Défi 5.2 - You're tearing me apart [Obito Uchiwa]

Tu me déchires.

C'était le sentiment perpétuel d'Obito envers le garçon aux cheveux gris. Le premier mot qui lui venait toujours à l'esprit lorsqu'il voyait Kakashi.

C'était peut-être parce qu'il ne comprenait pas. C'est vrai, après tout, son coéquipier était un garçon entouré d'ombres, qui ne laissait jamais personne le toucher. Obito ne parvenait même pas à l'effleurer. Non, c'était sûr; Kakashi était un mystère.

Il ne comprenait pas pourquoi le fils de Croc Blanc était si froid, si rigide. Il l'insupportait, avec son arrogance, il le froissait sans cesse, avec son génie manifeste qui reléguait Obito au rang d'un pauvre raté maladroit. Mais en même temps, il était fasciné par ce talent si éclatant, irréfutable. Il voulait faire de ce garçon un ami, briser cette glace insupportable entre eux, aller aux entraînements quotidiens sans cette boule au ventre à l'idée de se rendre ridicule publiquement à côté du prodige aux cheveux gris.

Obito l'adorait. Il le détestait. Il ne savait plus.

Tu me déchires.

Alors, Obito faisait des efforts. Surhumains. En plus de son acharnement déterminé pour tenter de rattraper le niveau si lointain de Kakashi, le jeune Uchiwa faisait des cents et des milles pour tenter d'approcher cet être mystérieux, glacial. Il voulait se prouver à lui même qu'il était fort. Mais aussi le prouver à Kakashi. Toujours Kakashi.

Mais ce dernier, lorsqu'il ne lui lançait pas ses piques venimeuses, l'ignorait royalement. Obito avait l'impression qu'un mur infranchissable se dressait entre eux, que même un ouragan ne parviendrait jamais à ébranler. Alors, le jeune Uchiwa était en colère. Il ne savait même pas contre qui, contre quoi. Contre lui-même, et sa faiblesse? Contre Kakashi et sa suffisance? 

Il se sentait déchiré entre ces sentiments contradictoires, jonglant sans cesse entre le mépris et l'admiration, sans jamais mettre le doigt sur le problème véritable qui rendait leur relation si épineuse.


Un soir, alors qu'il courrait acheter des citrons pour une énième petite vieille qui lui avait gentiment demandé son aide, Obito avait aperçu une silhouette qu'il connaissait que trop bien près de la rivière, légèrement dissimulée sous les ramures des arbres immenses.

Il s'était approché, doucement. Il n'avait aucune idée de la raison pour laquelle cette espèce de force surnaturelle semblait toujours le pousser à mettre Kakashi sur sa route, même lorsqu'il n'avait rien à y faire, comme s'il gravitait autour de lui.

Obito voyait le jeune Hatake assis, la tête posée sur les genoux qu'il avait entouré de ses bras, le regard tourné vers le soleil couchant. Il fit quelques pas en avant pour le rejoindre, mais il se demanda ensuite qu'elle était cette affreuse idée. Honteux d'observer ainsi le garçon masqué qu'il admirait et méprisait tant, il allait se détourner pour vaquer à sa course, lorsqu'une plainte étrange parvint timidement à ses oreilles.

Obito se figea, estomaqué. Il jeta un coup d'œil par dessus son épaule, et crut délirer.

Kakashi pleurait.

Le jeune Uchiwa réalisa que le garçon aux cheveux blancs était finalement humain. Pire, cette vision lui soulevait le cœur. Son empathie naturelle revint au galop, et avant que son cerveau n'enregistre l'information, il était déjà en train de se diriger à grandes enjambées vers le garçon qui le déchirait tant.

- Kakashi?

Les oreilles brouillées par ses propres sanglots, l'adolescent aux cheveux gris n'avait même pas senti la présence de son coéquipier. Il eut un violent geste de recul, et son regard humide retrouva sa dureté habituelle en croisant celui d'Obito.

- Va t-en.

