Chapitre XX - Déshonneur
-Tu es une honte pour cette famille ! Quel déshonneur, quelle humiliation ! Que va-t-on penser de toi à présent, ma fille ? Que dis-je ! Tu n'es plus ma fille !
Pansy tiqua mais ne bougea pas d'un pouce. Son corps était aussi raide que du bois, assise sur un canapé qui grinçait sous son poids.
-Mon oncle, je pense qu'elle a compris, intervint Dorian qui était resté muet depuis l'annonce.
-Tu prends sa défense !
-Je...
Il se ravisa et se rassit en soupirant. Bien sûr. Dorian était bien trop faible pour s'opposer à ceux qui lui avaient offert un toit.
-À 16 ans, un enfant sur les bras ! Qui es-tu, une vulgaire moldue trop idiote pour faire attention à qui met sa queue en elle ? Où est la noblesse de la maison Parkinson, qu'en as-tu fait ?
-La maison Parkinson n'a plus de noblesse depuis longtemps, Père.
C'était la première fois qu'elle avait ouvert la bouche. Son père, debout devant la cheminée, la dévisagea longuement, semblant hésiter entre la frapper ou la tuer. Sa mère écarquilla les yeux et porta une main sur son buste. Étrangement, elle se sentait calme, posée. C'est ça, l'indépendance. C'est ne pas laisser les autres détruire ta vie. Ne pas les laisser te prendre ton cœur. Un cœur qu'elle gardait précieusement derrière ses tous nouveaux murs de glace.
-Comment oses-tu, ingrate ? cracha sa mère, dont le visage était devenu aussi rouge qu'une tomate. Qu'as-tu fais pour lui redonner de la valeur ? Tu n'as fait que l'humilier, encore et encore ! Tu mérites d'être déshéritée et jetée dehors !
-Et vous, mère ? répondit-elle avec froideur. Qu'avez-vous fait pour cette maison, à part lui prendre toutes ses richesses pour les dépenser dans de absurdes parures et des robes ridicules, tentant de ressembler au Malefoy ou aux Greengrass quand nous ne valons pas mieux que les Weasley ?
-Je l'ai fait pour notre honneur, jeune fille ! L'honneur, c'est quelque chose que tu ne connais pas apparemment !
-Quel honneur, Mère ? Quel honneur a-t-on à battre sa fille de bas âge en espérant faire d'elle son esclave ?
Sa réplique jeta un froid dans la salle. Pour une fois, elle n'obtint pas de réponse. Alors elle continua.
-Quel honneur a-t-on de manigancer un mariage juste pour obtenir plus d'argent et se redresser dans la société ? Quel honneur a-t-on de coucher avec d'autres hommes et qualifier de honte sa fille qui a fait l'erreur de ne pas se protéger avec son petit copain ?
-Mais moi au moins j'ai eu la décence de revenir le ventre plat !
-Parce que j'ai choisi peut-être ? J'ai placé un fœtus dans mon ventre rien que pour le plaisir ? Croyez-moi mère, j'aurais préféré que ça ne se passe pas ainsi, mais nous sommes tous condamnés à subir la volonté du destin.
-Tu appelles ça le destin, j'appelle cela de l'idiotie.
-Appelez cela comme vous voulez, cela reste ce que c'est. Le futur.
Elle se risqua à jeter un coup d’œil vers son père qui semblait troublé par leur dispute. Qu'il joue lui aussi l'innocence. Leur amour était aussi faux que leurs paroles.
-Cela ne changera rien à la situation de dire de tels mots, intervint une nouvelle fois Dorian. Le meilleur à faire est d'organiser le mariage avant la naissance de l'enfant.
-Un mariage à 16 ans ! s'offusqua sa mère.
-À part fêter son anniversaire plus tôt, je ne vois pas d'autres choix, répliqua-t-il sèchement.
-Une Parkinson mariée à un Zabini, grommela le père de famille. Notre maison est destinée à la perte et à l'humiliation pour des générations. Les Zabini ne sont même pas une maison, c'est un nom perdu entre la multitude, emprunté à un homme dont la femme ne se rappelle plus du prénom. Une prostituée qu'est la mère de Blaise.
-La mère de Blaise n'est pas une prostituée, la défendit Pansy.
-Si elle ne l'est pas ! renchérit sa mère. À huit hommes elle s'est marié, à huit hommes elle a tué pour posséder toutes leurs richesses et à un d'entre eux elle a donné accidentellement un fils !
-Mais en attendant, elle possède deux choses que vous n'avez pas, Mère. De l'argent, et de l'amour pour sa progéniture.
Plus rapidement qu'elle ne s'y attendait, sa génitrice se leva et lui asséna une gifle. Une douleur vive lui brûla la joue, mais Pansy ne dit pas un mot. Son visage était tourné sur le côté, incliné vers le bas comme si elle jugeait avoir eu ce qu'elle méritait. Mais elle ne regrettait rien, au contraire.
-Je vous conseille de réfléchir avant de parler, Pansy.
-Alors nous revenons au vouvoiement ?
Elle se redressa et planta ses yeux dans ceux de sa mère. Celle-ci chancela un instant, mais se reprit. Pour elle, montrer ses sentiments c'était comme révéler tous ses secrets.
-Vous n'êtes plus ma fille, je ne vois pas pourquoi je continuerai à parler avec vous comme si vous l'étiez.
Elle n'aurait jamais cru que des paroles puissent blesser autant. C'était comme si quelqu'un avait introduit sa main dans son corps et serré si fort son cœur afin le faire exploser.
