Hors-série I : L'enfant du Temple

Empire de Ki, 1780

La douce lumière de l'aube filtra au travers des paupières de Liz. Elle poussa un court grognement, se retourna sur sa paillasse, s'essuya les yeux et les ouvrit face à une Xi toujours endormie.

Son visage en pointe reflétait une douceur sans nom. Sa bouche fine et entrouverte laissait passer de doux souffles ensommeillés. Liz sentit son bras lourd et musclé toujours posé sur sa taille, sa paume amorphe ayant épousé sa nuque toute la nuit durant. Elles ne s'étaient donc pas lâchées une seule seconde – la seule idée de se lever avant elle l'attristait d'avance.

Depuis que tous ces combats s'étaient évanouis, Xi s'était drastiquement apaisée. Elle riait quatre fois par semaine, souriait environ trois fois par jour et ne démontrait de l'irritation que lorsque Loë descendait en pestant.

... J'ai réussi. J'ai pu la rendre heureuse. Après un siècle, hein... ? Le souvenir de cette solitude mordante lui coupa la respiration. Les murs de chaume déchantèrent au profit d'une obscurité sans nom. Mais à l'instant où ces souvenirs aveuglants truffés de panique la mordirent, quelque chose caressa sa joue.

Elle braqua son regard sur une Xi groggy. Mais ses iris dorés s'éveillèrent bien vite.

— Liz, laissa-t-elle tomber, tu pleures ?

— Je pleure... ?

L'ancienne combattante serra les dents, pour s'approcher et déposer ses lèvres sur son front. Elle passa ensuite à son nez, puis sa joue légèrement humide. Liz la laissa faire, embourbée dans une confusion des plus totales.

Puis leurs bouches se lièrent un bref instant : son cœur bondit dans sa poitrine. Elle retrouva sa partenaire fronçant le nez, plus soucieuse que jamais. Cette vue lui serra l'estomac. Je ne veux pas l'inquiéter. Elle n'en a pas besoin. On a encore des années devant nous...

— Y a quoi ?

Mais je déteste lui cacher quoi que ce soit.

Elle se blottit donc un peu plus contre elle et lova son front au creux de son cou chaud.

— Juste des souvenirs, murmura-t-elle.

— Oh. Je t'aime, je suis là, on est dans l'Empire de Ki et les moutons nous attendent dehors...

Ces paroles sans queue ni tête arrachèrent un court rire à Liz. Quatre ans avaient beau s'être écoulés, son éloquence ne s'était pas améliorée d'un poil.

Elle se leva en s'étirant, démêla par réflexe le carré doré de Xi, et posa un regard plus sérieux vers la porte de leur petite maison. Le soleil brillait déjà bien haut là-dehors ; ses rayons s'infiltraient sous le battant encore tremblotant. Ils caressaient leurs rangements, leur plan de travail, leur petite table boisée aux trois chaises bancales, la forme d'une Xi toujours blottie dans leurs draps à même le sol.

Elles avaient pu reprendre leur indépendance après avoir amassé assez d'argent chez leurs anciens hôtes. Liz s'était souvenue sans mal aucun d'une petite maison à côté de laquelle elle était passée avec Loë, dans le « monde d'avant ». Dans sa clairière cachée par des chênes vigoureux se tenaient désormais leur bâtisse parfois grelottante, un petit enclos de poules, canards et moutons...

Et un autre bâtiment de pierre dont elles devaient encore peaufiner l'intérieur.

— Je vais nourrir les poules, annonça Liz. Réveille-toi à ton rythme.

— Non, je viens avec toi, grogna Xi. Les moutons ont aussi besoin de nous.

Court soupir, elle posa brièvement ses lèvres entre ses sourcils platine.

— Soit, souffla-t-elle.

Chacune enfilèrent une tunique et un bas de lin, et sortirent seau en main là-dehors. Et toutes deux se figèrent dès leur premier pas entre les branches chantantes.

De ce bâtiment de pierre dont elles s'occupaient depuis des mois, étroit abri surplombé d'un toit des plus simples dans lequel reposait un banc servant d'autel, s'éleva un pleur suraigu.

... Un enfant ici ?!

Xi lâcha aussitôt son seau et fonça vers l'abri, pour déraper dedans en écarquillant les yeux. L'inquiétude ceignit Liz : elle la suivit à la trace, posa une main sur son épaule et suivit son regard. La stupéfaction la plomba aussitôt.

