Chapitre II - Mon problème ?
La plage se retourna tout à coup et le lac prit la place du ciel. Pansy se sentit porter sur l'épaule de Drago comme si elle n'était qu'un vulgaire sac de pommes de terre.
-PAR MERLIN ! LÂCHE-MOI !
Elle avait l'horrible impression de tomber en arrière. La panique l'affola et son esprit fut incapable de résonner normalement. La seule chose à laquelle elle pensait était « je vais tomber, je vais tomber la tête la première, me rompre le cou et mourir. Je vais mourir, je vais mourir, je vais mourir. » Un autre hurlement lui arracha les cordes vocales dès l'instant où son corps fut immergé dans l'eau glacée. Et quand elle pensait glacée, elle n'exagérait pas. Durant une fraction de seconde, elle n'entendit plus rien, ne vit plus rien, ne respira plus. Plongée dans un glaçon même, congelée par la panique et la surprise.
Une emprise la tira vers le haut, vers la lumière, telle une main salvatrice. Le son emplit de nouveau ses oreilles, l'oxygène atteint ses poumons. Tout était allé si vite qu'elle n'avait même pas eu le temps de prononcer un seul mot.
-La pauvre, tu l'as tuée là, sonna une voix dans son dos.
Des éclats de rire accompagnèrent cette remarque. Pansy écarta les mèches trempées de devant ses yeux et resta immobile quelques secondes. Drago lui apparut devant elle, le regard pétillant et un sourire franc éclatant sous le soleil ardent.
-Ça va ?
Il se moquait d'elle. Son sourire s'élargit devant son incrédulité. Il se moquait vraiment d'elle.
-Espèce d'imbécile !
Elle se jeta sur lui et frappa son torse. Mais tout ce qu'elle réussit à faire fut de se faire mal aux mains. Il s'empara de ses poignets et l'obligea à le regarder dans les yeux. Pansy fondit sur place. Son souffle caressa sa peau, devenue plus sensible par le bain glacé qu'elle s'était prise.
-Avoue que tu as aimé.
-Non, pas du tout.
Pour détourner le regard, elle trouva l'excuse de sa chemise. Celle-ci était devenue transparente à sa plus grande horreur. Son soutient-gorge cachait sa poitrine mais le rouge gagna tout de même ses joues. Une partie secrète au fond d'elle se satisfaisait de cette situation pour lui faire découvrir les formes de son corps.
-Pourquoi tu détournes toujours le regard ?
Le sang de Pansy se glaça. Il l'avait remarqué.
-Je me préoccupe de mon intimité, là.
-On voit rien, Pansy...
-Si, voit tout.
-Regarde moi, merde !
La surprise l'incita à obéir immédiatement. Il ne souriait plus. Elle l'avait fâché. Par sa faute. Elle se mit à s'insulter mentalement de tous les noms et voulut de nouveau observer tout et rien sauf ce regard gris qui semblait lire ses moindres pensées.
-Tu cherches à m'éviter ou quoi ?
-Quoi ? Non, non ce n'est pas du tout... ce n'est pas ça, c'est juste...
-Dis-moi.
Son cœur chavira. Il y avait tellement de sincérité dans sa voix. C'était comme s'il se préoccupait réellement d'elle mais qu'il se moquait à la fois... La manière dont il lui parlait ne supposait aucune gêne, aucun remord, peut-être parce qu'il pensait ne rien perdre s'il l'offensait, peut-être parce que... Non, c'était stupide.
-Lâche-moi s'il te plaît.
Il se raidit. Il ne comprenait pas, pensait certainement qu'elle ne supportait même pas son contact. Mais comment lui expliquer qu'elle ne se sentait plus capable de prononcer un seul mot si même son cœur lui faisait trop mal pour ouvrir la bouche ? En sa présence, elle n'était rien, muette, sourde, une partie de ce monde à part de ce monde. Elle avait juste besoin de faire quelques pas en arrière, réfléchir à ce qu'elle devait faire et le rejoindre, l'esprit lucide.
