Chapitre 21 - Fillette (Partie 2)

- Putain, Stef! La gamine m'a encore piqué mes clopes!

Remy fouillait dans toute la planque en grommelant, sous le regard amusé de son ami.

- J'te jure, t'aurais dû l'élever à coup de taloches, moi j'te dis.

- C'est toi qui lui a appris à chaparder, je te signale, railla Stefan. Tu peux t'en prendre qu'à toi même.

Remy grogna derechef.

Voilà quelques années maintenant que la fillette faisait partie de leur vie. Et encore, "fillette" était un euphémisme: Ash entrait doucement dans l'adolescence. Elle devait approcher ses quatorze ans - elle même ne savait pas son âge exact, ainsi ils fonctionnaient par déduction -, au vu de sa fine silhouette d'enfant qu'elle avait délaissé pour se muer en une jolie adolescente, aux courbes plus sculptées quoiqu'encore imprécises. 

Les débuts n'avaient pas été faciles, surtout avec Remy qui avait été complètement rigide face à la décision de son ami de prendre en charge la gamine; il la tolérait à peine. Petit à petit, il s'était pourtant habitué à sa présence, puis avait découvert l'étrange état d'esprit de la petite. Là dessus, il rejoignait l'avis de son compère: cette fille était décidément trop mature pour être considérée comme étant une simple enfant. Quelque chose dans ses yeux bleus affirmait une sagesse et un savoir prononcé, dont les gamins normaux n'étaient pas dotés. Enfin, il avait fini par l'apprécier pleinement au même titre que son nouveau père de substitution, s'était occupé d'elle, lui avait appris à survivre à sa manière, tandis que Stefan lui enseignait des choses que Remy considérait comme bien plus abstraites, comme le sens du devoir, la loyauté, la confiance et surtout l'amour.

Ash s'était ainsi épanouie au milieu de ces deux hommes en cavale, qui vivaient une véritable existence de truand, volant et squattant au gré de leurs opportunités. Ils avaient dû changer de planque très souvent; ils ne restaient jamais au même endroit plus de quelques mois, et vivaient ainsi sans attaches, le seul point d'ancrage de la fillette étant ces deux hommes, qui incarnaient la famille qu'elle n'avait jamais eue. 

La fillette s'était vite adaptée à sa nouvelle vie; elle n'était pas si différente de l'ancienne, à la seule différence qu'elle partageait à présent son existence avec Stefan et Remy. Elle n'avait jamais été considérée comme une charge, un poids à porter - à part du point de vue de Remy, qui, les premiers mois, l'avait pris pour une simple gamine pleurnicharde qui ne leur apporterait rien d'autre que des ennuis -, mais étrangement comme une égale, un membre à part entière du petit groupe qu'ils avaient formés, tous les trois. Ash apprenait extrêmement vite, ce qui leur avait évidemment facilité la tâche; elle avait rapidement assimilé les règles de bases en terme de vol de grande envergure et de discrétion, et avait ainsi vite contribué à leur survie sans les mettre en danger. Elle s'activait et travaillait autant que ses protecteurs, qui n'avaient pratiquement aucunement besoin de lui allouer une éducation particulière: avant leur rencontre, elle savait déjà très bien parler, se déplacer avec discrétion, connaissait les bases d'une hygiène correcte et pour couronner leur immense stupéfaction, avait des rudiments en terme de lecture et d'écriture. 

Où avait-elle acquis des connaissances pareilles? Les deux hommes s'efforçaient de lui soutirer d'autre réponses que son éternel "J'ai appris ça toute seule", qui était tout bonnement invraisemblable. Et pourtant, les seules lacunes évidentes qu'elle possédait se situaient au niveau des interactions sociales: avec le temps, il découvrirent, au comble de l'ahurissement, qu'elle ne semblait tout bonnement avoir tergiversé avec personne d'autre qu'eux durant sa jeune existence. Elle n'avait aucune idée de ce qu'étaient les notions d'amitié, d'amour, de partage; elle les exprimait pourtant inconsciemment avec eux, sans savoir mettre un mot dessus. Elle ne comprenait pas non plus le nom des émotions issues de la sociabilité, tel que la colère, la tristesse, la joie. Le seul sentiment qu'elle semblait connaître sur le bout des doigts était la peur, sous toutes ses déclinaisons: de la méfiance à la terreur, viscérale, en passant par la conscience du danger et la panique.