Entre les ombres rampantes d'une table recouverte d'un panier de fruits, d'un strict banc de prières et d'un bocal de trois bâtons de chêne déjà brûlés jusqu'à la moelle, était étalée une petite fille aux longs cheveux bruns. Elle leva vers elles une face plate et en pleurs, dont la bouche épaisse soubresautait sans arrêt. De ses fins yeux noisette s'écoulait un flot de larmes incontrôlable.

Comment elle a atterri là... ? Quelqu'un l'a abandonnée ? Liz s'approcha avec précaution et s'agenouilla face à elle.

— Petite, quel est ton nom ?

L'intéressée secoua frénétiquement la tête et se tourna vers Xi : celle-ci avait plaqué ses mains sur ses hanches, les dents serrées.

— Eh, c'est le temple de Loë ! s'effaroucha-t-elle. Tu fais quoi là ? T'as cru que c'était une auberge ? T'as pas lu l'inscription « Loë » sur la planche au-dessus ?

— Xi, hésita Liz, je ne sais pas si elle sait lire. Et ne crie pas comme ça, elle a déjà peur.

— Mais elle souille le temple de Loë !

— Elle n'a pas dû le faire exprès.

Elle fronça le nez, mais ne protesta plus.

— On fait quoi, alors ? grogna-t-elle. Elle a des parents, tu penses ? Eh, tu...

— Xi, la reprit Liz, l'œil plissé. Sois pédagogue avec les enfants. Tu vois bien qu'elle est effrayée !

L'intéressée s'étrangla encore ; et une nouvelle fois, tenta de retrouver son calme. Elle esquissa même un sourire se voulant gentil, mais si faux qu'il donnait des frissons.

— ... Petite. Comment tu es arrivée là ?

— Tombée ici..., gémit cette enfant.

— Hein ?! À d'autres, je ne...

Cette pauvrette couina et se réfugia dans les bras tendus de l'ancienne future diablesse ; l'irritation piqua le coffre de celle-ci. Elle gratifia sa femme d'une œillade sévère.

Xi, siffla-t-elle, soit tu y vas avec douceur, soit je prends le relai.

L'intéressée déglutit. Sa face anguleuse reflétait tout de son malaise – et au fond, comment lui en vouloir ? Ce temple, c'était le premier jamais construit pour son ami d'enfance. Et c'était une certitude, personne n'allait prier Loë de sitôt, si ce n'était avant qu'elles deux ne meurent.

Xi n'allait peut-être jamais voir son ami d'enfance s'épanouir en tant que Dieu, malgré toutes les horreurs qu'il avait traversé. Alors qu'une petite fille « souille » ce lieu sacré...

— Vas-y, grommela-t-elle. De toute façon, je sais pas parler.

Liz acquiesça avant de se tourner de nouveau vers l'enfant.

— Quel est ton nom ?

On se colla un peu plus à elle. Sa tunique est toute terreuse. Elle a des feuilles dans ses cheveux. Elle n'a pas dû se laver depuis des jours et des jours.

— Irana..., chevrota-t-on enfin.

— D'accord. Je m'appelle Liz, et voici Xi. Quel âge tu as ?

— Quatre ans et demi.

— Et comment tu es venue ici ?

— J'ai dit, je suis tombée... !

Bien, ça n'a vraiment aucun sens. Son arrivée dans ce temple aurait un lien avec Loë ? Moi et Xi l'avons construit sans vraiment croire que ça l'influencerait d'une façon ou d'une autre, mais cette Irana aurait-elle un lien avec tout ça... ? Et elles ne pouvaient pas même contacter directement l'alchimiste, après avoir scellé leurs pouvoirs.

La jeune femme sentit Irana trembloter contre son haut. Elle la hissa dans ses bras en soupirant et sortit de l'abri en douceur. Xi ne la lâcha pas du regard ; tantôt sceptique, tantôt indignée, tantôt admirative.

— On fait quoi d'Irana, maintenant ? lança-t-elle de but en blanc.

— Pour l'heure, nous allons la laver et la nourrir. On verra ensuite. Ça te va ?

— Pas comme si on avait le choix..., marmonna-t-elle.

En allant vers leur maison, Liz la vit du coin de l'œil attraper un balai pour laver le sol du temple. Son cœur se serra à la vue de ses gestes acharnés. Elle partit néanmoins de son côté, car cette Irana « tombée de nulle-part » commençait à recommencer à sangloter dans son cou.

