0.8

🔴 Attention !! Chapitre contenant des propos durs et des scènes sensibles

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Taehyung, jeune prodige du piano aux yeux rieurs, jadis si volubile, sociable, charmant, aimé de tous sans exception. Qui ne rêvait pas d'être son ami, de partager avec lui le temps de la récréation ?


Mais hélas, aujourd'hui tout était différent car Taehyung, dans ce nouveau collège de Daegu, marchait tête baissée, étranger au monde environnant.

Ses pas lourds le conduisaient lentement dans les couloirs silencieux, sans âme qui vive loin des rires, des jeux, des histoires qu'il aimait tant.


La directrice, pourtant, lui parlait et l'informait.
Mais son cœur était ailleurs, sa tête dans les nuages incapable d'écouter, d'entendre le moindre mot.


Il attendait que la journée se termine, avec l'espoir que demain soit meilleur. Comme nous tous, il espérait que le lendemain d'un jour difficile apporterait une lueur de joie. Il rêvait de se réveiller dans son lit d'enfant, bercé par la douce mélodie que jouait sa mère sur le piano autrefois... Il aurait tant voulu revenir en arrière et vivre éternellement auprès d'elle.


Les yeux baissés, Taehyung avançait pas à pas dans les couloirs déserts jusqu'à pénétrer dans sa future salle de classe. La directrice le suivait, mais il sentait encore les regards lourds et inquisiteurs de ses futurs camarades de classe. Il détestait cette sensation.







°





Taehyung s'approchait lentement, telle une ombre qui se glisse le long des murs. Il cherchait une cachette où s'isoler pour profiter de quelques instants de paix, à l'abri des regards indiscrets. C'est alors qu'une voix l'interpella dans l'ombre.

- Toi aussi tu cherches une cachette ?

Il sursauta, se retournant brusquement. Jimin était là, à quelques pas de lui. Taehyung tenta de reprendre son souffle, cherchant à comprendre pourquoi son camarade était là. Mais Jimin avait l'habitude de se réfugier ici lui aussi, dans cet endroit secret, pour échapper au tumulte du monde extérieur.


Les yeux de Taehyung suivaient le nouvel arrivant, le regardant s'installer sur une marche d'escalier à seulement quelques pas de là. Timidement, Taehyung le suivit et s'assit deux marches plus haut que lui, imitant Jimin.


La vue était belle : sur le terrain de volley et de football, les élèves jouaient au sport en criant et en riant. Mais Taehyung était plongé dans ses pensées et ses questions.


Après plusieurs minutes de silence, il murmura à voix basse : « Pourquoi ? » Jimin se tourna, perplexe, demandant silencieusement ce qu'il voulait dire. « Pourquoi ne pourrais-tu pas devenir danseur professionnel ? » Taehyung avait encore en tête les propos que Jimin avait tenus dans la salle de musique du manoir.



Dans les yeux de Jimin, une lueur apparut, le souvenir des mots qu'il avait dits à Taehyung résonnait en lui. Il était étonné de voir que ces paroles avaient tant d'impact sur le jeune homme.


Les mots se bloquaient dans sa gorge, Jimin était rouge comme une pivoine. Il avait baissé les yeux pour éviter le regard de Taehyung mais ressentait son insistance brûlante sur sa peau. Il se sentait trop lourd et maladroit pour être à la hauteur de la situation et s'en voulait de s'être laissé aller à une telle confidence.


Finalement, il se lança, déblatérant ses peurs et frustrations liées à sa condition physique. Il avoua, la voix finalement plus assurée, qu'il était dans le club de danse de l'école mais que sa professeure ne cessait de le rappeler à l'ordre concernant sa légèreté et l'empêchait d'avoir un rôle prenant dans les différentes prestations. Il était trop gros pour certains sauts et cela le bloquait complètement.


Taehyung l'observait en silence, écoutant avec attention chaque mot qui sortait de la bouche de Jimin. Il percevait la douleur et la frustration de son ami et souhaitait le réconforter pour lui permettre de retrouver sa confiance en lui. Il finit par se décider à briser le silence pesant.


"Tu sais, tu n'es pas si gros que ça..." Ses mots avaient été prononcés avec douceur.


