Chapitre X - Cher Drago
13 décembre 1995
Cher Drago,
Je t'adresse cette page de mon journal comme un aveu, un appel silencieux à un amour passionné. J'ai tout abandonné pour toi. J'ai fait du mal à ceux que j'aimais, j'ai entaché mon bonheur pour te montrer que tout ce que je veux, c'est toi. Si tu me demandais de sauter de la Tour d'Astronomie, je le ferais. Sans hésiter. Tu vois, c'est ça l'amour. Toi qui me l'avais demandé en première année, avec tes yeux gris emplis de curiosité. Tu n'as jamais compris que la réponse était devant toi. Qu'elle avait toujours été devant toi. Je ne sais pas pourquoi tu t'acharnes à rester éloigné. J'ai laissé tomber Blaise, je lui ai fait du mal, pour toi, que dois-je faire de plus ? Je me suis même taillée le bras en espérant que tu aperçoives les tâches de sang sur ma chemise. Mais tu n'as rien vu. Tu me m'as même pas regardée. Daphné a piqué une crise, mais j'aurais voulu que ce soit toi qui le fasse. Juste pour savoir que tu tiens à moi.
Un jour, peut-être que je te donnerai ce journal. C'est la première lettre que je t'écris, mais ce ne sera pas la dernière. En te désignant comme destinataire, j'ai tellement plus de choses à dire. Mais à quoi bon s'étonner ? Tu es le centre de mon univers, mon soleil froid dans un ciel vide. Quand tu t'en rendras compte, peut-être cesseras-tu de faire comme s'il n'y avait rien entre nous.
Je me sens seule, Drago. J'ai besoin de toi.
Reviens.
Le roulement du train emplissait le compartiment Serpentard. Pansy laissa sa tête vibrer contre le cristal dans un rythme effréné. Le paysage défilait rapidement. Elle ne pouvait même pas s'attarder sur un arbre en particulier que celui-ci disparaissait aussitôt. Comme sa vie, en quelque sorte.
-Eh oh, Pansy, tu m'écoutes ? s'exclama Daphné, agacée.
-Tu disais ? fit la brune en se redressant d'un air las.
-Je te racontais le baiser avec Théo, mais apparemment tu t'en fous pas mal.
Pansy grimaça.
-C'est juste que tu me l'as déjà raconté mille fois.
-Pour une fois, je suis d'accord avec Parkinson, lâcha Camille en pouffant.
Les joues de la blonde rosirent.
-C'était...
-...magique, oui, termina Millicent en souriant.
Pansy attrapa la main de sa meilleure amie et la fixa dans les yeux.
-Je suis vraiment heureuse pour toi, Daph'. Tu le mérites, après tout ce temps. Théo a l'air de te considérer comme une fille qui mérite d'être aimée, pas comme un trophée.
-Merci, répondit-elle, les larmes aux yeux. Mais je serais encore plus heureuse si tu étais avec moi.
-Mais je suis avec toi.
-Non. Non, Pansy, plus ça va et plus tu t'enfonces. Moi, je peux te faire rire, te faire plaisir, mais pas enlever les ténèbres qui te rongent. S'il te plaît. Ne te tues pas pour lui.
-Je...
Elle voulut parler mais rien ne sortit. Ses mots se plantèrent dans son esprit et résonnèrent dans sa tête. Ne te tues pas pour lui. Ne te tues pas pour lui. Ne te tues pas pour lui. Elle l'enlaça et enfouit son visage dans le creux de son épaule. Ne te tues pas pour lui. Ne te tues pas pour lui. Ne te tues pas pour lui.
-Tu m'écriras, hein ? murmura la blonde, la voix tremblante de tristesse.
-Tous les jours. On se reverra aussi pour le gala.
-Eh les filles, se moqua Camille, on dirait que vous vous faites un adieu définitif.
-Tu manques trop d'occasions de te taire, répliqua Pansy en se détachant de sa meilleure amie.
Elles arrivèrent une heure plus tard et descendirent du train en se souhaitant des bonnes vacances jusqu'au gala. La valise dans la main, elle chercha des yeux une figure familière jusqu'à y apercevoir ces iris vertes qui lui avaient tant manquées.
-Dorian ! s'exclama-t-elle en se jetant dans les bras de son cousin.
Ce dernier se mit à rire sous l'affection soudaine qu'elle lui montrait et ébouriffa ses cheveux d'un geste fraternel.
-Toi aussi tu m'as manqué, mini Parki.
-Arrête avec ce surnom, grimaça-t-elle.
-Je note, mini Parki.
