𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟖 (corrigé)
Leo demeurait muet, figé comme une statue. Depuis que son frère avait ouvert la bouche, il n'avait pas perdu une miette de ce qui venait de lui être révélé. Pourtant, les mots semblaient glisser sur lui sans parvenir à se loger dans sa conscience.
Sa mère était morte. Son père avait disparu. Et voilà qu'on lui apprenait qu'il avait une petite sœur.
Unbelievable.
[Incroyable.]
— Leonard ? fit Anthony en cherchant son regard.
Le militaire releva la tête, ses yeux sombres voilés par une étrange opacité.
— Et elle, c'est Mia, c'est ça ? demanda-t-il d'une voix sourde.
La fillette osa tourner légèrement la tête vers lui, son visage encore à moitié dissimulé derrière ses longs cheveux blonds.
— Oui, c'est ça, confirma Anthony.
— D'accord.
Sans un mot de plus, Leo attrapa son manteau posé sur le dossier d'une chaise et quitta l'appartement d'un pas sec, abandonnant son lourd sac militaire dans l'entrée. La porte claqua derrière lui, laissant la pièce plongée dans un silence pesant.
Anthony laissa échapper un profond soupir, tandis que Matthew et Thomas se perdaient chacun dans leurs pensées. Le temps sembla suspendu, alourdi par l'absence de Leo.
Puis, contre toute attente, une petite voix fragile vint briser ce silence :
— P-Pardon Tony... je suis trop nulle. Je devrais être avec maman... dans les nuages...
Anthony baissa aussitôt les yeux vers elle et s'abaissa à son niveau. D'un geste tendre, il la plaça face à lui.
— Sweetheart... soupira-t-il tristement. Ne redis jamais ça. Tu n'es pas un problème, d'accord ?
[Ma puce...]
— Tu es une magnifique petite princesse, renchérit Tommy avec chaleur.
— Et tu es notre adorable petite sœur à nous, ajouta Matthew en s'approchant.
Il pinça doucement le petit museau de la fillette, arrachant à Mia une esquisse de sourire timide. Tommy, à son tour, vint déposer un baiser délicat sur sa tempe.
Anthony reprit, sa voix plus grave :
— C'est pour ça que tu ne dois jamais refaire ce que tu nous as fait aujourd'hui, d'accord ma puce ? Ce que tu as fait était vraiment dangereux. Si Leo n'avait pas été là, il aurait pu t'arriver quelque chose de très grave.
Les grands yeux de la fillette se voilèrent, et son regard se perdit dans le vide.
— E-Est-ce que Leo est mon frère aussi ? demanda-t-elle dans un souffle tremblant.
— Yes, sweetheart, he is.
[Oui, ma puce, il l'est.]
— E-Et... est-ce qu'il va me détester ?
Anthony baissa les yeux, la gorge serrée.
— Sweetie... murmura-t-il tristement.
[Chérie...]
— Non, il ne te détestera pas, répondit Matthew avec assurance. Et puis, de toute façon, tu ne resteras pas souvent avec lui.
La petite acquiesça timidement, sans parvenir à dissimuler l'ombre de peur qui passait encore dans ses yeux.
Anthony prit un ton plus sérieux.
— Ma puce, regarde-moi. Maintenant que tu t'es calmée, je veux que tu me dises pourquoi tu t'es enfuie tout à l'heure.
Mia baissa aussitôt la tête et se mit à tortiller ses doigts, incapable de répondre.
— Honey, look at me.
[Mon ange, regarde-moi.]
Elle leva lentement son regard vers celui de son frère.
— Je me doute de la réponse... mais je veux t'entendre le dire.
— ... B-Because I don't wanna go to school, lâcha-t-elle finalement, la voix brisée.
[Parce que je ne veux pas aller à l'école.]
— Et pourquoi tu ne veux pas y aller ?
De nouveau, le silence s'installa. Ses petites mains tremblaient.
— Baby... souffla Anthony, en soulevant doucement son menton.
[Bébé...]
Il aperçut alors des larmes rouler sur ses joues pâles. D'un mouvement instinctif, il la serra contre lui, l'enveloppant de ses bras.
