maîtriser au sol, en plaquant ses mains derrière son dos.
Le caporal se baissa enfin vers l'oreille de sa subordonné :
-Zéro à vingts-et-un, chuchota-t-il d'une voix suave faisant frissonner l'asiatique.
Puis il se releva, n'oubliant pas de narguer Mikasa en affichant un sourire de vainqueur sur son visage.
La brune le foudroya du regard.
-Qu'est-ce que je disais, lâcha-t-il. T'es toujours une gamine, gamine.
Puis il partit. Laissant Mikasa digérer sa nouvelle défaite, encore plus amer que les autres.
-Putain ! pesta-t-elle avant de se relever précipitamment.
Elle se dirigea alors vers les sacs de frappe. Il fallait qu'elle s'entraîne encore plus. Car un jour, elle comptait bien rabattre le caquet à ce nabot haut comme trois pommes.
~*~
-Dis moi, Shorty, fit Hanji en s'asseyant à côté de Livaï au réfectoire.
-Non, répliqua ce dernier sur un ton sans appel.
-Mais... Tu sais même pas ce que je m'apprête à te dire !
-Oui mais non quand même, lâcha le caporal en portant son thé fumant à ses lèvres.
Hanji rigola.
-Je ne vais pas te parler de titans, relax !
-Raison de plus pour pour dire non.
-Je voulais te parler de Mikasa, minauda Hanji en approchant sa tête du petit brun, au point que ce dernier puisse sentir sa respiration.
-Qu'est ce que tu vas encore me pondre, pesta-t-il. Argh, et dégage ! Je sens ton souffle, c'est dégueulasse.
-Tu trouves pas que l'écharpe qu'elle porte autour du cou depuis quelques temps, ressemble étrangement à la tienne ? demanda Hanji sur un ton suspicieux. Tu sais, celle qui ne te quittait jamais, et que tu t'es subitement arrêté de porter du jour au lendemain...
Livaï crispa sa mâchoire. Forcément, il fallait que cette fouteuse de merde s'en soit rendue compte.
Tout en gardant son calme, il but une gorge de thé et daigna enfin répondre à son amie :
-Tch, t'es vraiment de plus en plus timbrée toi. Pourquoi Ackerman porterait mon écharpe ?
-Je ne sais pas... Les deux soldats les plus forts de l'humanité, deux âmes sur qui tout le monde compte, décidant d'apaiser la pression en tombant amoureux... Un caporal et sa subordonnée... Qu'est-ce que ce serait romantique...
-T'as bu ou c'est juste ta connerie qui s'aggrave ? la coupa Livaï.
-Je suis parfaitement sobre et mon cerveau se porte très bien, s'exclama Hanji, avant de tourner son regard vers la table de la 104ème brigade. Je la trouve plutôt jolie, en plus... continua-t-elle évasivement.
Sans s'en rendre compte, Livaï tourna son regard vers l'asiatique.
C'est vrai qu'elle était belle. Ses cheveux fins, plus noir que du charbon, ses yeux, légèrement plissés, seule trace d'une ethnie disparue, avec ses iris d'un velours sombre, son corps musclé par tous les efforts qu'elle faisait...
Cela fit repenser à Livaï, la première fois qu'il l'avait vu.
Il se souvint de quand Kenny s'était ramené, une gamine sous le bras.
Sale, c'est la première chose qu'il s'était dit.
Puis, la fillette était revenue quelques minutes plus tard, habillée d'une chemise et d'un pantalon bien trop grand pour elle, que le garçon lui avait prêté. Pendant qu'elle dévorait son pain avec avidité, il l'avait observé. Ses cheveux étaient plus longs mais tout aussi soyeux. Et ses grands cils, qui entouraient des yeux précocement abîmés par des souvenirs sanguinolent. Oui, déjà à l'époque où ils n'étaient que des enfants, il s'était dit que la fillette était magnifique.
-Shooooortyyyyyy...
La voix de Hanji le fit sortir de ses pensées.
-Quoi encore ? pesta-t-il.
