14. Lakmé (1/2)
ATTENTION : Les chapitres 14 et 15 comportent des sujets sensibles. Je vous recommande de bien prendre connaissances des TW avant.
En cas de mal-être durant votre lecture, n'hésitez pas à arrêter cette dernière et à reprendre au chapitre 16. Ces chapitres étant des flash-backs, leur non lecture ne gêneront en aucun cas la bonne compréhension de l'histoire.
Prenez-soin de vous.
TW : Manipulation
Les yeux émerveillés de Kuchel ne savaient où se poser tant les animations de la ville l'attiraient. Jamais elle n'avait vu tant de foule, tant d'habit de couleur ou tant de détail dans les arabesques des moulures aux fenêtres. La jeune femme s'imaginait déjà parcourir les rues avec une de ses longues robes colorées qu'elle avait vu porté par moult femmes depuis son arrivée.
- Nous allons par ici, la sorti Monsieur Jerkins de ses pensées, amusé par les réactions de sa nouvelle protégée.
Les joues rougies d'embarras de s'être laissée aller comme une petite fille, Kuchel le suivit dans une simple ruelle perpendiculaire à la rue passante. Les rayons de soleil éclairaient peu les façades des murs et pourtant, la brune se sentit en sécurité dans ce passage. Au loin, elle aperçut un perron accessible par quelques marches en bois. Son tuteur n'eut pas à lui dire qu'il s'agissait du lieu où ils allaient, car elle le devina de suite. Malgré elle, elle se sentait attirée par cette porte qui pourtant ne se différenciait pas des autres.
Tentant, tant bien que mal, de se retenir de courir et de l'ouvrir pour découvrir ce qui se cachait en son sein, Kuchel suivait au pas son mentor qui semblait prendre un malin plaisir à ralentir son rythme, rendant l'attente de plus en plus complexe. Jusqu'au moment de la libération où leurs pas, firent craquer le plancher de bois vieillis par toutes ces années et que l'homme ouvrit la porte. Seul le noir les accueillit, si bien que Kuchel ne saurait dire si elle était dans une salle ou dans un couloir. Devant elle, Monsieur Jerkins tâtonna un instant avant de trouver ce qu'il cherchait contre le mur, un simple interrupteur qui, à son activation, provoqua un léger cliquetis. En dépit de ce geste, l'obscurité était toujours présente, mais le cœur de Kuchel ne cessait de battre à tout rompre comme si quelque chose de spécial venait de se passer. Son ventre se tordait d'excitation tant qu'elle eut l'impression de ne plus pouvoir respirer normalement.
- Juste devant, viens.
D'un geste doux, son mentor lui attrapa la main, avant de pousser le rideau qui obstruait toute la lumière des lieux. Devant elle se tenait une salle vide. Une véritable salle d'opéra où les sièges s'étendaient plus loin qu'elle ne pouvait compter les rangées. Sur le côté, les balcons décorés avec goût pour que les gens importants puissent se montrer et se pavaner devant le petit peuple. L'odeur de la cire fraîche lui montait au nez mélangé aux autres produits ménagers qui venait sans doute d'être passé.
Sans s'en rendre compte, elle ferma les yeux pour mieux happer les différentes ondes qui chargeaient l'air de ce lieu qui l'avait tant fait rêver depuis qu'on lui avait décrit. Elle adorait se tenir là, sur cette scène à s'imaginer chanter et se faire applaudir par un grand public.
- Bientôt, tu ne pourras plus t'en passer.
- Je pense que c'est déjà le cas, souffla la nouvelle soprano.
L'homme émit un léger rire face à cette remarque sortie le plus naturellement avant de reprendre la discussion.
- Nous avons encore beaucoup à voir et à faire. En route.
- Tu as une bonne voix, mais la respiration reste encore trop approximative, concentre-toi dessus en premier lieu.
Tout sourire, Kuchel répondit dans un hochement de tête avant de recommencer ses différentes gammes une nouvelle fois. Elle ne savait combien de fois son professeur lui avait demandé de recommencer, mais elle s'en fichait. Le bonheur d'apprendre et de s'améliorer la faisait tenir contre toute épreuve. On ne devenait pas une soprano sans travail. Seul le surpassement de soi était un moyen d'arriver à ses fins. Voilà plus d'un mois qu'elle s'entraînait tous les jours sans relâche, enchaînant cours de chant, de langue et d'expression corporelle sans jamais se plaindre. Jamais les jours n'avaient été si longs, et pourtant, le temps passait à toute vitesse. Même si elle sentait ses différents progrès, ses derniers n'allaient pas assez vite à son goût. A ce rythme, elle n'arriverait pas à monter sur scène avant deux ans.
- On va s'arrêter là pour aujourd'hui, cessa finalement le professeur trente minutes plus tard. Monsieur Jerkins souhaite te voir dans son bureau, n'arrive pas en retard.
Poliment, elle salua le professeur de chant avant de s'en aller à vive allure dans les couloirs menant au bureau du directeur artistique. Elle savait que ce dernier avait horreur d'attendre et elle n'avait aucune envie d'être houspillé par lui.
