Chapitre VIII - Baudelaire

22 octobre 1995,

Je suis officiellement la petite amie de Blaise Zabini. C'est bizarre. J'aurais du ressentir de l'excitation, non ? De l'amour même, ce serait plus logiqe. Il est mon petit copain après tout. Et pourtant... je ne ressens rien. Quand il m'embrasse, c'est sec et sans passion. Quand il me prend par la main, j'ai tout de suite envie de la retirer. Blaise fait tout pour me mettre à l'aise, mais c'est plus fort que moi. Drago est dans mes pensées. Pas lui.

30 octobre 1995,

Je n'ai pas vu Drago depuis des jours, et ce n'est pas plus mal. Ça me blesse lorsque ses yeux croisent les miens. Il souffre et c'est ma faute. J'ai fait part de mes ressentis à Daphné mais celle-ci a prétexté que c'était parce qu'il n'avait pas l'habitude de voir sa meilleure amie avec un garçon qu'il avait considéré autrefois comme un frère. J'essaie de croire en ses paroles, mais il reste un arrière goût amer, ce sentiment qui donne l'impression qu'il y a bien plus que cela. Demain, les Serdaigles donnent une fête pour Halloween, mais je n'ai pas le cœur à y aller. C'est comme si, sans Drago, plus rien n'avait de sens.

18 novembre 1995,

Il est trop froid. Trop distant. Trop loin.

Il me manque.

-Daphné, on a dit discret.

La jeune fille soupira bruyamment et se regarda dans le miroir pour la énième fois.

-Elle est parfaite cette cape ! C'est ma mère qui me l'a offerte.

-Je ne dis pas qu'elle n'est pas parfaite, je dis juste que pour les moldus tu vas ressembler à une princesse tout droit sortie du 19 ème siècle.

-Je te rappelle qu'après je rejoindrai Théo, dit-elle accompagné d'un regard sous-entendu.

-Alors met ta cape Serpentard, elle sera plus ou moins neutre. Et prend une écharpe, il fait froid dehors.

Cinq minutes plus tard, les filles descendirent enfin, les poèmes de Pansy habilement dissimulés sous sa propre cape.

-Millicent n'est pas encore prête, ni les garçons, lança Camille qui était assise dans un fauteuil de la Salle Commune

Elle ne se dérangea pas à lever les yeux de son livre.

-Allez-y sans nous, on vous rejoindra dans le village, répondit Daphné.

Pansy s'arrêta, fixant la brune d'un air interrogateur.

-Tu as dit les garçons ? Drago vient ?

Par surprise, elle leva les yeux et ouvrit la bouche.

-Je... non, je parlais de Blaise...

Pansy rougit de honte. Quelle genre de petite amie pensait avant tout à son meilleur ami ?

-Je crois qu'on devrait y aller, fit Daphné avec un rire forcé en lui attrapant la main.

Elle la tira dans les escaliers des cachots et elles sortirent du château d'un pas rapide. L'air automnale gifla les joues de Pansy qui devinrent rouges.

-Qu'est-ce qu'il y a ? lâcha-t-elle après plusieurs minutes de silence pesant.

-Je comprend que Drago te préoccupe, répondit la blonde froidement. Mais Blaise est ton copain. Ne le dénigre pas.

-Mais je ne le dénigre pas !

-On dirait, pourtant.

Elles arrivèrent au Pré-au-Lard sans avoir prononcé un mot de plus. Au fond, Daphné avait raison. Même si pour elle, Blaise n'était qu'un ami qui avait moins de valeurs que Drago, elle ne devait pas le laisser paraître. Surtout à Camille qui n'hésiterait pas à le répéter à qui voudrait bien l'entendre.

-Où est ton passage ?

-Par là.

Elles suivirent un long chemin qui s'éloignait du centre du village. Après quelques minutes, elles ne purent même plus voir les vitrines. Une légère brume les entourait et floutait l'horizon. Elles dépassèrent un alignement de buissons puis Pansy s'arrêta, à court d'haleine.