Jimin bondit de sa chaise en affirmant haut et fort :

-Bien-sûr que si! Cette exclamation fit sursauter Taehyung, qui enfouit sa tête entre ses épaules. Jimin se dressa face à lui et confia :


-A chaque fois que je perds du poids, je le reprends le soir-même en dévorant les délicieux gâteaux que Nayung confectionne si bien. C'est une véritable addiction, je grignote compulsivement dès que je m'angoisse, je me gave par peur et je me gave de joie quand tout va bien. Tout est une raison de manger pour moi... Je ne sais pas comment faire pour arrêter ça, si cela continue, je n'arriverai jamais à perdre suffisamment pour danser correctement...


Sur ces mots, Jimin partit aussitôt sans se retourner, fuyant le regard de son interlocuteur. C'était une habitude pour lui désormais, chaque fois qu'il croisait Taehyung...






°





Quand les paupières de Jungkook s'étaient soulevées ce matin-là, il avait déjà pressenti que cette journée serait engloutie par les bas-fonds du malheur. Son dossier scolaire avait été arraché à son école la veille, préfigurant ainsi son prochain départ pour Daegu.



Allongé sur son lit rapiécé, il scrutait le plafond qui jadis devait arborer une fière allure. Depuis le matin, il s'enlisait dans sa chambre, refusant de quitter ce lit qui devenait son unique refuge. Les autres n'avaient que faire de savoir s'il avait pris son repas ou non.


Le personnel du centre était décimé et Jungkook le savait bien. Certains avaient jeté l'éponge, abandonnant tout espoir.


D'ici deux jours, il s'évaderait de Busan pour rejoindre Daegu.




Saisi par une impulsion soudaine, Jungkook se leva promptement, revêtant ses habits de couleur habituelle, le noir, sortit de sa chambre une fois son sac accroché sur son dos.


Après quelques minutes à tenter de se soustraire à la surveillance des gardiens, il parvint enfin à quitter l'établissement et, la capuche sur la tête, il se dirigea vers le quartier qu'il connaissait si bien.


Au bout de seulement quelques minutes de marche, il arriva enfin dans une rue qu'il avait parcourue maintes fois, car c'était là qu'il avait vu le jour. Les immeubles se ressemblaient tous presque à l'identique. Délabrés.


Les ruelles empestaient la pisse et à quelques mètres de là, une voie ferrée qui faisait trembler les murs du bâtiment devant lequel il s'immobilisa chaque fois qu'un train passait.




La moisissure, tel un serpent sournois, entamait sa lente progression depuis les fondations de l'immeuble, ajoutant un décor délabré à ce quartier misérable. Un peu plus loin, un groupe s'abandonnait dans la boisson et la fumée, noyant leurs soucis au son d'une musique frénétique, plus bruyante que mélodieuse.


Jungkook franchit le seuil des portes et s'engagea dans une tangente, se dirigeant vers l'escalier de fortune. L'ascenseur, vieillissant, avait abandonné son service depuis bien longtemps. Le jeune homme grimpa les marches, trois à trois, ses mains engourdies dissimulées dans les poches de son pull usé. Parvenu en haut des marches, il se rendit à la porte huit, espérant la trouver ouverte. Hélas, elle résista à ses assauts, laissant désormais place à un poing levé, qui vint frapper à quelques reprises, telle une prière muette.




Au moment où la porte se dévoila pour révéler un étranger à ses yeux, Jungkook franchit sans hésiter le seuil de l'appartement, indifférent à l'identité de l'inconnu.



Encore un de ces hommes qui venaient offrir leurs étreintes à sa mère, en échange d'un peu d'argent.



- Yon !!!, s'exclama l'homme d'un ton moqueur en fixant Jungkook. Ton gamin est de retour.



Une fois ces mots prononcés, il ouvrit de nouveau la porte avant de disparaître. Jungkook arborait un froncement de sourcils. Finalement, il avait déjà aperçu cet individu une ou deux fois, en compagnie de sa mère.