-Ça fait trois fois que je t'appelle, rigola la folle. Je pensais pas que la contemplation de Mikasa te ferais autant d'effet !
-T'arrêteras donc jamais de déblatérer de la merde, toi, soupira le petit brun.
~*~
Malgré les entrainement intensifs du caporal, la fatigue accumulée ne permettait malheureusement pas à l'asiatique de faire une seule nuit complète.
Ces cauchemars, qu'elle appelait désormais ces « habitudes », continuaient de la tourmenter.
Les plus fréquents concernaient bien évidement ses parents, des fois Carla. Mais depuis peu, Eren, dont le comportement devenait de plus en plus agressif, avait également endossé le rôle de Mara.
C'est donc sans surprise, qu'une fois de plus Mikasa se réveilla en sursaut au beau milieu de la nuit.
Haletante, elle jeta un œil à l'écharpe posée sur sa table de chevet.
Quand elle était petite, elle se souvint que l'étoffe avait calmé ses crises d'angoisses plus d'une fois.
Alors sans hésiter, elle l'enroula autour de son cou et y nicha son nez.
Elle huma l'odeur citronnée qui s'en dégagea et sentit l'accalmie gagner son coeur.
Puis sans un bruit, elle sortie de son lit pour profiter de l'air frais que lui offrait Njörd.
~*~
Livaï poussa un long soupir tout en penchant sa tête en arrière.
Enfin.
Enfin, il avait fini toute la paperasse que cet enflure d'Erwin lui avait donné.
Il jeta un oeil à l'extérieur. La lune était haute dans le ciel et les étoiles bien visibles.
Il se leva et entreprit de se faire une infusion.
En attendant que l'eau finisse de chauffer, il se posta près de la fenêtre. Encore une nuit qu'il allait passer à contempler la valse de Nótt.
Mais soudain, son regard fût attiré vers la terrasse qu'il surplombait de sa chambre.
Quelqu'un était assis dessus.
En plissant les yeux, il distingua quelques cheveux voleter au grès léger du vent.
Il soupira.
~*~
Mikasa venait d'arriver sur la terrasse. Elle se sentait bien. Seule, avec pour spectacle la nature. Elle n'aimait pas l'agitation, elle n'aimait pas la foule, elle n'aimait pas la ville et la vie en collectivité. Elle aimait ses amis, son frère, son rôle de soldate, mais interagir avec le monde lui avait toujours demandé beaucoup d'efforts. Alors ici, elle pouvait se ressourcer, faisant le plein d'énergie nécessaire pour pouvoir battre un sale nabot prétentieux dès le lendemain.
-Tiens.
Mikasa sursauta en entendant la voix de Livaï derrière elle. Elle aperçut alors la main de l'homme lui tendre une tasse avant de s'assoir à côté d'elle.
La brune attrapa la porcelaine avant de sentir, intriguée, le liquide légèrement ambré à l'intérieur.
-C'est de la camomille, intervint le brun. Ça fait dormir, continua-t-il sans regarder une seule fois la jeune femme.
Ses yeux se contentaient de contempler le paysage endormit devant lui.
Mikasa fronça les sourcils.
-Cette passion m'aura toujours étonné chez toi, lâcha-t-elle. Comme celle du ménage d'ailleurs...
-Tch.
-Je me souviens des fois où Kenny gueulait parce que tu avais volé plus de boîtes de thé et de produits ménagers que de bouteilles de vin à l'épicerie.
Livaï esquissa un bref sourire. Lui aussi s'en souvenait.
-Crois moi que s'il en avait pas assez, il se gênait pas pour aller faire un tour dans les bars du coin, continua-t-il. Maintenant, bois. Ça va être froid.
Il appuya ses propos en portant sa tasse à ses lèvres, imité par Mikasa.
Ils restèrent quelques instants silencieux à contempler les étoiles.
La brune trouva cette scène ironique. Si on lui avait dit quelques mois plus tôt qu'elle partagerait le champ de bataille avec un des fantômes de son passé, elle ne l'aurait jamais cru.
Mais une question brûlait ses lèvres.