Elle l'assit sur leur matelas avant de remplir une bassine d'eau froide. Elle s'attela ensuite à la déshabiller et attraper une serviette trempée et savonneuse. En brossant son dos et ses longues mèches, elle inspecta discrètement sa peau pâle : pas la moindre égratignure ni le moindre bleu, malgré sa saleté.

Traverser un bois telle une enfant de quatre ans, sans chuter ? Un peu plus, et Liz aurait cru que cette fille était apparue ici.

Elle pensa et pensa, s'inquiéta à la vue de son corps tout frêle, lui offrit enfin un haut trois fois trop grand pour elle, lui brossa les cheveux par automatisme. Vraiment, une petite fille terrorisée mais sans blessure aucune...

— Dis, Irana, recommença-t-elle d'un ton posé. Où sont tes parents ?

— J'ai perdu maman Tara et papa Loë est jamais là...

— Papa quoi ? s'étouffa-t-elle.

— Liz, ça va ?! s'inquiéta derechef Xi là-dehors.

Elle a lu « Loë » sur la pancarte et a retenu ce nom au hasard. Non, elle ne sait pour sûr pas lire. Mais elle nous a entendu dire son prénom. Et quand bien même, elle n'a pas l'air d'inventer quoi que ce soit. Alors son père s'appelle juste Loë aussi, il y en a plusieurs dans ce monde... !

— Ça va ! lança-t-elle.

Car en tant que Dieu, avoir un enfant est extrêmement rare. Surtout de quatre ans. Ça voudrait dire qu'il l'aurait eue en 1776, juste à son entrée au Paradis. Ce n'est qu'une coïncidence.

Néanmoins, elle eut beau se le répéter et se le répéter, jamais cet étrange doute ne la lâcha-t-elle.

Elle prépara une bouillie d'avoine avec des morceaux de pomme à Irana : celle-ci se jeta dessus tel un louveteau affamé. Elle parvenait tout juste à tenir sa cuillère, et des petits bouts de fruit salirent ses joues rondes et rougies. Ses mèches trempèrent dans son bol : Liz partit chercher un ruban et lui fit une couette basse. Cette enfant ne se détourna pas le moins du monde de son repas.

Xi ne revint qu'au bout d'une bonne heure, alors qu'Irana somnolait déjà sur la table. Elle se planta un instant au milieu de leur seule pièce à vivre, son balai traînant sur le plancher. Puis elle repéra la bassine d'eau sale ; Liz se leva, mais déjà s'avançait-elle sans un regard pour l'enfant.

Elle nettoya le sol autour, la vaisselle de ce petit-déjeuner de fortune, la bassine même. Elle s'acharna sur la moindre saleté qu'Irana aurait laissé derrière. Plus sa compagne l'étudiait faire, plus elle se sentait clouée sur son siège. Comme si elle-même venait de blasphémer le temple rafistolé de Loë.

— Des infos ? largua soudain Xi, penchée sur un tas de poussière.

Son épouse tourna ses yeux bridés vers Irana : son front s'était pour de bon plaqué sur leur table de bois.

— Elle semble s'être perdue dans les bois. Elle cherche sa mère.

— Comment elle s'appelle ?

— Tara.

— Joli nom, nota-t-elle sans conviction aucune. Et son père ?

Un poids tomba dans son estomac. Elle braqua ses iris sur ses mains crispées.

— Il s'appellerait Loë...

— Quoi ?! C'est une blague ?

— Je pense que c'est un autre Loë ! se précipita Liz. Le continent est vaste. C'est une grosse coïncidence, certes, mais impossible que Loë ait eu un enfant, n'est-ce pas ?

— Oui, impossible, trancha-t-elle. Je le vois déjà mal se trouver quelqu'un.

Si tout un chacun aurait cru à de la moquerie, sa compagne n'y décela qu'une honnêteté des plus pures. Elle laissa échapper un petit rire, avant de se lever et se diriger vers la fenêtre. Elle examina de loin ce petit autel. Il manquait encore des planches sur son toit penché et inégal.

— On devrait chercher où est Tara.

— Mmh...

Elle entendit les pas lourds de Xi avant que deux bras ne l'enserrent. Son torse chaud et musclé se colla contre son dos, son menton pointu se cala sur son épaule, ses mèches chatouillèrent sa mâchoire. Tous ces doux contacts apaisèrent peu à peu le reste d'inquiétude flottant chez Liz. Elle posa sa main sur celles de Xi et caressa sa chevelure blonde de l'autre.

