Mi-Rae était là, assise au premier rang, plongée dans une profonde solitude. Le murmure de la pause déjeuner flottait dans l'air, mais elle avait choisi de rester en classe, préférant l'intimité offerte par ses cahiers de notes. Le goût de l'appétit était fade, et aucun compagnon ne venait partager son temps.

Les deux seules filles qui lui adressaient parfois la parole étaient déjà unies par une amitié ancienne, laissant Mi-Rae se sentir, à certains moments, exclue. Alors, dans ces instants de détresse, elle se retirait dans la douceur de sa propre compagnie.

Ses cheveux, tressés en deux nattes soigneusement nouées, laissaient entrevoir les contours délicats de son visage. Entre ses doigts tenait un crayon, avec lequel elle s'adonnait aux exercices avec une infinie délicatesse. Puis, elle saisit une feuille dans son classeur et s'abîma dans la lecture attentive de son texte pour le club d'écriture. Monsieur Cho leur avait donné pour mission d'écrire quelques lignes qui révéleraient leur essence véritable.

Dehors, par la fenêtre, les arbres étreignaient l'air frais, leurs feuilles dansantes créant une symphonie visuelle. Telles des âmes protectrices, ils offraient à Mi-Rae un réconfort silencieux et immuable.

Mi-Rae se concentrait sur la correction de quelques mots dans son texte. Elle était une jeune fille perfectionniste, aimant que tout soit en ordre. Certains la qualifiaient d'intello ou de coincée, mais elle avait finalement décidé de ne plus prêter attention à ces étiquettes.

Soudain, une voix se fit entendre, une voix que Mi-Rae connaissait bien. "Mi-Rae ?" dit la voix. "Qu'est-ce que tu fais toute seule ici ?"

C'était Young-Jae qui se tenait debout à la porte, le front légèrement froncé. Mi-Rae ne savait pas vraiment pourquoi elle le détestait autant. Peut-être était-ce parce qu'il la surpassait dans toutes les matières sans effort apparent, ou peut-être était-ce parce qu'il avait été nommé délégué sans même y penser, suscitant ainsi une jalousie vertigineuse en elle.

"Et toi ?" répliqua Mi-Rae. "Pourquoi es-tu là ?"

Young-Jae haussa les épaules d'un air détaché.

"Je passais par là et je t'ai vue. Je vais rejoindre mes amis dehors. Que révises-tu ? Y a-t-il un contrôle ?"

Mi-Rae regarda Young-Jae avec perplexité. Même si, à cet instant précis, elle ne révisait pas réellement, c'était simplement parce qu'elle l'avait déjà fait la veille. Oui, il y avait un contrôle prévu pour l'après-midi, mais il semblait que Young-Jae l'ait complètement oublié.

Une part d'elle voulait lui dire la vérité, mais la jalousie s'empara de ses pensées. Pour une fois, elle désirait le surpasser, mais elle souhaitait le faire de manière loyale.

"Nous avons effectivement un contrôle en chimie juste après la pause déjeuner", déclara-t-elle d'un air suffisant, un sourire narquois se dessinant sur ses lèvres. "Mais comme tu le sais, ce cours est plutôt vaste. Si tu n'as pas révisé en avance, tu ne t'en sortiras pas."

Elle espérait secrètement qu'il serait pris au dépourvu, que ses mots agiraient comme une piqûre d'orgueil. Mais au fond d'elle, elle savait qu'elle voulait le surpasser en étant la meilleure version d'elle-même, sans avoir besoin de tricheries ou de moqueries.

Young-Jae écarquilla les yeux et sortit son téléphone portable, composant rapidement un numéro.

"Jimin, pourrais-tu me passer Tae, s'il te plaît ?" fit-il d'une voix pressée. "Tae ? Savais-tu que nous avions un contrôle en chimie aujourd'hui ?" Un silence s'installa, témoignant de la réponse de son interlocuteur. "Quoi ? Tu le savais mais tu ne m'as rien dit ? Traître. Dis à Jimin que je vais rester en classe pour réviser un peu."

Il raccrocha, puis se précipita vers le dernier rang, saisissant ses notes de chimie et les ouvrant fiévreusement.