-Je te fais mal ?
-Non, c'est juste que... j'ai froid.
-Oh.
Ce n'était qu'un demi-mensonge. En réalité, l'angoisse de faire un faux pas et de le blesser transformait son corps en un torrent de lave. Par ce contraste avec l'eau glacée, elle ne sentait même plus ses jambes, frappée par moment par sa jupe flottante.
-C'est parce que tu ne bouges pas assez, sourit-il tout à coup.
-Non ! Ramène-moi jusqu'au...
Mais un nouveau cri franchit ses lèvres.
Ils passèrent l'heure à s'éclabousser comme des enfants de six ans, les filles parfois hissées sur le dos des garçons pour se battre férocement et faire tomber l'autre. Dans le lac de Poudlard, les éclats de rire se mêlèrent aux giclements de l'eau. La nature observa la scène, rayonnante et tiède en ce milieu d'après-midi.
Alors que le soleil commençait à s'incliner vers l'ouest, les quatre Serpentards s'allongèrent sur le sable, sous l'ombre des grands chênes verts. Les filles appelèrent cela un « séchage corporel », sachant qu'elles n'allaient pas ôter leur jupe et leur chemise pour les sécher à l'air libre. Daphné dut convaincre Théo de garder son pantalon, chose qui plongea Drago dans un fou rire pendant un quart d'heure. À présent, Pansy, placée à ses côtés, écoutait sa respiration. Les deux faisaient semblant de dormir, mais chacun savait l'autre éveillé.
-Pansy ?
-Mmm ?
-Tu avais vraiment froid tout à l'heure ou c'était une excuse pour t'éloigner ?
Elle ouvrit les yeux et s'habitua peu à peu à la lumière vive du jour. Les oiseaux gazouillaient gaiement, l'eau clapotait quelques mètres plus loin. Les longues branches au-dessus de leur tête se mouvaient dans un rythme incessant.
-Tu penses encore à ça ?
Lui fixait le ciel, un point dans l'immensité bleue qui existait seulement dans son imagination. Et elle... elle le regardait, comme d'habitude. Son profil était si parfait, proportionnel à chaque élément qui le constituait. Elle s'efforça de photographier cette image dans sa tête pour ensuite la contempler pleinement.
-Tu es bizarre en ce moment, c'est tout.
-Tu m'as manqué cet été. J'ai plus l'habitude de toi.
Il échappa un petit rire. C'était la meilleure réponse qu'il pouvait donner.
-C'était bien d'ailleurs, la Turquie ? reprit-elle.
-Il fait vraiment chaud là-bas, c'était intenable. Mon père ne sortait pas de son bureau de la journée mais ma mère m'a emmené dans pas mal d'endroits. Un cousin éloigné à elle nous a accompagné.
-Des endroits comme quoi ?
-Le palais de Dolmabahçe, à Istanbul, là où résidaient les sultans auparavant. Ils ont des lustres magnifiques.
-Des lustres, rit-elle. Tu as une vraie obsession pour les lustres.
-Celui du salon de cérémonie était énorme ! s'exclama-t-il, les yeux pétillants. Il pèse 5 tonnes !
-Tu imagines s'il tombe sur ta tête ?
Les deux éclatèrent de rire. Elle voulait que ce moment dure l'éternité. Le voir s'émerveiller lui-même devant ses voyages, l'écouter, savourer le son qu'avait sa voix, encore et encore... Un silence se posa, que seul brisa un oiseau trop bavard.
-Toi aussi tu m'as manqué, lâcha-t-il finalement.
-Ah oui ?
Sans le vouloir, elle poussa un petit rire moqueur. Elle ne le croyait pas. Il disait cela pour lui faire plaisir, la faire rougir, mais ce n'était qu'un mensonge bien formulé. Son sourire retomba et il fronça les sourcils. Pansy se plaça sur le ventre et se redressa sur ses coudes. Quelques mèches trempées retombèrent devant ses yeux mais elle les chassa comme si elles n'étaient que de vulgaires désagréments.
