Chapitre III - Désolé

26 septembre 1995,

Parfois je me dis qu'il y a des mots qui devraient rester éternellement dans l'esprit, ne jamais franchir les lèvres quitte à les laisser tout détruire de l'intérieur. Puis d'autres fois, je m'arrête de regretter, et pense : il le savait. Il l'avait toujours su. Depuis le début, depuis que nos yeux s'étaient croisés dans le Poudlard Exprès, depuis que je lui avais souri et lui aussi. Jusque là, nous nous étions vu de loin, sans vraiment chercher à se connaître. Ce jour là, cela avait été... magique. Il me considère comme sa meilleure amie, je le sais, mais... j'ai besoin de plus. J'en veux plus. Je le veux lui, son sourire, sa voix, son cœur, son âme, son regard dur et tendre à la fois. J'en ai assez d'être juste là pour l'écouter râler, j'en ai assez de me retenir de le dévorer du regard par peur qu'il tourne la tête et s'en rende compte. Maintenant, il le sait. Réellement. Et j'ai peur d'avoir brisé notre amitié. Il pourrait très bien s'éloigner, m'éviter pour ne pas faire face aux sentiments qui lui sont dirigés. Ou, à l'inverse, se rapprocher. Poser un nouveau regard sur moi, peut-être réfléchir à ce que je représente pour lui. Non, ce serait trop attendre de sa part...

En attendant, Rogue nous a convoqué dans son bureau. À cause de Drago, j'avais oublié ma fonction de préfète, et lui aussi apparemment. De plus, le Ministère commence à fourrer son nez dans l'école, il serait dommage de savoir que les préfets sont les plus mauvais exemples pour les élèves...

-Un mois. De. Retenue, claqua Rogue avec sa langue.

-Un mois ! s'exclama Pansy.

-Un problème Miss Parkinson ? Vous trouvez cela peu peut-être ?

-Non, non, rien.

Drago, debout à côté d'elle, lâcha un petit rire nerveux mais s'arrêta sous le regard noir de son directeur de maison.

-Vous avez été la honte de Serpentard, vous, Miss Greengrass et Mr Nott. En plus d'être préfets, vous vous êtes donnés en spectacle devant toute l'école. Bien sûr, l'information n'a pas manqué d'arriver jusqu'aux oreilles d'Ombrage, qui a déjà envoyé son rapport. Complet.

Il insista bien sur le dernier mot et toisa Drago qui inspectait alors la pièce d'un œil critique, comme si tout cela ne le concernait pas.

-J'espère, éleva-t-il la voix dans l'espoir que son élève favori revienne à la raison, que vous aurez une bonne excuse à fournir à votre père, Mr Malefoy. À l'heure qu'il est, il a sûrement déjà dû en être informé.

C'était comme s'il ne l'avait pas entendu. Soit il le faisait exprès, soit il s'en fichait réellement. Même si Pansy doutait que Lucius Malefoy soit le genre d'homme à laisser passer cela tranquillement.

Elle n'osa pas le dévisager trop longtemps. Ils ne s'étaient pas adressés la parole sa révélation. Aussi, elle fixa de nouveau ses pieds en priant pour sortir de cet endroit le plus vite possible.

-Miss Parkinson. Sortez je vous pris. Mr Binns vous fera transmettre vos devoirs supplémentaires lui-même.

Elle hocha la tête. Avant de partir, elle jeta un dernier coup d'œil à son ami. Leurs yeux se croisèrent. Rien. Ni sous-entendu, ni regret, ni pardon, rien. Froid comme la pierre. Que cela signifiait-il ?

Elle ferma la porte du bureau mais resta plantée dans le couloir comme une idiote, hésitant entre se jeter sur son lit pour pleurer à chaudes larmes ou écouter à la porte - ce qui lui vaudrait un mois de retenu en plus, mais au point où elle en était, elle s'en fichait pas mal. C'était une atteinte à l'intimité de Drago, elle le savait, mais qu'avait-il à lui cacher ? Il lui racontait absolument tout. Elle était la seule à savoir que sa mère le sortait souvent de situations compliquées, qu'il voulait un lapin depuis ses cinq ans mais avait honte de l'avouer et qu'il avait transformé les cheveux d'une fille en rose flamboyant la première fois qu'il avait clandestinement utilisé sa baguette sur le chemin de Traverse. Rien ne lui échappait, alors ce n'était pas une oreille derrière une porte qui allait le vexer.