Comment avait-il pu se retrouver ici ? Lui, disciple de Kenny l'égorgeur, cause de la mort de nombreux soldats ?
-Comment tu as rejoint le bataillon ? finit-elle par demander.
Livaï lui jeta un regard en coin avant de reporter son attention sur le paysage. D'une voix monotone, il expliqua :
-Comme tu peux t'en douter, j'y suis pas allé de mon plein gré.
Mikasa plissa les yeux. On l'avait donc forcé. Voila qui était beaucoup plus cohérent que la naissance d'un soudain élan patriotique dans le cœur du petit brun.
-C'est à dire ? insista la jeune femme, désireuse d'en savoir plus.
Car malgré tout, avoir réussit à forcer Livaï à faire quelque chose qu'il ne voulait pas, était assez extraordinaire.
-Après que Kenny se soit barré, j'ai rencontré un gars qui s'appelait Farlan. Quelques temps plus tard, on a fait la connaissance du fille qui s'appelait Isabel, et tous les trois, on avait notre petit groupe de contrebande. On avait un seul objectif, se tirer de ce lieu maudit en amassant assez d'argent, reprit Livaï. Mais un jour, Erwin s'est ramené avec sa bande de bras cassés pour nous enrôler de force dans son armée. C'était soit ça, soit la mort.
C'était donc le major qui était à l'origine de cet incroyable exploit. Cela n'étonnait pas l'asiatique, connaissant la force de manipulation de l'homme blond. Mais quelques chose lui échappait. Comment les deux hommes s'étaient-ils liés d'amitié par la suite ? Et qu'étaient devenus Farlan et Isabel, bien qu'elle avait une funeste idée pour ces derniers ?
Elle remarqua alors que le visage du brun s'était assombri, se doutant ainsi du récit douloureux qui allait suivre.
-Notre première expédition extra-muros, ça a été la merde. Du brouillard partout, on voyait que dalle. Et d'un seul coup, un putain de déviant qui surgit de nul part. Et avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, il avait déjà dévoré Farlan et Isabel ainsi que le reste de l'escouade. Je me suis jeté sur ce monstre mais c'était trop tard, j'étais le seul survivant.
La gorge de Livaï se noua à l'évocation de ce souvenir macabre. C'était la première fois qu'il parlait de son frère et de sa sœur depuis longtemps. En fait, c'était la première fois qu'il parlait d'eux tout court.
À part avec Hanji, qui avait su lui tirer les vers du nez de rares fois, il n'évoquait jamais son passé.
-Après ça, j'ai voulu tuer Erwin pour sa foutue expédition à la con. Mais il a commencé à me sortir le grand jeu avec son discours sur la liberté, sur le fait de venger ceux qui m'étaient chers, et il a fini par m'enchaîner complètement au bataillon en me faisant caporal.
Livaï sentait le regard brûlant de Mikasa sur lui.
J'ai pas besoin de ta pitié, gamine, pesta-t-il d'un ton morose, s'attendant au classique « je suis désolée ».
Mais la soldate n'en fit rien. Elle se contenta de soupirer, réellement peinée pour le brun, mais elle savait que des condoléances ne ramèneraient pas ses amis à la vie.
-La vie, c'est de la merde, se contenta-t'elle de lâcher.
Elle se souvenait qu'un jour, Livaï lui avait sorti exactement la même chose. Et maintenant, elle ne pouvait qu'être d'accord.
De son côté, l'homme fut surpris de sa réaction. C'était peu conventionnel, mais pas tellement surprenant venant de la jeune femme.
Un petit rire traversa ses lèvres.
-Ouais, acquiesça-t-il en buvant une nouvelle gorgée de thé. Et toi ?
Mikasa le dévisagea.
-Qu'est ce que tu fous ici ? continua Livaï. Quand Kenny t'as emmené, je pensais pas te revoir. Surtout après l'attaque de Shiganshina, et encore moins ici.
-Tu savais où j'étais ? s'étonna-t-elle.
-Kenny me l'avait dit.
