2. Albus & Scorpius
-Esther, tu pourrais laisser cette bouteille s'il te plaît ?
La brune leva les yeux au ciel et reposa le Whisky Pur Feu lourdement. Scorpius lâcha un profond soupir, fatigué de jouer la figure paternelle. Ses nerfs étaient déjà à bout, elle ne l'aidait pas. Ses pensées se retournaient sans cesse depuis la veille. Elles partaient, revenaient à la charge, tournaient en boucle et ça incessement. Albus ne lui avait rien envoyé, il ne savait pas si son père s'était énervé, s'il avait la possibilité de sortir ou s'il avait été assassiné pendant la nuit. Rester dans l'ignorance était une des sensations qu'il détestait le plus.
-Arrête de faire les cent pas et vient t'asseoir, l'enjoignit Lydia.
-Je ne peux pas, grommela-t-il.
-Allez, insista-t-elle.
Elle tapota la place sur le canapé avec un regard autoritaire. Scorpius céda. Les bras de la jeune fille l'entourèrent quand il s'avachit sur elle. Son parfum de roses fraîches l'apaisa.
-Son père nous a déjà séparé une fois, lui confia-t-il. Il pourrait recommencer une deuxième fois.
Lydia et Esther n'avaient pas connus ces temps là. À cette époque, Albus et Scorpius avaient été seuls dans l'adversité, à jouer les grandes personnes quand ils avaient faillit faire foirer l'histoire. Certes, ils avaient protégé le monde contre un second Lord Voldemort, mais ils pouvaient remercier la chance pour ce coup là. C'était uniquement grâce à elle qu'ils étaient encore en vie.
Ils avaient connu Esther l'année d'après, tandis que Lydia était sortie de Beaubâtons après la décision express de son père. Théodore Nott n'avait fait revenir sa fille que pour le prétexte de s'opposer à sa femme, ce que Scorpius n'avait pas regretté.
-Pourquoi vous avait-il séparé déjà ?
-Parce que j'étais un Malefoy.
L'unique raison pour laquelle Harry Potter le regardait mal. Ah oui, et aussi parce que selon lui, il avait "transformé" son fils. S'il avait été aussi intelligent qu'on le vantait, il aurait compris que Albus avait toujours été rebelle et hors des limites. Il n'était pas à Serpentard pour rien.
-C'est injuste.
-Le monde est injuste, soupira Esther. Mais il y a pire que deux petit-amis séparés.
Scorpius fronça les sourcils, légèrement vexé.
-Ah oui, et comme quoi ?
-Comme le fait de naître sans parents, claqua-t-elle avec sa langue.
-Tu ne vas jamais lâcher le morceau, hein ?
-Je t'emmerde.
-Moi aussi, sourit-il faux.
Esther planta son regard noir dans le sien et s'empara de la bouteille.
-Lâche ça, lui ordonna-t-il.
Elle la déboucha puis approcha le goulot de ses lèvres.
-Esther, arrête.
Il se redressa, elle but. Son sang ne fit qu'un tour. Il balaya l'objet d'un coup de main, le lui arrachant des mains. Le verre alla éclater au sol dans un bruit assourdissant. La seule chose qui s'accrocha à lui fut le regard assassin d'Esther. Ses pulsions colériques le traversèrent de tout son corps jusqu'à s'échapper dans un souffle lourd.
-T'es chiant, cracha-t-elle.
-Toi aussi. Quand je te dis d'arrêter, tu arrêtes. Tu veux des parents ? Eh bien c'est comme ça qu'ils fonctionnent. Quand ils t'ordonnent quelque chose, tu dois te taire et obéir.
-Sauf que mes parents m'auraient aimé.
-Parce que tu crois qu'on ne t'aime pas ?
Pour la première fois, elle détourna la tête. Ses genoux furent ramenés sur sa poitrine, et ses bras les entourèrent.
-Je t'énerve, murmura-t-elle.
Heureusement que le silence régnait, où il n'aurait rien entendu. Lydia lui envoya un regard entendu, avec cette lueur d'alarme qui brillait dans ses yeux chaque fois qu'un des leurs se sentait mal. Scorpius s'agenouilla face à elle et posa une main sur son bras.
-Je m'énerve parce que te voir te détruire m'insuporte. Je veux juste te protéger parce que tu comptes énormément pour moi, et que pour rien au monde je voudrais te perdre.
Elle refusait toujours de le regarder en face, semblant le rejeter dans sa propre attitude. Esther se refermait facilement. Il lui suffisait d'un seul prétexte pour reculer, se fondre dans le vide et se tailler en pièces. Pour cette raison, Scorpius refusait de la laisser dans cet état.
-Eh. Regarde moi.
-Non.
D'un coin de l'œil, il vit Lydia lever les yeux au ciel avant de se lever pour s'asseoir à côté d'elle. Elle passa son bras autour de ses épaules et l'attira contre elle. Scorpius ressentit une pointe de jalousie quand il vit Esther se laisser faire. Elle se fâchait rapidement contre lui, mais elle se jetait dans les bras des autres à la moindre occasion. Certes, il s'énervait souvent contre elle, mais elle devait comprendre que c'était pour son bien. Être le méchant de l'histoire ne l'enchantait pas non plus.