Elle voulut lui faire la tête mais ne réussit qu'à sourire. Son cousin était ce qui se rapprochait le plus d'un frère. Il avait grandit dans sa maison dû à la mort de ses parents lors de la Première Guerre. Dorian avait été là pour elle, toujours, tout le temps. Son frère le méprisait, méprisait ses idées, sa famille et il était parti dès qu'il avait pu. Étant l'aîné, et n'ayant pas pu le retenir, Dorian tentait de se rattraper sur Pansy. Pour lui, elle était tout, et il ne manquait pas de le montrer. Il l'inspecta de haut en bas, une habitude qui agaçait grandement la jeune fille, jusqu'à ce que ses sourcils se froncent et qu'il lui attrape le bras.
-Tu t'es fait quoi ?
Les bandages de Daphné ressortaient sous la manche de sa chemise. Elle n'était pas allée à l'infirmerie pour justement éviter ce genre de questions.
-Je suis tombée, répondit-elle en haussant les épaules.
-Sur ton avant-bras ?
-Oui pourquoi ? On ne peut plus tomber sur son avant bras maintenant ?
-Dommage que tu ne saches pas mentir.
Il finit par la lâcher mais son regard signifia clairement qu'il n'abandonnerait pas l'affaire. Elle le maudit lui et son caractère obstiné.
Après quelques minutes à lui raconter les choses les plus importantes qui lui étaient arrivés à Poudlard (omettant bien évidemment Drago et Blaise), ils transplanèrent devant l'immense manoir des Parkinson. La demeure s'imposait au milieu de terres vides, sombres et vieilles de plusieurs siècles. Cette ambiance sinistre ne lui avait décidément pas manqué.
À l'intérieur, elle ne chercha même pas à savoir où étaient ses parents et monta dans sa chambre sans grande joie. Personne n'avait touché à ses affaires. Son bureau était aussi rangé et vide que quand elle était parti, son lit à baldaquin reposait au milieu, lisse, propre. La seule chose personnalisée dans cette pièce était les photos avec Daphné et Drago, ou ses affaires Serpentard servant de décorations. Mais bon, pour le peu qu'elle y était...
Elle déposa ses affaires sur les draps et retroussa sa manche pour s'occuper de ses blessures. Qu'elle avait été bête, ce jour-là. Une fois de plus, elle avait voulu se rendre intéressante avant de se rendre compte que tout le monde s'en foutait. Elle pourrait bien se balader dans Poudlard avec un poignard pointé sur sa poitrine que personne ne s'inquiéterait à savoir si elle était capable de l'enfoncer.
Avec une grimace, elle décolla le lin de sa peau. C'était moche. Très moche. Daphné avait fait du mieux qu'elle avait pu mais les plantes médicinales n'étaient pas son domaine de prédilection. D'autant plus que les plaies étaient restées une journée entière à l'air libre, ce qui leur avait donné le temps de s'infecter.
-Qui t'as fait ça ?
Pansy sursauta et tourna la tête vers d'où provenait la voix. Dorian se tenait sur le pas de la porte, le visage contracté et le regard figé sur son avant bras. Maudit soit-il.
-Ça t'arrive de toquer avant de regarder ce qui se passe dans ma chambre ?
-La porte était ouverte. Répond à ma question.
-Je t'emmerde.
Il se dirigea vers elle à grands pas et lui attrapa le poignet avec véhémence.
-Eh !
-Ne joue pas à ça avec moi, Pans'. Ton père ne s'occupe peut-être pas de toi, mais j'ai vingt-et-un ans et tu me dois le respect.
-Désolée, marmonna-t-elle en baissant les yeux.
Enfin, il avait vingt-et-un ans quand ça l'intéressait.
-Alors ? s'impatienta-t-il.
-Moi-même.
Il blêmit.
-Tu rigoles là j'espère.
-J'ai vraiment l'air de rigoler ?
-Par Merlin, Pansy, mais qu'est-ce qui t'es passée par la tête ! s'exclama-t-il, à présent furieux. C'est Malefoy encore une fois, je suppose !
Qui d'autre ? songea-t-elle amèrement.
-C'est privé.
-Depuis quand il y a des trucs privés entre nous ?
Elle le fusilla du regard.
-Depuis que les problèmes d'enfants sont devenus plus sérieux. Tu ne peux pas toujours être là pour tout, Dorian. Tu ne peux pas apparaître trois fois dans l'année et me demander de te raconter mes secrets les plus intimes. Tu ne peux pas.
-J'ai perdu un frère qui m'a dit la même chose. Je ne veux pas te perdre en sachant que j'aurais pu t'aider.
La tristesse se lut clairement sur son visage et la culpabilité l'envahit.
-Je me suis juste entaillée légèrement la peau, je ne vais pas sauter du haut du donjon non plus.
Quoique.