-Pour ma part, vous n'avez jamais été ma mère, alors ça ne change rien.
Elle crut voir ses yeux briller. Qu'elle souffre. C'était tout ce qu'elle méritait.
-Après tout ce que j'ai fait.
-Vous n'avez rien fait. Toute votre vie, vous ne m'avez montré que votre froideur et votre mépris. Vous avez reflété la parfaite image d'une mère qui n'en est pas une, d'une femme qui a accompli son devoir d'épouse et qui se débarrasse du fruit de son mariage aussi rapidement que l'on jetterai une pelure dans la poubelle. L'éducation que vous m'avez donné est celle que l'on donnait aux enfants il y a un siècle, et avec cela vous avez voulu que je vous obéisse au doigt et à l’œil et que je vous montre du respect quand vous ne le méritez pas. Dites-moi, mère, que ressentiez-vous lorsque vous m'enfermiez des journées entières dans le placard ? Avez-vous ressenti de ma peine lorsque vous m'entendiez pleurer ? Avez-vous pleuré vous même pour moi ? J'en doute fortement. Parce que vous n'avez pas de cœur. Voyez, je me suis efforcée toute ma vie de ne pas vous ressembler. J'ai essayé de faire tout le contraire de vous. Au lieu d'être froide et discrète, j'ai joué la comédie et j'ai brillé. J'ai attiré les regards sur moi, je suis devenue la peste que tout le monde voulait que je sois. Mais à présent, je vous comprends. Comment faire lorsque tout se retourne contre vous, comment faire lorsque même notre reflet dans le miroir nous semble insupportable, lorsqu'on se rend compte que notre vie n'est pas celle que nous voulions ? Je pensais que vous alliez avoir un peu de pitié. Qu'en me voyant, vous alliez vous voir vous, vous alliez empêcher ce mariage qui n'a rien d'amoureux et que vous alliez empêcher votre fille de vivre la même vie pitoyable que vous. Mais même cela ne vous fait pas réagir. Je me demande si votre cœur s'est arrêté de battre tout seul ou si on vous l'a arraché de force.
-Ça suffit.
À mesure qu'elle avait parlé, des points noirs étaient apparus devant ses yeux et une douleur était née dans son ventre, mais elle les ignora tous deux. Elle savoura la douleur dans les yeux de sa mère et lui sourit. Oui elle lui faisait du mal, oui elle la blessait profondément, mais elle considérait cela comme son droit après toutes ces années à se taire comme une vulgaire poupée.
-Et vous, Père ? dit-elle en se tournant vers son géniteur. Vous ne valez pas mieux qu'elle. Toujours à vous soustraire de vos obligations familiales, sale lâche que vous êtes. Vous saviez ce qu'elle me faisait, et vous n'avez jamais songé à vous interposez, jamais. Pas un seul mot en des années, et tout à coup, voilà que vous vous énervez parce que j'ai mis en péril l'honneur inexistant d'une maison déjà déchue. Vous prétendez me donner des leçons sur ce que j'ai apporté à ma famille mais vous même n'avez fait que vous prélasser toute votre vie en attendant que l'argent arrive comme par magie jusqu'à vos mains. Le seul qui mérite d'être appelé Parkinson dans cette maison est Dorian.
La douleur dans son abdomen s'était faite plus aiguë, mais encore une fois, elle l'ignora.
-Je crois que je n'ai rien à dire de plus, termina-t-elle. Je me marierai à Blaise, parce que c'est ce que je dois faire pour ne pas me faire humilier devant toute notre communauté, mais ne pensez pas que je le fais pour vous. Je le fais pour ma futur famille, pour que nous puissions vivre en paix. Je pense que la question de l'héritage n'a plus lieu d'être puisque nous n'avons plus rien. À présent, si vous permettez, je vais aller me reposer car j'ai un enfant à prendre soin.
Elle se releva et le sol tangua affreusement. La main de son cousin vint à sa rescousse mais elle le repoussa gentiment. De ses doigts, elle toucha son ventre très légèrement arrondi tandis qu'elle fit quelques pas en direction de l'escalier. C'était un silence glacial qui recouvrait la maison à présent. Un silence de mort, de culpabilité et de haine froide. Tout s'était brisé en l'espace de quelques mois. Sa relation avec Drago, son groupe d'amis, sa famille, elle. Mais elle s'acharnait à affronter tout cela droite comme un piquet. Ce n'était pas en pleurant que les choses allaient s'arranger, elle avait appris cela avec le temps. Il y a un an, elle se serait effondré au sol et hurlé que sa vie était affreuse. Mais entre temps, elle avait rencontré une certaine femme qui avait prononcé les mots les plus censés qu'elle n'avait jamais entendu. L'indépendance. Ne pas laisser les autres nous atteindre, les faire mal à notre tour, les piquer et les tuer à petit feu, comme ils nous tuaient nous. C'était ainsi que l'on obtenait la dignité et le pouvoir. Le contrôle d'une situation et l'intelligence d'une décision. La vie de Pansy volait peut-être en éclat, mais tant qu'elle restait debout, il restait encore un espoir. Un cauchemar finissait toujours par prendre fin lorsque le soleil se levait.
La douleur dans son ventre lui arracha un léger gémissement. Sa vue se flouta et sa main se rattrapa in extremis à la rambarde de l'escalier. Elle crut apercevoir du rouge tacher le sol mais se dit que c'était peut-être une hallucination. Néanmoins, elle n'eut pas le temps de réfléchir sur le sujet que les ténèbres l'engloutirent quelques secondes après.
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