Une fois de plus, Obito se sentait déchiré. Ses profonds principes lui dictaient de faire absolument quelque chose pour soulager la peine de ce garçon qui semblait pour la première fois si vulnérable, tandis que Kakashi lui hurlait de déguerpir par la seule force de ses yeux noirs. Même si pleurer était somme toute naturel, Obito avait l'impression d'avoir violé l'intimité de l'Hatake en le voyant ainsi, et il avait peur des représailles.

Mais envers et contre tout, son bon cœur parla pour lui. Alors, comme il avait souvent pris l'habitude de faire afin de trouver du courage devant cet imbécile, Obito l'imagina danser du flamenco pour l'aider à ignorer son regard glacial, et s'assit dans l'herbe juste à côté de lui, avant de tourner à son tour la tête vers l'horizon vermeil.

Un long silence s'ensuivit. Très lourd, très agité, qui contrastait avec la douceur des couleurs chaudes du soleil mourant. Obito craignait de se manger un monumental poing dans le nez, et se préparait à cette éventualité en serrant les siens contre le sol, comme pour y prendre racine, afin de ne pas se dérober lorsque le coup arriverait.

Mais il n'en fut rien. Le jeune Uchiwa jeta un œil timide à l'adolescent à côté de lui, avant de réaliser que Kakashi n'avait apparemment pas l'intention de lui faire payer son affront. Il avait la tête baissée vers ses pieds, et arborait simplement un regard... Triste? Obito n'en croyait pas ses yeux.

- Vas-y, moque toi.

- Il n'y a que toi pour te moquer de la faiblesse des gens, Kakashi.

L'Uchiwa regretta instantanément d'avoir lâché une phrase si acide au visage de son coéquipier désarmé. Mais sa légère rancœur avait refait surface lorsque cet idiot de Kakashi avait osé penser de lui qu'il était capable de rire de la douleur d'autrui. Cela faisait des années qu'ils se chamaillaient continuellement, mais finalement, les deux garçons réalisèrent qu'ils ne se connaissaient pas vraiment.

Obito aurait tellement aimé savoir qu'est ce qui pouvait mettre le garçon masqué dans cet état. Si on lui avait dit que Kakashi était capable de se laisser aller aux vagues des sanglots, il n'y aurait jamais cru. Pour lui, l'argenté représentait ce genre de personnes sans failles, toujours fiers, toujours forts. Au fond de lui, Obito était heureux de voir que Kakashi n'était pas si lointain que ça; il discernait une fissure sur son être, une fissure qui lui faisait manifestement mal, mais qui permettrait peut-être au jeune Uchiwa d'encadrer un peu plus ce satané Hatake, et même, qui sait, devenir son ami.

- Si je me moque de la faiblesse, c'est parce que je hais celle qu'il y a en moi.

Obito ouvrit de grands yeux ronds.

- Mais tu n'es pas...

Kakashi secoua la tête.

- Tais-toi, c'est bon.

Le silence refit surface, moins lourd, mais tout aussi gênant. Obito se triturait les méninges pour aborder le mal-être de Kakashi sans que ce dernier ne se braque et l'envoie paître. C'était déjà un miracle que l'argenté tolère sa présence, alors il craignait légèrement les conséquences d'une question un peu trop indiscrète.

Kakashi le coupa dans son élan en ouvrant la bouche avant lui.

- Tu sais, Obito, t'es pas si nul.

Sa voix était étranglée, comme on lui avait arraché ces mots du fond de sa gorge. Obito, abasourdi, fixa l'argenté en se demandant si c'était bien le même que celui qu'il devait se coltiner aux entraînements tous les jours. Lorsqu'il vit les légères rougeurs sur le peu de peau qui n'était pas caché sous le masque de Kakashi, l'Uchiwa s'enhardit alors.

- Et toi, t'es pas si con.

Kakashi lui lança un regard interloqué, avant que ses yeux ne disparaissent derrière ses paupières légèrement plissées.

Et alors, pour la première fois, la lourde et perpétuelle tension entre eux se brisa comme de la porcelaine, pour voler en ces éclats de rire gênés qu'ils partagèrent suite à leurs compliments maladroits.