Ainsi, non sans trembler légèrement, elle se colla contre le bois et se concentra pleinement.

-... l'impliquez pas dans cette discussion ! Elle n'a rien avoir là-dedans !

-Vous vous déconcentrez, Drago. Peut-être votre père n'exerce-t-il plus de pression sur vous dû à la situation délicate de votre mère, mais cela ne signifie en aucun cas qu'il faut vous relâcher.

-Vous ne comprenez rien.

Il y eut un petit rire nerveux.

-Vous n'avez jamais rien compris, reprit la voix traînante de Drago. Pour vous, les adultes, tout est toujours simple. Mais vous n'avez aucune idée de ce qui se passe réellement.

-Je ne prétend pas tout comprendre. J'essaie de vous aider.

-Je n'ai pas besoin d'aide, mais merci quand même.

Des pas se rapprochèrent de la porte. Pansy s'écarta brusquement et, le cœur battant, se mit à courir jusqu'à un recoin de couloir. Un bourdonnement emplit ses oreilles. Il lui fut impossible de savoir si quelqu'un était sorti du bureau ou non.

Tout celui lui semblait irréel. Il se passait quelque chose de grave au manoir Malefoy et Drago n'en avait jamais fait allusion. Elle comprenait que sa mère était la personne qu'il chérissait le plus, mais tout de même... Pansy connaissait Narcissa Malefoy pour l'avoir croisée dans de nombreuses soirées et avoir échangé quelques mots avec elle. C'était une femme douce, calme et attentive, d'une beauté resplendissante malgré son âge. Lui arrivait-il quelque chose de grave ? Elle ne le souhaitait absolument pas. Ni pour elle, ni pour Drago.

Elle se laissa glisser contre le mur et respira un bon coup. Premier mystère à résoudre de cette année.

***

Le regard plongé dans son livre d'histoire, Pansy ne se préoccupait pas de la présence d'autres élèves. La bibliothèque était silencieuse à en effrayer les Détraqueurs. Cela lui permit de se concentrer pleinement sur les pages qu'elle avait à lire. Elle répondit à deux questions du devoir supplémentaire de Binns et se replongea de nouveau dans sa lecture. Sans vouloir l'avouer, elle mettait un certain plaisir à rédiger ses devoirs d'histoire. C'était un travail de recherche et de réflexion qu'elle adorait exécuter.

Finalement, elle se leva pour rechercher un autre livre qui contiendrait plus d'information et laissa sa place vide. Lorsqu'elle revint, la concentration laissa place à l'étonnement. Un parchemin plié en deux gisait sur la table, posé là en toute connaissance de son destinataire. Il n'y avait personne d'autre qu'elle sur des mètres à la ronde. Elle se rassit devant sa table et observa de nouveau les alentours. Pas âme qui vive. Comment ce papier s'était-il retrouvé là ? Et surtout, qui l'avait déposé ?

Elle le déplia, le cœur battant. Il s'agissait peut-être d'une mauvaise blague d'un premier année. Mais déjà, lorsque ses yeux balayèrent l'écriture fluide et parfaite, elle sut qu'elle avait tort. C'était un poème.

Un poème.

Pour elle.

Impossible.


Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords,
Qui vit, s'agite et se tortille,
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille ?
Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords ?

Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
Peut-on déchirer des ténèbres
Plus denses que la poix, sans matin et sans soir,
Sans astres, sans éclairs funèbres ?
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?

Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?
Dis, connais-tu l'irrémissible ?
Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés,
À qui notre cœur sert de cible ?
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?

Pansy ouvrit la bouche de surprise puis la referma aussitôt. Ce poème n'avait rien d'un poème d'amour. C'était le regret imbibé dans le parchemin, un désespoir et une douleur à en couper le souffle ainsi qu'une invocation des enfers plus que diabolique. Elle qui connaissait tous les poètes sorciers existants, elle n'arrivait pas à le situer. Pourquoi lui avait-on posé cela ici ? Quelqu'un voulait-il lui exprimer ses sombres sentiments ? Dans quel but ?