Livaï n'avait pas pu oublier le nom du district où elle était censée avoir grandi paisiblement. Il avait même songé à y faire un tour quand il avait rejoins la surface. Mais la peur qu'elle ne se rappelle plus de lui l'en avait toujours empêché.
-Je ne me suis pas engagée par réelle conviction non plus, soupira-t-elle.
Livaï lui lança un regard intrigué.
-C'est pour protéger Eren, que je suis ici, continua-t-elle. Il nous parle de rejoindre le bataillon depuis qu'il est tout petit, alors Armin et moi l'avons suivit sans rien dire.
-Tu comptes le materner encore longtemps ?
Mikasa foudroya le petit brun du regard.
-Je le protège, c'est différent, se défendit l'asiatique. C'est la seule famille qu'il me reste.
La mâchoire de l'homme se contracta en écoutant les mots de sa cadette, et le cœur de Livaï se serra dans sa poitrine.
Sa seule famille, pensa-t-il, un goût amer se déposant sur ses papilles. Ouais, elle a pas totalement tord...
-Et ça te gêne pas de vivre pour un morveux qui fait que gueuler, sans faire ce que tu aimes ? cracha le brun.
L'asiatique tiqua au ton dur employé par son supérieur.
-Au début, c'est vrai que l'idée de côtoyer la mort encore et encore ne me réjouissait pas vraiment, soupira-t-elle. Mais je crois que, maintenant, j'aime être soldate.
Mikasa marqua un temps d'arrêt. Elle sembla hésiter.
-Et puis, si je ne l'avais pas suivit... Je ne t'aurais jamais revu, finit-elle par lâcher, les joues cramoisies.
Heureusement que le noir de la nuit lui permettait de camoufler son trouble.
Livaï lui lança un regard interdit.
-Tch, tu m'en veux plus ?
-Si. Mais je mentirais si je disais que de te revoir ne m'avait pas fait plaisir...
-Et ta mère t'interdisait de mentir sur tes sentiments, la coupa Livaï.
Un léger sourire vint sublimer le teint opaline de la jeune femme.
Le cœur de l'homme rata un battement.
Oui, la mignonnerie de son enfance avait laissé place à la finesse des traits d'une jeune adulte.
Le brun secoua la tête.
À quelle connerie était-il en train de penser ?
Elle avait malheureusement bien précisé que seul Eren comptait à ses yeux désormais. Et peut-être l'autre tête blonde qui était devenue le disciple d'Erwin.
Un sourire triste naquit sur les lèvres de l'homme.
-Moi aussi, je suis heureux de t'avoir revu, merdeuse, dit-il en ébouriffant les cheveux de la jeune femme.
-He, rouspéta-t-elle en le foudroyant du regard.
-Mais j'aurais préféré que tu ne sois plus cette gamine insolente, continua l'homme.
-Et moi, ce nain grincheux, rétorqua-t-elle, en le bousculant légèrement.
Livaï haussa les sourcils.
-Est-ce une provocation ? T'as visiblement pas assez mordu la poussière aujourd'hui.
Les deux brun commencèrent alors à se chamailler, comme ils avaient pu le faire dans leur enfance.
Au bout de quelques minutes, Livaï finit par immobiliser Mikasa :
-Vingt-deux à toujours zéro, clama-t-il, fièrement.
L'asiatique était noire de rage.
-Je ne sais pas ce qui me retient de vous cracher à la figure, caporal, pesta la jeune femme.
-Peut-être parce que, justement, je suis ton caporal, et que sinon, tu sais très bien que c'est le récurage des chiottes qui t'attends, gamine, répondit l'homme, toujours au dessus de la soldate pour la maîtriser.
Elle tenta une nouvelle fois de renverser son adversaire.
-Ça sert à rien, morveuse, continua-t-il en resserrant son étreinte, rapprochant ainsi leurs visages.
Ils pouvaient désormais sentir le souffle de l'autre et, aussi étonnant que cela puisse paraître, Livaï n'en était pas le moins du monde dégoûté. Comme si la respiration de Mikasa était beaucoup plus saine et aseptisée que celle de quatre yeux.