Des bruits provenant de la chambre attirèrent alors son attention. Une femme assez frêle, affublée d'une courte chevelure noire qui effleurait à peine sa nuque, apparut. Vêtue d'un peignoir jaune, une cigarette entre deux de ses doigts de la main gauche, elle inspirait une certaine habileté dans son attitude.




Tel une danseuse étoile, la fumée s'éleva gracieusement hors des narines d'elle, vêtue d'une peau pâle, tandis qu'elle fixait son fils d'un regard semblant empli de néant.


- Je pressentais ton retour, susurra-t-elle avec une voix rauque, se laissant reposer contre le mur qui épousait son dos.


Jungkook s'avança vers le frigo d'un pas lent, puis interrogea d'une voix timide :


- Où est papa ?


Alors qu'il se penchait vers l'intérieur du réfrigérateur, ses yeux ne croisèrent que des bouteilles de bière et une solitaire bouteille d'eau.


- Probablement en train de se remettre de ses excès quelque part... peut-être occupé à honorer une créature obscure dans l'ombre d'une cave, soupira Yon, haussant ses épaules, avant de porter la cigarette à ses lèvres avec nonchalance.




- N'y a-t-il que de la bière ? Pas de lait ? Interrogea Jungkook à sa mère.


- C'toi qui bois du lait dans cette baraque... Enfin, si on peut qualifier cela de maison... Répliqua sa mère en éteignant sa cigarette.

Jungkook se redressa et referma doucement la porte du réfrigérateur avant de se diriger paisiblement vers sa chambre, un peu plus loin dans le couloir.

- Si rien ne te convient, tu n'as qu'à faire quelques courses. Poursuivit sa mère, avant de s'effondrer lourdement sur le canapé, produisant un bruit inquiétant, comme s'il était sur le point de s'effondrer.

Jungkook soupira profondément, puis, referma doucement la porte de sa chambre.




La pièce, bien que modeste, était l'objet de son affection. Les murs, d'un gris triste, encadraient une fenêtre menant à une ruelle putride, où flottait une odeur de mort. À travers ce carreau, maintes fois, il avait observé les scènes nocturnes. Agressions, règlements de comptes, rixes sans raison...

Juste à côté, se trouvait son lit simple, un bureau et une armoire sur la droite. L'ensemble ne laissait qu'un mince espace pour se mouvoir.


Cette chambre lui avait manqué. Après tout, il y avait passé toute sa vie...

Posant son sac auprès du lit, il se mit à genoux, s'inclinant sous le matelas pour récupérer une petite boîte de bois. Il espérait qu'il y avait encore quelques billets à l'intérieur, si sa mémoire était exacte. Après tout, cela faisait plusieurs mois qu'il n'était pas retourné dans cet appartement...


Après avoir saisi quelques billets, il entrouvrit à nouveau la porte, s'engouffrant dans le corridor pour atteindre ensuite le petit salon.


- J'vais faire quelques courses.


- N'oublie pas de me prendre un paquet de cigarettes... Je n'en ai plus, lança sa mère avec empressement depuis l'autre bout du canapé.



°



Le soleil déclinait peu à peu, laissant derrière lui des reflets dorés qui caressaient les murs de la petite cuisine. Les parfums alléchants des nouilles réchauffées emplissaient l'air, créant une atmosphère chaleureuse.



Jungkook, empreint d'une douce affection filiale, se hâta de servir sa mère avant de prendre place près d'elle. Le silence enveloppait leur repas, teinté d'une certaine mélancolie.


Soudain, la porte s'ouvrit brusquement, projetant un homme au physique imposant à l'intérieur de la pièce. Son allure aurait pu susciter l'admiration, si seulement son corps n'avait pas été martyrisé par les substances illicites et l'alcool. Il se débattit avec la porte, tentant vainement de la refermer, avant de se tourner finalement vers la petite table qui faisait office de salle à manger. Son regard se plissa légèrement, marqué par une pointe de désapprobation.



"Tu te souviens enfin du chemin du retour, Jungkook ?" grogna-t-il, oscillant légèrement.


Ivre. Il était complètement ivre, une fois de plus. Mais Jungkook le connaissait parfaitement, sachant pertinemment qu'un peu de sommeil suffirait à le ramener à une sobriété précaire, le délestera de ses oscillations incessantes.