N'ayant jamais vécu autrement, Ash était profondément convaincue que son sort était tout à fait normal, qu'il n'y avait rien à redire sur le supplice qu'était sa vie. Ses deux nouveaux amis avaient beau tenter de lui expliquer ce qu'était une existence paisible, le doux sentiment d'entrer sous les couvertures chaudes d'un lit douillet le soir sans avoir à appréhender le lendemain: elle ne pouvait tout simplement pas l'envisager. Elle avait accepté son sort comme on accepte un présent d'une personne chère; tout le reste semblait appartenir à un autre monde.

Elle n'était pourtant pas une enfant morne et insipide pour autant: au contraire, elle incarnait un véritable éclat de vie. Toujours enthousiaste de découvrir ce que Stefan et Remy avaient à lui apprendre chaque jour, elle était dotée d'une humilité sans pareille, d'une intelligence hors-norme, d'une capacité de compréhension aberrante et d'une mentalité hardie à toute épreuves. Cette gamine était le mystère à l'état pur.

Elle avait petit à petit appris à découvrir le son de son propre rire, avide de découvrir le nouveau monde qui s'offrait à elle, en compagnie de ces deux hommes qui représentaient à présent tout son univers.

C'est ainsi qu'elle avait grandi: dans la paradoxale quiétude d'une vie de bandit.

***

- Ahaaaaah! Je t'ai trouvé, petite chipie! Rends moi mes clopes!

Remy savait toujours où trouver la gamine: depuis que Stefan lui avait appris à ne plus craindre le vertige, elle avait fait des toits son lieu de prédilection. Elle passait ses rares heures où elle n'avait rien à faire sur les tuiles des bâtisses les plus hautes: c'est là que le basané la retrouva, cigarette au bec. 

- T'aurais jamais dû commencer à fumer cette daube, t'es trop jeune. Encore moins si c'est pour me piquer les miennes tout le temps.

- Dixit le voleur en herbe qui se vante à longueur de temps d'avoir ingurgité sa première bouteille de gnôle à neuf ans. Tes sermons, tu peux te les carrer au cul, hein.

Ash avait perdu sa voix fluette d'enfant, qui s'était muée en un timbre plus profond, vibrant. "Vache, elle a grandi", réalisa silencieusement Remy en détaillant celle qu'il considérait à présent comme sa sœur, ou sa fille, il ne savait même pas.

- Haha! rit-il en lui flanquant une tape affectueuse dans le dos. On voit que mes enseignements ont donné, jolie répartie!

- Et puis, j'aime bien, avoua t-elle au bout de quelques minutes, en fixant le bâton incandescent qu'elle tenait entre ses doigts. Je pense que tu peux comprendre, c'est... L'envie d'avoir envie, tu vois?

Remy secoua la tête, dubitatif. Il ne comprenait rien à la poésie des mots, aux métaphores et toutes ces conneries. Tout ça, c'était le truc de Stefan, et la gamine lui en avait hérité. Lui avait tendance à tout comprendre de travers lorsque les phrases n'étaient pas explicites, ou avaient un sens caché.

- Traduction, gamine. T'essaies de me dire que t'as envie d'une bricole que tu peux pas avoir, et que tu compense avec la fumette, c'est ça? tenta-il, fier de sa déduction.

Ash pouffa.

- Laisse tomber, espèce de guignol.

Pourtant, il semblait invraisemblablement avoir touché le cœur du problème: Ash manquait de quelque chose, sans savoir quoi exactement. Elle était pourtant bien, là, à vivre avec Stefan et Remy, comme si le reste du monde n'existait pas. Elle choisit de garder ses petits problèmes pour elle, sachant pertinemment que le basané n'en comprendrait pas un mot.