Se rapprochement enleva tout envie à l'asiatique de se dégager de l'emprise de l'homme.
Ces yeux aciers étaient collés aux billes bleues de l'homme et ne pouvaient s'en détacher.
Cette légère odeur de citron qu'elle pouvait sentir à chaque expiration du brun, était si agréable.
Mais après quelques secondes de contemplation muette, les deux soldats prirent conscience de cette proximité et Livaï libéra rapidement sa prisonnière.
-Tu devrais aller dormir, lâcha-t-il comme si de rien n'était, alors que son cœur sonnait l'anarchie. Hors de question que tu tires au flanc demain.
Mikasa leva les yeux au ciel.
Je compte plutôt m'entraîner pour te mettre à genoux, pesta-t-elle intérieurement.
Elle se le jura. Ce soir était la dernière fois qu'elle laissait ce nabot avoir l'avantage.
~*~
Un mois plus tard.
Le bataillon était en bien mauvaise posture. Reiner et Bertholdt venaient de dévoiler leurs identités et de prendre en otage Eren ainsi qu'Ymir, identifiée récemment comme le titan mâchoire.
-Putain Erwin, j'espère que ton plan de nous foutre des titans au cul va marcher, maugréa Livaï.
La stratégie du major était simple. Il fallait obliger le titan cuirassé à utiliser ses mains. Car c'étaient celles-ci même qui protégeaient Bertholdt, tenant fermement Eren en otage sur son dos. Pour cela, Smith avait comme idée d'emmener une horde de titan sur Braun.
En arrivant près du titan de Reiner, Erwin s'écria :
-Dispersez-vous !
Le bataillon s'exécuta.
Au même moment, Braun rentra en plein dans la troupe de titans, rameutée par ses anciens camarades.
Merde, pesta ce dernier. Si je veux m'en sortir, je vais devoir utiliser mes mains.
Le blond réfléchit quelques instants. Puis il se rendit compte qu'il ne pouvait rien faire sans ses membres thoraciques.
Tiens le coup, Bertholdt, pensa-t-il en enlevant la protection accordé à son meilleur ami.
-Une ouverture ! s'écria soudain Mikasa, prête à s'élancer pour récupérer son frère.
-Tch, sois pas aussi impulsive, je t'ai déjà dit, pesta Livaï en arrivant près de la brune. Réfléchis avant de t'élancer. Hoover va pas se laisser toucher aussi facilement.
L'asiatique serra la mâchoire. Il avait raison. S'il elle souhaitait sauver son frère, il fallait qu'elle use de ses méninges.
De son côté, le caporal aussi évalua la situation. Les deux guerriers s'attendaient à voir débarquer la jeune soldate, mais sûrement pas lui.
-Ackerman, fit-il de sa voix grave. Élance toi sur Hoover. Je pense qu'il va chercher à t'éviter et baisser ainsi sa garde. À ce moment, je me chargerai de couper les liens qui attachent Jäger à cet enflure.
Mikasa acquiesça avant de suivre les directives de son supérieur.
Sans surprise, Bertholdt esquiva l'asiatique qu'il s'attendait à voir attaquer d'une minute à l'autre. Mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'était la présence du caporal-chef Livaï qui, d'un coup de lame, rendit la liberté à Eren.
Mikasa se précipita pour réceptionner son frère avant de rejoindre sa monture, suivit de près par le petit brun.
-On se replie ! s'écria le major en voyant l'espoir de l'humanité, de nouveau en leur possession.
De leur côté, Reiner et Bertholdt, ainsi qu'Ymir qui avait décidé de se ranger du côté des deux traîtres, se retrouvaient pris au piège par des dizaines de titans.
Mais, alors que le bataillon se pensait enfin hors de danger, de violentes explosions se firent entendre.
-Bordel, pesta Jean. Cet enfoiré de Reiner nous balance des titans !
-Continuez à avancer, s'exclama Erwin. Il nous faut regagner les murs au plus vite !