On lui offrit un petit bisou sur la joue en retour ; au final, elles se tournèrent pour de bon l'une vers l'autre et épousèrent doucement leurs lèvres. Liz sentit contre son visage le premier sourire de la journée de Xi.

— Papa et maman font pas ça..., babilla soudain Irana.

Elles bondirent sur place et s'écartèrent d'un bon mètre. Cette petite brunette s'était réveillée, et se frottait désormais les paupières. Elle descendit ensuite ses iris vers leurs tresses autour de leurs poignets. Si les jours de Liz cramèrent, Xi posa une pause sur sa hanche, sourcils levés. Comment elle reste aussi calme ?!

— Papa et maman cachent sûrement plein de trucs, railla-t-elle.

— Quoi ?

— Votre maison a combien de pièce ?

— ... Une ?

— Ah. Oups. Tant pis. Oublie.

J'avais oublié que « gêne » ne faisait pas partie de son vocabulaire..., se désespéra Liz.

— Au fait, Liz, lança-t-elle d'ailleurs. J'ai tenté d'envoyer une espèce de prière à Loë.

— Madame, t'as demandé à papa ?

— Non, non, rit-elle. Ton papa et le Dieu Loë sont deux personnes différentes.

— Mais maman a dit que papa Loë était là-haut...

La face de Xi se décomposa dans l'instant. Elle se précipita vers Irana et s'agenouilla face à elle ; ses paumes se posèrent doucement sur ses épaules.

— Ça va aller, murmura-t-elle. Quand est-ce qu'il est mort ?

— Papa est mort... ? geignit la cadette.

Xi, par tout ce qui est sacré, arrête-toi là !

— Qu'est-ce que tu as demandé à Loë ? l'interrompit Liz.

— Je lui ai dit qu'une gamine s'était fait son petit nid dans son temple. Bah, m'étonnerait qu'il me réponde, c'est anecdotique. Mais je vais quand même le mettre au courant du reste. Petite, reprit-elle d'autant plus tendrement, ne t'en fais pas, tu as toujours ta maman.

Là-dessus repartit-elle sous le soleil éblouissant de midi.

Donc le père d'Irana – Loë – serait mort ? « Papa Loë n'est jamais là » : cette théorie tenait diablement bien la route. Xi était passée de méfiante à toute compréhensive ; et une nouvelle fois, la raison était triviale.

Elle aussi avait dû subir des deuils lourds dès l'enfance. Et elle n'a toujours pas quitté la tresse de la Liz de ce monde... Donc qu'elle souhaite soutenir Irana n'est pas surprenant le moins du monde.

Quid de la suite ? Allaient-elles partir à la recherche de Tara, emmener Irana dans la ville la plus proche ? Elles avaient déblayé un passage au travers de la forêt, jusqu'aux plaines là-dehors. Le premier bourg se trouvait à cinq kilomètres. Tara habitait pour sûr là-bas.

Cela dit, comment avait-elle perdu sa fille de vue, par quel moyen celle-ci s'était-elle perdue jusqu'ici ? On dirait vraiment qu'elle est apparue de nulle-part...

— Madame, où est maman... ?

— On la retrouvera, lui assura Liz.

Si seulement on voit juste.

Elle vit Xi balancer des graines dans leur poulailler et nourrir leurs moutons ; ces tâches-ci, elle les appliquait dans une vitesse et une précision hallucinantes. Ses « prières » n'avaient pas dû durer bien longtemps. Elle se tourna alors vers sa compagne, lui sourit et lui fit un bisou de la main... avant de bondir en arrière, complètement abasourdie.

L'angoisse ceignit Liz : elle saisit son épée et se précipita dehors. Mais elle ne trouva que Loë et son éternelle longue coupe foncée. Il remontait ses lunettes sur son nez en grognant ; ses prunelles acérées passèrent du temple à la maison.

Il avait bien changé, en quatre ans. Le jeune homme hésitant, désespéré et résigné qu'il était s'était transformé en un sous-sous-Dieu jurant par la rigueur et, parfois, les railleries. Plus sérieux, plus confiant, plus vif ; s'amusant bien plus avec son intellect, aussi, lorsqu'il descendait incognito pour leur exposer ses dernières découvertes.

Cette version même de Loë pour laquelle Liz s'était tant battue.

— Salut. Désolé d'être en retard. C'est quoi, cette histoire d'Irana ?