-On a dépassé la limite du village.

-C'est possible ça ?

-Ici en tout cas oui, il n'y a pas de supervision. On peut utiliser un Portoloin.

Elle sortit un anneau que son cousin lui avait offert pour son anniversaire.

-Vivement qu'on ait notre permis de transplanage, ce sera beaucoup plus rapide.

***

Elles atterrirent dans une ruelle sombre, animée par des rats affamés. Après s'être remises, elles se dirigèrent vers le Chaudron Baveur, un des passages les plus discrets pour se rendre dans le monde moldu.

-J'espère que ma mère n'a pas choisi ce jour pour faire son shopping sur le Chemin de Traverse ou je suis morte.

-Dépêchons-nous dans ce cas.

Elles dirent bonjour à Tom, le gérant du bar qui les laissa passer à travers le mur en brique enchanté. Encore une fois, une ruelle les accueillit mais elles percevaient déjà l'ambiance bruyante du Londres moldu.

-Tiens-moi la main. Je n'y suis jamais allée mais je suppose qu'il va y avoir du monde.

-Un sang-de-bourbe nous aurait été d'une grande aide, gémit la blonde.

-Jamais je ne me mélangerai avec ces gens, même pour une bonne cause.

-Je te rappelle qu'on est dans leur monde, là.

Elle ne répondit pas.

Après s'être faites bousculées par des passants, avoir été aveuglées par des lumières et s'être rendues sourdes avec les klaxons, Pansy signala une vitrine avec des livres alignés.

Elle détestait ce monde. Daphné observait les alentours avec fascination et crainte à la fois, mais elle, elle le trouvait trop plein, trop mouvementé et sans humanité. Les personnes marchaient avec leurs malettes dans la main, regardaient leur montre sans même observer les vieilles femmes assises au sol et suppliant une pièce d'argent. Personne ne faisait attention à personne, la méfiance planait, la tension, le danger. Et pour tout cela, pour ce manque d'humanité, pour cette platitude que créait l'absence de magie, la carence d'extraordinaire, elle le détestait.

Avec soulagement, elles entrèrent dans la librairie, activant une petite sonnette au-dessus de leurs têtes. Les moldus leur lancèrent des regards curieux. Il fallait dire que leur manière de s'habiller était... différente.

-Heu, monsieur ? appela Pansy en s'approchant du comptoir.

Un homme maigrichon releva la tête des pages de son roman et, à contrecœur, le referma avant de le déposer sur la table.

-Oui ? s'enquit-il d'une voix ennuyée.

-On aurait besoin de vos savoirs.

Elle avait conscience que tout ce qu'il souhaitait était voir partir ces deux filles semblant venir d'un autre siècle, mais elle s'en fichait totalement. Il était bien payé pour ça non ? À moins que le système moldu ne fonctionne autrement ?

-Dites-moi, soupira-t-il.

Daphné, qui était partie un moment en exploration, la rejoint à ses côtés. L'homme l'observa comme s'il venait d'apercevoir la huitième merveille du monde. En réponse, elle lui répondit d'un sourire radieux et rit de son air béat. L'effet Daphné Greengrass, quoi.

Pansy se racla la gorge pour attirer de nouveau son attention. Elle étala les parchemins devant ses yeux et il s'en empara pour les lire.

-D'où vient ce papier ?

-On s'en fout du papier, ce qui nous intéresse c'est ce qu'il y a dessus.

-Méchante, lui souffla Daphné en riant.

En une minute à peine, il avait déjà terminé sa lecture.

-Et quoi ? finit-il par dire, encore plus ennuyé.

-Quoi quoi ? À votre avis ? L'auteur ? L'œuvre ?

Il commençait sérieusement à l'agacer avec son air à vouloir dormir tellement le monde était terne.

-Ne me dites pas que vous venez jusqu'ici pour ça ?

Daphné pouffa en voyant le visage de Pansy se contracter.

-Pourquoi cet étonnement ?