Mais de nouveau, le cuirassé éjecta les titans qui tentaient de le dévorer, sur ses anciens camarades.
Un des monstres atterri alors près d'Eren et Mikasa, les séparant ainsi du caporal.
-Mikasa ! fit le brun aux yeux émeraude, en s'apercevant que sa sœur avait amorti sa chute.
-Ça... Ça va, Eren... souffla la soldate.
Mais lorsqu'elle tenta de se relever, sa jambe gauche ne lui permit pas.
Merde, pesta-t-elle. C'est pas le moment de me casser un truc.
En apercevant la forme peu commune qu'effectuait la cheville de la brune, Eren se souvint de ce que sa mère, un jour, lui avait dit.
-Eren, le gronda gentiment Carla, alors qu'il venait une fois de plus de rentrer le visage tout amoché. Normalement, c'est aux garçons de protéger les filles ! Tu devrais protéger Mikasa toi aussi, et non l'inverse.
Le jeune homme lança alors un regard déterminé vers sa sœur.
-Je vais te porter, fit-il.
Mais alors qu'il s'apprêter à lier le geste à la parole, les deux bruns furent tétanisés.
Devant eux, se dressait l'immonde titan au cheveux blonds et au sourire aliéné, qui avait dévoré Carla Jäger, des années plus tôt.
Mikasa tenta une nouvelle fois de se lever pour trancher la nuque de ce monstre, mais impossible. Elle restait clouée au sol, ne pouvant qu'être spectatrice de la marche lente et sereine du géant qui s'approchait sournoisement.
~*~
De son côté, Livaï venait de se relever. Lui aussi avait été envoyé au sol, mais heureusement, il était indemne.
Il jeta alors un oeil autour de lui. Quand la poussière se dissipa, son cœur cessa de battre.
À quelques mètres, il aperçut Mikasa et Eren, à deux doigts de se faire dévorer.
Sans attendre il se mit en selle pour s'élancer vers la fratrie.
Pourquoi ne lui tranche-t-elle pas la nuque ?! s'insurgea le petit brun.
Il remarqua la main du monstre s'approcher dangereusement.
Il n'y arriverait pas.
Non, non, c'était impossible, il y arriverait.
Il devait y arriver.
Il avait laissé mourir Farlan et Isabel par sa faiblesse, et c'était hors de question qu'il perde Mikasa pour les mêmes raisons.
Il pressa alors sa monture d'accélérer.
Mais il n'allait pas assez vite, et il remarqua, impuissant, les doigts cyclopéens prêt à empoigner le frère et la sœur.
-Mikasa ! s'écria Livaï.
Et alors qu'il s'apprêtait à se jeter dans les airs pour les sauver, un hurlement l'immobilisa.
Devant lui, il aperçut Eren crier l'élégie poignant que clamait son coeur. Et il n'en cru pas ses yeux. Une horde de titans se jeta alors sur le monstre au sourire pernicieux qui tentait de dévorer le frère et la sœur.
Puis il remarqua Jäger avec Mikasa, quasi inconsciente sur son dos, se mettre à courir dans sa direction. Ce n'est que lorsque les deux bruns arrivèrent à sa hauteur que Livaï reprit ses esprits.
-Jäger, lâcha-t-il. Je me charge d'Ackerman. Prends la monture, là-bas.
Eren acquiesça.
Livaï attrapa alors la brune pour la faire monter devant lui, tandis que le brun aux yeux émeraude se dirigea vers le cheval près du caporal.
Puis le trio se remit à galoper.
-Ackerman, souffla Livaï. Tu m'entends ?
Mais il ne reçut aucune réponse.
Il sentit alors la peur envahir ses entrailles.
Il serra de plus belle l'asiatique contre lui.
Hors de question qu'il perde quelqu'un d'autre à cause de ces monstres. Pas elle.
Mais l'absence de réaction chez la jeune femme l'inquiétait. Et les battements de son cœur s'accélérèrent violemment, menaçant ce dernier de se faire la malle.
-Oï, Mikasa bordel, pesta-t-il de plus belle.
