Chapitre I - Petite virée estivale

Le grattement des plumes était le seul bruit que l'on pouvait entendre dans la salle de classe de Mr Binns. Quelques murmures par ci par là, des regards perdus qui cherchaient une ligne à copier.

-Bien, reprenons, dit le professeur de sa voix toujours aussi monotone, un livre ouvert entre ses mains pâles. Le Pacte Magique, signé en 1885, supposait une réconciliation entre les...

Pansy soupira et reposa sa plume d'un air las. Elle connaissait déjà cette époque par cœur, et le Pacte Magique était quelque chose que le professeur leur expliquait depuis deux ans. D'un coin de l'œil, elle vit Daphné chuchoter toutes les cinq secondes des mots à l'oreille de son ami, Théodore Nott. Ces deux là étaient inséparables. Ils se disaient amis, mais tout le monde savait qu'il y avait bien plus que cela. Plus loin, Granger écrivait avec passion tout ce que prononçait le professeur, ce qui la désespéra encore plus. Millicent, à ses côtés, dormait. Blaise tentait d'écouter et luttait en même temps pour maintenir ses yeux ouverts. Puis, comme elle trouvait que la classe était aussi ennuyeuse que leur enseignant, elle tourna la tête vers Drago Malefoy.

Leurs regards se croisèrent, lui toujours aussi rieur et mesquin, elle brillant et passionné. Il était déjà en train de la regarder. Le cœur de Pansy redoubla sa vitesse de battements. Ce dernier lui sourit, mais c'était un sourire qui supposait quelque chose, celui qu'il utilisait pour transmettre une idée souvent totalement idiote. Elle fronça les sourcils. Il désigna du menton le professeur, puis la porte de sortie dans leur dos. Pansy dut se retourner sur elle-même pour l'apercevoir.

Puis elle comprit. Son cœur bondit hors de sa poitrine. Elle hocha activement la tête, retenant un sourire. Le monologue du professeur sonnait tellement loin qu'elle s'y désintéressa de la manière la plus désinvolte possible. Drago commença à ranger ses affaires et Pansy de même, tremblant d'excitation. Millicent choisit ce moment pour se réveiller de sa léthargie et s'apprêta à lui poser des questions mais Pansy la coupa d'un geste de la main.

Elle se retourna de nouveau et observa Drago. Ses cheveux platines étaient bien coiffés, comme toujours. Sa carrure avait quelque chose de noble et de puissant à la fois ; ses yeux gris étaient si perçants, si beaux, si profonds... Il croisa de nouveau son regard, souriant, puis se concentra sur l'enseignant. Il lui montra discrètement ses trois doigts, signe qu'elle devait être prête à tout moment. Mr Binns, après une ronde interminable entre ses élèves leur tourna le dos. Ce fut son erreur car Drago replia un doigt.

Trois.

Deux.

Un.

Les deux Serpentards délaissèrent leur banc de la manière la plus silencieuse possible et trottèrent jusqu'à la porte en bois. Malheureusement, dans le silence permanent de la salle, leurs pas furent entendus et Mr Binns s'écria :

-Mr Malefoy et Miss Parkinson !

Mais ils en avaient fait trop pour rebrousser chemin. Drago ouvrit avec vitesse la porte, un sourire éclatant aux lèvres. Il s'élança en dehors de la salle, Pansy sur ses talons.

-Cours ! Viens !

Sans prévenir, il lui attrapa la main et l'entraîna dans une course déchaînée à travers le couloir avec, dans leur dos, Mr Binns qui criait :

-REVENEZ ICI IMMÉDIATEMENT !

Mais les deux élèves l'ignorèrent royalement. Les couloirs étaient déserts et libres d'accès, aussi se mirent-ils à courir le plus vite possible, leurs mains entrelacées. Les poumons de Pansy devinrent les flammes d'un feu de cheminée.