-Premièrement parce que c'est connu, et deuxièmement parce qu'il y a un nouveau système qui s'appelle Internet.

-Ecoutez, je ne sais pas ce qu'est inter je sais pas quoi, mais si ça a l'air si facile que ça alors je vous conseille de nous fournir immédiatement l'information ou tous les livres finiront sur votre tête à vous assommer à coups de couverture.

Son visage pâlit et à l'instant où il s'apprêtait à ouvrir la bouche, une femme arriva à ses côtés, un sourire professionnel sur les lèvres. L'homme partit, soulagé qu'elle ait pris la relève.

-Vous venez de Poudlard, n'est-ce pas ?

Pansy fronça les sourcils.

-Comment connaissez-vous Poudlard ?

-J'y ai été plus jeune, avant de me marier à un moldu et de délaisser la magie.

Daphné grimaça et Pansy s'éloigna un peu, comme si la femme était contagieuse. Une petite lueur de tristesse brilla dans ses iris.

-Sang-pur ? sourit-elle tendrement en posant un regard sur l'insigne Serpentard accroché à la cape de Daphné.

-Ouais, répondit cette-dernière d'un air dégoûté.

-Bref, vous saurez répondre à notre question que l'autre idiot n'a pas pu répondre ?

-L'autre idiot est mon mari, rit-elle doucement.

Il n'y avait rien qui n'ait pu la dégoûter autant. À l'attitude de son amie, elle semblait penser la même chose. Malheureusement, elle était la seule à pouvoir lui donner cette réponse qui semblait si logique.

-Ce sont des poèmes de Baudelaire, dit-elle après sa lecture.

-Baudelaire ?

Le poète favori de Blaise.

-Un auteur français du 19ème siècle. Son œuvre la plus connue, celle dont son issus vos poèmes, se nomme les Fleurs du Mal.

L'image de la rose noire vint percuter son esprit comme un éclair.

-Le recueil, reprit-elle, a été jugé pour corruption et immoralité.

-Pourquoi ? s'enquit Daphné.

-Les gens de l'époque ne comprenaient pas son art. Ses poèmes révèlent la beauté de l'horreur, mais ses lecteurs n'y virent que l'horreur.

-Parle-t-il d'amour ?

-Oui, mais que très peu. Il s'agit d'un amour perdu, d'un regret immense. C'est une œuvre pessimiste et déprimante. Ceux qui s'identifient à elle ont souvent été confrontés à la mort ou ont été brisés, ou tout simplement ne se sentent pas bien dans leur peau.

-Pourquoi ne pourrait-on pas l'aimer en ayant une santé mentale stable ? demanda la blonde avec mépris.

-Tu peux, oui, mais c'est rare. Baudelaire lui-même était un homme dépressif.

Pansy souffla en passant une main dans ses cheveux. Blaise lui dissimulait-il quelque chose ? Se sentit-il mal mais le cachait-il habilement ? Elle se sentit tout à coup coupable de ne pas faire assez attention à lui. Quelle égoïste elle était, à seulement penser à elle ou Drago. La brune tourna la tête vers son amie qui fixait un point imaginaire, les sourcils froncés, semblant se rendre compte de quelque chose d'important.

-Qu'il y a-t-il ?

-Je... rien, fit-elle en reprenant ses esprits, rien du tout.

-Vous voulez un ouvrage ? proposa la libraire.

-Oui, s'il vous plaît.

Elle partit dans l'arrière boutique.

-À quoi tu penses ? insista Pansy.

-Tu es sûre que celui qui t'as donné ces poèmes est Blaise ?

-Évidemment. Qui d'autre ?

-C'est juste... rien, laisse tomber.

La femme revint avec un livre ancien dans la main, à la reliure de cuir décorée de fils d'or.

-Je pense qu'il sera plus discret dans votre monde, surtout pour vous deux.

Pansy hocha la tête, s'en empara et la paya en gallions. La libraire lui dit qu'elle se chargerait de les convertir en livres sterling et les deux filles sortirent, l'esprit plein de nouvelles pensées.

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