-C'est bon, gueule pas, je vais pas m'évanouir, maugréa la jeune femme en sentant une forte douleur lancer sa cheville.
-Putain, mais réponds quand on t'appelle, morveuse !
Heureusement, le reste du trajet se passa sans encombre.
En arrivant dans les locaux du bataillon, Livaï continua de porter Mikasa, conscient que la soldate ne pouvait pas marcher avec sa cheville en vrac.
-Euh, l'infirmerie est de l'autre côté, caporal... indiqua alors l'asiatique en remarquant que le brun se dirigeait vers l'étage des supérieurs.
-Je sais, lâcha froidement Livaï. Mais elle est déjà remplie par les soldats blessés. Ça pue, c'est dégueulasse. Je vais soigner ta cheville dans ma chambre. Il me reste de la pommade dont je m'étais servi pour la mienne.
Mikasa leva les yeux au ciel.
Toujours aussi maniaque, soupira-t-elle à elle-même.
En pénétrant dans les appartements du petit brun, ce dernier lâcha, sans aucun soin, la blessée sur le fauteuil.
Mikasa grimaça en sentant sa cheville rentrer en collision avec le sol froid. Elle foudroya Livaï du regard, mais ce dernier n'y prêta pas attention. Il se contenta simplement d'aller chercher le nécessaire pour les soins et s'affaira à s'occuper de sa blessure.
Les deux bruns ne parlaient pas, et seuls résonnaient dans la pièce, quelques grognements de la part de l'homme. Sans aucune délicatesse, il retira la botte de la jeune femme et commença à passer de la pommade sur sa cheville blessée.
Mikasa serrait les dents.
À force d'appuyer comme un dératé, il va finir par me la casser complètement, pesta-t-elle.
Elle avait bien compris que son caporal était en colère, mais la raison lui en échappait totalement. Pourtant, elle n'avait pas fait de vague et avait suivit comme il le fallait, chacun de ses ordres.
Au bout d'un moment, n'y tenant plus et pour essayer de sauver le reste de son articulation, elle demanda, agacée :
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Rien, répondit froidement Livaï.
Mikasa soupira.
-Alors si tu pouvais arrêter de malmener ma cheville, ça m'arrangerait.
-Tch, pesta le petit brun, se rendant compte qu'il était en train de serrer un peu trop fort le bandage. Pardon...
Un nouveau soupir s'échappa des lèvres de Mikasa.
-Bon, tu vas finir par me dire pourquoi tu es énervé ? Je te rappelle que ce n'est pas bien de mentir sur ce qu'on ressent.
-C'est ta mère qui disait ça, pas la mienne.
L'asiatique lui asséna un coup grâce à son pied valide.
Un faible sourire naquit sur les lèvres de l'homme, avant qu'un soupir ne vienne l'éteindre rapidement.
-Tu aurais pu mourir, si Eren n'avait pas poussé son cri de merde, lâcha-t-il, le regard fixant toujours le bandage qu'il était en train de terminé.
Mikasa plissa les yeux.
-Mais je ne suis pas morte.
-Oui, mais tu aurais pu, insista Livaï en plantant ses billes bleues dans les carbonados de la jeune femme. Si ces foutues titans s'étaient pas ramenés pour bouffer leur congénère, je ne serais jamais arrivé à temps pour te sauver.
Mikasa baissa le regard devant cette évidente vérité. C'est vrai que son frère et elle avaient eu de la chance.
-Désolée...
-Tu n'as pas à t'excuser, la coupa le brun. C'est contre moi, que je suis en colère. J'ai laissé mourir Farlan, Isabel et encore plein d'autres personnes par ma faiblesse. Mais je refuse que ça se reproduise avec toi ! continua-t-il en agrippant de son regard orageux, les pupilles grisées de la jeune femme.
L'asiatique écarquilla les yeux. Son cœur rata un battement et ses joues se mirent à la brûler. Cette déclaration la touchait profondément car, elle aussi, n'aurait pas voulu qu'il meurt. Mais elle était en même temps si déstabilisante. Ils passaient leur temps à se chamailler, et jamais une de leurs discussions n'avait prit un tournant si sérieux.