Elle observa de nouveau les alentours. Mrs Pince triait des papiers à son bureau tout en penchant la tête sur le côté de temps à autre pour surveiller les élèves indiscrets. Une Serdaigle cherchait dans un rayon un livre et des Poufsouffles travaillaient en groupe autour d'une des tables du fond. Personne dans cette salle n'aurait pu déposer le poème pour la simple et bonne raison que personne ici ne la connaissait et ne cherchait à la connaître. Elle était Pansy Parkinson, après tout. La garce de Poudlard. L'image qu'on lui avait collé lors de sa première année était restée dans les esprits malgré tous ses efforts pour s'en détacher.

-Hey, sonna une voix légèrement cassée.

Pansy sursauta et glissa automatiquement le poème sous son livre. Drago s'installa face à elle. Ses cheveux étaient inhabituellement emmêlés et ses yeux rougis à force d'avoir pleuré. Et malgré tout, il arborait ce sourire comme si tout se passait bien. Malefoy tout craché. S'il remarqua le glissement du papier sous l'ouvrage, il n'en laissa rien paraître.

-Ça va ? demanda-t-elle, inquiète.

Bien sûr que ça n'allait pas. Ni pour l'un, ni pour l'autre. Faisons semblant, juste un court instant.

-Ça pourrait aller mieux, haussa-t-il des épaules.

Un froid désagréable s'immisça entre eux. Pour y échapper, elle replongea le nez dans son livre. Pourtant, elle était incapable de se concentrer. Pas quand Drago la fixait de cette manière.

-Tu voulais ? marmonna-t-elle tout en gardant les yeux figés sur les lignes noires.

-Je... je voulais te dire que...

Il soupira et passa une main sur son visage. Sa gorge était nouée et Pansy se mit à le dévisager curieusement. Elle savait. Elle savait ce qu'il cherchait à dire mais voulait le laisser faire.

-Je suis vraiment nul pour ça, reprit-il.

Elle posa sa main sur la sienne et lui adressa un sourire timide. Ce contact lui procura de l'assurance et finalement, après quelques secondes de silence, il lâcha :

-Je suis désolé.

Pansy eut tellement envie de rire qu'elle n'arriva pas se à retenir.

-Tout ce temps pour t'excuser ?

Il fronça les sourcils, légèrement vexé.

-Ce n'est pas ma faute s'il n'y a qu'à toi que je m'excuse.

Elle secoua la tête, le visage barré d'un sourire irrépressible. Elle aurait dû lui refuser la parole, lui faire comprendre qu'elle attendait plus de lui, le faire souffrir de par son silence mais... c'était impossible. Parce qu'au final, elle aurait autant souffert que lui. Et Pansy avait eu sa dose de tourments.

-Oublions ce qui s'est passé.

-Non. Tu as été sincère avec moi et je ne l'oublierai pas. J'ai été aveugle tout ce temps et je m'en veux, je ne sais pas comment... comment réparer ça et...

Sa voix se brisa. Ses yeux étaient plus irrités encore que quelques secondes auparavant. Drago se refusait souvent d'apparaître ainsi en public. « Faible » comme il disait. Mais avec Pansy, c'était différent. Il avait vite compris que la jeune fille ne le jugerait pas et ne divulguerait rien. Avec elle, il se permettait de tout lâcher. Libérer le poids qui pesait sur ses épaules.

-C'est bon. Laisse tomber. Ne te torture pas l'esprit avec ça.

Ses yeux embués de larmes plongèrent dans les siens. Pansy sentit son cœur se déchirer. Elle aurait voulu l'aider, le soutenir mais elle n'était pas censée savoir que ça n'allait pas. Car si Drago s'affichait ainsi, ce n'était pas pour ce qui s'était passé entre eux. C'était en rapport avec sa mère. Bien sûr, il n'aurait pas pleuré pour une stupide déclaration d'amour. Pansy n'était pas le centre de sa vie. Lui pour elle, oui, mais pas l'inverse.

-Il y a autre chose, lâcha-t-elle dans un élan de courage.

Il baissa la tête. Leur main était toujours lovées l'une dans l'autre, à l'abri des regards.

-Je n'ai pas envie d'en parler.

Elle hocha la tête et retira sa main. Un étrange froid se propagea sur sa peau. Rien ne servait à forcer les choses.

Il passa l'heure à l'observer travailler, silencieux. Les mots ne sortaient pas, et peut-être ne sortiraient-ils jamais mais, à l'intérieur, c'était un hurlement déchirant qui le détruisait. Cependant, il garda ça pour lui.

Du Drago Malefoy tout craché.


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