Chapitre XII - Est-ce que tu m'aimes ?
La demeure des Greengrass était bien différente de celle des autres sang-pur. Il n'y avait rien d'obscure, de lourd ou d'ancien qui donnait l'impression d'entrer dans un monde néfaste et dangereux. Ce manoir était tout le contraire. Ses murs étaient blancs comme neige, décorés par de grands piliers dorés. Ses jardins étaient grandioses, délimités par des hauts buissons et ornés de fleurs multicolores. Le style français le rendait unique et élégant, encore plus à l'intérieur. Les miroirs et les statues figées n'étaient pas ce qui manquait. Des plantes vertes donnaient un côté exotique à la décoration, ainsi que les fleurs sur chaque rebord de fenêtre. Avec sa robe faite de roses, Pansy ne se sentait pas de trop. On la débarrassa de sa cape et elle fuit au plus vite ses parents et son cousin pour se diriger vers sa meilleure amie. Un plateau de champagne flottant par magie faillit la percuter en chemin. Elle rougit aussi devant les exclamations chuchotées des dames qui se retournaient à son passage. Mais ce ne fut rien à côté de la réaction de Daphné. Sa mâchoire faillit se décrocher lorsqu'elle la vit arriver. Ses yeux s'agrandirent d'admiration ce qui lui réchauffa le cœur.
-J'ai respecté le thème de la décoration ? lâcha-t-elle avec un petit rire nerveux, lui adressant une légère révérence.
-Ta... ta robe et tes... tes cheveux...
La jeune brune passa une main dans ses cheveux courts, un grand sourire aux lèvres. Elle s'était en effet coupé les cheveux en un carré court et rendu sa frange plus légère. À présent, plusieurs mèches se rebellaient souvent contre sa volonté mais elle adorait cette allure bohème et indisciplinée. Avec son épaisse couronne de fleur, le tout paraissait désordonné mais terriblement bien coiffé à la fois.
-Tu aimes ? s'inquiéta-t-elle.
Cette question eut le mérite de faire sortir Daphné de sa transe.
-Tu plaisantes ? Je suis carrément jalouse ! Et cette robe !
-La tienne est vraiment magnifique aussi.
Elle portait en effet une sublime robe verte éclatante, ouverte à sa jambe droite et portant un nœud élégant au niveau de son épaule. Un chignon soigné rassemblaient ses cheveux lisses, orné de petits diamants, tout comme sur la soie de sa parure.
-Mais pas autant que toi, ma chérie. Et par Merlin, tu...
Soudain, elle s'arrêta de parler et fixa un point dans son dos.
-Vous êtes de mèche ou quoi ?
Pansy fronça les sourcils et se retourna. Quel idiot. Mais quel idiot. Pourquoi, pourquoi avait-il fallu qu'il vienne vêtu ainsi, pourquoi ces roses, pourquoi ce sourire mesquin sur ses lèvres et surtout, pourquoi ces foutus papillons dans le bas de son ventre. Le costume de Drago aurait été parfait si son col n'était pas fait de velours rouge avec cette foutue rose accrochée sur son torse. Tous les regards indiscrets des invités se braquèrent sur eux. Génial.
-Bonsoir gente dames, salua Drago avec cet petit air satisfait sur le visage.
Puis il observa les cheveux de Pansy et son sourire s'agrandit encore plus.
-Vous êtes plus belle qu'une étoile du soir, Miss Parkinson.
-Vous l'avez fait exprès, non ? demanda Daphné, pensant toujours délirer.
-Absolument pas, répondirent-ils en même temps.
-C'est ça, ouais. Dites, que pensez-vous de la décoration ? s'exclama-t-elle en sautillant presque de joie.
-Vraiment sublime.
-Pauvre.
-Eh ! rétorqua-t-elle. C'est moi qu'il l'ai choisie !
-Misérable dans ce cas, sourit-il.
-Les lustres plaisent à Monsieur Malefoy ? dit-elle d'un air ennuyé, ayant compris son manège.