-Tu ne me crois pas ?
Il insistait, en plus.
-Non, Drago, je ne te crois pas. Parce qu'on ne dit pas ça juste à une amie.
-Je...
Il hésita. Pansy bouillonnait. Qu'il le dise, il en avait l'occasion, maintenant ! Il lui suffisait de dire qu'elle était plus qu'une amie et alors tout deviendrait si beau. Tout se démultiplierait, le chant des oiseaux, la brise automnale, le soleil sur sa peau, tout, absolument tout ! Pourquoi ne franchissait-il pas le pas ? Qu'il y avait-il de compliqué à prononcer ces mots qu'elle espérait entendre depuis quatre ans ?
-Quoi ?
-Tu es différente, et tu le sais. Tu es intelligente, incroyablement belle et...
-Arrête. Arrête, s'il te plaît.
Son espoir s'était envolé, comme ça, si rapidement. Il en avait eu l'occasion mais n'avait rien dit. Seulement des mots ayant pour but d'enfoncer le couteau dans la plaie, lui faire croire qu'elle était spéciale mais pas assez pour la considérer plus qu'une simple amie. Elle se releva si rapidement qu'elle eut un instant le tournis, mais ne s'arrêta pas pour autant. Comme elle le détestait, elle le haïssait même, tellement fort, tellement fort... Elle arracha ses chaussettes et sa cravate de la branche, se chaussa si violemment qu'elle rappa sa peau dans l'action.
-Pansy, tu fais quoi là ? demanda Daphné d'une voix endormie.
-Je rentre. Ça ne se voit pas ?
Son ton tranchant la surprit elle-même, mais elle ne s'embêta pas à s'excuser. Ses pas la menèrent vers le sous-bois si rapidement qu'elle n'eut même pas l'occasion d'entendre Drago l'appeler et pousser des jurons. Elle avançait, avançait sans s'arrêter, avançait sans penser, bouillonante de rage et prise d'une fièvre sentimentale. Il n'avait pas le droit de lui faire ça, pas le droit de la faire souffrir autant, non. Mais au fond, elle aurait dû savoir depuis longtemps qu'il s'amusait avec elle. Il n'avait fait que ça, toutes ces années. Convertie en poupée de chiffon, elle ne s'était même pas rendue compte à quelle point elle dépendait de Drago Malefoy... Et elle détestait ça.
-Pansy ! Pansy, attends !
Elle l'ignora royalement. Qu'il coure derrière elle comme elle avait couru après lui toutes ces années. Qu'il sache ce que cela faisait de voir l'objet de son désir s'échapper si brusquement. Qu'il souffre, lui aussi. Ainsi, peut-être daignerait-il de la comprendre.
-Putain, attends j'ai dit !
Il l'attrapa par le coude et l'obligea à faire volte-face.
-Je ne suis pas ton chien, Drago ! lui hurla-t-elle au visage, les yeux embués de larmes.
-Excuse-moi, vraiment, mais qu'est-ce qui te prend ?
-Qu'est-ce qui me prend ? T'es sérieux, là ? Tu joues avec moi, et depuis le début ! Tu dis que je ne suis qu'une amie et tu agis comme si j'étais bien plus que ça ! J'en ai marre, Drago, marre ! Marre d'espérer, marre de vouer tous mes efforts pour te plaire et ne recevoir que de l'indifférence en retour !
-Mais c'est quoi ton problème à la fin ? hurla-t-il à son tour. C'est quoi que tu veux ?
-Mon problème c'est que je t'aime !
Sa respiration se bloqua sous cette révélation. Drago recula d'un pas comme s'il venait de recevoir une gifle. Ses mots résonnèrent entre les arbres, répétés par un échos chuchoté. Une larme coula furtivement le long de sa joue, froide contre une peau brûlante.
-Et ne me dis pas qu'en quatre ans tu n'as pas eu le temps de t'en apercevoir.
Puis elle partit, comme ça, sans un mot de plus. Envolée, comme son espoir de l'entendre avouer la même chose.
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