-Pardonne moi, tenta-t-il.
-Qu'est-ce que tu as fait encore ?
Scorpius sauta sur ses pieds pour faire face au nouvel arrivé. Un soulagement immense s'étendit jusque dans ses doigts. Albus était appuyé contre le chambranle de la porte, un demi sourire sous un regard fatigué mais illuminé. Il observa Esther et Scorpius alternativement, puis la bouteille éclatée au sol, puis sembla comprendre.
-Pour la prochaine bagarre je veux être là.
-Vraiment très intelligent comme remarque, Potter, applaudit Lydia.
Esther, malgré elle, eut un petit sourire. Cependant, Scorpius resta de marbre. Ses mains étaient enfoncées dans les poches de son pantalon, les épaules raidies par l'agacement.
-Tu ne m'écris pas et tu débarques chez moi à l'improviste ? Comment tu es rentré d'abord ?
-J'attendais mieux comme accueil, grogna-t-il.
-J'ai dit, comment tu es rentré.
Les deux jeunes hommes se dévisagèrent durant de longues secondes, se demandant ce qui qui s'était passé pour que l'ambiance soit aussi tendue.
-Ton père, lâcha-t-il finalement. Il m'a entendu depuis le salon. Et pour ce qui est des lettres, je ne vois pas ce que je t'aurais dit.
-Tu te fous de moi là, non ? La dernière fois qu'on s'est vu, ton père a débarqué en plein milieu de la fête et nous a vu ensemble, mais à part ça il ne s'est rien passé ?
-Absolument rien.
Scorpius resta sans mots. Ce n'était pas du genre d'Albus de paraître aussi secret et renfermé. Jamais il n'avait été ainsi. Et il le connaissait suffisamment pour savoir que son comportement avait quelque chose à voir avec son père. Harry Potter avait eu beau sauver le monde, il était en train de détruire son fils.
Albus s'approcha d'Esther et lui tendit la main pour l'aider à se relever.
-On est peut être pas tes parents, mais on fera tout pour que tu sois heureuse, fit-il en lui ébouriffant les cheveux. Je ne veux plus que tu te mettes dans cet état pour ça, ok ?
Alors Scorpius se demanda depuis combien de temps il était resté derrière la porte à les écouter.
***
Traverser le Manoir sans rencontrer son père en chemin était un défi, mais Scorpius était décidé à l'emporter. Les menaces constantes avaient transformé Drago Malefoy en un fantôme ambulant, cherchant toujours à trouver la nature d'un bruit suspect. Scorpius essayait de le raisonner, mais il n'en faisait qu'à sa tête. Parfois, il se demandait si son père n'allait pas mourir de folie.
Un plateau débordant de fruits et de toasts, il emprunta le couloir sur la pointe des pieds. L'obscurité l'enveloppait de ses longues ailes noires, recouvrant les meubles d'un voile funèbre. Le silence était complet, plus profond que celui des montagnes. Les portraits dormaient tous. Pour une fois qu'ils n'insultaient personne, Scorpius en profita. Mais à peine voulut-il prendre le tournant qu'un voix l'arrêta net.
-Où tu vas comme ça ?
Ce soir, il n'avait pas remporté son défi. Scorpius soupira et se tourna vers son père, les bras chargés.
-Manger. Dans ma chambre.
-Et tu vas manger tout ça seul ?
Il se mit à observer ce qu'il tenait dans les mains. Le plateau était à ras bord. Il y avait au moins trois pommes, cinq poires, un bol entier de fraises, une vingtaine de tranches de pain avec de la confiture et de la pâte à tartiner. Certes. C'était un peu suspect.
-J'ai faim.
Drago plissa ses yeux plein de soupçon. Évidemment, il n'allait pas se faire avoir par une excuse aussi nulle.
-Je n'ai pas vu Potter sortir de la maison.
-Ah non ?
Scorpius n'avait jamais été doué pour mentir, tout le monde le savait. Son père, surtout.
-J'aimerais juste que tu me préviennes avant de laisser quelqu'un dormir ici.
-Oui, ok.
Le soulagement fut tel qu'il ne trouva rien de plus à dire. Ses bras commençaient à fatiguer sous le poids du plateau.
-Merci, lâcha-t-il avant de repartir.
Il arriva face à sa chambre quelques minutes plus tard, maudissant ce Manoir pour être aussi grand. Les yeux d'Albus s'illuminèrent quand il vit le repas arriver. Aussitôt posé sur le lit, il se jeta sur la pâte à tartiner. Albus Potter et le chocolat, un grand amour.
-Mon père sait que tu es ici, crut bon de préciser Scorpius.
-Et ça ne le dérange pas ? demanda Albus, la bouche déjà pleine.
Le blond haussa des épaules.
-Il s'en fiche pas mal je pense.
Son père lui avait toujours laissé inviter qui il voulait au Manoir, mais Scorpius n'en avait jamais emmené plus de trois. Albus connaissait les moindres recoins à force d'être venu, Lydia s'y rendait tantôt les après-midi tantôt pour les soirées familiales et Esther aimait faire des aller retours entre ici et chez elle.