"Quoi ? Tu vas lire maintenant ? Alors qu'il nous reste moins d'une heure avant le contrôle ?" s'exclama Mi-Rae, ébahie.

"Eh bien oui, vaut mieux ça que rien", répondit Young-Jae, les yeux rivés sur ses notes.

Mi-Rae soupira d'agacement, puis se replongea dans sa propre lecture. Hors de question de laisser Young-Jae la surpasser dans ce cours, surtout quand elle avait révisé pendant la moitié de la nuit. Une détermination féroce l'envahissait alors qu'elle se préparait à donner le meilleur d'elle-même.

°

Assis en cercle dans la salle du club d'écriture, ils écoutaient avec une attention presque sacrée les paroles de Monsieur Cho.

"J'ai remarqué que vous avez tous fait le devoir que je vous ai donné", commença-t-il. "Et pour rappel, n'oubliez pas que je vous ai demandé de parler de vous-mêmes, de quelque chose qui vous caractérise d'une manière ou d'une autre. Maintenant, chacun d'entre vous se lèvera et lira son propre texte. Nous ne sommes pas nombreux dans ce club, et je souhaite que nous puissions tous nous connaître pour avancer ensemble."

Après ce discours, un par un, les élèves se levèrent. Il y avait des textes brillants, d'autres plus timides, certains humoristiques... Et enfin, vint le tour de Mi-Rae.

"Voilà, comme vous le savez, je suis Jung Mi-Rae, et mon texte s'intitule 'Solitude, ma douce compagne'."

Un silence s'installa dans la pièce, alors que les mots de Mi-Rae commençaient à prendre vie, peignant des images de solitude et d'introspection.

"Dans les méandres obscurs de l'âme, elle se faufile avec une grâce insondable, drapée de sa cape grise qui nous enserre. Solitude, éternelle compagne de l'isolement, elle erre avec délice dans les recoins oubliés de nos existences. Elle susurre des pensées d'éloignement, donne vie à des mélodies mélancoliques, et tisse de subtiles toiles d'absence. D'une main douce mais inébranlable, elle s'insinue entre les liens qui nous unissent, évoquant notre fragilité profonde. Mais derrière ses traits délicats et ce regard énigmatique, elle joue aussi le rôle d'une enseignante bienveillante. Elle nous apprend l'importance de l'autre, des gestes de compassion et la magie d'une connexion profonde. C'est dans les ténèbres de la solitude que l'éclat de la véritable compagnie se révèle..."

Les phrases continuaient et se mêlaient aux murmures du silence, créant une atmosphère à la fois mélancolique et envoûtante. Les regards des autres membres du club se teintaient d'un mélange de compréhension et de curiosité, car ils avaient tous leur propre relation avec la solitude.

Une fois que Mi-Rae eut terminé, les applaudissements fusèrent, remplis d'appréciation et de respect. La puissance de ses mots avait touché quelque chose au plus profond de chacun, réveillant des émotions enfouies et des réflexions personnelles. C'était dans ces moments de partage que le club d'écriture prenait tout son sens, et ils savaient qu'ils avanceraient ensemble, s'inspirant les uns les autres dans leur voyage littéraire.

"C'était magnifique, Mi-Rae. Je ne savais pas que tu avais un tel talent..." murmura Young-Jae, assis à ses côtés. "C'était vraiment émouvant..."

Étrangement, une certaine colère s'insinua en elle. Pourquoi s'était-il rapproché autant pour lui dire cela ? Ne réalisait-il pas à quel point c'était gênant pour elle ? Pourquoi Young-Jae avait-il cette désinvolture constante, comme si la vie était un long fleuve tranquille pour lui.

"Comme si tu pouvais comprendre..." murmura Mi-Rae.

"Quoi ?" demanda-t-il.

"Tu es toujours entouré, toutes les filles de la classe tournent autour de toi. Tu ris sans cesse avec tout le monde. Je ne t'ai pratiquement jamais vu seul, ne serait-ce qu'un instant. Comment pourrais-tu comprendre la solitude ?" méprisa-t-elle.