Alors sans réfléchir, elle se jeta au cou du brun.
-Merci, souffla la jeune femme.
Livaï se crispa. Il n'était pas habitué à ce genre de contact ; et la fois où Mikasa s'était réveillée en sursaut après un cauchemar lui revint en mémoire.
Décidément, lâcha-t-il intérieurement. T'as pas changé, toujours aussi impulsive dans tes réactions, merdeuse.
Cependant, sentir ce corps chaud, et surtout vivant, contre le sien, lui faisait énormément de bien. Alors, un peu maladroit, il finit pas répondre à son étreinte.
Puis au bout de quelques secondes, la brune se recula, mais son mouvement s'arrêta en croisant les saphirs brillants du petit brun.
Leurs visages étaient proches, leurs respirations saccadées par les soubresauts de leurs cœurs, et leurs joues rougies par l'instant. Leurs lèvres n'étaient plus qu'a quelques centimètres les unes des autres, et chacun pouvait sentir le souffle de son interlocuteur.
Sans réfléchir, Livaï captura la bouche la jeune femme sous les yeux écarquillés de cette dernière, mais elle le laissa faire.
C'était un baiser maladroit, chaste, mais tout de même remplit de passion.
Cependant, l'homme rompit précipitamment l'échange en se rendant compte de ce qu'il venait de faire.
-Dé... Désole, lâcha-t-il. Je... Je ne sais pas ce qui m'a prit.
Il évita volontairement le regard de la jeune femme.
L'asiatique resta stoïque, encore abasourdie par ce qu'il venait de se passer.
-Ce... Ce n'est rien, souffla-t-elle, le visage toujours vierge de la moindre émotion.
Puis en se relevant, elle se racla la gorge :
-Je... Je vais y aller, fit-elle en veillant à ne pas rencontrer le regard de Livaï. Encore merci pour la cheville.
-De rien, acquiesça l'homme, une expression sur le visage guère plus vivante que sur celui de sa subordonnée.
En refermant la porte derrière elle, Mikasa plaqua sa tête contre le mur adjacent, histoire de reprendre ses esprits.
Quels étaient tout ces sentiments qui semblaient se livrer une guerre féroce dans son corps ? Pourquoi son coeur était-il ainsi affolé en goûtant les lèvres de cet homme ?
Mikasa pensa à Eren. Oui, elle aimait Eren, c'était son frère, il était important pour elle. Et même si elle avait toujours su que Livaï, aussi, comptait à ses yeux, le sentiment qu'elle ressentait à son égard était si flou. De la rancœur, pour l'avoir abandonné quand elle était petite, de la haine, pour avoir frappé son frère, du respect, pour sa force supérieure à la sienne qu'elle jalousait également, mais il y avait autre chose. Un je ne sais quoi qui faisait exploser son coeur quand il était près d'elle, qui contractait son bas ventre durant leur altercation, qui apaisait ses angoisses quand elle sentait son odeur citronnée.
De son côté, Livaï était tout aussi perdu que sa cadette. Quel mouche l'avait piqué de l'embrasser ?
Mais en voyant ses yeux gris le dévisager, le stress d'avoir pu la perdre et le bonheur de sentir encore son cœur battre, une multitude de sentiments l'avaient submergé.
Cependant, Livaï savait que c'était mal. Elle lui avait bien fait comprendre que seuls Eren et Armin comptaient à ses yeux.
Lui ne représentait qu'une vulgaire ombre de ses souvenirs, effacée par le temps.
~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~
Hey, voilà le deuxième chapitre terminé !
J'espère qu'il vous aura plu 🤭
Écrire cette Rivamika s'annonce plus ardu que je ne l'aurais pensé. Effectivement, je me retrouve avec deux protagonistes qui se connaissent déjà, donc la romance et leurs manières d'agir est totalement différente ;-;
En tout cas, j'ai hâte de lire vos commentaires qui me font toujours énormément plaisir :)
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