Il s'installa délicatement sur le fauteuil, laissant son corps s'étendre avec grâce :


- Yon... Viens, enlève moi ces chaussures maudites.


La jeune femme se redressa en silence et exécuta la requête de son compagnon, ou plutôt son ordre, sans un mot. À peine avait-elle achevé sa tâche qu'il s'était déjà plongé dans le sommeil, laissant échapper des ronflements dignes d'un troupeau de buffles qui s'éparpillèrent dans la pièce.


Lorsque Jungkook leva les yeux vers l'horloge et constata qu'il n'était que dix-huit heures, il secoua tristement la tête.


Vraiment, rien ne semble vouloir changer dans cette demeure.


°


La jeune femme fut soudainement arrachée au sommeil par un strident bruit provenant de sa table de chevet. Ses paupières s'ouvrirent et, d'abord égarée, elle lança un regard affolé autour d'elle avant de réaliser que son téléphone portable venait de se mettre à sonner. Un corps bougea sous les draps, juste à côté d'elle. Elle fit savoir à son époux qu'elle avait un appel et lui conseilla de se rendormir avant de se lever du lit pour répondre.



- Lee Sunjoo à l'appareil... décrocha l'inspectrice adjointe.


- Sunjoo, c'est moi... Jisoo... J'ai... Jungkook a disparu. Une voix anxieuse se fit entendre à l'autre bout du fil.


L'inspectrice fronça les sourcils et plissa les yeux, avant de se hâter vers sa chambre pour enfiler ses vêtements de travail.


- Disparu ? répéta-t-elle en maintenant son portable entre son épaule et son oreille.


- Nous sommes un peu débordé en ce moment au foyer car deux de nos collègues ont récemment démissionné... C'est la débandade avec les enfants... Et je reconnais que nous n'avons donc pas vraiment le temps de tous les surveiller et Jungkook a sûrement profité de ce désordre pour s'échapper sans que personne ne le voit... Ce n'est qu'en faisant la ronde afin de veiller à ce que chacun dorme bien dans sa chambre que mon collègue s'est rendu compte de son absence...


- D'accord j'appelle un collègue et nous irons voir chez ses parents.



°


Vers vingt-trois heures, Jungkook s'éveilla au son de voix éclatantes. Une querelle avait éclaté entre ses parents, une scène familière à laquelle il était habitué.


Avec les murs si minces, il pouvait aisément percevoir chaque mot échangé dans la pièce adjacente à la sienne.



- ... C'est tout ce que j'ai pu obtenir, putain ! s'écria sa mère d'une voix passionnée.

- Tu ne pouvais pas trouver plus de personnes pour t'utiliser et me ramener davantage d'argent ? gronda d'une voix colérique son géniteur. Comment diable vais-je payer pour la drogue que nous avons consommée la semaine dernière avec si peu d'argent, hein ?



- Si tu n'avais pas pris cette drogue alors que tu n'avais pas les moyens de la payer !

Jungkook entendit dans l'air un bruit, un sifflement semblant planer avant de s'écraser avec force.


Une gifle.



Jungkook ferma les paupières avec force, laissant les murmures se rapprocher dans la pièce voisine :


- Demain soir, je dois lui remettre son maudit fric. Fais tout ce que tu peux pour me trouver cent mille won d'ici là. Gronda son père d'une voix lourde.

- Pourquoi est-ce que je devrais être la seule à vendre mon corps pour payer tes dettes ? S'écria la seule voix féminine de la pièce. Je connais un tas de femmes qui paieraient pour une nuit avec toi !


Un silence brisa les mots de la mère, tandis que les pas se dirigeaient vers la porte du couloir.

C'est alors que Jungkook sut qu'en une seconde à peine, son père surgirait dans sa chambre, prêt à lui infliger encore une fois la pire des humiliations. C'était une histoire qui se répétait sans fin.


Ses parents se déchiraient et son père prenait toujours soin de déverser sa colère sur lui.


Mais bon. Un coup de plus, un coup de moins...



Comme un éclair déchirant l'obscurité, la porte se projeta avec violence, révélant la silhouette imposante du père, planté devant le lit de Jungkook.