Dans un soupir désespéré, il s'assit sur son lit et sortit sa baguette. Pansy paniqua.
-Qu'est-ce que tu vas faire ?
-Soigner ça, répondit-il d'un air sombre.
Après deux sorts consécutifs, sa peau se referma, laissant derrière elle des traits blancs indélébiles.
-Tu auras gagné de belles cicatrices, commenta-t-il avec sarcasme.
Il lui lâcha le poignet et quitta la pièce sans un regard de plus. Pansy poussa un soupir de soulagement. Elle irait s'excuser plus tard. Elle en avait juste assez de son côté protecteur exagéré. Elle avait conscience qu'il était son aîné et qu'il avait déjà perdu des personnes qui lui étaient chers, mais ce n'était pas une excuse pour être tout le temps au-dessus d'elle.
Le soir tomba rapidement. Pour le dîner, elle s'était vêtue d'une robe noire aux roses rouges, une ironie à son attention pour les fleurs noires offertes par elle ne savait qui. Elle chaussa ses talons et descendit jusqu'à la salle à manger. Plusieurs chandelles éclairaient la pièce aux tapisseries grises, si tristes à ses yeux. Un feu flambait dans la cheminée et les couverts étaient déjà posés. Tout paraissait si solennel et froid qu'elle se surprit à ne pas se sentir chez elle.
-Pansy ! s'écria une voix aigu dans son dos.
L'interpellée grimaça et fit face à une femme de grande taille, habillée comme si elle se rendait à un bal.
-Mère, répondit-elle froidement.
Il n'y eut pas de câlins ni des « tu m'as manqué ». Sa mère était le genre de femme à respecter les traditions de ses ancêtres. Une éducation sévère et un amour inexistant. Pansy était sûre que même les plus grandes familles avaient laissé tomber ces vieilles idées. Mais cette femme s'acharnait, parce que c'était ce qu'elle savait faire de mieux dans sa vie.
Son père entra à la suite sans un seul regard. Elle ignora son cœur blessé et se dit qu'elle avait l'habitude. L'indifférence, c'était ce qu'elle encaissait le mieux à présent.
Dorian arriva, la mine toujours aussi sombre et la famille s'installa dans un silence cérémonieux. Le plat fut servi par les elfes de maison.
-Comment vont tes études ? s'enquit son père après une demi-heure de calme.
-Bien.
-Tu sais qu'il y a les BUSES en fin d'année, j'attends de toi des résultats excellents.
Pour changer.
-Bien sûr, Père. Je ferai de mon mieux.
Elle sourit hypocritement et avala un morceau de rôti.
-Oh, et comment va le fils Malefoy ? demanda innocemment sa mère.
-Parfaitement bien.
Dorian lui envoya un regard qu'elle ne sut interpréter.
-J'espère que les Malefoy se rendront au gala de cette année, reprit sa génitrice.
-Pourquoi ne s'y rendraient-ils pas ? Ce sont eux qui l'organisent, comme chaque Noël.
-Oh non, pas cette année. Les Greengrass se sont portés volontaires pour le donner. On dit que notre chère Narcissa ne se sent pas très bien, mais je crois bien qu'elle est malade. Pauvre femme.
Pansy déglutit difficilement. La conversation entre Drago et Rogue lui revint en mémoire, et même si elle ne l'avoua pas, elle pensait la même chose. Cette nouvelle lui coupa l'appétit. Ni Daphné ni Drago ne lui avaient parlé de ce changement.
-Vous croyez qu'elle y sera quand même ?
-Je suppose que oui. Elle n'aime pas attirer l'attention sur elle et la pire chose qu'elle puisse faire est s'absenter lors d'un bal aussi important.
Pansy ne répondit pas et fixa son verre à pied d'un air absent. Elle espérait que rien de grave ne lui arrivait. Cette femme était tout ce qu'il y avait de plus doux et aimable dans ce monde et elle comptait énormément à Drago.
-Demain nous irons acheter ta robe.
-Ne puis-je pas y aller seule ?
-Acheter une robe de bal seule est une absurdité, Pansy. Il faut un avis lors des essayages.
-Dorian pourrait très bien le faire.
-Mais Dorian n'est pas doté d'un sens critique féminin.
-Tu aurais du être une femme, lâcha-t-elle à l'adresse de son cousin.
Cette remarque lui arracha un sourire.
Le repas se termina dans le silence le plus complet. Son père n'avait pas ouvert la bouche, ce qui ne l'étonnait pas et Dorian continua de paraître fâché. Cela ne l'empêcha pas de se rendre le soir dans la bibliothèque pour lire un livre en sa compagnie et s'endormir sur son épaule en lui répétant juste avant de sombrer : « Tu m'as manqué. »
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