-Pas du tout.
-Parfait dans ce cas.
-Moi je les trouve très beaux, surgit une voix dans leur dos.
Théodore Nott s'inclut dans leur groupe et passa un bras autour de la taille de Daphné. Cette dernière devint si rouge qu'elle s'empara vite d'une flûte de champagne qui passait par là et la plaça devant son visage.
-J'ai loupé quelque chose ?
-Moi aussi apparemment.
-Vous pouvez parler, Monsieur et Madame Rose, répliqua Théo avec amusement. Au passage Pansy, tu es parfaite et cette coupe de va à merveille.
-Et pour moi aucun compliment hein, se vexa Drago.
-Ton ego n'en a pas besoin, crois-moi.
Les filles éclatèrent de rire. Millicent et Camille arrivèrent quelques minutes plus tard, complétant le groupe Serpentard. Pansy aperçut Blaise plusieurs mètres plus loin mais ne s'attendait pas à le voir venir vers eux. D'autant plus que Drago avait eu la brillante idée d'afficher en public leur... couple ? Était-elle assez folle pour avoir cet espoir ?
-Sois sincère, lui souffla-t-elle dans l'oreille plus tard dans la soirée alors qu'ils étaient assis sur un des sofas du côté. Tu as acheté ce costume avant ou après ma robe ?
-Ce ne serait plus amusant si je te le disais.
-Je vais demander à ta mère dans ce cas, elle me dira la vérité, aimable comme elle est.
-Attends, ne pars pas, dit-il en lui attrapant le poignet.
Son sourire s'était évanoui. Il la regardait avec tant de sérieux que cela la déstabilisa.
-Laisse-moi faire, ais confiance. Toutes tes questions auront bientôt leurs réponses. M'accordes-tu une danse ?
-Il est où le rapport ? Te laisser faire quoi ?
-Je t'ai dit que tes questions seront résolues.
Il se leva et lui tendit la main, presque nerveux. Drago Malefoy, nerveux ? Le monde tournait-il rond ce soir ? Évidemment, elle accepta. Comment en allait-il être autrement.
Il la mena au centre sur la piste de danse alors que tous les membres des Vingt-Huit Sacrés se tournaient vers eux. Pansy y vit sa mère sourire comme une idiote, son père maintenir une conversation passionnante avec un ami et son cousin détailler d'un œil mauvais Drago. Les parents de ce dernier étaient de ce fait absents, et elle se surprit à penser que cela avait un rapport avec toutes ces rumeurs qui couraient sur Narcissa. Enfin, pourquoi penser à cela alors qu'il s'apprêtait à danser avec elle.
-Drago, je... je ne suis pas sûre de...
-Tu ne veux pas danser avec moi ?
Elle le fixa intensément dans les yeux, plongea dans le gris acier de ses iris et sentit son cœur s'arrêter de battre. C'était toujours ce qu'elle ressentait avec lui. Cette impression de n'être rien et tout à la fois, d'être un détail dans son monde à lui alors que dans le sien, il était son centre.
Délicatement, leur main se lovèrent l'une dans l'autre, leur bras à demi-plié. Son autre main se posa dans le creux de sa hanche, avec toute la tendresse possible. C'est alors qu'elle eut envie de lui demander s'il l'aimait, si ces roses venaient de lui, parce qu'elle en avait juste assez d'attendre comme une idiote qu'il vienne et lui révèle tout. Cette envie fut si forte, si violente, mais la musique s'éleva alors dans les airs et l'emporta dans tes tourbillons effrénés. Des pétales de roses virevoltaient autour d'eux avant de se déposer doucement au sol. Le frémissement du violon faisait trembler son cœur, le son du piano lui crevait l'âme. Et ce regard qui la grisait, la menait dans une dimension parallèle, un monde où il n'y aurait qu'eux deux et personne d'autres. Ce monde serait fait de roses, un beau ruisseau aussi, pourquoi pas. Une grande maison où ils danseraient, tourbillonneraient comme bon leur semblait, sans personne pour briser leur contact visuel, sans rien pour les séparer. Ils seraient seuls. Lui et elle. Elle et lui. Les étoiles pour leur tenir compagnie. Le violoncelle pour les guider.