- Lève-toi. Nous partons quelque part.


Sans la moindre interrogation, Jungkook se leva d'un bond et s'approcha de son armoire. Il enlaça son corps d'un pantalon et d'un polo à manches longues, tandis que ses chaussures furent chaussées avec finesse. Enfin paré, il suivit son père et quitta l'étroitesse de l'appartement.

Mais où se dirigeaient-ils ? Mystérieux destin qui n'était jamais survenu auparavant. Jusqu'à présent, son géniteur était simplement coutumier des coups, jamais il ne lui avait demandé de le suivre en cette nuit si tardive.


Son cœur résonnait avec une frénésie incontrôlable, mais Jungkook se résolut à suivre son père en silence à travers les méandres des rues de leur quartier. Après une vingtaine de minutes, ils apparurent devant une porte dont les lumières multicolores grésillaient, tel un écho de leur excitation.

Son père semblait bien connaître le videur, car celui-ci les laissa entrer sans poser la moindre question. Ils pénétrèrent alors dans une sorte de boîte de nuit, où les sons émanant des enceintes menaçaient de rendre sourd l'adolescent.

Son géniteur le prit par l'épaule, le guidant vers une porte. D'un simple signe de tête à un individu au crâne rasé, il s'effaça pour les laisser passer. Un mince couloir éclairé de lueurs rouges orangées s'étendait devant eux. Et enfin, après une marche empreinte d'une excitation grandissante, ils atteignirent une salle "spéciale".


Au fond de la pièce, une estrade se dressait majestueusement, parée de trois barres scintillantes. Sur cette scène, deux femmes et un homme, vêtus d'atours audacieux, se déhanchaient avec grâce au gré de la musique envoûtante, captivant un public mûr d'hommes et de femmes.


Jeon Jungwan avançait d'un pas déterminé, guidant son fils à ses côtés, jusqu'au comptoir où il prit place. Il déclara sa commande à l'homme derrière le bar d'une voix assurée :


- Deux bières pour nous.


Avec une timidité touchante, Jungkook s'installa sur son tabouret, prenant soin de se tenir correctement. Silencieux, il baissa légèrement la tête, tout en jetant des regards discrets ici et là, cherchant à saisir l'atmosphère envoûtante qui régnait dans la pièce.




Jungkook, cet être que les plus jeunes qualifieraient de caïd, était un être énigmatique. Ses poings s'abattaient souvent, son insolence l'accompagnait en permanence, et sa mauvaise humeur semblait intarissable. Dans son collège, on le craignait, on le respectait, car jamais il ne montrait de faiblesse. Il ne pleurait jamais. Jamais il ne se plaignait. Toujours, il trouvait les mots justes, au moment juste. Devant les autres, il se montrait fort. Mais en présence de son père, il redevenait soudain un enfant à peine âgé de quatorze ans.


Dès que la porte de sa maison se refermait sur lui, il retrouvait sa véritable nature, celle d'un jeune garçon obéissant et craintif qui ne cherchait qu'à s'effacer, à se fondre dans les murs, dès lors que son géniteur était dans les parages. L'unique but de cette attitude était d'éviter la violence qui lui était infligée.

Au plus profond de son être, une intuition précautionneuse lui soufflait que cette soirée prenait une tournure risquée, sans qu'il puisse réellement comprendre pourquoi ils étaient là. Son père, indubitablement, allait s'enivrer au-delà des limites de la décence, laissant à Jungkook la tâche de le ramener, veillant à ce qu'il ne s'effondre pas, jusqu'à leur appartement. Un fardeau silencieux repose sur ses épaules, alourdissant le poids de l'inconnu qui se dessine à l'horizon.



- Tu as déjà quel âge ? demanda son géniteur, en sirotant tranquillement sa bière, tandis que son regard se perdait dans les reflets ambrés du liquide. De son côté, Jungkook tenait fermement sa propre bière entre ses mains, mais n'osait pas la porter à ses lèvres.


Jungkook n'appréciait guère l'alcool, car il avait décidé de ne pas finir comme ses parents, dépendants de substances quelconques.