La porte de son bureau était la plus reconnaissable du couloir. Outre la couleur du bois qui contrastait avec ceux des murs blanchis par le temps, elle avait été agrémentée d'un vitrail rouge magenta dont la scène qu'il représentait était encore sujet à nombreux débats. La première fois, qu'elle l'avait vu, elle ne peut s'empêcher de penser que la décoration était d'un goût plus que douteux. Cependant, son mentor lui avait expliqué que le bureau devait refléter le poste qu'on occupait, ainsi plus haut gradé, on était, plus onéreux devait être la décoration.
D'une poigne assurée, elle toqua attendant quelques secondes qu'on l'invite à pénétrer dans la salle. Si ce n'était le bureau en acajou arrondi ou le lustre de cristal suspendu au-dessus, la pièce ne comportait aucune décoration ostentatoire la rendant vide et froide. Seuls les rayons de soleil qui venaient se réfracter contre les murs blanc crème apportaient un peu de chaleur à la pièce. Même le parquet, parfaitement ciré, ne comportait aucun défaut, aucune striure visible. Ce manque d'ornementation mettait mal à l'aise la soprano dès qu'elle pénétrait les lieux, qui empêchaient à quiconque d'en savoir plus sur la personnalité du propriétaire.
- Entre Kuchel et assieds-toi. J'ai bientôt fini, l'invita à s'installer la voix chaude de l'occupant des lieux.
Simons Jerkins était comme à son habitude parfaitement accoutrée. Sa chemise sur mesure était d'un bleu charron qui soulignait parfaitement sa chevelure noire et qui s'accordait avec le costume gris qu'il venait de s'offrir. Malgré sa quarantaine passée qui commençaient à se voir par les rides sur son visage, l'homme conservait l'allure de ses vingt ans et savait jouer de ses charmes pour arriver à ses fins. Fin orateur, il pouvait convaincre quiconque lui parlait ou lui demandait son avis sûrement aidé par ses deux grands noirs dans lesquelles on plongeait volontiers.
- Alors, commença-t-il faisant tapoter les feuilles qu'ils venaient de signer pour les réarranger, comment se passent les différents enseignements ?
- Je les trouve vraiment formidables. Toute cette technicité, ses nuances et ses efforts, pour y parvenir sont un peu comme (elle chercha ses mots quelques instants, peu sûr de ce qu'elle voulait dire.) comme un renouveau.
- Je comprends ce que tu veux dire. C'est vrai que dans ton village, tu n'as rien dû connaître de tel. Les professeurs m'ont également fait des retours à ton sujet. Ils disent que tu es une élève modèle avec une soif d'apprentissage insatiable. Continue de travailler aussi dur et peut-être que dans quatre ans, tu pourras avoir un second rôle.
L'espace d'un instant le visage de Kuchel se décomposa, perdant ses teintes rosées caractéristiques de l'enfance. Quatre ans ? Cela lui semblait une éternité surtout pour jouer un second rôle. Son niveau de base était-il si mauvais que ça ?
- Eh bien ? Je pensais que c'était une nouvelle qui te réjouirait.
- Je suis contente que tout le monde croit en moi comme ça, mais... quatre ans, cela semble si long, finit par soupirer la femme, peu fière de ses pensées.
Un silence étouffant commença à s'installer dans la pièce. Tandis que Kuchel perdant de plus en plus ses couleurs de peur d'avoir dit une bêtise, elle pouvait sentir le regard transperçant de son mentor sur elle. Mise à nu comme jamais auparavant.
- Tu as parfaitement raison, c'est long, mais c'est la durée normale pour une personne qui travaille dur, après il y a bien sûr une façon d'y arriver avant. (La tête de la brune se releva à ses mots alors que ses yeux pétillèrent de savoir qu'elle pouvait peut-être réaliser son rêve plus tôt que prévu.) Travailler encore plus dur.
La grimace contrôlée de la jeune femme le fit tiquer, mais il continua son discours avec le ton le plus sérieux qu'il pouvait avoir.
- Entraîne-toi plus, réveille-toi plus tôt pour parfaire ta culture du théâtre et de l'opéra, perds moins de temps à discuter avec tes camarades. Fais-en plus. On ne devient pas le meilleur sans sacrifice Kuchel, j'espère que tu en as conscience.
- Oui Monsieur.
- Ne t'en fais pas, je sais que ça semble irréalisable dit comme ça, mais fais-moi confiance. Je suis là pour t'aider. Tu as un grand potentiel, je ne suis là que pour le faire ressortir aux yeux du grand public.
Ses yeux perçants par la faire baisser le regard. Il savait le fond de ses pensées, à quel point elle doutait de ses compétences et pourtant, il arrivait toujours à trouver le mot juste pour la motiver. Au fond, il avait raison. Pendant tout ce mois, elle s'était contenté de suivre le mouvement de faire ce qu'on lui disait. Il était temps pour elle de prendre les devant et de faire plus. Elle s'était promis de devenir la meilleure soprano de cette ville, avoir un peu moins de sommeil n'allait pas la tuer.
- Je vais faire de mon mieux, je ne vous décevrais pas.
- Parfait ! J'aime cette fougue. Écoute tous mes conseils et tout ira pour le mieux. Et surtout n'oublie pas, même si je peux paraître dur, je serai toujours de ton côté.
On commence tout en douceur les chapitres sur le passé de Kuchel. J'espère que cette première partie vous aura envie d'en connaitre davantage.
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, si les sentiments de Kuchel sont assez visibles et communicatifs.
Toujours un grand merci à @SoleneDelorme pour ces précieux conseils.
A vendredi prochain ~
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