Chapitre XVII - Indépendance

5 janvier 1996,
Cher Drago,
J'adorais Poudlard autrefois. Avec ses grandes torches enflammées, ses murs aux murmures incessants, ses fantômes toujours très agréables. En fait non. Je ne l'adorais pas pour ça. Cela, je l'avais dans mon manoir, et ça me rappelait d'assez mauvais souvenirs.

J'adorais Poudlard parce que tu étais là. Tu m'as donné tellement d'espoirs, Drago. J'y ai tellement cru que pendant un instant, un court instant, j'ai pensé que mon amour était réciproque. Que tout ce que je ressentais tu le ressentais aussi. Qu'on était fait l'un pour l'autre.

Qu'est-ce que j'ai été idiote. Au fond, je n'ai été que ça, toute ma vie. Une idiote. Je t'en veux, je t'en veux tellement...

6 février 1996,
Cher Drago,
Je suis fatiguée. Ce matin, Daphné m'a encore demandé ce qui n'allait pas. J'ai cru que j'allais la pousser par dessus la fenêtre tellement je voulais qu'elle me laisse la paix. Toi non, tu n'as rien demandé. Tu t'es assis à côté de moi au déjeuné, tu m'as donné un baiser froid, sans saveur. J'ai tellement été là dans ta vie que tu ne me vois plus. J'aimerais que tu arrêtes de faire ça. Faire semblant de m'aimer. Enfin, mon cœur veut que tu arrêtes. Parce qu'à chaque fois que tu écrases tes lèvres sur les miennes, c'est lui que tu écrases avec tant de force que ça m'empêche de respirer.
Mais il faut sauver les apparences, n'est-ce pas ? Les rumeurs sur notre mariage ont déjà commencé à circuler. Que diraient les gens s'ils nous voyaient nous séparer ? Que diraient nos parents ?

C'est peut-être eux qui nous ont tué. Eux et leurs arrangements préparées trop à l'avance. Narcissa m'a déjà écrit une lettre en disant que ma mère avait laissé échapper l'information dans le salon e thé, avec la moitié des femmes sang-pur pour l'entendre. À partir de ce moment là, tout s'est effondré. Tu as fais exactement ce dont j'avais peur que tu fasses. Tu t'es renfermé sur toi-même, tu as tout envoyé valser. Je ne compte plus les fois où je t'ai retrouvé à moitié soûl en pleine nuit dans la Salle Commune, à injurier ton père et toi-même inlassablement. Toutes ces fois où tu m'as rejeté en disant que tu n'avais pas besoin de moi, sans savoir que j'avais aussi mal que toi.

Ce jour passé au lac en début d'année me semble bien loin à présent. Je me rappelle avoir dit que je t'aimais. Je te l'avais bien dit, non ? Alors pourquoi tu ne m'écoutes jamais ?

23 février 1996,
Cher Drago,
Aujourd'hui, j'ai passé ma journée à pleurer. Mimi Geignarde peut être une excellent compagne quand elle veut. Daphné était trop occupée avec Théo pour remarquer mon absence. Camille et Millicent ont découvert récemment une technique formidable pour attirer les garçons, ce qui s'est convertis en leur nouvelle passion et toi... je doute que tu te sois inquiété. C'est pas ton genre, hein. Du moment que tu peux avoir tes moments de tranquillité, tu te fiches de savoir si les autres peuvent souffrir ou non. Je te hais, tu me manques, t'es qu'un connais mais je t'aime quand même. Je reste. Que tes baisers peuvent être froids parfois.

15 mars 1996,
Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remord,
Qui vit, s'agite et se tortille,
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille ?
Pouvons-nous étouffer l'implacable Remord ?

25 mars 1996,
Cher Drago,
Bientôt Pâques. Ma mère vient de m'envoyer une lettre pour me dire que je vais devoir te rendre visite souvent pendant les vacances. Pour « conserver notre relation ». Je ne sais pas si ce qu'il y a entre nous s'appelle une relation. Je dirais plus un gros mensonge.
Mais c'est ce qu'on sait faire de mieux, non ? Mentir. Se voiler la face. Faire semblant.
Rien n'est vrai. Rien ne le sera jamais.

3 avril 1996,
Je t'emmène des roses rouges foncées, à défaut d'avoir des noires. J'espère qu'elles te plairont quand même.

Sa main frappa le bois à plusieurs reprises. Des pas précipités se firent entendre derrière la porte et un elfe de maison ouvrit. Ce devait certainement être le remplaçant de Dobby que les Malefoy avait acheté quelques années auparavant. Elle entra et découvrit le vestibule vide. Le parfum des roses enivra le lieu.

-Par ici, dit une voix de l'autre côté du mur.

Pansy fronça les sourcils. Il ne s'agissait pas de la voix de Narcissa, ni de Lucius, ni même de Drago. Elle ressemblait à celle de la mère de famille, mais elle était plus forte et plus aigu. En passant le pas de la porte du salon, elle découvrit alors une femme de petite stature mais terriblement belle, assise sur le sofa en velours vert. Ses cheveux emmêlés et bouclés jusqu'à ne plus en voir la racine étaient attachés en ce qui ressemblait à un chignon. Sa robe noire donnait l'impression d'avoir été portée depuis des années, avec ses lacets qui laissaient apercevoir sa peau blanche. Tout dans ses traits reflétaient une noblesse rare, en dépit de ses atouts qui ne la favorisait pas. Narcissa se tenait debout à ses côtés. À la regarder, on aurait dit qu'elle venait d'appercevoir un sceptre.