- J'ai quatorze ans, répondit Jungkook d'une voix calme, sans détacher ses yeux de son verre toujours inchangé, et qu'il n'avait pas l'intention de toucher.



- Déjà quatorze ? s'étonna son père, dont l'haleine empestait l'alcool. Une odeur insupportable que Jungkook détestait par-dessus tout. Je croyais que tu en avais bien douze... Tu sais, mon père m'a initié aux femmes et à l'alcool à douze ans, raconta tranquillement Jungwan en commandant un autre verre. Aujourd'hui, je vais te montrer moi aussi. Tu es déjà bien assez grand, je vais t'apprendre à devenir un homme et...



- Jungwan... Fit une voix féminine près des deux Jeon.



Jungkook et son père tournèrent simultanément leur regard vers une femme d'âge mûr. Elle était dans la quarantaine, sans doute. Jungkook ne pouvait pas dire qu'elle était belle, mais elle n'était pas laide non plus, du moins c'est ce qu'il pensait. Elle portait trop de maquillage pour paraître naturelle. Elle devait mesurer une tête de plus que lui.


"Songki..." murmura Jungwan, son visage s'illuminant.


"Cela fait longtemps..." répondit la femme appelée Songki.

Jungwan leva les yeux au ciel :

"Seulement une semaine."


"C'est exactement ce que j'ai dit," dit Songki en s'approchant de Jungwan et lui chuchotant à l'oreille. "Tu veux qu'on aille ailleurs ?"

Jungwan avala rapidement son verre et acquiesça avant de se lever et de saisir le bras de son fils pour suivre Songki.




Au terme d'un dédale, ils franchirent le seuil d'une pièce où se dressait un lit deux places, face à la porte, tandis qu'un canapé d'une teinte indéfinissable se tenait sur le côté.


D'un pas souple, Songki referma la porte une fois que tous furent à l'intérieur, puis se dirigea avec grâce vers le père de l'adolescent.


Jungkook se recula, totalement dérouté. Il ne comprenait pas pourquoi il se trouvait là. Si son père souhaitait partager une intimité avec une personne, pourquoi l'emmenait-il avec lui ? Il ne désirait en aucun cas voir son père s'adonner à des ébats sexuels.


Tenant un joint que Jungkook n'avait pas remarqué jusqu'à présent, dans sa main gauche, elle le porta à ses lèvres pour en absorber une quantité prodigieuse. Elle retint son souffle avant de joindre ses lèvres à celles du trentenaire, exhalant enfin la fumée du joint.



Jungkook était persuadé que ce n'était pas simplement un joint, mais sûrement de la cocaïne ou une autre drogue inconnue.


Après une danse effrénée entre les lèvres des deux adultes, Jungkook, détourna les yeux et entendit son père murmurer quelques mots à la femme.


- Aujourd'hui, ce n'est pas pour moi que je suis là... Jungkook leva les yeux et fit face au doigt de son père qui pointait dans sa direction. Ce soir, je veux que tu t'occupes de lui. Il offrit à son fils un regard satisfait, et toi, Jungkook, tu as intérêt à la combler si tu veux me prouver que tu n'es pas une tapette comme cette putain avec laquelle tu as été arrêté l'an dernier dans cette maudite voiture volée. Est-ce que tu comprends ?!





Dans un geste insistant, Jungkook approuva tandis que son père se dirigeait gracieusement vers le canapé, s'y épanouissant comme s'il était plongé dans un simple film.



"Tu... Tu vas re...rester là ?" bredouilla l'adolescent, tandis que la seule femme présente dans la pièce, dont les yeux brillaient d'un éclat étrange dû à leur consommation récente de cannabis, s'approchait doucement de lui.


Un sourire moqueur se dessina sur le visage de son père, libérant un rire sarcastique qui s'échappa de sa gorge.


"J'ai besoin de preuves tangibles de ta virilité car, pour moi, quelqu'un qui traîne avec des personnes faibles est tout autant faible." sa voix résonna dans la pièce.


"Je... Papa je... Je ne suis pas une... Je ne suis pas comme ça... Je te jure... Je..." balbutia Jungkook, cherchant ses mots avec désespoir.


"Alors prouve-le-moi, mon fils." La voix de son père était emplie de défi.