Ce soir là, Obito avait enfin réussi à effleurer Kakashi du bout des doigts, et son sentiment déchiré ne fit plus irruption pendant quelques temps.


*


La déchirure était revenue, fulgurante. Non, elle l'avait écrasée.

Comme cette pierre immense qui venait de mettre un terme à ses rêves de reconnaissance, ses espérances de gloire, sa vie tranquille.

Tout ça pour ce foutu Kakashi. Il était dégouté. Il n'avait même pas pu dire à Rin qu'il l'aimait, elle qui avait fait le trait d'union depuis des années entre ces deux garçons si divergents. Dieu, qu'il l'aimait. Non, franchement, c'était du gâchis.

A travers son seul œil encore valide, il avait vu Kakashi pleurer pour la deuxième fois de sa vie. L'argenté avait violemment frappé le rocher qui aspirait doucement la vie de l'Uchiwa, jusqu'à s'en écorcher les jointures, en hurlant que ce n'était pas juste, que ça n'aurait pas dû se passer comme ça.

Obito était d'accord. Mais puisqu'il était mourant, il s'était dit qu'il était temps de laisser une image de lui plus belle, et il avait ainsi accepté son sort dans une abnégation presque religieuse. 

Tu me déchires.

Mais en même temps, comme il aurait aimé entretenir ce début d'amitié avec Kakashi, cette esquisse de considération mutuelle qui lui avait promis des horizons plus beaux. Comme il aurait aimé apprendre de sa prestance, et se démarquer aux yeux de Rin, pour qu'elle tourne ses sentiments envers lui. Comme il aimait se dire qu'il allait peut-être leur manquer, à ces deux là, dans cet étrange paradoxe dans mort qui donne une certaine splendeur aux défunts. 

Obito regarda ses deux amis aux expressions effondrées. Il n'aimait pas les voir comme ça. Mais il ne savait pas non plus que ces deux là l'appréciaient assez pour que sa mort imminente les mette dans cet état. Il se sentit soulagé, quelque part. Peut-être que finalement, ils ne préserveraient pas le souvenir d'un garçon ridicule et malhabile comme il pensait l'être.

- Obito.

Kakashi le fixait de son unique œil restant, paniqué, anéanti. L'Uchiwa, qui respirait de plus en plus difficilement, passa son regard éteint sur la plaie encore vive qui avait amputé son coéquipier d'un œil.

Alors, une idée lui vint. C'est vrai qu'il ne lui avait pas encore fait de cadeau pour sa promotion à cet abruti. Il fallait se rattraper avant que ça ne soit trop tard.

Puisqu'il était déchiré, autant y aller jusqu'au bout avant de partir.

- Kakashi. Je veux continuer d'exister... à travers ton œil.

Obito lâchait prise. Il ne sentait plus la main de Rin dans la sienne, et sa vision se faisait moins nette. Il demanda à ses deux amis de se dépêcher d'exécuter son dernier souhait. Son dernier déchirement.

- Ceux qui ne respectent pas les règles et transgressent les lois... sont considérés comme des moins que rien. Mais... ceux qui ne pensent pas à leurs compagnons... sont encore pires, soufflait-il sous les yeux horrifiés de l'argenté, alors qu'il commençait à ne plus rien voir.

Depuis que l'Uchiwa avait eu vent de l'histoire du Croc Blanc de Konoha, il comprenait un peu mieux. Il comprenait pourquoi il avait un jour surpris Kakashi en train de pleurer. Et il ne voulait pas que l'argenté soit déchiré comme lui l'était, entre ces foutus devoirs et sentiments qui tiraillent de tous les côtés, qui torturent l'âme.

- Tu sais, tu me déchires, Kakashi.

Obito ne vit pas la réaction du garçon masqué. Il ne savait même pas s'il l'avait entendu.

Parce qu'une pluie de rochers s'abattit sur lui, cachant avec eux la lumière du soleil.