- Remy, tu sais très bien que je vais te poser la question.

L'interpelé soupira. Maintenant qu'elle avait grandi, les sujets qui étaient restés obscurs pendant un temps avaient besoin d'être élucidés, et il le comprenait parfaitement. Mais Stefan n'était pas du même avis.

- Je sais que Stefan a le besoin viscéral de me préserver de je sais pas quoi, mais ça me saoule. Vous savez très bien, tous les deux, que je suis apte à comprendre, non?

Remy garda le silence. S'il l'ouvrait, il risquait de sortir une boulette.

- Remy, pourquoi est ce qu'on vit comme des bandits? Pas que ça me dérange, mais vous êtes loin d'être comme tous ces clochards qui vivent dehors comme nous. Vous êtes pas nés à la rue, hein? Qu'est ce que vous fuyez?

- Ferme-la, sérieux. T'es trop jeune.

- Tu me sors toujours ces mêmes conneries. Tu sais très bien que je peux comprendre. Vous avez peur que je vous balance quand je découvrirai la vérité, c'est ça? Sérieux, après tout ce temps, vous avez pas confiance en moi?

Elle avait prononcé cette dernière phrase tristement, ce qui n'échappa à son aîné.

- Toi, arrête de dire des conneries. Tu sais très bien que c'est pas une question de confiance, espèce d'imbécile.

- Alors raconte-moi, s'il te plaîîîît! geignit-elle en lui lançant un regard suppliant.

Aussi mature qu'elle pouvait-être, elle savait utiliser ses qualités de gamine, y'avait pas à dire.

- On a déserté de la garnison, lâcha t-il platement. On est recherchés et passibles de la peine de mort. Point barre.

- Mais je sais déjà, ça! Je sais aussi que c'est pas la seule raison de votre fuite. Parce que si c'était le cas, on ne resterait pas aux alentours d'Utopia, là où ça grouille de soldats, à se terrer comme des rats. Vous me prenez pour une bleue, ou quoi?

Putain, qu'elle était perspicace!

- On ne peut rien te cacher, bordel, siffla Remy entre ses dents.

- Ahah! cria t-elle en le pointant du doigt. Pris la main dans le sac! Je savais qu'il y avait autre chose!

- Laisse tomber, Ash. On peut rien te dire.

Et malgré les tentatives incessantes de l'adolescente à leur sortir les vers du nez, aucun des deux hommes ne lui dévoilèrent jamais la vérité.

***

- Tu fais quoi, Stef? s'enquit Ash, sur la pointe des pieds derrière l'homme aux yeux clairs, en espérant voir par dessus ses larges épaules son mystérieux projet qu'il avait maintenu secret depuis le début des premières neiges. 

L'automne avait laissé place à un hiver glacial et difficile. Alors qu'ils passaient normalement leur temps à échafauder divers plans dans le but de dérober quelques chariots de marchandises, la petite bande était à présent en congés forcés, les commerçant ayant pour la plupart cessé leurs activités durant la saison froide. Ayant fait assez de réserves pour tenir quelques mois, les trois compères étaient à présent poussés à l'inertie, ce dont ils n'étaient aucunement habitués, et goûtaient à l'ennui pour la première fois.

- Justement, j'ai terminé! s'exclama fièrement Stefan, cachant ce qui était apparemment un objet derrière son dos.

- Qu'est ce que c'est ? demanda vivement la jeune fille, les yeux brillants de curiosité.

Stefan lui dévoila alors un étrange instrument qu'elle avait déjà vu parfois entre les mains de certains mendiants, dont ils faisaient sonner les cordes en espérant obtenir quelques pièces en retour.

Ash saisit l'objet que lui tendait Stefan, détaillant avidement l'espèce de caisse modelée en bois prolongé par un long manche sur lequel courraient six cordes métalliques.

- C'est quoi? réitéra Ash, perplexe.