-Cool.
Scorpius observa son petit ami se gaver de pâte à tartiner, lançant un regard triste aux fruits qui attendaient la venue d'une main. La fenêtre ouverte permettait à la brise nocturne de se glisser doucement entre les rideaux de soie. Ce soir, aucune bougie ne fut nécessaire. La lune noyait la chambre d'une lumière pâle.
-Tu comptes rester ici combien de temps ? finit-il par demander.
-Je ne sais pas. C'est le seul endroit où il...
...ne pouvait pas aller le chercher, continua mentalement Scorpius. Pourtant, Albus s'était arrêté et balayait à présent sa phrase d'un geste vague de la main, tout en enfouissant un gros morceau de pain dans la bouche.
-Sûrement jusqu'à demain, réussit-il à articuler. Sinon, t'as changé tes rideaux ?
-Pourquoi jusqu'à demain ? Tu vas aller où après ?
-Ils ont une belle couleur.
-Albus, je te parle.
-Hein ?
Le brun parut déçu de ne pas avoir su détourner la conversation.
-Tu vas aller où après ? répéta Scorpius.
Albus passa une main dans ses cheveux, tout à coup gêné.
-Ben chez moi.
-Non. Si tu es ici ce soir c'est que tu ne vas pas retourner chez toi avant longtemps. Je te connais.
-Écoute, je...
Il ferma les yeux, tout à coup abattu. Scorpius fut rongé par l'inquiétude. Que lui cachait-il depuis le début ? Que s'était-il passé ? Il posa une main sur son genoux, et Albus la fixa comme si elle était la bouée qui venait de le sauver en pleine mer.
-Tu peux tout me dire, tu le sais non ?
Albus planta son regard vert dans le sien. Ses pupilles brillaient comme les éclats d'une émeraude sous un soleil d'hiver.
-Je crois qu'on a fait une connerie, souffla-t-il.
-Quoi ?
-On a voulu montrer au monde entier que notre amour surpassait tous les obstacles, mais on s'est ramassé. Et bien.
-Sois plus clair s'il te plaît.
-Mon père m'envoie dans un internat.
Scorpius eut l'impression d'entendre sa condamnation à mort. Ses traits se décomposèrent. Une telle chose ne pouvait pas se faire. Une telle chose était impossible. Face à sa réaction, Albus eut les larmes aux yeux. Il lova sa main dans la sienne, la serra fort.
-Je suis désolé, murmura-t-il.
-Non. Non, ça ne peut pas se passer comme ça, refusa Scorpius en se levant brusquement.
Albus perdit son contact et laissa ses larmes silencieuses dévaler sa joue. Si. Bien sûr que ça pouvait se passer comme ça. Le destin était assez sournoi pour les séparer une nouvelle fois, et il recommencerait jusqu'à ce qu'ils soient las de chercher à se retrouver.
-Et Poudlard ? Tes études ? Nous ?
-C'est un internat magique, fut la seule chose qu'il réussit à dire.
-Pourquoi ?
-Parce qu'il veut faire de moi ce que je ne suis pas. Il veut que je sois comme James. Un mini héros, un garçon exemplaire. Et il te voit toi comme le méchant de l'histoire qu'il faut éliminer. Ça a toujours été comme ça, pourquoi ça te surprends ?
-Tu te résignes ?
Albus baissa la tête. Il aurait aimé lui dire que non. Qu'il se battrait. Qu'il ferait brûler sa maison si nécessaire. Mais il était fatigué de lutter. La dispute qu'il avait eu avec son père l'avait vidé. Une année. Une seule année. Il n'allait pas mourir pour un an loin de Scorpius.
-On se verra pendant les vacances.
-Non. Non, non, non et non.
Il se leva et s'approcha de son petit ami. Les deux mains encadrant son visage, il l'observa, contempla ses traits nobles, sa chevelure dorée, se surprit à l'aimer peut-être plus qu'il ne le croyait. Scorpius Malefoy le complétait. Il emplissait le vide que la déception de ses parents avaient créée. Il était sa nuit étoilée, son bol d'air frais, sa dose de beauté. Une année. Une seule année. Et il reviendrait, il le promettait.
-Je t'aime, chuchota-t-il.
-Albus, tu ne peux pas partir.
-Je t'aime.
La dernière syllabe se noya dans leur baiser. Un goût salé se posa sur leur lèvre. Scorpius se perdit dans cette effusion, délaissa son coeur, son âme, prêt à voir partir les deux avec lui. Qu'était-il sans Albus Potter ? Rien. Des cendres. Des souvenirs d'une société révolue, un nom haïe, damné, maudit. Albus allégeait son existence. Il arrachait les monstres de son coeur et les remplaçait pas des baisers.
Il lui interdisait de partir.
-Je ne te demande qu'une chose, souffla Albus dans une respiration entrecoupée. Ne m'oublie pas.
Scorpius réfugia sa tête dans le creu de son cou, inspirant son odeur telle une drogue.
-Tu me hanteras.
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