Le retour à la réalité la frappa lorsqu'elle perdit son contact. Elle continua à faire deux ou trois tours, éparpillant ses dernières pétales de roses sous les yeux éberlués de tous.
Puis lorsqu'elle releva la tête, il était parti. Enfui. Envolé. Disparu. Elle sentit une pique sur son doigt et observa ce qu'elle tenait dans les mains.
Une rose noire.
Une foutue rose noire.
***
Les pans de sa robe dénudée traînèrent sur les marches d'escalier en pierre. Toutes les pétales étaient restés dans la salle de bal, comme si elle y avait laissé elle aussi une partie de son âme. La neige, sous ses pieds, la transit de froid mais c'était à peine si elle s'en rendait compte. Le tissu survola les flocons fraîchement posés, ses souliers y laissèrent des traces profondes. Une figure droite et seule était plantée au milieu du paysage immaculé, si fier dans son costume sur mesure. Elle s'avança vers lui, lui prit la main ; elle le sentit frissonner mais se tint à côté, silencieuse, attendant un geste, un mouvement, une parole. Quelque chose qui lui assurerait qu'elle n'avait pas rêvé.
Finalement, il se tourna vers elle et replaça une mèche derrière son oreille d'un geste si tendre qu'elle eut envie de fermer les yeux, juste un instant, pour faire une pause dans sa vie chaotique.
-Drago, je... commença-t-elle, mais ses mots l'étranglèrent.
-C'était moi, oui.
Elle sentit son cœur se déchirer. Pas de chagrin, ni de bonheur. Seulement parce qu'au fond d'elle, elle l'avait toujours su mais s'était refusée à l'accepter. Et aujourd'hui ils étaient là, à se jeter la vérité en face sans aucun filtre pour amortir le choc.
-Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ; Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige...
-Valse mélancolique et langoureux vertige ; Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Il sourit. Elle le regarda de ses yeux brillants, brillants comme les étoiles qui brillaient en cette nuit si noire. Il caressa sa joue de son pouce, tranquillement.
-La rose...
-On ne trouve des roses noires qu'en Tunisie.
Soudain, leur conversation au bord du lac, des mois auparavant lui revint en mémoire comme un éclair. Il avait passé ses vacances d'été en Tunisie. Tout se reconstituai, enfin. Comme un puzzle don elle trouvait enfin comme l'emboîter. Et dire que pendant tout ce temps, la réponse était dans son tiroir...
-Les roses sur le lit...
-Moi.
-Le premier parchemin...
-Moi.
-Et Blaise ? Pour le deuxième.
Il grimaça.
-Je lui avais demandé de le déposer pour moi.
-Oh mon dieu.
Elle posa une main devant sa bouche et ses yeux s'emplirent de larmes.
-Pansy, ça n'a plus d'importance...
-Bien sûr que si ça en a ! s'écria-t-elle. Je pensais que c'était lui ! C'est pour cette raison que je suis sortie avec lui ! Et... et il m'avait dit que son poète préféré était Baudelaire et comme une idiote je l'ai cru et... non... les poèmes, le sens lourd qu'ils portaient... c'était toi, évidemment... comment.. oh non... la bagarre, ton regard, non, non...
-Pansy ! Eh, regarde-moi beauté.
Son cœur loupa un bond à l'écoute de ce surnom. Il encadra son visage de ses mains pour la forcer à le regarder dans ses yeux.
-C'est fini tout ça, murmura-t-il, les yeux brillants.
Son souffle se mêlait au sien et s'élevait au-dessus de leur tête en forme de vapeur transparente. Déboussolée, perdue par tant d'émotions à la fois, elle posa ses propres mains à plat sur celles de Drago et d'une voix tremblante demanda :
-Est-ce que tu m'aimes ?
Alors il écrasa ses lèvres sur les siennes.
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