- C'est une guitare, expliqua Stefan. Ça sert à jouer de la musique.

- De la musique?

- Viens, je vais te montrer ce que c'est.

Il entraîna la fillette par la main et l'invita à s'asseoir sur un ballot de paille qui leur servait de paillasse. Il prit l'instrument entre ses mains, fit parcourir ses doigts le long des cordes d'où s'échappa alors une douce mélodie, vibrante, insouciante. Ash était subjuguée.

- Apprends moi à faire ça! s'exclama t-elle, fascinée.

Stefan rit et plaça l'instrument dans les bras de la bouclée, se lançant dans de longues explications passionnées. Ash l'écouta, attentive, et tenta de réitérer ses conseils sur l'instrument. Elle grimaça lorsque les cordes ne produirent qu'une faible sonorité dissonante, débraillée.

- C'est normal, rit Stefan en observant la moue dépitée de sa protégée. C'est énormément de travail. Tu es prête à tenter le coup quand même?

Ash acquiesça vivement, une lueur déterminée dans ses yeux bleus.

La jeune fille passa ainsi l'hiver à gratter les cordes de l'instrument, sous le regard attendri de Stefan et les grommellements incessants de Remy. 

La musique était chose rare dans leur univers, un domaine mystérieux qui avait immédiatement fasciné la fillette. Elle vouait une passion intarissable pour cet instrument si captivant, dont la mélodie leur faisait oublier ne serait ce que pour quelques instants leur condition marginale, leur profonde peur ensevelie de se faire prendre chaque jour. Elle embaumait leurs cœurs, et rien que pour la fière expression que Stefan affichait dès qu'elle sortait l'instrument, Ash avait fait de la guitare son troisième bras, leur prodiguant sans cesse la possibilité de s'évader de leur torpeur une dernière fois.

Elle avait fait des progrès fulgurants, indéniables. "Comme dans tout ce à quoi elle s'attelait", pensa Stefan, qui vouait une profonde admiration pour cette véritable petite prodige. Elle passait son temps à la sidérer. 

Mais il ne lui avoua jamais que la raison des longues heures passées à fabriquer cet instrument n'était pas seulement de faire taire son ennui permanent. Il avait espéré que lui allouer une occupation prenante lui ferait enfin oublier les horribles cauchemars desquels elle était prisonnière chaque nuit.

Parce que depuis ce jour où sa ville avait été ravagée par ces monstres, ils avaient continué à hanter ses nuits, intangibles, et cela ne lui avait pas échappé, malgré les réticences de la jeune fille à en parler. Il l'entendait hurler toutes les nuits, et s'en voulait d'être aussi impuissant face à la détresse constante de sa protégée. Elle avait ce regard voilé en permanence qui en disait long sur sa souffrance, et aussi proche pouvait-il être de sa cadette, il la sentait irrémédiablement ailleurs, comme intouchable, inaccessible. Elle était entourée de cette brume immuable qui faisait d'elle un être à part, lui prodiguant cette étrange lueur dans ses yeux témoignant de son indiscutable différence avec le reste du monde. Plus elle grandissait, et plus cet halo de mystères prenait le dessus, l'éloignant doucement mais sûrement de ce petit être aussi fascinant qu'impénétrable.

Ainsi, il avait tout tenté pour chasser ce mal atroce qui la rongeait et de la rapprocher de lui, lui qui l'aimait tant, de peur que cette infime barrière qui se dressait petit à petit entre leurs deux êtres ne se fortifie avec le temps. 

Ce qu'il ne savait pas, en revanche, c'est que ce mal était trop profondément ancré dans les profondeurs de son âme pour qu'il ne puisse jamais la libérer. Il provenait d'un temps dont il n'avait même pas idée, et avait prit sa source dans le tumulte d'une destinée condamnée. 

***

- C'est vraiment, mais vraiment pas cool de me donner le sale boulot tout le temps, les gars.

Remy pouffa, Stefan lui lança un regard mi-amusé, mi-désolé.

