Chapitre XIV - Chopin

Pansy était déjà venue des millions de fois au Manoir Malefoy. Elle y avait passé ses journées petite, lorsque elle et Drago étaient inséparables. Pour elle, il était le plus grand et le plus beau de tous, parmi tous les manoirs sang-pur existants, à part peut-être celui des Greengrass qui sortait du lot. À son arrivée, le grand portail de fer s'ouvrit, faisant glisser ses serpents rouillés dans un grincement strident. Un mouvement sur la droite attira son attention et elle aperçut le paon albinos qui se dandinait fièrement dans son enclos. Un sourire traversa son visage. Cette famille la surprendrait toujours.


Ce fut Drago qui l'accueillit en premier. Ses cheveux étaient plaqués sur son crâne et lui concédait n air si sérieux que cela la fit rire.



-Aucun commentaire, grimaça-t-il alors qu'elle lui déposait un baiser sur les lèvres.



-Tu es très beau comme ça, c'est juste que je n'ai pas l'habitude.



-C'était pour cacher la merde qui s'est collé dans mes cheveux. J'ai du me couper une mèche parce que ça ne voulait pas s'enlever.



Elle imagina la scène et éclata de rire.



-Tu as encore joué à l'explorateur ?



-Je voulais juste chercher un grimoire dans le donjon abandonné. Ce n'est pas ma faute s'il y a des choses bizarre là-bas.



-Et tu l'as trouvé ton grimoire ?



-Même pas.



Elle partit vers le salon en rigolant, connaissant déjà le chemin. Le sourire de Drago s'évanouit aussitôt et n voile triste se posa sur ses yeux.


Comment osait-il lui faire ça ?



***


-Et donc tu voudrais travailler dans une bijouterie.



-Oui, j'aimerais beaucoup.



Lucius Malefoy hocha lentement la tête avant d'avaler une gorgée de vin. Pansy n'aurait jamais imaginé qu'il lui poserait autant de questions durant le dîner. Il ne faisait que ça, même. Certes, il gardait cette allure froide et impassible qui lui était connu, mais il restait bien curieux.


À ses côtés, sa femme restait muette. Alors qu'au début elle avait été chaleureuse et accueillante, son visage avait blanchi au fur et à mesure du repas. Drago s'en était rendu compte et ne cessait de jeter des coups d'œil en sa direction. Avec sa coiffure, il paraissait beaucoup plus vieux que son âge et surtout faisait dégager toute la noblesse de ses traits. Pansy n'arrivait pas à détourner le regard plus de dix secondes ce qui paraissait l'amuser en même temps.



-Mon cousin, lui, travaille au Département des Mystères.



-Dorian Parkinson, oui, affirma-t-il. J'ai eu l'occasion de le croiser plusieurs fois.



-Il vous admire beaucoup.



Ce compliment ne lui fit ni chaud ni froid. Drago aurait pu rire intérieurement si sa mère ne s'était pas levée subitement, attirant tous les regards. Son teint était livide.



-Je... excusez-moi, vraiment.



Elle sortit précipitamment de la salle à manger.



-Drago, non, ordonna d'une voix sèche son père.



Mais comme à son habitude, le blond n'en faisait qu'à sa tête.



-Drago, j'ai dit..., mais la porte avait déjà claqué.



Lucius poussa un long et profond soupir. Pansy se sentit soudain de trop mais jugea impoli de se lever de table elle aussi.



-Il est toujours comme ça ? demanda-t-il tout en se pinçant l'arrête du nez.



-Dans ses mauvais jours, oui. J'espère que... que votre femme va bien.



Il ne répondit rien. Elle ne s'attendait pas non plus à une explication détaillée de sa santé. Dans un silence absolu, elle se remit à manger. Le bruit de sa mastication semblait résonner à des kilomètres à la ronde. Le père de famille se redressa sur son siège et posa sur elle un regard songeur. De quoi être très, mais très mal à l'aise.



-Tu tiens à Drago.



Elle faillit avaler de travers.



-Je... oui, absolument.



Un verre d'eau lui permit de se remettre de sa surprise.



-Et Drago tient à toi.



-Je suppose.



Son sourcil se releva.



-Tu supposes ?



-Il est, disons... compliqué. Mais vu que maintenant on sort ensemble, alors je suppose que oui.



Il hocha la tête une fois de plus. Par merlin, décidément, cet homme aimait économiser ses mots.



-Je ne vais pas te cacher la vérité, déclara-t-il brusquement. J'ai parlé avec tes parents pour un possible mariage.



Un possible mariage. La température corporelle de Pansy baissa soudainement. Elle avait quinze ans et il lui parlait d'un possible mariage.



-Rien n'est encore fixé, reprit-il, ayant remarqué son changement d'attitude. Ma femme insiste pour que Drago se marie par amour, mais pour ma part, je préfère prévoir les choses.



Pour de la prévision s'en était une belle. La colère commençait déjà à affluer dans ses veines.



-Drago et toi êtes amis depuis longtemps déjà alors je...



-À quel âge vous-êtes vous marié, Monsieur ?



Il plissa les yeux, méfiant.



-Dix-sept ans.



-J'en ai quinze. Alors si ce n'est pas trop vous demander, laissez-moi juste deux ans hors de tous vos marchés. Laissez-nous deux ans pour vivre paisiblement comme deux adolescents normaux. Après cela, pour pourrez nous assembler comme bon vous semble.