Young-Jae la fixa pendant un long moment, puis se leva, car c'était à son tour de lire son texte. Avant de le faire, il murmura à Mi-Rae :

"Ce sont parfois ceux qui sont le plus entourés qui se sentent le plus seuls."

Ces mots résonnèrent dans l'air, emplis d'une vérité profonde. Mi-Rae resta silencieuse, ses pensées tourbillonnant dans son esprit. Peut-être qu'elle avait mal jugé Young-Jae. Peut-être que, derrière son attitude insouciante, se cachait une solitude qu'elle ne pouvait pas comprendre.

"Comme vous le savez, je suis Kim Young-Jae." Fit le jeune délégué. "Mon texte s'intitule Masque. Et j'avoue avoir longuement douté avant de décider de vous lire ce texte mais c'est tout ce que j'ai pu faire."

"Je m'enferme dans un masque, un voile qui couvre ma vérité.
Ma tristesse se mue en une froide lassitude, éternelle compagne.
Les mots des autres ricochent sur mon insondable vide,
Je feins la compassion, mais mon âme est déserte, dépourvue d'écho.
Un sourire superficiel illumine mes lèvres, sans éclat.
Les rires et les plaisanteries se gravent sur un visage figé,
Mais la joie s'est éclipsée, évanouie dans l'oubli, dans l'habitude.
Un simulacre de bonheur, prison dorée de mon existence moribonde.
Je préfère murer mes vérités dans l'obscurité des non-dits,
Fuyant les regards qui pourraient déceler mes failles cachées.
Je suis un menteur à moi-même, à celles et ceux qui m'entourent,
Prisonnier d'un silence, d'un tourment qui s'acharne à me taire.
Les mots se font énigmes, douloureux murmures de mon âme effacée.
Le vide m'emprisonne, me dérobe l'essence même de ma vie.
Je suis une énigme moi-même, perdue dans les méandres obscurs,
Un poème sans rime, un mystère sans réponse, une ombre désolée."

Une fois qu'il eut terminé de lire son texte, un silence respectueux enveloppa Young-Jae. Puis, lentement mais sûrement, ses onze camarades se mirent à applaudir.

"Wow mec, tu es un véritable génie ou quoi ? En cours, tu nous as surpris avec un 95/100 au texte pour l'élection du délégué, et maintenant tu nous offres encore une fois un texte magnifique. Bravo !" s'exclama l'un des garçons du club, admiratif.

Alors qu'il reprenait place, Mi-Rae le fixait intensément, perdue dans ses pensées.

"Quoi ?" demanda Young-Jae.

Mi-Rae ne répondit pas, se contentant de détourner les yeux vers Monsieur Cho, le professeur du club d'écriture.

Dans son regard, il y avait un mélange de fascination, d'admiration et peut-être même d'un soupçon de jalousie. Elle se rendait compte que Young-Jae avait cette capacité incroyable à briller dans n'importe quelle situation, à impressionner les autres avec sa facilité et son talent. Mais en même temps, cela suscitait en elle un désir de comprendre ce qui se passait dans son monde intérieur. Alors, elle se tourna vers leur professeur, cherchant des réponses dans les yeux bienveillants de Monsieur Cho, espérant qu'il pourrait effacer cet intérêt soudain pour Young-Jae.

°

Le soleil couchant embrasait le ciel de teintes dorées et pourpres, peignant des ombres dansantes sur les murs du complexe sportif. Jimin, tout essoufflé après son cours de danse intense, sortit enfin du bâtiment, son corps vibrant d'énergie et ses cheveux humides collés contre son front. Il essuya la sueur qui perlait sur son front, profitant de la brise légère qui caressait son visage.

Alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui, il aperçut Yoongi, adossé nonchalant à un mur, les bras croisés. Le cœur de Jimin fit un bond dans sa poitrine à la vue de son cher ami, qui l'attendait avec un léger sourire. "J'ai traîné plus que prévu au lycée aujourd'hui et comme le complexe est pas loin, j'suis venu t'attendre", dit-il d'un ton détaché.