Matthew et Tommy échangèrent un regard inquiet, attendant une explication de la part de la petite. Mais Anthony, d'un simple coup d'œil, leur fit comprendre que ce n'était pas le moment.
Alors qu'il réfléchissait déjà à la manière d'ouvrir la parole à Mia, une vibration discrète secoua la poche intérieure de sa veste.
— Matt, Tommy, occupez-vous d'elle. C'est le boulot, je dois répondre, déclara Anthony en laissant Mia près de son frère cadet.
Puis il disparut dans le couloir de l'étage et s'enferma dans son bureau.
Un instant d'hésitation passa avant que Tommy, maladroit mais volontaire, ne pose une main réconfortante dans le dos de la fillette. Matthew, de son côté, attrapa la petite et la déposa sur le canapé. Ainsi, il prit place face à elle et se pencha à sa hauteur.
— Choupette, je sais que la vie n'est pas toujours facile. Mais c'est en parlant que ça va mieux, et surtout, c'est en parlant qu'on s'en sort. Alors dis nous tout... on est là pour t'écouter.
La petite leva ses yeux embués vers lui, fragile et hésitante.
— Wow ! s'exclama Tommy. C'est la première fois que je te vois être aussi doux avec une nana ! D'habitude c'est plus violent, si tu vois ce que je veux dire...
— Shut up, little brat. rétorqua Matthew avec un air agacé. Anyway, Mia... pourquoi tu ne veux pas aller à l'école ? Qu'est-ce qui s'est passé là-bas ?
[La ferme, sale morveux. Bref...]
Les yeux de la petite brillaient encore, ses lèvres tremblaient.
— J-je veux p-pas y aller... parce que les enfants étaient tous m-méchants avec moi...
Un frisson de colère traversa Matthew. L'idée que son petit ange ait pu être maltraitée lui serrait la poitrine. Déjà, il avait eu du mal à avaler ce que Tony lui avait raconté à propos de leur beau-père ; voilà qu'un autre coup venait s'abattre sur lui.
Même Tommy, malgré son air enfantin, prit un visage fermé. Lui qui plaisantait si souvent devenait une autre personne dès qu'on osait toucher à ceux qu'il aimait.
— Et qu'est-ce qu'ils t'ont fait, ces méchants ? demanda Matthew, tâchant de garder une voix calme.
— Bad things.
[Des mauvaises choses.]
— What kind of bad things, baby ? insista doucement Tommy.
[Quel genre de mauvaises choses, mon cœur ?]
Mia inspira profondément, comme sa mère lui avait appris à le faire pour trouver du courage.
— L-les filles m-me disaient tout le temps que j'étais une peste et que j'étais pas belle... et les garçons... les g-garçons me poussaient contre les murs...
Matthew baissa la tête, ses poings serrés.
— Putain... souffla-t-il. Et maman, elle a fait quoi pour arranger les choses ?
— J-je lui ai rien dit... elle était déjà trop triste à cause de Éric. Et la maîtresse d-disait que c'était pas bien d'accuser des camarades q-qui venaient d'ailleurs...
Tommy grinça des dents. Sa respiration s'accéléra, ses poings tremblaient. Pour éviter d'exploser devant Mia, il préféra s'éclipser, prétextant devoir se changer après l'eau que Leo lui avait renversée.
Matthew serra doucement les petites mains de sa sœur dans les siennes.
— Bon, petite chérie... je sais que ça a été dur. Mais maintenant, tu es avec nous. Et on ne laissera personne t'embêter, jamais. D'accord ? Alors, fais-nous plaisir : essaye au moins d'aller à l'école les premiers jours. Et si ça se passe mal... Tony et moi, on trouvera une autre solution.
Mia hocha timidement la tête.
Matthew posa alors son doigt contre son petit cœur, à gauche de sa poitrine.
— Je ne laisserai jamais personne atteindre le cœur de ma princesse, tu m'entends ?
Les yeux de Mia s'emplirent d'émotion, et, réconfortée, elle se jeta dans les bras de son grand frère.
Ce qu'elle ne savait pas encore, c'était que les obstacles devant elle étaient loin d'être terminés.
Et surtout... elle ignorait encore jusqu'où ses frères étaient prêts à aller pour la protéger.
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