11. Rigoletto (1/2)

Comme à son habitude, avant de commencer sa journée de travail, Jean s'était installé à la terrasse du café lisant tranquillement les nouvelles du jour. Attaché aux traditions, il prenait plaisir à acheter son quotidien dans un kiosque, avant de se poser de huit heures moins le quart jusqu'à huit heures trente dans le café de l'esplanade saluant de loin ses collègues qui se dirigeaient déjà vers les loges. Le châtain regardait toujours avec amusement et lassitude cette habitude qu'avaient les autres musiciens de venir tôt dans l'espoir de s'entraîner et de s'améliorer. Lui avait très vite compris, que pour le commun des artistes, arrivé à un certain stade, il n'y avait plus de progrès. Le niveau finissait par stagner, tout en était suffisant pour combler les quelques amateurs de musique ou les chefs d'orchestre virulents qui souhaitaient que tout soit parfait. Seuls les véritables virtuoses avaient la possibilité de se développer toutes leurs vies cherchant la perfection à chacune des notes qu'ils produisaient. La musique n'était plus passion, mais devenait vitale, engrangeant une souffrance sans fin. Livai et Mikasa en étaient les parfaits représentants, ne semblant jamais sourire du fond de leur cœur. Véritables génies, en une seule note jouée, tout le public était transporté dans un monde onirique empli d'émotions plus fortes les unes que les autres. À son niveau, le violoniste pouvait déjà s'avérer chanceux de côtoyer des personnes aussi douées.

— Et voilà ton café ! le coupa Marco dans ses pensées, faisant teinter la porcelaine sur la table.

— Merci, alors comment ça va aujourd'hui ? questionna Jean au patron du café, désormais devenu ami, le retirant de sa contemplation.

— Toujours la même rengaine. Pas assez de personnel, ma mère qui m'appelle tous les soirs pour savoir quand je vais la voir, le beau temps. Et toi, quelles sont les nouvelles du monde ?

— Rien de nouveau depuis hier, entre les feux de forêt et les cambriolages des maisons de stars, on ne peut pas dire que c'est la joie, soupira le client avant d'ouvrir un de ses spéculoos en sachet et de le tremper dans son café.

Le patron du café sourit en voyant son client manger un morceau du biscuit avant de le replonger dans la boisson. Il recommençait méthodiquement son manège jusqu'à la disparition complète de son gâteau et de prendre enfin une gorgée du liquide.

— Le monde va mal, mais heureusement, on a la musique et le café, finit par sourire Marco. J'ai oublié de te demander hier quand rejouerai la troupe de la Liberté.

Jean sourit face à la remarque, Marco faisait partie de ce genre de personne qui essayait toujours de voir le côté positif des choses et de rendre le sourire aux gens autour de lui. Certains diraient qu'il s'agissait tout simplement d'un sot à ne pas comprendre les réels enjeux, ou bien qu'il était trop naïf. Cependant, le châtain savait qu'il n'en était rien, derrière son grand sourire le patron du café était bien plus réfléchi que la plupart des personnes et d'une grande pureté. Avec une oreille attentive, il prenait toujours à cœur d'écouter les récits de ses clients, sans jamais les juger ou prendre part. Il était un psychologue de comptoir qui permettait aux gens de se relâcher sans honte.

— Le prochain opéra sera dans deux semaines, mais on a pas mal de répétitions avant. Si tu veux, je peux m'arranger pour que tu viennes.

— Je ne peux pas m'absenter dans la journée, soupira le gérant, mais je viendrai avec plaisir voir l'opéra.

— Je vais te prendre une place alors.

— Hors de question, le coupa d'un coup Marco, je tiens à payer la place au même titre qu'une autre personne. L'argent sert à vous soutenir et tout travail mérite salaire. (D'un signe de la main, il salua un habitué qui quittait le café.) Techniquement, ça sera l'argent que tu dépenses dans ton café matinal qui va y passer.

Après une brève œillade et un silence, les deux hommes rirent ensemble de cette blague, avant que Jean ne finisse par obtempérer. L'envie de discuter des principes des autres lui était passée depuis bien longtemps.

Remarquant l'heure sur sa montre, il but d'un trait son café tout en récupérant méthodiquement du bout de sa langue les miettes perdues du biscuit qui avaient coulé au fond de la tasse.

— On ira prendre un verre ensemble après la représentation si ça te va. (Il se leva de son siège attrapant son porte-monnaie coincé dans sa poche interne et laissa cinq euros sur la table. Puis, du bout des doigts, il souleva la valise contenant son instrument.) Je te laisse, je vais être en retard. À demain.

Sans laisser le temps à Marco de répondre, il déguerpit rapidement de peur de s'attirer les foudres du chef d'orchestre, sous les yeux amusés de son ami. Ce dernier soupira avant de prendre la commande d'autres clients qui s'étaient installés en terrasse. Encore une fois, il n'avait pas eu le courage de se lancer et d'inviter le violoniste à une soirée en tête-à-tête. Jean était un homme facile à comprendre et à aucun moment ses yeux ne lui avaient montré un quelconque intérêt. Ils étaient amis et leur relation s'arrêtait là. Parfois, ce constat chagrinait Marco, d'autres jours cela lui suffisait, tout dépendant de son humeur. Cependant, depuis qu'il le connaissait, le châtain avait toujours réussi à faire battre son cœur.

Dans un sourire sincère, le gérant remercia les clients de leur commande et se hâta de transmettre l'information à son barman. Deux cafés, dont un noir sans sucre, comme celui que prenait Jean quotidiennement. Le brun soupira de nouveau à cette pensée, il ressemblait de plus en plus à un enfant devant son premier amour. En y réfléchissant cette comparaison lui plaisait bien, peut-être que c'était tout simplement, un premier véritable amour. Rapidement, le sourire lui revint, un doux sourire faisant légèrement plisser ses yeux, il attrapa la commande sans un mot afin de la rapporter aux commanditaires. De derrière son bar, Marcel s'amusait de tous les échanges et réactions de son patron.

- Un jour, souffla-t-il pour lui-même, un jour, c'est certain.

Un chapitre tout doux pour cette reprise~

Alors que pensez-vous de nous deux nouveaux protagonistes ? Marco est vraiment une crème toute douce qu'on aimerait protéger <3

Un grand merci à @SoleneDelorme pour ces corrections et conseils ! 

On repart pour dix semaines de chapitre ! Accrochez-vous les sensations fortes ne vont pas tarder ! 

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