— Eh, Loë ! s'extasia Xi. Je sais pas, elle dit être tombée dans ton temple. On va faire un truc pour trouver sa maman Tara, mais ça va être compliqué de savoir par où commencer. Sinon, tu vas bien ?

L'intéressé garda ses pupilles fixées sur leur bâtisse branlante. Une étrange mélancolie y flotta ; les traits de Xi tournèrent peu à peu au triste. Elle s'approcha de lui et posa une main sur son épaule désormais musclée.

— Un « temple », hein..., murmura-t-il.

— Quelque chose se passe mal aux Cieux ?

Court silence. Leur sous-sous Dieu de l'Alchimie finit par épousseter son pantalon et se concentra sur le chemin menant hors de la forêt.

— Non, tout s'y passe bien, abrégea-t-il. Sa mère s'appelle Tara, c'est ça ?

— Oui.

— Vous pensez pouvoir garder Irana ?

— Hein... ? Pourquoi ?

Il afficha un sourire mi-figue, mi-raisin.

— En attendant que cette « Tara » montre le bout de son nez. J'y retourne, tenez-moi au courant.

— Attends !

Xi attrapa sa longue manche, plus ferme que jamais.

— Tu caches des trucs. Elle a dit que son papa s'appelait Loë. T'as quelque chose à voir dans cette affaire ?

— Moi, papa ? Tu te paies ma tête ? grogna-t-il. Je vais me charger de mettre des avis de recherche dans le village, je suis en vacances. Pendant ce temps, gardez-la juste. Ça mettra peu de temps, je promets.

— Hé !

Mais déjà s'évaporait-il dans les airs. Elle échangea une œillade perdue avec Liz ; cette dernière n'y comprit rien de plus. Alors elles s'attelèrent à ce que Loë avait demandé, pendant que lui, « en vacances », était peut-être en train de s'occuper de chercher cette Tara qu'il ne connaissait pas même.

Les jours passèrent, et Irana ne se montra pas insolente le moins du monde. Elle caressait les moutons, jouait avec des bouts de bois, jetait parfois des graines chez les poules. Mais jamais, au grand jamais ne s'approcha-t-elle du temple, car le regard seul de Xi la proscrivait d'y toucher.

Une semaine, deux semaines, un mois passèrent. Aucune nouvelle de Loë. Xi se remit à lui envoyer des messages, en vain. Cette garde d'enfant s'éternisa ; et au bout de quatre longs mois, les deux épouses ne s'inquiétèrent plus que de la situation de Tara, car Irana semblait si apaisée ici.

Une mère séparée de son enfant si longtemps – comment pouvait-elle rester silencieuse ? Liz n'en entendait jamais parler en descendant en ville acheter des vivres. Elle se mit même à échanger de la laine et de la viande contre des vêtements d'enfant.

Au bout de six mois, Irana, à ses cinq ans, commença à les appeler « mamans ». Et comme si ces surnoms prononcés avec tant d'aisance et d'entrain avaient sonné une quelconque alarme, une grande femme aux courtes boucles blondes sans tresse aucune et profonds yeux bleus débarqua chez elles en haletant. Elle prononça des mots étrangers, un langage qu'elles ne comprirent pas le moins du monde.

La mère d'Irana venait-elle donc d'un autre continent ? Mais comment cette enfant aurait-elle pu atterrir ici et parler leur langue à eux ?

1781 : Irana les quitta en pleurant tant de joie que de peine. Année même où Xi et Liz lurent le conte d'un enfant « tombé dans un temple », un enfant « né demi-Dieu ».

Tandis qu'elles tentaient de reprendre leur quotidien d'avant, elles réalisèrent deux choses. Une troisième place manquait ici...

... et surtout, les questions d'un Loë père et d'une mère lointaine et étrangère allaient rester pleines jusqu'à la fin de leurs jours.


Bonjour tout le monde ! Ce hors-série devait être assez inattendu, mais il fallait bien que je le sorte. D'autres vont peut-être suivre ! :)

Est-ce que vous vous souvenez de cette suite à À la quête du Diable qui devait sortir début 2022 ? Au final, j'ai pris beaucoup de retard dessus et ai dû avancer sur d'autres projets (Black Yaourt notamment, dispo sur mon compte, allez y jeter un œil ;))

Ce futur roman qui se déroule dans l'univers de À la quête du Diable s'appelle d'ailleurs Le monstre sans voix. Toujours bon à savoir !

J'espère que vous avez apprécié ce hors-série surprise, potentiellement lié à Le monstre sans voix ! :P

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