Dans la plupart de leur "mission cambriolage", Ash servait d'appât, détournant l'attention des victimes tandis que ses deux acolytes s'empressaient de leur voler leurs biens. Les victimes en question étaient souvent de riches commerçants venus de la capitale en espérant voir fleurir leurs affaires, qui vendaient du rêve en bouteille.

Ils alléchaient les pauvres gens de la périphérie en leur faisant croire qu'ils achetaient des objets de valeur inestimable à bas prix et de la nourriture luxueuse pas chère, alors que leurs biens n'avaient pas plus de valeur que celles des commerçant locaux. Du profit de la misère et des rêves vains de la population amoindrie à l'état pur.

Ils criaient haut et fort que c'était eux qui faisaient tourner leur minable économie, et la population se sentait redevable. Ainsi, la petite bande de voleurs avait choisi ce genre d'arnaqueurs pour cible de prédilection.

Malgré leurs nombreuses activités illicites, il n'était pas dans les habitudes du trio de s'en prendre gratuitement aux braves gens. Ils n'étaient pas nés à la rue, comme dirait Ash, et loin d'être profondément mauvais comme le commun des criminels. Ils volaient essentiellement pour survivre à leur cavale, et parfois espérer se faire un peu d'argent, ni plus, ni moins. Ainsi, ils s'efforçaient de dérober aux gens ce qu'ils pouvaient se permettre de perdre, selon leur jugement et ce que leur conscience leur permettait. Ils s'attaquaient surtout aux personnes à l'image de ces marchands de la capitale: imbus d'eux-mêmes, piétinant ceux qu'ils considéraient ouvertement comme leurs inférieurs sans vergogne. Sur ce plan là, leur conscience leur donnait le feu vert.

Aujourd'hui, Ash avait pour mission d'attirer le gérant du commerce ciblé dans sa réserve. Pendant ce temps, ils s'empresseraient de dévaliser les rayons et prendre directement la poudre d'escampette. La tâche était rude: il fallait faire vite dans un premier temps, et surtout essayer d'agir avec discrétion pour ne pas attirer l'attention des passants une fois qu'ils fuiraient dans les rues pavées. Pour cela, ils fourraient la marchandise dans de larges sacs de voyage puis se fondaient dans la masse de passants, faisant mine d'être de simples nomades de passage.

Ils étudiaient minutieusement les horaires de leurs "victimes", et surtout spéculaient sur les allées et venues dans la boutique. Le scénario idéal était celui d'une ruelle bondée et d'un magasin vide; seulement, ils s'en remettaient qu'à de simples hypothèses et les risques de se faire prendre n'étaient pas moindres. Ce genre de stratagèmes aurait été plus efficace dans les Bas-fonds, là où la criminalité était ordinaire et les forces de l'ordre quasi-absents; la tâche des voleurs à la surface n'était pas aussi "aisée", disait souvent Remy, qui se faisait violemment réprimander par Stefan lorsque ce genre de propos franchissait la barrière de ses lèvres. Stefan était profondément convaincu que leur condition ne devait pas être comparée à la misère des bas fonds, tant le trio vivait bien comparé à la population de la ville souterraine. L'ancien militaire semblait savoir de quoi il parlait, mais Ash s'était toujours gardée de le questionner à ce sujet, le considérant comme tabou.

Ils étaient rodés, à présent. Le trio avait déjà effectué ce genre de besogne des dizaines de fois, et avaient assez d'expérience en terme d'auto-défense pour savoir réagir convenablement si les choses venaient à mal tourner. Une seule règle revenait toujours aux lèvres de Stefan, fondamentale: ne pas tuer.

A ses yeux, chaque vie humaine quelle qu'elle soit était infiniment précieuse. S'abaisser à tuer reviendrait à prouver que l'on possède autant d'humanité que ces titans qui les bouffaient sans état-d'âme. Il y avait toujours une solution pour se sortir de la plus désespérée des situations, autre que le meurtre. Stefan avait assez martelé ce principe dans la tête de la jeune fille pour qu'il fasse entièrement partie d'elle, presque viscéral. Jamais elle ne tuerai autre chose que des titans.