Jimin sentit ses joues s'empourprer, touché par cette attention inattendue de la part de Yoongi. Il baissa timidement les yeux, incapable de cacher sa gratitude. "Merci", réussit-il à murmurer, cherchant ses mots alors que son cœur battait plus vite dans sa poitrine.

Ils commencèrent à marcher côte à côte, leurs pas se confondant dans le crépuscule. L'air était empli du murmure des feuilles caressées par le vent, tandis que les oiseaux chantaient leur mélodie du soir. Jimin pouvait sentir la chaleur des derniers rayons de soleil sur sa peau, envahissant son être d'une douce sensation de réconfort.

Dans le silence qui les enveloppait, Jimin décida de briser la glace. "Comment s'est passée ta journée, Yoongi ?" demanda-t-il, son regard fixé sur les nuances pastel qui coloraient le ciel.

Yoongi haussa les épaules, ses yeux sombres fixés droit devant lui. "Comme d'habitude, rien de spécial", répondit-il sobrement. Jimin savait que Yoongi était de nature discrète et réservée, mais cela ne le décourageait pas.

Alors qu'ils se rapprochaient du manoir après être descendus du bus, Jimin sentit son cœur s'alourdir légèrement. Depuis des années, il était épris de Yoongi, espérant qu'un jour, leurs sentiments évolueraient de l'amitié à quelque chose de plus profond. Mais Yoongi le voyait peut-être seulement comme un frère de substitution, un compagnon de vie.

La tranquillité du chemin se reflétait dans l'air, ajoutant une certaine magie à leur marche silencieuse. Jimin observa les ombres jouant sur les murs en pierre du manoir, créant un tableau vivant. Chaque pas qu'ils faisaient semblaient être une symphonie à deux voix, leurs destinées se déroulant lentement dans le clair-obscur du coucher de soleil.

Finalement, ils atteignirent l'entrée du manoir et Jimin reprit son souffle, se préparant à parler. Mais avant qu'il ait pu former les mots, Yoongi lui attrapa doucement le bras, l'arrêtant dans son élan.

"Jimin... j'apprécie vraiment notre amitié", commença-t-il d'une voix douce, son visage éclairé par la lumière tamisée des réverbères. "Mais il y a quelque chose dont je dois te parler."

Le cœur de Jimin se serra, des sentiments mitigés tourbillonnant en lui. Il attendit, nerveux et anxieux, mais résolu à entendre ce que Yoongi avait à lui dire.

Yoongi marqua une pause, cherchant ses mots. "Je sais que ces dernières années, tu as peut-être ressenti plus que de l'amitié à mon égard. Tu ne l'as jamais vraiment caché. Je peux donner l'exemple de la fois où tu m'as embrassé et que nous nous sommes disputés", avoua-t-il enfin. "Et je voulais te dire que je suis reconnaissant de t'avoir dans ma vie, que tu comptes énormément pour moi."

Un sourire triste se dessina sur les lèvres de Jimin alors qu'il hochait la tête, acceptant la réalité qu'il avait toujours craint. Mais il était déterminé à ne pas laisser son amour peut-être non partagé détruire leur belle amitié.

"Je comprends, Yoongi", dit-il, tentant de masquer sa déception. "Notre amitié est précieuse pour moi aussi, et je serai toujours là pour toi, peu importe ce qui se passe. Et la fois où j'ai tenté de t'embrasser, c'est de l'histoire ancienne maintenant. Ne t'inquiètes pas."

Yoongi sembla prit de court comme si, Jimin ne l'avait pas vraiment laissé dire ce qu'il souhaitait. Comme si, les dernières paroles de Jimin l'avaient blessées...

"Alors amis toujours ?" Fit Jimin un sourire crispé aux lèvres.

"Ouais... Comme tu voudras..." Murmura Yoongi de manière presque inaudible.

Alors que le soleil disparaissait complètement à l'horizon, ils se séparèrent dans un silence teinté d'amour inexprimé, leurs pas les éloignant l'un de l'autre mais laissant derrière eux une déchirure dans le cœur de chacun.

•

Un malentendu entre le yoonmin ? Ou pas?

Ca vous dirait d'entrer dans la tête de Yoongi pour le prochain chapitre ?

Et Mi-Rae, que pensez-vous d'elle ?