Puis elle se leva et sortit de table, consciente d'avoir franchi les limites du respect. Mais lui aussi l'avait fait. Alors qu'il aille au diable.


Durant tout le reste de la soirée, Lucius Malefoy ne pointa pas le bout de son nez. Narcissa et Dragon la rejoignirent dans le petit salon qui comportait une immense bibliothèque et un piano à queue. La mère de famille avait retrouvé son teint habituel mais elle n'était pas assez dupe pour croire que tout allait bien. Rien qu'à voir la mine préoccupée de Drago, on pouvait facilement deviner qu'il se passait quelque chose de grave.


Mais toutes ses pensées s'évanouirent aussitôt lorsque Narcissa s'assit devant le piano et se mit à jouer. On avait toujours vanté ses talents de pianistes mais elle n'avait jamais eu l'occasion de l'entendre. Elle jouait avec tant de maîtrise qu'on avait l'impression que la musique faisait partie intégrante d'elle. Son visage n'avait jamais été si serein, comme si l'instrument lui procurait l'oubli qu'elle avait besoin. Elle joua plusieurs mélodies de Debussy et Mendelssohn, jusqu'à arriver à une de Chopin.


Pansy se figea quand elle reconnut l'air.


Des millions de questions se mirent alors à fuser dans sa tête, mais toutes les réponses vinrent quand elle vit Drago face à la bibliothèque en train de regarder toutes les cinq secondes les doigts de sa mère bouger. Il analysait. Il la regardait faire et apprenait.


En toute discrétion.


Secrètement.


Qu'est-ce qu'il est con, en conclut-elle.


Elle attendit la fin du morceau pour applaudir sous le regard gratifiant de Narcissa. Mais elle ne comptait pas s'arrêter là, non.



-La manière de jouer est vraiment ressemblante. C'est un délice de vous écouter.



Narcissa fronça les sourcils et Drago se raidit. Le sourire de la jeune fille s'élargit.



-Ressemblant à qui ?



Son petit-ami lui lança un regard suppliant et noir à la fois comme pour dire : « un mot de plus et je te tue ». Mais il en fallait plus pour la faire renoncer.



-À Drago, voyons.



Les yeux de Narcissa s'écarquillèrent. Drago choisit la méthode de l'ignorant, planifiant à la fois l'assassinat de sa petite amie.



-Tu dis n'importe quoi, siffla-t-il.



-Ne fais pas le modeste.



Se retenir d'éclater de rire lui résultait vraiment difficile.



-Je ne sais pas jouer.



-Oh, c'était Rusard alors que j'entendais dans la Salle Commune ?



-Ou c'est peut-être toi qui devient folle.



-Drago, dit posément sa mère, l'incitant à lui expliquer à quoi rimait tout ça.



Il se tourna vers elle et poussa un petit rire nerveux.



-Ce n'est pas ce que vous croyez, Mère, je ne sais absolument pas jouer de cet instrument.



-Il ment.



-La ferme.



Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi il s'obstinait à garder secret son envie de ressembler à sa mère. Une question de fierté très certainement.


Narcissa se leva et se plaça à côté du meuble en bois verni, lui ordonnant du regard à prendre sa place. Il paniqua.



-Vraiment, Mère, je ne sais absolument rien de...



-Assis-toi et joue.



-Mais je...



-Fais ce que je te dis.



Il déglutit bruyamment et lui obéit à contrecœur. Pansy regardait la scène avec un grand sourire attendrit sur les lèvres. Même s'il prévoyait pour elle les pires atrocités, plus tard il la remercierait. Et cela permettrait à Narcissa de savoir que son fils tenait plus à elle qu'il ne le laissait paraître.



-Qu'attends-tu? s'impatienta cette dernière.



-Je ne sais pas jouer, insista-t-il, obstiné.



En voyant le regard déçu de sa mère, Pansy se décida à intervenir.



-Joue celle que Chopin a écrit quand il était mort.



La mâchoire de Drago se contracta.



-Elle a été publié et connu après sa mort. À ce que je sache, les morts ne continuent pas d'exercer leur métier dans leur tombeau.



-Tu m'as comprise.



Elle lui adressa un sourire forcé et lui répondit d'un regard noir.



-La Nocturne en Do mineur, andante sostenuto, souffla Narcissa, une lueur d'espoir luisant dans ses yeux obscurs. Œuvre posthume.



-Œuvre quoi ? se força-t-il à mentir.



-Tu t'enfonces là.



-La ferme j'ai dit.



-Joue-la, ordonna Narcissa, ignorant délibérément leur discussion qui cachait bien des vérités.



Sentant que sa tentative pour convaincre sa mère qu'il s'agissait d'un malentendu était vaine, il poussa un long soupir et posa délicatement ses mains sur le clavier.


Puis il se mit à jouer.


Et tout devint plus... magique. Les doigts de Narcissa se crispèrent au bois de l'instrument, Pansy se retrouva plongée dans les souvenirs de la découverte de son premier poème et Drago sembla oublier la raison qui l'avait conduit à jouer.


Et il fallait dire qu'il jouait divinement bien.


Une larme glissa le long de la joue de Narcissa.



Pansy quitta la pièce en sachant que la suite ne la concernait pas, avec l'agréable impression d'avoir fait quelque chose de bien ce soir.




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