C'est sur cette pensée que le trio arriva devant la devanture du commerce qui ferait les frais de leur méfaits cette après midi là. Ash soupira devant les œillades de ses deux acolytes lui indiquant qu'il serait plus que temps qu'elle se mette au travail, et entra.

Elle constata tout d'abord que la boutique était complètement déserte. "C'est déjà ça", se dit-elle. Ses comparses, postés devant le magasin tout en restant invisibles depuis l'intérieur s'arrangeraient pour dissuader quiconque voudrait entrer.

Ash fit mine de faire innocemment le tour des rayons, avant de s'approcher du comptoir, l'air de rien, serrant les lanières de son sac de voyage.

- Excusez-moi, monsieur?

Le gérant se retourna vers la petite voix qu'il venait d'entendre. Il détailla la fillette, ou plutôt, l'adolescente qui lui faisait face, dédaigneux. Il leva l'un de ses sourcils broussailleux lorsque son regard s'accrocha à la large cicatrice qui débordait dans le cou de la gamine, et une étrange lueur dans le fond de ses yeux s'alluma.

- Oui?

- Je cherche une variété de thé que vous n'ai pas trouvé dans vos rayons...

Ash lui précisa le nom de la marque - qui était complètement fictive, soit dit en passant - et après un dernier coup d'œil méfiant, l'homme s'engouffra derrière le rideau de sa réserve en lui disant de patienter, le temps qu'il vérifie s'il possédait ce qu'elle demandait.

Aussitôt disparu derrière la toile du rideau, Ash fit signe à ses compagnons d'entrer et ils s'attelèrent vivement à dérober tout ce qui leur passait sous la main, tandis que Remy restait faire le guet devant la porte, au cas où quelqu'un aurait l'idée d'entrer pendant leur méfait. Ils savaient qu'ils avaient environ trois minutes avant que le gérant ne revienne, et ils accélérèrent le rythme.

Ash s'empressait de vider la caisse lorsqu'elle entendit le bruit d'un déclic juste derrière sa tête.

Elle se retourna lentement jusqu'à ce qu'elle découvre le canon d'un fusil pointé juste entre ses deux yeux. Elle lâcha immédiatement tout ce qu'elle avait entre les mains et les leva, les yeux écarquillés.

- Je t'ai reconnue, petite garce! jubila le gérant. Tes sales balafres ne passent pas inaperçues, ici!

L'adolescente scruta avec horreur l'homme appuyer sur la détente doucement.

- Tu va crever, petite racaille!

- NON! ASH!

Stefan bondit de sa cachette entre les rayons pour se jeter sur le gérant qui dévia son tir in extremis, surpris. Ash en profita pour lui asséner un coup de genou bien placé, mais ce dernier l'esquiva et pointa à nouveau son fusil sur la tête de la fillette.

- Bouge pas, connard, ou je lui fait sauter la cervelle.

Stefan se stoppa net, main levées. Le gérant afficha un sourire carnassier, se délectant de la situation.

- Vous n'êtes qu'une bande de salopards, hurla t-il de sa voix gutturale, triomphant. Je vous ai pris la main dans le sac, espèces de charognes! Avec ce barouf, la garnison va se ramener, et vous allez fissa filer à l'échafaud, sales...

Un craquement sourd se fit entendre. Les yeux du gérant s'écarquillèrent subitement et sa voix s'étrangla avant qu'il ne s'effondre de tout son long sur le comptoir, devant les expressions ébahies de Stefan et Ash qui se pensaient définitivement acculés.

Derrière le corps inanimé de l'homme se tenait un adolescent châtain aux yeux sombres, une batte en bois entre ses deux mains qui venait visiblement de cogner le crâne du commerçant.

- Suivez-moi, souffla t-il à l'adresse des deux compères ahuris. Je connais un endroit où vous cacher.

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