-Pansy ?

-Bonjour Madame, j'espère que je ne vous dérange pas, je voulais juste vo...

-Mais non voyons, s'exclama la femme brune avec un grand sourire aux lèvres.

Leur ressemblance la frappa à l'instant où elle se mit à les comparer. Elles avaient les mêmes yeux, aussi noirs qu'une nuit sans lune, le même visage mis à part que celui de Narcissa était plus doux et incitait plus à la confiance.
À la vue du regard interrogateur de la jeune fille, la femme se présenta.

-Je m'appelle Bellatrix Lestrange, anciennement Black.

Sa sœur. La fameuse Bellatrix Lestrange qui avait clamé tout haut tout fort il y avait quatorze ans de cela sa fidélité au Seigneur des Ténèbres. Son évasion d'Azkaban avait fait la une de tous les journaux.

-Heu... enchantée. Pansy Parkinson.

Et dire qu'une des plus grandes meurtrières d'Angleterre recherchée par tout le pays se tenait devant elle. Cette pensée lui donna la chair de poule. Comme si elle avait lu dans ses pensées, Bellatrix déclara en riant :

-Oh ne t'en fais pas ma chérie, je ne compte pas t'arracher les yeux maintenant, surtout en présence de ma tendre sœur.

Le « maintenant » fut un détail pour le moins inquiétant. Voyant que l'affirmation de sa sœur n'avait fait qu'empirer l'état de la Serpentard, Narcissa se décida à intervenir.

-Ne t'en fais pas, Pansy, tu ne risques rien. Elle ne te feras jamais aucun mal.

Bellatrix hocha la tête d'un air sérieux. Cette fois-ci, Pansy se détendit un peu.

-Je suis venue pour Drago.

La brune fronça subitement les sourcils et Narcissa pâlit.

-Comment ça pour Drago ? questionna Bellatrix.

Ses yeux se posèrent sur le bouquet de roses qu'elle tenait dans ses mains.

-Bella, tais-toi, fit d'un air détaché sa sœur. Je... je vais aller le chercher, il est dehors.

Narcissa sortir de la pièce à grands pas, mais à l'opposé de la porte de sortie. Elle connaissait assez le manoir pour savoir qu'il n'y avait aucun moyen de se rendre dans les jardins par la cuisine.

-Viens là.

Pansy laissa les fleurs sur la table et obéit. Elle s'approcha de Bellatrix qui lui prit tendrement les mains et les serra affectueusement.

-Dis-toi, Pansy, que tu es une femme indépendante. Tu n'as besoin de personne pour te dire quoi faire, ou comment faire les choses. Tu dois économiser tes larmes pour toi-même. Parce que quand tu te seras profondément déçue, ou que tu penseras que tout ce que tu fais n'en vaut pas la peine, alors oui, tu pourras pleurer. Mais pas pour les autres. Jamais.

Elle serra encore un peu plus ses mains. La porte d'entrée s'ouvrit.

-C'est ça, l'indépendance, ma chérie. Ce n'est pas être seul, ou vivre avec ses propres moyens. C'est ne pas laisser les autres détruire ta vie. Ne pas les laisser prendre ton cœur. Montre leur à toutes les personnes qui te fond du mal que tu n'as pas besoin d'eux dans ta vie. Fais leur du mal à ton tour comme ils t'en ont fait à toi.

Puis, alors qu'elle se retournait pour voir qui était entré, Bellatrix murmura :

-Tu es une femme indépendante, Pansy Parkinson. Ne l'oublie jamais.

Peut-être ces mots auraient-ils pu sonner étrange si elle ne venait pas de voir ce qui se tenait devait elle. Son monde se serait écroulé, elle même se serait écroulée si la main de Bellatrix ne serrait pas la sienne et que ses mots ne tournaient pas en boucle dans sa tête.

C'est ça, l'indépendance.

Les doigts de Drago et d'Astoria étaient entrelacés entre eux. Pris par surprise, le visage du blond passa de la sérénité à l'effroi.

C'est ne pas laisser les autres détruire ta vie.

Elle inspira profondément et laissa la vague de douleur parcourir son corps. Ça allait passer. Ça allait passer.

Ne pas les laisser te prendre ton cœur.

Doucement, elle lâcha la main de Bellatrix et s'avança vers Drago en s'efforçant de maintenir une expression glacée.

Montre leur à toutes les personnes qui te font du mal que tu n'as pas besoin d'eux dans ta vie.

Elle plongea ses yeux dans les siens. Ceux de Drago débordaient de larmes. Ceux de Pansy étaient glacés, dénués d'émotions. Il lui avait tout pris. Il l'avait vidé. C'était terminé.

-Je méritais un meilleur adieu.

-Je sais, parvint à articuler Drago. Je suis désolé.

Elle passa à côté de lui comme on passait à côté d'un piéton dans la rue. C'était tout ce qu'il méritait. Elle laissa les roses sur la table. En guise d'ultime preuve d'amour.

Alors qu'elle marchait dans l'allée en s'efforçant de ne pas s'écrouler, une larme coula discrètement le long de sa joue. Puis une autre. Et encore une autre.

Elle posa une main sur sa bouche et étouffa un sanglot. Mais elle continua de marcher. Loin de lui. Très loin de lui.

Tu es une femme indépendante, Pansy Parkinson.
Ne l'oublie jamais.

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