Il la tira par la main pour l'inciter à avancer plus vite. Des éclats de voix retentirent dans leur dos. Ils se dépêchèrent, le souffle coupé par le rire et la course. Ils bifurquèrent à droite, puis à gauche sans rencontrer personne sur leur chemin.

-Par là !

Ils passèrent sous l'arcade en pierre, traversèrent la cour intérieure, repassèrent de nouveau dans les couloirs et arrivèrent finalement dans les jardins extérieurs sous un soleil qui semblait rire de leur témérité.

-Attends... lai...laisse-moi... respirer...

Pansy s'appuya sur un mur pour reprendre son souffle, la peau du visage en feu. Par Merlin, elle était vraiment folle de l'avoir suivi. Il rit devant sa grimace.

-Ça va ?

-Vas-y, moque-toi de moi.

Il éclata de nouveau de rire. Le soleil faisait briller sa chevelure platine et la transformait en or. La brise printanière balaya les cheveux bruns de Pansy derrière son oreille. La forêt commençait un peu plus loin où le lac se cachait.

-Tu crois qu'ils nous suivent ? demanda-t-elle, remise de la course.

-Je ne pense pas. J'ai jeté un sort dans un autre couloir pour qu'ils nous croient là-bas.

-Tu as eu le temps de faire ça alors qu'on courait ?

Il répondit d'un sourire éclatant.

-J'ai l'habitude, tu crois quoi.

Elle eut alors du mal à croire qu'il était le fils de Lucius Malefoy. Son père représentait tout le sérieux qu'un homme pouvait posséder et lui... lui n'en avait pas du tout. C'était cela qu'elle aimait chez lui. Le fait que rien n'avait vraiment d'importance.

-Eh ! Attendez-nous !

Pansy sursauta. Daphné et Théodore venaient de jaillir du portique, tout aussi rouges et essoufflés qu'elle plusieurs minutes auparavant. La blonde s'effondra au sol et laissa échapper un souffle rauque.

-Qu'est-ce que vous faites ici ? demanda Drago, surpris.

-On... on a profité que... tenta d'expliquer Théo mais il fut incapable de continuer.

Daphné vint à sa rescousse et se releva sur ses coudes.

-On est sorti quand Binns était dehors à vous poursuivre. Du coup on a pris un chemin différent du vôtre et on a rencontré Rusard...

-J'ai mis un coup de pied monumental à Miss Teigne.

Les deux éclatèrent de rire, encore essoufflés, et Pansy sourit.

-Pour ma défense, je ne l'avais même pas vue. J'ai bronché dedans.

-Du coup Rusard s'est élancé vers son chat et ne nous a même pas suivi. Et Peeves nous a laissé passé, à savoir pourquoi...

-Moi aussi il me laisse passer, sourit fièrement Drago. Il a peut-être un faible pour les Serpentards.

-Bon, on y va ? intervint Théo. Parce qu'en restant ici, ils vont sûrement nous retrouver. Je n'ai pas envie de subir les foudres de Rogue maintenant.

Tous hochèrent la tête et se marchèrent en direction de la forêt. Le soleil réchauffait la terre encore craquelée dû à l'été qui venait de passer. Il faisait encore chaud et les arbres murmuraient entre eux des paroles estivales, entrecoupées par le son des animaux se préparant pour l'automne. Sous le feuillage bouffi de la végétation, le groupe s'enfonçait sur chemin sinueux, échangeant des remarques sur ce qui venait de se passer et éclatant de rire par moment. Pansy sentait toujours le regard de Drago se poser sur elle mais elle n'osait pas tourner la tête, de peur de briser ce moment. Quand il la fixait comme ça, elle avait l'impression qu'un feu embrasait sa peau et que son être entier était fait d'imperfections. Elle voulait être parfaite à ses yeux, agir comme il voulait qu'elle agisse, prononcer les mots qu'il aimait entendre. Elle n'y arrivait jamais mais ces regards lui redonnaient espoir.