*


Lorsqu'Obito croisa le regard accablé de Kakashi où son propre œil le scrutait avec effarement, ce vieux sentiment de déchirure fit à nouveau surface en lui, si bien qu'il en fut profondément déstabilisé quelques secondes. Là, sur le champ de bataille, avec tout ce qu'il avait vu, avec tout ce qu'il avait vécu, avec la rancœur profonde qu'il vouait au monde entier, il se sentit quelques secondes comme le garçon rayonnant qu'il avait été, qui rêvait avec insouciance de se faire voir de son amour et de son foutu coéquipier imbu de lui même.

Obito avait regardé dans les yeux cet homme qui avait été l'objet de sa ferveur étant plus jeune, mais aussi le bourreau de celle qui avait pris son cœur. Kakashi avait fait de lui l'antagoniste de cette foutue histoire qu'était sa vie misérable, et pourtant cette atroce déchirure avec perduré dans le temps, fendu les années, pour ébranler ses plans d'un monde plus beau qu'il avait méticuleusement préparé depuis une éternité.

Il combattit de toutes ses forces, pour ce qu'il pensait être juste, pour finalement se rendre compte qu'il n'avait jamais su. Il était condamné à errer dans son amertume, à se faire berner, à souffrir de sa plaie au cœur qui avait provoqué la guerre qu'il avait lui même déclarée. 

Et une fois de plus, Obito se sentait déchiré.

Et puis, il se sacrifia encore une fois. Pour cet adolescent torturé qui était devenu un homme tout aussi tourmenté, puisque tout sa vie, il avait gravité autour de Kakashi, parce qu'il avait toujours été tenaillé entre lui et le reste du monde. Il avait pourtant essayé de lui faire payer, de le blesser, de le tuer. Mais rien n'y faisait.

Parce que Kakashi était au dessus de tout. Et Kakashi avait passé sa vie à le déchirer. 

- Pourquoi je te déchire? avait demandé la voix tremblante d'émotions de l'argenté alors qu'Obito partait doucement en lambeaux.

Alors, il avait entendu, ce jour là? Il se souvenait? 

Comme un violent retour en arrière, l'Uchiwa voyait Kakashi pleurer. Doucement, silencieusement, cette fois. La bruine de ses yeux coulait lentement, traçant des lignes sinueuses sur son masque imbibé de la poussière de la guerre. Le voir ainsi lui fit le même effet que lorsqu'il l'avait vu sangloter sous le soleil couchant, lorsqu'il s'était dit que ce prodige aux cheveux d'argent n'était peut-être pas né uniquement pour le déchirer.

Obito lui offrit un sourire triste. Et cette fois, il savait que c'était le dernier.

- Parce que tu me brûles, même si je n'ai jamais réussi à te toucher. Parce que je t'adore au même titre que je te déteste, si fort, parce que tu es tout et rien à la fois. Et je n'ai jamais su quoi faire avec ça. 

Obito lui offrit un dernier cadeau.

- Tu sais, Obito, t'es pas si nul.

- Et toi, t'es pas si con.

Et enfin, la déchirure mourut avec lui.


***


- 2323 mots -


Obito, que j'aime ce personnage. Très facile et dur à cerner à la fois. J'espère que j'ai bien géré mon truc, même si c'est un peu parti en freestyle à la fin. 

Je voulais aussi préciser que je n'ai aucunement voulu faire de connotations romantiques dans cet OS. C'est de la pure bromance :') Après, libre à vous d'imaginer un ObiKaka là dedans. Mais c'était vraiment pas mon but premier, en tout cas.

J'espère que ça vous a quand même plu!


Voici donc mon propre défi:

Nombre de mots: Libre
Œuvre: Naruto
Univers original: Original
Protagoniste à choisir: Pakkun, Gamakichi ou Akamaru
Les cinq mots à placer: Dalle / Armée / Girouette / Plume / Hamac
Thème: Libre
Genre: Libre
Limite: Libre

Hors du commun ce défi, n'est ce pas? Comme j'ai hâte que quelqu'un le relève!


Le prochain OS sera sur Minato. Je ne sais pas encore quand je le publierai, j'essaierai de ne pas tarder.

A très bientôt!

Emweirdoy

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