Le regard de Jungkook se posa sur la femme, et une angoisse profonde s'empara de lui. À quelques centimètres à peine de son visage, il la vit déjà dévêtue. En seulement quelques secondes, sa bouche fut envahie par cette intrusion glaciale et insipide, à la saveur âpre du tabac et de la prostituée.


Il ressentit la langue de la femme forcer le passage, mais Jungkook tint fermement ses dents closes. Sous l'assaut, il tenta de reculer, mais brusquement, le bois du lit plia l'arrière de ses genoux et il se retrouva allongé sur le matelas, la femme nue se trouvant au-dessus de lui.



Le monde tourbillonnait autour de lui, s'échappant dans une frénésie insaisissable. Les instants filaient à une allure vertigineuse, laissant Jungkook désarmé, prisonnier d'une réalité échappant à sa compréhension. Une angoisse glaciale serpentait éperdument dans ses veines, engourdissant chaque parcelle de son être.


Le visage de la femme mûre s'approchait, sa main s'insinuant entre leurs deux corps avec une ombre de vulgarité. L'urgence de posséder ses lèvres n'avait d'égal que le désir d'éveiller un trouble au plus profond de lui. Les gestes se succédaient, pressés, sans la moindre once de considération pour Jungkook, malmené par une situation qui ne lui offrait aucune échappatoire.



Un souffle, un claquement de fermeture éclair rompit le silence oppressant. La main insoumise franchit la barrière de l'élastique de son caleçon, pénétrant son intimité d'une intrusion indésirable. Cette sensation révoltante fut le détonateur, le brasier suprême qui embrasa l'angoisse comme une flamme fébrile.



Le jeune adolescent, submergé par une vague de courage nouveau, repoussa avec une violence qu'il ne soupçonnait pas la femme qui se tenait au-dessus de lui, l'éloignant de son corps meurtri et vulnérable. Le soulagement inespéré qui s'ensuivit dévoila l'étendue de son désarroi, sa volonté farouche de préserver son intégrité, même dans la tourmente de l'horreur.





Dans un élan soudain, Jungkook bondit hors de son lit, ignorant les injures cinglantes de son père. Sans un regard en arrière, il se précipita vers la porte, animé d'une impulsion irrésistible. Se saisissant fermement du tissu de son pantalon pour éviter qu'il ne glisse le long de ses chevilles, il fendit la foule du club, bousculant tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin.


Son regard, d'ordinaire si vide et dénué d'émotion, déversait désormais d'innombrables larmes, coulant sur ses joues sans qu'il en ait conscience. Livré à lui-même une fois dehors, il continuait sa course folle, sans savoir où il allait. Tout ce qui comptait désormais, c'était de s'éloigner le plus loin possible de cet horrible endroit maudit.


Que pouvait-il attendre d'un homme qui l'avait brutalisé toute sa vie ? Cette question brûlante tourmentait son esprit tourmenté, comme une plaie béante qui saignait sans relâche.


Il finit enfin par se stopper près d'une station-service, remontant sa fermeture éclair et reboutonnant son jean. Une fois cela fait, il reprit en marche sans savoir une fois de plus où il se dirigeait...


- Jungkook ?


Le jeune homme se crispa, tournant la tête en direction de la voix qui l'appelait depuis un véhicule.


- Inspectrice Sunjoo ? souffla-t-il, sentant un léger soulagement parcourir ses épaules en découvrant que la personne à l'intérieur de la voiture était Lee Sunjoo.



- Enfin, je te retrouve... monte, je vais informer les autres que je t'ai trouvé. Avec un collègue, nous sommes passés chez tes parents mais tu n'étais pas là...


Sunjoo ignorait peut-être son état d'esprit, mais Jungkook n'avait jamais ressenti autant de bonheur en la revoyant à cet instant...




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Voilà, enfin un chapitre presque entier avec Jungkook.

N'oubliez pas. Chaque scène est important pour la suite de l'histoire. Je ne mets rien au hasard. Même les scènes les plus durs ne son pas là juste pour le décor. Mais pour une raison bien précise.

À bientôt pour le prochain chapitre
🤗💙


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