Ils arrivèrent finalement sur la baie du lac. Des grands arbres projetaient leurs ombres sur le mélange de terre et de sable. La brise ne les atteignait même pas de là où ils étaient et l'eau paraissait aussi claire que dans une mer de corail. En revanche, la température fut autre chose. Daphné ôta ses bas pour enfouir ses pieds dans l'eau et cria de surprise. Même si la chaleur était notable, la nature marquait déjà la venue de l'automne.

Malheureusement, cela ne découragea pas les garçons. Drago quitta sa chemise d'un mouvement gracieux et calculé. Sa peau brillait sous les rayons lumineux et, sans pouvoir s'en empêcher, Pansy rougit en admirant ses muscles élancés. Il s'élança vers le lac en poussant un cri, suivi de près par Théo. Daphné rejoignit Pansy qui s'était assise sur le sable, le visage tourné vers la partie intéressante du paysage.

-Il est gaie en ce moment, Drago, commenta la blonde.

-Ça durera quelques jours, tout au plus, soupira-t-elle. Comme d'habitude quoi.

Drago était ainsi et l'avait toujours été. Un rien pouvait le rendre sombre, fermé et personne ne pouvait lui redonner le sourire. Puis, quelques jours plus tard, il se remettait à blaguer comme si rien ne s'était passé.

-Ça fait des semaines qu'il est ainsi, rétorqua Daphné. Tu devrais en profiter.

-En profiter pour quoi ?

Elle lui lança un regard noir.

-Tu sais très bien de quoi je parle. Ça fait quatre ans que tu le regardes comme s'il était la seule raison de ton existence. Un jour, il faudra avancer d'un pas.

Pansy ne répondit pas. Elle savoura la douce brise qui caressait son visage et sa frange qui lui chatouillait le front. Les cris des garçons parvenaient jusqu'à ses oreilles comme un bruit de fond.

-Et toi ? dit-elle finalement, les yeux fixés sur le sable qui coulait entre ses doigts. C'est quand que tu vas faire le premier pas avec Théo ?

-Je ne sais pas. J'ai juste envie de le laisser faire et voir comment ça se passe.

-Il ne le fera jamais.

-Alors ça voudra dire qu'il ne m'aime pas.

Ces mots sonnaient si cruels. Mais Pansy comprenait son amie. La plupart des Serpentards étaient déjà sortis avec elle, mais l'amour restait souvent absent. Daphné avait juste besoin d'attention, de regards amoureux, de poèmes cachés dans un bouquet de roses. Tout ce qu'elle avait réussi à obtenir, c'était des remarques acerbes, des baisers ternes et un sentiment désagréable d'être plus un objet que l'on possède qu'une personne à aimer. Pansy n'arrivait pas à savoir si Théo était le bon choix. Il n'était pas meilleur que les autres, ni semblait accorder d'importance à ses agissements. Attendre désespérément qu'il fasse le premier pas risquerait de la briser.

-Ils ne méritent pas que l'on souffre pour eux, conclut-elle.

-Mais est-ce qu'on a le choix ?

Ce fut à ce moment que Drago décida de sortir de l'eau pour se diriger vers elles, éparpillant dans le sable des centaines de gouttelettes. Pansy détourna le regard, rougissante.

-Vous venez ? Elle est froide au début mais une fois dedans, c'est agréable.

Même sa voix lui donnait envie de se coller contre lui, l'entendre parler des heures, s'assoupir sur son torse et entendre son cœur battre. Boum boum. Boum boum. Pansy ferma les yeux. Elle donnerait tout pour vivre ces moments.

-Pansy ?

Elle rouvrit les yeux et croisa le regard gris de Drago. S'il savait qu'elle pensait à lui en cet instant même...

-Tu viens ?

Daphné s'était déjà laissée conduire par Théo et trempait ses jambes millimètre par millimètre, le visage tordu en une affreuse grimace.

-Je n'ai pas de maillot de bain.

-Tu crois que moi si ? rigola-t-il.

-C'est... différent. Nous, les filles, on a certaines choses qui...

Mais elle poussa un hurlement strident avant de pouvoir terminer sa phrase.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top